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Une pluie de septembre
8/10 Vous aimez David Joy ? Alors vous allez adorer Anna Bailey !
Bien qu'anglaise, cette jeune autrice d'à peine trente ans a vécu plusieurs années aux USA, dont un certain temps dans une de ces communautés religieuses qu'elle dépeint ici à merveille dans son premier roman. Fanatisme, intolérance, discours de haine savamment orientés pour viser les indésirables au sein de cette petite ville du Colorado, mais aussi grandir au sein de familles toxiques, violence intrafamiliale, alcoolisme, découverte de l'homosexualité, amitié, parents démissionnaires, harcèlement scolaire : cette liste des thèmes abordés pourrait à priori rebuter le lecteur en quête d'une "simple" bonne lecture. Qu'il se rassure, Anna Bailey a un talent hors normes autant pour camper ses personnages tout en finesse et leur donner vie sans manichéisme, que pour planter son décor, décrire un paysage ou une ambiance en seulement deux phrases de toute beauté.
Elle est aussi une reine de l'atmosphère, ici bien poisseuse et pourtant jamais totalement plombante grâce à l'évolution de ses personnages au fil de l'intrigue. Et puis, quelle écriture, bon sang ! J'ai commencé à noter plusieurs passages et, finalement, j'ai laissé tomber tellement les phrases somptueuses étaient nombreuses. Or, avec Anna Bailey, il ne s'agit pas juste de "jolies phrases" - évidemment elle a une plume splendide - mais surtout de sa capacité à capturer en seulement quelques mots des sentiments, des atmosphères ou des émotions d'une justesse à fendre l'âme. Même ses descriptions d'un décor ou d'une lumière particulière sur un visage sont si pertinentes et graphiques qu'elles impriment instantanément dans votre cerveau des images indélébiles.
Ce clair-obscur baigne non seulement tous ses personnages, dont la part d'ombre ne sera révélée que petit à petit, mais aussi son intrigue, qui se concentre ici moins sur l'enquête à proprement parler d'un shérif qui semble incompétent que sur la quête d'une adolescente rongée par la culpabilité qui cherche à faire la lumière sur ce qui a pu arriver à sa meilleure amie.
Anna Bailey nous livre ici un premier roman noir de toute beauté, tout en finesse et subtilité, et fait déjà preuve d'un talent rare. Une plume à découvrir et à suivre : ça tombe bien, son prochain roman, Nos derniers jours sauvages, paraîtra en mars chez Sonatine, chaudement recommandé par Chris Whitaker et Paula Hawkins. Pas de doute, je serai au rendez-vous.18/12/2025 à 20:32 4
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Cartel 1011 : Les Bâtisseurs
7/10 « Vous qui entrez ici, abandonnez toute espérance. »
J'ai lu ce Cartel 1011 : Les bâtisseurs il y a plusieurs mois (au printemps il me semble) et je suis partagé : d'un point de vue documentaire je le trouve absolument remarquable et même nécessaire (voire salutaire - c'est dire !), en revanche d'un point de vue romanesque je le trouve... raté.
J'ose le mot car à la base je voulais adorer ce bouquin (je l'ai acheté en GF à sa sortie), mais à sa lecture j'ai été décontenancé par son manque d'intrigue. Ou plutôt par son intrigue qui ne démarre réellement qu'à partir du milieu, il m'a semblé. Et quand je parle d'intrigue, je parle de l'apparition des flics et du démarrage de leur enquête. Pour être tout à fait honnête, j'ai même eu l'impression que l'intrigue en elle-même ne commençait qu'à la fin du livre, et que ce 1er tome fonctionnait un peu comme une introduction à la suite. Le problème, c'est que sur plus de 500 pages, ça fait trop peu !
Pendant au moins la première moitié, les chapitres se succèdent, mettant en scène différents personnages (qu'on finit par retrouver quelques chapitres plus loin), comme une succession de nouvelles sur un thème (vaguement) commun. Mais c'est le lecteur qui imagine ou subodore les liens qui vont se tisser entre ces scénettes - et je suppose qu'on aura la confirmation dans le tome suivant. Autant j'aime beaucoup quand un auteur ne mâche pas tout le travail du lecteur et laisse des zones de non-dits, autant j'ai trouvé dans ce 1er opus que l'auteur abusait un peu de ce principe.
Et c'est là, je trouve, la grande différence avec un Don Winslow et sa trilogie Art Keller, même si évidemment on retrouve la même thématique du trafic de drogues internationalisé et mondialisé et ses liens avec les multinationales. Winslow n'oublie pas, lui, de créer une vraie intrigue dans La griffe du chien, à travers l'enquête que va mener Art Keller qui apparaît dès le 2e chapitre (si mes souvenirs sont bons). Avec Kopping, il faudra attendre plusieurs centaines de pages avant que l'enquête prenne forme.
Toutefois, ce qui à mes yeux sauve ce livre, c'est son exceptionnelle valeur documentaire, sorte de mise à jour terrifiante de La griffe du chien 20 ans après. Avec une écriture sèche et directe, sans fioritures, il dépeint les rouages plus ou moins souterrains d'un monde gangréné jusqu'à la moelle, à faire perdre espoir au plus chevronné des coachs en zénitude et développement personnel et à rendre misanthrope l'humaniste le plus convaincu ! C'est vraiment la lie de l'humanité qu'on croise dans ce roman, et c'est particulièrement éprouvant à lire tant il ne semble pas y avoir la moindre lueur d'espoir.
Bref, voilà pourquoi je ne peux pas mettre moins de 7 à ce roman, car il nous force à ouvrir les yeux sur les dérives insoutenables d'un système ultra-libéral qui considère le vivant - homme et animal - comme une matière première comme une autre, qui n'a aucune autre valeur que l'argent qu'elle peut potentiellement rapporter. Et quand ce sont de grandes entreprises multinationales qui, derrière leurs façades proprettes entretenues par leurs relations publiques et des médias corrompus, se comportent en sous-main comme les plus sauvages des criminels, c'est tout un système qui est pourri jusqu'à l'os et qu'il devient urgent d'abattre.
Voilà ce qui sauve à mes yeux ce roman qui, en dépit d'un manque cruel d'intrigue et de moteur romanesque, reste une lecture marquante et salutaire.
PS : Je l'ai lu avec intérêt pendant les vacances, donc avec des plages de lecture prolongées, mais pour celui qui ne lira par exemple qu'un chapitre par jour, je comprendrais qu'il s'agace et finisse peut-être même par laisser tomber. Non pas parce qu'il y a des longueurs, mais tout simplement par ce manque d'intrigue.
Et avec 7, je me considère comme assez généreux, car je suis conscient qu'on n'est pas ici au rayon "documentaire / non-fiction"... Et ça ne m'étonnerait pas que d'autres lecteurs plus sévères ne lui mettent même pas la moyenne pour cette raison.17/12/2025 à 20:58 6
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Les Routes oubliées
7/10 J'avais lu cet été Les routes oubliées, son 1er roman, je l'avais trouvé assez bien foutu et divertissant, mais assez éloigné de la "claque" à laquelle je m'attendais au vu des nombreux éloges récoltés par cet auteur. J'avais d'ailleurs lu un retour en ligne qui parlait de livre assez formaté qui rappelait les petites productions Netflix, un avis qui visait juste et m'avait permis de mettre le doigt sur un ressenti étrange que j'avais eu.
Certes, on passe un bon moment - bien que la 2e moitié plutôt prévisible manque un peu de souffle et de surprise -, c'est un rural noir correct, mais que je n'ai pas non plus trouvé transcendant (très loin de m'avoir fait l'effet d'un Bull Mountain de Brian Panowitch, par exemple). Quant aux persos, si certains (les Noirs) sont intéressants car suffisamment creusés et crédibles, d'autres (les Blancs - foncièrement bêtes et méchants...) sont des caricatures.
Mais peut-être s'est-il amélioré avec ses romans suivants ?13/12/2025 à 19:15 6
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Mirror Bay
5/10 Catriona Ward a beaucoup de talent pour exploser tous les codes et cadres habituels du thriller psychologique et horrifique. Rien n'est balisé dans ses textes, et il faut se laisser porter par la narration et accepter de ne parfois pas tout comprendre. Je le savais et j'ai apprécié le premier tiers de ce Mirror Bay, aux forts accents de roman d'apprentissage, dans une ambiance qui rappelle un peu Le Maître des illusions de Donna Tartt. Pour autant, et sans que je puisse mettre exactement le doigt sur ce qui a cloché, Catriona Ward n'est pas parvenue à m'embarquer avec ce roman. Les personnages sont pourtant bien dessinés, l'atmosphère bien construite, mais je n'ai pas accroché et j'ai trouvé des longueurs et redondances qui m'ont lassé - même si on comprend plus tard qu'elles servent l'intrigue. Ce n'est que mon avis personnel, ce n'est pas un mauvais roman, loin de là, et je ne peux que vous encourager à tenter vous aussi l'expérience avec Catriona Ward. Pour ma part, je réessaierai avec son fameux La dernière maison avant les bois, en espérant que cette fois-ci ça fonctionne.
13/12/2025 à 18:40 1
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Manuel de survie à l'usage des incapables
8/10 (Avis écrit en 2013 à la parution du livre.) Intelligent et follement original, un roman génétiquement modifié explosif !
Amis lecteurs, tout d'abord, en cette rentrée littéraire, lorsque vous serez amenés, ici ou en librairie, à lire le titre de ce nouveau roman de Thomas Gunzig, bannissez immédiatement et implacablement tout sentiment négatif à son égard : scepticisme, snobisme, désintérêt ou impression de déjà lu. Car derrière celui-ci se cache l'une des pépites de la rentrée, mais l'une de celles qui, paradoxalement, risque de n'être jamais mentionnées par la critique littéraire. Phénomène d'ailleurs doublement étrange si vous vous êtes aperçus comme moi que ladite critique avait tendance cette année à vouloir vous vendre un petit groupe d'écrivains estampillés « contestataires », « rebelles » ou, plus généralement, censés avoir « pris à bras-le-corps la réalité de la contestation sociale » dans leurs livres. Si je vous dis tout cela en préambule, c'est parce que s'il y a bien un auteur qui en cette rentrée propose une vision acérée et (extra-)lucide sur notre société, c'est bien Thomas Gunzig !
Mais rassurez-vous, il n'est pas pour autant question de sombrer dans un intellectualisme ronflant ni même d'être trop sérieux. L'auteur n'a pas l'intention de vous asséner une quelconque leçon; non, son but principal reste heureusement le plaisir de lecture pour ses lecteurs. D'où un roman totalement inclassable, délicieusement intelligent et ô combien mouvementé !
Cocktail unique et explosif de roman noir, de récit d'anticipation, d'humour caustique, ce Manuel de survie à l'usage des incapables est une radiographie d'une lucidité terrifiante de notre société marchande, capitaliste et mondialisée. À travers le braquage d'un hypermarché devenu centre du monde et microcosme où travaillent, consomment et se croisent tout le « matériel humain » en âge de travailler de la ville, et une histoire de vengeance qui se transforme en course-poursuite, l'auteur met en scène des personnages que l'on croyait monstrueux parce que rendus à l'état d'animaux sauvages - des loups ! - et d'autres qui, bien qu'humains, finissent par se comporter en robots sans conscience à force de résignations, d'obéissance, de renoncements. Tous vont pourtant devoir affronter un ou des éléments déstabilisateurs, qui vont les transformer. Certains, vont ainsi pouvoir retrouver le goût de vivre, le désir voire l'amour, d'autres verront leur autorité dans le groupe au sein duquel ils vivaient s'effondrer, mais tous, étrangement ne regretteront rien...
Laissez-vous embarquer dans ce roman vivifiant et enthousiasmant de Thomas Gunzig, vous serez séduits dès le premier chapitre, décontenancés aussi, mais à l'image des personnages, il est plus que probable que vous non plus ne regrettiez pas, au final, cette odyssée chaotique et loufoque. Un roman inclassable, intelligent et follement original qui fait du bien, en cette rentrée littéraire. D'autant plus que sous sa fausse légèreté, ce Manuel indispensable sera probablement une belle source de réflexions...11/12/2025 à 20:33 3
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Le Dieu des Bois
8/10 Si Le Dieu des Bois est un grand thriller, c'est avant tout un grand roman, d'une finesse et d'une intelligence rares.
Sur une base classique de disparition d'adolescente lors d'une colonie de vacances nichée au coeur des Adirondacks, sur la réserve privée d'une puissante famille de banquiers, Liz Moore parvient à esquiver tous les codes habituels du roman noir tout en tissant la trame d'une intrigue à plusieurs niveaux absolument passionnante. Elle jongle avec plusieurs temporalités et alterne les points de vue avec une fluidité exemplaire, sans jamais perdre son lecteur - aidé, il est vrai, par une frise chronologique qui permet de situer chaque nouveau chapitre. Sa plume ciselée et évocatrice donne naissance à des personnages tout en contrastes, avec une réelle épaisseur, auxquels on s'attache et qu'on a plaisir à voir évoluer pour certains. De même, elle parvient à dépayser totalement le lecteur, à l'immerger au coeur de cette forêt sans pour autant l'ensevelir sous des descriptions de nature writing - qui, personnellement, ont tendance à vite m'ennuyer.
Outre une mécanique du suspense très savamment dosée et maîtrisée, Liz Moore nous parle aussi notamment du carcan patriarcal dans les années 1960-70, du fossé social entre classes dirigeantes et classes populaires, de sororité et d'émancipation féminine. Mais toujours avec une grande subtilité, sans faire de leçons ou de militantisme. Elle nous livre avec Le Dieu des Bois un roman éblouissant qui transcende les genres. Une merveille.
Notez le nom de Liz Moore car, si elle a déjà explosé aux Etats-Unis, le Grand Prix des lectrices de Elle qu'elle vient de recevoir en France confirme s'il en était besoin qu'elle fait d'ores et déjà partie des grands talents avec lesquels il faudra désormais compter.
Inutile de dire que je vais me ruer sur son précédent thriller, La Rivière des disparues, adapté en série par HBO et disponible sur Max.07/12/2025 à 21:11 4
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Cemetery Road
8/10 Après sa formidable trilogie du Mississippi Natchez Burning (Brasier noir, L'Arbre aux morts, et le Sang du Mississippi), le grand Greg Iles nous livre à nouveau un polar au souffle romanesque puissant. Comme toujours avec Greg Iles, je l'avais dévoré en seulement quelques jours. On plonge dans ses romans comme dans une bonne série TV, une saga policière : on vit avec ses personnages, on se passionne pour leurs intrigues et on ne voit pas le temps passer - le pire étant qu'au bout des 800 pages, non seulement on n'est pas lassé, mais on en reprendrait bien pour 800 de plus ! Iles est décidément un très grand storyteller, un conteur hors pair, dans la veine des Stephen King ou John Grisham, malheureusement trop peu connu en France mais à découvrir absolument. Un thriller noir puissant et délicieusement immersif.
29/11/2025 à 23:55 4
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MotherCloud
8/10 (Avis écrit au printemps 2020 pendant le confinement, il y a quasiment 6 ans). Je l'ai terminé hier et j'avoue avoir pris une petite claque. C'est un vrai coup de coeur.
Il ne m'a pas seulement redonné goût à la lecture en cette période difficile - où depuis plusieurs jours je n'avais plus vraiment envie ni de lire ni même de regarder des films ou des séries -, mais je l'ai dévoré quasiment d'une traite et l'ai terminé avec la double satisfaction d'avoir lu un roman captivant, certes, et donc très divertissant, mais aussi un livre instructif et - malheureusement - visionnaire à bien des égards.
Lorsque j'avais découvert son pitch, je l'avais directement précommandé tellement le résumé était à la fois accrocheur et prometteur, mais également ambitieux. Toutefois, comme souvent lorsqu'on a des attentes élevées à propos d'un roman, j'avais aussi la crainte qu'il ne soit finalement pas à la hauteur. Ou qu'il s'agisse uniquement d'un bon thriller, divertissant certes mais pas vraiment à la hauteur du sujet et de ses ambitions.
Inquiétudes vite envolées heureusement et, dès les premières lignes, j'ai littéralement plongé dans ce récit aussi fascinant qu'effroyablement réaliste. On en ressort secoué, avec l'envie de tout faire pour que ce monde non pas d'après-demain mais de demain ne puisse pas se concrétiser. Pour pouvoir empêcher le rouleau-compresseur qui s'est déjà déclenché depuis au moins une décennie de poursuivre son inexorable progression. Mais pour cela, il faudrait une prise de conscience massive et collective. À découvrir et à lire absolument !
MàJ : Réédité en poche chez Pocket sous le titre L'Entrepôt.28/11/2025 à 22:33 4
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Rosine, une criminelle ordinaire
7/10 Une belle découverte française, particulièrement touchante et originale. Sandrine Cohen a une voix vraiment singulière dans le paysage du roman noir français, une voix parfaitement maîtrisée mais surtout habitée par son personnage de Clélia Rivoire, enquêtrice de personnalité. Jeune femme au passé mystérieux mais qu'on devine traumatique, écorchée vive qui a le plus grand mal à maîtriser ses émotions et la fâcheuse tendance à insulter tous ceux qui se mettent en travers de son chemin. Heureusement qu'elle peut compter sur son seul soutien, le juge d'instruction Isaac Delcourt. C'est lui qui va lui confier le cas Rosine Delsaux, cette mère apparemment parfaite qui pourtant vient de noyer ses deux petites filles dans son bain.
S'il faut se méfier des apparences, c'est aussi parce que le personnage de Clélia peut rebuter un peu le lecteur dans les premières pages. On peut avoir tendance à s'agacer au début face à cette énième rebelle écorchée vive aux abords antipathiques. Mais il serait dommage d'abandonner là car, au fur et à mesure du texte et au-delà du personnage de Clélia, c'est le cas Rosine Delsaux qui interpelle.
Etonnamment, les fulgurances de Clélia au fur et à mesure de son enquête ne semblent pas tirées par les cheveux. Elle-même victime et témoin, Sandrine Cohen s'est beaucoup renseignée sur ces criminels ordinaires et sur la violence intime et intrafamiliale, idem pour la vie en prison et les mécanismes judiciaires. Et sa restitution est brillante, d'un réalisme total. Elle écrit avec les tripes, c'est direct, parfois cru et sans fards. Elle sonde les traumatismes souvent oubliés et pourtant toujours nichés quelque part dans notre conscience. À travers Clélia, elle se fait tantôt psychologue tantôt avocate de ces criminels ordinaires, non pour nier leur responsabilité mais pour creuser leur psyché et peut-être sauver ce qui peut l'être, empêcher la reproduction de mécanismes inconscients. Même si au début on a un peu de mal à vraiment s'attacher aux personnages, Sandrine Cohen nous livre là un texte noir et poignant mais nécessaire, qui pousse à la réflexion.27/11/2025 à 18:04 2
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L'étendard sanglant est levé
10/10 Je ne pensais pas que ce soit possible, mais apparemment avec Benjamin Dierstein, il faut s'attendre à tout ! Et il réussit le tour de force avec ce 2e tome de surclasser encore Bleus, blancs rouges. Ce mec est plus qu'un prodige, c'est carrément un génie du polar français. Déjà avec sa précédente trilogie, il s'était facilement hissé sur les épaules des plus grands auteurs du noir, mais là, avec cette nouvelle saga, il les a tous terminés !
Plus rapide, plus fort, plus varié, ce gros volume de quasi 900 pages se dévore avec une gourmandise inattendue tant l'écriture de Dierstein est fluide, percutante et imagée. On se surprend à lire régulièrement 100 à 150 pages d'une traite sans voir le temps passer. Chaque phrase fait l'effet d'une flèche qui se plante en plein milieu de sa cible. Les scènes d'action sont explosives et semblent être directement projetées sur grand écran dans une chorégraphie millimétrée. Quant aux dialogues, ils fusent et claquent, souvent avec une ironie mordante et parfois un humour noir dévastateur. Chaque personnage y possède sa propre voix, parfaitement retranscrite, à tel point par exemple que certaines retranscription d'écoutes téléphoniques - qui, avec des extraits d'articles de journaux, de notes confidentielles ou de rapports de police, ponctuent les changements de chapitres et de point de vue - sont de véritables moments d'anthologie absolument savoureux.
Entre l'infiltration à haut risque des groupes terroristes d'extrême gauche, les luttes de pouvoir entre services de police qui tentent de survivre à l'arrivée de Mitterrand au pouvoir, les exactions de mercenaires en Françafrique, et le milieu de la nuit parisienne où showbiz, trafiquants, flics, mercenaires, stars, mafieux et politiciens se côtoient et copinent ensemble, Benjamin Dierstein nous offre une reconstitution du début des années 1980 à couper le souffle, comme on ne l'avait jamais ni lue ni vue ailleurs.
Une fresque absolument grandiose et monumentale, sans temps morts et ponctuée de rebondissements qui sans cesse relancent les différentes intrigues.
Quand le lecteur tourne la dernière page et se rend compte, sur les rotules, que ce 2ème tome est fini, la seule pensée qui l'obsède alors est : vivement le 7 janvier 2026 pour la parution de 14 juillet, le dernier opus de la trilogie !
Un tour de force romanesque inédit. Une claque absolument monumentale, grandiose et incontournable !24/11/2025 à 20:02 3
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Bleus, Blancs, Rouges
10/10 Benjamin Dierstein est la bombe à fragmentation éditoriale et littéraire de cette année 2025, pas seulement dans le noir mais dans toute la littérature française en général. À mon avis, la seule chose qui l'a empêché de gagner des prix plus généralistes est le fait que ce Bleus, blancs, rouges n'est que le 1er tiers d'un gros roman de 2400 pages. Pour le reste, c'est un sans-fautes à couper le souffle, et les seuls équivalents que l'on pourrait mentionner sont l'immense DOA, Don Winslow ou le Ellroy des années 1990 - quand il était au top.
Même ambition démesurée et pourtant impeccablement exécutée, même souffle romanesque, mêmes personnages complexes et écorchés, même écriture nerveuse et fluide. Car Dierstein a atteint sa pleine maturité stylistique avec cette trilogie : finies les petites scories littéraires qui parsemaient sa première - et pourtant déjà monumentale - trilogie ; dans Bleus, blancs, rouges, tout est impeccable, sans faux pas. Ni le rythme, ni le style, ni les personnages ne faiblissent un seul instant.
Résultat : le lecteur se trouve plongé dans une restitution spectaculaire de la fin des années 1970 et a l'impression, au fil des pages, d'assister à la projection sur grand écran du meilleur polar français de la décennie, rivé à son fauteuil par une intrigue implacable et un rythme pied au plancher. Du grand spectacle, de la grande littérature noire, pour le 1er tome d'une trilogie qui restera dans les annales.
Un conseil à vous qui rentrez dans ce roman : réservez d'ores et déjà la suite, L'étendard sanglant est levé, chez votre libraire - elle est encore meilleure - et restez vigilant à la parution du dernier tome, 14 juillet, en janvier 2026.
Magistral - et c'est un euphémisme ! - et phénoménal. Une claque monumentale, et un régal de fin gourmet à ne pas manquer.19/11/2025 à 20:27 6
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Strange Pictures
7/10 Sur le coup, j'ai bien aimé et je l'ai dévoré en peu de temps (en plus c'est écrit gros), un bon roman à énigme avec un côté ludique et original grâce à l'ajout des dessins. Mais quelques semaines après l'avoir fini, il ne m'en reste plus grand-chose et je me souviens à peine de l'histoire. Et je suis d'accord avec d'autres lecteurs en ce qui concerne certaines explications parfois un peu capillotractées (sauf pour la 1ère partie bluffante). Toutefois, ça reste un bon divertissement, original et addictif.
14/11/2025 à 17:38 3
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Les Éléments
10/10 Magnifique roman, vraiment magnifique, brillantissime, virtuose, palpitant, émouvant, perturbant et fascinant. Enorme coup de coeur !
Ce n'est pas un polar - plutôt un roman noir, sombre mais lumineux - et pourtant c'est un véritable page turner, avec une construction virtuose, des personnages de chair et de sang, complexes, éblouissants de justesse et de subtilité, qui rendent le livre plus haletant que bien des thrillers ! 500 pages dévorées en 3 jours, je ne m'y attendais pas. Et pourtant, dès le 1er chapitre, je n'ai plus pu le lâcher et j'ai englouti la 1ère partie quasi d'une traite le soir même. Et la suite est du même niveau.
Les Eléments est un roman choral qui explore l'abus sexuel et ses conséquences, à court et long terme. Chaque partie tourne autour d'un des éléments symboliques - eau, terre, feu, air - et met en scène un personnage principal qui était un des personnages secondaires de la précédente partie. Et John Boyne parvient avec une dextérité rare à mettre le lecteur dans la tête tour à tour du facilitateur, du complice, de l'agresseur puis de la victime d'abus sexuels. L'auteur montre avec une finesse, une subtilité et une empathie impressionnantes toute la complexité de ses différents personnages et de leurs traumatismes, sans jamais les juger. Sans une once de pathos ou de manichéisme, chacun d'eux parvient à nous toucher, voire à nous émouvoir. Un véritable kaléidoscope, vertigineux mais toujours juste et profondément honnête, qui dissèque l'âme humaine et emporte le lecteur dans une exploration sans fards de la culpabilité, de l'innocence, de la complicité, mais aussi de la résilience.
L'autre tour de force de John Boyne est son écriture sublime et sa construction qui, outre son originalité, parvient dans chacune des quatre histoires à ménager un suspense et même des rebondissements dignes d'un thriller psychologique !
Un roman absolument magnifique et sublime, impossible à lâcher, à la fois touchant, percutant, émouvant, perturbant et édifiant. Un véritable tour de force romanesque, et une lecture aussi nécessaire qu'addictive. Magistral de bout en bout !25/10/2025 à 21:59 9
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Le Démon
10/10 Jeune cadre new-yorkais qui approche de la trentaine, Harry White est le fils parfait pour ses parents, chez qui il vit toujours. Ses collègues de travail l'apprécie, et les femmes encore plus. Séducteur invétéré, il passe quasiment toutes ses pauses de midi à draguer et à baiser, si possible des femmes mariées. Très vite pourtant, quelque chose semble ne pas tourner rond : en pleine pause et en galante compagnie, il semble parfois oublier totalement la notion du temps, devoir retourner travailler avec plusieurs heures de retard en ayant totalement oublié ce qu'il vient de se passer entre-temps. Comme si quelque chose en lui prenait le contrôle. De plus en plus fréquemment, le poussant à aller toujours plus loin. Il parvient même à ressentir les signes avant-coureurs de ces dérapages, quelque chose à l'intérieur de lui qui devient de plus en plus intense, violent, qui lui tord et lui déchiquète les tripes jusqu'à l'insupportable. Mais, bientôt, l'adultère et les liaisons de plus en plus dangereuses ne lui suffiront plus à apaiser ce démon qui le ronge de l'intérieur.
« Ses amis l'appelaient Harry. Mais Harry n'enculait pas n'importe qui. Uniquement des femmes... des femmes mariées. » La crudité de cet incipit peut prêter à sourire. Mais pas le reste du texte. Ecrit à la 1ère personne, Selby Jr embarque de force le lecteur dans l'esprit de Harry et le force à le suivre dans ce qui se révèlera être un engrenage infernal et un véritable calvaire. L'écriture est brillante, tranchante, crue - sans être vulgaire - et parvient à faire ressentir ses émotions, ses souffrances, son désespoir jusqu'à l'inéluctable issue.
Bien que n'ayant pas encore lu d'autres textes de Selby Jr, je comprends aisément que nombre d'entre eux soient devenus cultes - notamment Requiem for a Dream, adapté au cinéma. Il y a sans doute différentes façons d'interpréter Le Démon, mais j'y vois pour ma part la plus brillante et percutante illustration de l'addiction qu'il m'ait été donné de lire.
Attention chef-d'oeuvre - malgré quelques lenteurs vers le milieu -, mais à lire avec précaution, si possible dans un moment où l'on est parfaitement bien dans sa peau. Car sinon, ce bouquin s'insinuera dans la moindre de vos éventuelles failles psychologiques et pourrait faire des dégâts. J'en ai moi-même fait l'amère expérience. Une sacrée claque dans la gueule, méchante et qui fait mal. Le chaînon manquant entre L'assassin qui est en moi de Jim Thompson et American Psycho de Bret Easton Ellis. Et je n'exagère pas.02/08/2025 à 21:14 3
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Les Oubliés de Marralee
8/10 J'avais eu un gros coup de coeur pour Canicule, qui fait partie de ces rares livres où, même lorsque l'énigme est résolue à la fin, on aurait malgré tout envie qu'il y ait au moins 400 pages de plus, juste pour pouvoir rester en compagnie des personnages et continuer à se délecter de l'univers crée par l'auteure : autant dire que c'est précisément ce que je cherche dans un grand roman, même si c'est plutôt rare, et que Jane Harper avait donc réussi là à atteindre mon "Graal littéraire".
Après Sauvage, certes un cran en-dessous de Canicule mais tout de même très bon et captivant, j'ai donc plongé dans le nouveau roman de l'auteure, Les Oubliés de Marralee, 3e et dernière enquête d'Aaron Falk (même si chaque roman peut se lire indépendamment). Et, vraiment, quel bonheur de retrouver le talent et l'univers de Jane Harper ! Son talent rare pour créer des atmosphères immersives et captivantes, pleines de non-dits et de secrets, pour faire vivre devant vos yeux des personnages plus vrais que nature et attachants, aux relations complexes, pour retranscrire des dialogues d'une justesse et d'un réalisme éblouissants. Sans oublier sa façon subtile et saisissante de capturer la mélancolie de souvenirs d'adolescence. Et en plus, comme à chaque fois, quel formidable dépaysement. Regardez la magnifique couverture : on a vraiment l'impression d'y être, dans cette campagne de l'Australie-Méridionale, en pleine région viticole.
Comme toujours avec Jane Harper, dès les premiers chapitres, j'ai été transporté et captivé. Elle tisse son récit avec profondeur et subtilité, sur un rythme qui semble imprégné de torpeur estivale, jusqu'aux trois-quarts du texte, où elle renverse brusquement la narration et bascule sa focale pour permettre au lecteur d'adopter le point de vue de la victime. Un rebondissement inattendu et parfaitement maîtrisé.
Jane Harper me rappelle à bien des égards l'irlandaise Tana French, et si jamais vous aimez les polars d'atmosphère et les intrigues psychologiques - avec le rythme des thrillers scandinaves mais transposés dans la beauté de la nature australienne -, alors foncez découvrir cette très grande plume du roman noir. Ca faisait vraiment longtemps que je n'avais pas découvert un écrivain de cette trempe et d'un tel talent et, croyez-moi, ça fait plaisir !03/04/2025 à 09:14 3
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Tous les membres de ma famille ont déjà tué quelqu'un
5/10 Je viens de le finir, et j'avoue que je n'ai pas été captivé plus que ça, notamment à cause de quelques longueurs.
En plus, l'atmosphère qu'on pouvait attendre de ce type de pitch (huis-clos pour une réunion de famille dans un hôtel de station de ski bloqué en pleine tempête) est à mon sens sous-exploitée / mal restituée / pas au rendez-vous. Sans compter que le petit suspense qui aurait pu s'installer est sans cesse désamorcé par les bons mots de l'auteur et ses touches d'humour second degré (même si celles-ci peuvent faire sourire).
Il faut dire aussi que l'auteur se place davantage dans une veine "whodunit" que "suspense en huis-clos", et que derrière la situation de départ alléchante, il nous sort en réalité une intrigue qui pourrait être intéressante mais s'avère tellement tortueuse qu'il faut souvent se reconcentrer pour parvenir à suivre...
Bref, sans être mauvais, on est (très) loin de la pépite ou de la découverte annoncée. Le potentiel est là, avec de bonnes idées, mais sa mise en oeuvre peine à vraiment convaincre totalement.
5.5 (entre 5 et 6, selon que je note large ou pas)09/01/2024 à 22:55 8
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L'Etoile du nord
9/10 Coup de coeur pour ce polar d'autant plus passionnant qu'il est fondé sur des faits réels et offre une plongée inédite et vertigineuse dans l'enfer nord-coréen.
L'auteur, journaliste d'investigation, a parfaitement réussi son pari : conjuguer l'immersion et l'information fouillée et précise d'un documentaire, avec le plaisir de lecture et le suspense d'un véritable page-turner. Il permet ainsi au lecteur de se divertir, tout en découvrant les arcanes et les horreurs de l'une des dictatures les plus effroyables de la planète, bien trop méconnue.
Glaçant, effroyable, captivant et pourtant très documenté, avec des personnages fouillés et bien dessinés aux destins poignants : un grand thriller d'espionnage exceptionnel, intelligent et impossible à lâcher. Une vraie révélation, qui mérite vraiment d'être largement découverte !
« Les séparatistes ou les ennemis de classe doivent être éliminés sur trois générations. » Kim Il-sung, an 58 du Juche, 1970.22/09/2023 à 17:55 7
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Voodoo land
9/10 9.5. Nick Stone avait déjà fait une entrée très remarquée dans le monde du polar avec le déjà très bon et multi-récompensé Tonton Clarinette, où Max Mingus, ex-flic passé par la case prison et devenu détective privé, enquêtait en Haïti. Dans Voodoo Land, on retrouve le personnage de Max Mingus mais vingt ans plus tôt, au début des années 1980, lorsqu'il était policier dans la ville de Miami. Avec ce deuxième roman qui peut se lire indépendamment - ou comme un prequel du premier -, Nick Stone atteint des sommets et nous livre un immense thriller, digne d'un James Ellroy ou d'un Don Winslow. Une intrigue tentaculaire qui mêle corruption à tous les niveaux, trafic de drogue, immigration haïtienne et scènes vaudou hallucinantes, servie par des personnages tout en ambiguïtés et formidablement campés. Un polar monumental d'une rare puissance, doublé d'une superbe fresque qui dépeint au plus juste le Miami du début des années 1980 et l'Amérique de l'ère Reagan, sa corruption endémique jusqu'aux plus hauts niveaux, son immigration haïtienne qui fuit la dictature de Papa Doc soutenue par les USA, mais qui apporte avec elle vaudou et encore plus de trafics de drogue. Un cocktail explosif, un véritable tour de force littéraire qui vous prend aux tripes du début jusqu'à la fin !
21/07/2023 à 19:24 7
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Canicule
9/10 Pour un coup d'essai, ce premier roman de l'Australienne Jane Harper est non seulement un coup de maître mais également un véritable coup de coeur.
Dès les premières pages, après un prologue saisissant, elle plonge son lecteur dans l'ambiance étouffante et bien particulière d'une petite ville rurale perdue dans le bush du sud de l'Australie, victime d'une terrible sécheresse depuis 2 ans et écrasée par une chaleur accablante qui pousse à bout ses habitants, décime les troupeaux et brûle les cultures. Aaron Falk, agent de la police fédérale de Melbourne, est forcé de revenir dans sa ville de naissance pour assister aux funérailles de son ami d'enfance Luke Hadler. Lequel aurait été pris d'un coup de folie en abattant sa femme et son fils avant de retourner l'arme contre lui. Stupeur et incompréhension dans la petite communauté. Les parents de Luke Hadler demandent alors à Falk d'enquêter officieusement pour tenter de comprendre ce qui a pu pousser leur fils à commettre une telle folie. Plus inquiétant encore, ils lui confient savoir que lui et leur fils partageaient un secret et avaient menti 20 ans plus tôt sur leur alibi, quand une de leurs amies avaient été retrouvée noyée dans la rivière aujourd'hui desséchée qui irriguait la ville.
On suit alors avec fascination le retour au pays de Falk, qui est aussi le retour d'un paria, qui avait du fuir la ville avec son père, pour des raisons qui ne nous seront révélées que progressivement et qu'on ne comprendra réellement qu'à la fin. Et si Falk va se lier d'amitié avec Greg Raco, le jeune policier local, l'ambiance déjà électrique qui régnait à son arrivée va peu à peu devenir explosive au fur et à mesure de son enquête. Certains ne lui pardonnent pas de chercher à déterrer les secrets et les rancoeurs et de gratter derrière les apparences et les faux-semblants. Heureusement, dans cette atmosphère étouffante, les souvenirs d'enfance et d'adolescence de Falk vont réémerger au fil de ses pensées, comme des bulles de tendresse teintées de douce nostalgie, par le biais de courts flashbacks habilement intégrés à la narration au sein des chapitres plutôt que par la traditionnelle alternance passé / présent, devenue un peu trop systématique dans les polars de ces dernières années.
Jane Harper nous livre une évocation absolument saisissante de ces milieux ruraux australiens, de ces climats difficiles et de ses paysans surendettés, frappés de plein fouet par une crise agricole qui débouche sur le rachat des terres par les Chinois. Surtout, elle parvient à planter son décor de manière cinématographique, en seulement quelques lignes. De la même manière, elle donne vie à des personnages qui crèvent le papier, complexes et plein d'ambiguïtés, dont l'épaisseur est encore renforcée par le réalisme des dialogues et la description tout en finesse et d'une remarquable fluidité du langage corporel. Dans Canicule, les silences, les gestes et les regards furtifs de chacun sont tout aussi importants et significatifs que leurs paroles, et participent à renforcer encore cette atmosphère étouffante, saturée de doutes et de non-dits.
Avec une intrigue à combustion lente mais d'une redoutable efficacité, à la dramaturgie très élaborée et plantée dans un décor grandiose et sauvage, Jane Harper signe un polar magistral d'une grande subtilité, doté d'une puissance romanesque rare. Un univers tellement immersif et captivant que, même une fois la double énigme résolue, j'ai refermé à contre-coeur ce formidable Canicule, regrettant qu'il ne fasse pas 400 pages de plus. Preuve d'un talent aussi rare que précieux et jouissif, et signe que Jane Harper venait d'atteindre mon "Graal littéraire"...
PS : ne pas manquer les 2 autres opus de la trilogie Aaron Falk : Sauvage et Les Oubliés de Marralee - paru au printemps chez Calmann-Lévy. En bref, tous les autres romans de Jane Harper, définitivement une des plus grandes plumes du roman noir contemporain !15/07/2023 à 23:04 6
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Bent Road
8/10 8.5. Lu il y a une dizaine d'années, j'en garde un excellent souvenir. Vraiment un excellent premier roman noir dont l'intrigue est centrée sur un secret familial. Lori Roy parvient avec brio à instaurer l'ambiance de plus en plus étouffante de ce petit coin du Texas des années 60, à travers des personnages crédibles et particulièrement fouillés. Une autre grande force de ce roman est précisément son aspect choral qui fait que l'on passe par le point de vue de chaque personnage ou presque - de la mère à celle de la petite fille d'à peine plus de 10 ans, du grand frère à celui du père, tous avec leur caractère différent, leurs expériences, leur vécu, leurs sentiments - et qui apporte à la fois une réelle empathie pour chacun des personnages et insuffle un dynamisme au récit, qui tient en haleine jusqu'à la fin. Lori Roy signe au final un roman aussi convaincant qu'abouti, au suspense psychologique très finement ciselé. Une réussite.
11/07/2023 à 20:28 6
