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10/10 Jeune cadre new-yorkais qui approche de la trentaine, Harry White est le fils parfait pour ses parents, chez qui il vit toujours. Ses collègues de travail l'apprécie, et les femmes encore plus. Séducteur invétéré, il passe quasiment toutes ses pauses de midi à draguer et à baiser, si possible des femmes mariées. Très vite pourtant, quelque chose semble ne pas tourner rond : en pleine pause et en galante compagnie, il semble parfois oublier totalement la notion du temps, devoir retourner travailler avec plusieurs heures de retard en ayant totalement oublié ce qu'il vient de se passer entre-temps. Comme si quelque chose en lui prenait le contrôle. De plus en plus fréquemment, le poussant à aller toujours plus loin. Il parvient même à ressentir les signes avant-coureurs de ces dérapages, quelque chose à l'intérieur de lui qui devient de plus en plus intense, violent, qui lui tord et lui déchiquète les tripes jusqu'à l'insupportable. Mais, bientôt, l'adultère et les liaisons de plus en plus dangereuses ne lui suffiront plus à apaiser ce démon qui le ronge de l'intérieur.
« Ses amis l'appelaient Harry. Mais Harry n'enculait pas n'importe qui. Uniquement des femmes... des femmes mariées. » La crudité de cet incipit peut prêter à sourire. Mais pas le reste du texte. Ecrit à la 1ère personne, Selby Jr embarque de force le lecteur dans l'esprit de Harry et le force à le suivre dans ce qui se révèlera être un engrenage infernal et un véritable calvaire. L'écriture est brillante, tranchante, crue - sans être vulgaire - et parvient à faire ressentir ses émotions, ses souffrances, son désespoir jusqu'à l'inéluctable issue.
Bien que n'ayant pas encore lu d'autres textes de Selby Jr, je comprends aisément que nombre d'entre eux soient devenus cultes - notamment Requiem for a Dream, adapté au cinéma. Il y a sans doute différentes façons d'interpréter Le Démon, mais j'y vois pour ma part la plus brillante et percutante illustration de l'addiction qu'il m'ait été donné de lire.
Attention chef-d'oeuvre - malgré quelques lenteurs vers le milieu -, mais à lire avec précaution, si possible dans un moment où l'on est parfaitement bien dans sa peau. Car sinon, ce bouquin s'insinuera dans la moindre de vos éventuelles failles psychologiques et pourrait faire des dégâts. J'en ai moi-même fait l'amère expérience. Une sacrée claque dans la gueule, méchante et qui fait mal. Le chaînon manquant entre L'assassin qui est en moi de Jim Thompson et American Psycho de Bret Easton Ellis. Et je n'exagère pas.02/08/2025 à 21:14 Norbert (310 votes, 6.9/10 de moyenne)