Norbert

308 votes

  • Bois aux Renards

    Antoine Chainas

    9/10 Je l'ai fini et j'ai bien du mal à mettre des mots sur cette lecture. Si ce n'est qu'elle m'a captivé, enchanté et impressionné à la fois, et ce dès les premiers chapitres qui attrapent le lecteur au collet pour ne plus le lâcher avec une longue traque haletante que j'ai lue d'une traite pendant une bonne centaine de pages.
    Puis une partie du roman bascule progressivement, par séquences, dans l'étrange, le conte et les légendes, mais sans jamais perdre pied avec la réalité ni relâcher l'attention du lecteur.
    L'écriture de Chainas est d'une rare qualité, sa précision chirurgicale use parfois de mots inconnus mais dont on ne doute pas de la pertinence et qui n'entravent en rien la lecture. Que ce soit pour décrire la forêt, les corps, les fluides, les atmosphères, la langue de l'auteur semble produire sur le lecteur le même enchantement et déployer les mêmes sortilèges que cette mystérieuse forêt Bois-aux-Renards vis-à-vis des personnages du roman.
    On ressort de ces 500 pages ébouriffé, secoué, enchanté, sans trop savoir comment classer ce que l'on vient de lire tant les "codes" habituels du roman noir ont été explosés par Antoine Chainas, qui nous livre là un morceau de littérature hors du commun à la beauté sauvage et vénéneuse. Un roman noir magistral et ensorcelant.

    Je ne peux que me réjouir de l'existence de cette collection La Noire de Gallimard qui permet d'accueillir de tels textes, ça me donne à la fois l'envie de l'explorer plus largement, mais aussi de lire prochainement Empire des chimères, le précédent roman de Chainas que j'avais boudé à sa sortie.

    16/02/2023 à 19:42 15

  • Une terre si froide

    Adrian McKinty

    10/10 Adrian McKinty, le Ellroy irlandais !
    On pourrait nommer cette nouvelle trilogie d'Adrian McKinty "Underworld Ulster", tant, comme l'a fait Ellroy avec les Etats-Unis, McKinty nous plonge avec son personnage de Sean Duffy dans les arcanes d'une Irlande du Nord en plein chaos et en pleine guerre civile.
    Pourtant, loin d'assommer son lecteur de données politiques ou historiques, McKinty y déroule les bases d'une enquête à priori "classique", à la poursuite d'un tueur en série qui s'en prendrait aux homosexuels. Rapidement, le lecteur s'identifie au magnifique personnage de Sean Duffy qui va devoir affronter un mur du silence total mais qui, à force de volonté, va réussir à ouvrir des brèches qui vont le conduire de révélations en retournements de situation explosifs.
    Avec son écriture puissante, son humour à froid et son style racé, Adrian McKinty dresse une galerie de personnages fascinants, et signe un roman noir palpitant et sans concession, au contexte historique passionnant, qui prend le lecteur aux tripes.
    Si "Une terre si froide" peut bien évidemment se lire de manière indépendante, nul doute que les lecteurs qui liront cette pépite n'auront à la fin qu'une envie: se ruer sur la nouvelle aventure de Sean Duffy, "Dans la rue j'entends les sirènes", à paraître le 23 octobre chez le même éditeur !
    Du très grand roman noir, à ne pas manquer !

    19/10/2013 à 14:50 13

  • La Fille du train

    Paula Hawkins

    6/10 Bien que déçu par une fin plutôt convenue - j'espérais un ultime rebondissement plus "théâtral", peut-être - c'est dans l'ensemble un assez bon thriller psychologique. Même si le style et l'écriture sont basiques, l'auteur parvient à accrocher son lecteur grâce à un récit choral qui donne la parole à plusieurs personnages et autant de versions différentes ; grâce à ce qui est déjà devenu Outre-Atlantique un sous-genre en lui même, où le narrateur principal - ici la narratrice - n'est pas totalement "digne" de la confiance du lecteur, dans le sens où celui-ci est amené à douter de la véracité de son récit ; et enfin grâce à mon avis aux portraits de trois femmes qui, pour une fois, échappent aux stéréotypes principalement anglo-saxons de la "self-made woman" qui réussit tout dans sa vie professionnelle ou personnelle. Ici, au contraire, les personnages féminins ne sont pas exempts de failles, ne sont pas forcément exemplaires et, par conséquent, apparaissent comme beaucoup plus humaines.
    Meilleur selon moi que "Les Apparences", mais loin d'être inoubliable pour autant, "La Fille du train" fait partie, avec "À la vie, à la mort" de Colette McBeth - publié en janvier dernier aux Escales et que j'ai toutefois largement préféré car bien plus efficace jusqu'à la fin -, des deux "domestic thrillers" globalement assez réussis de l'année.

    19/12/2015 à 18:06 11

  • Né sous les coups

    Martyn Waites

    9/10 Un formidable roman noir d'une rare puissance. Le choc se produit dès les premières pages. Après un prologue fulgurant et violent, le premier chapitre de la première partie commence par deux pages de description d'un match de foot pendant lequel un joueur marque un but. La description est tout simplement à couper le souffle. Et le reste du récit est à l'avenant, prenant le lecteur aux tripes jusqu'à la fin.
    Une écriture puissante et racée, des personnages forts qui prennent vie au fil des pages, une intrigue noire et sociale implacable, qui se met peu à peu en place et captive l'attention du lecteur pour mieux montrer les dégâts causés par la folle politique dictatoriale, criminelle et ultralibérale de Thatcher.
    Vous pensez que le sujet en tant que tel ne vous intéresse pas, et donc que vous n'accrocherez pas ?
    Détrompez vous : Martyn Waites est aux commandes, la construction de son récit est imparable, ses personnages plus vrais que nature, le drame terrible - d'autant plus qu'il est basé sur la réalité - et de plus en plus palpable. L'auteur nous offre un superbe roman noir et âpre qui témoigne de la déliquescence de la société anglaise sous les coups de boutoir de l'ultra-libéralisme, tout en lui insufflant une puissance romanesque, une intensité dramatique, un suspense et une tension crescendo dignes d'un grand thriller. Une lecture marquante, poignante et édifiante dont on ressort sonné. Martyn Waites est à coup sûr une révélation éblouissante, une voix originale avec laquelle il faudra désormais compter, et son premier roman, énorme coup de coeur, en est la preuve !
    À découvrir d'urgence, à l'heure où paraît enfin en France son second roman, "La Chambre blanche".

    09/09/2015 à 14:01 11

  • Obia

    Colin Niel

    8/10 Autant avouer tout de suite que j'ignorais tout de la Guyane, jusqu'à sa localisation, et que par conséquent la lecture de cet "Obia" s'apparentait pour moi à un voyage en terre inconnue. Par chance, Colin Niel s'est avéré être le guide parfait pour cette aventure littéraire : aussi éloigné de l'auteur opportuniste en quête d'exotisme bon marché susceptible de colorer une énième intrigue policière, que du pseudo-spécialiste se regardant écrire, plus soucieux d'étaler à la vue de tous l'étendue de ses connaissances et transformant ainsi son texte en thèse.
    Tout au contraire, Colin Niel écrit, lui, sur ce coin d'Amazonie française comme un auteur barcelonais le ferait dans la capitale catalane ou un romancier des Appalaches dans son coin d'Amérique : en écrivant sur ce qu'il connait et en faisant de la Guyane un personnage à part entière, avec son histoire, son passé, ses difficultés, sa beauté et sa complexité.
    Niel dévoile les différentes facettes de cet autre territoire français un peu comme il le fait avec les personnages de son roman, par touches successives, avec justesse et sincérité.
    Et on retrouve la même maîtrise, la même habileté dans la construction de son intrigue, entremêlant passé et présent autour du fleuve Maroni.
    Un fleuve qui symbolise la frontière invisible entre Suriname et Guyane, et que n'ont cessé de traverser depuis des décennies les habitants de l'un comme de l'autre.
    Les Surinamiens par milliers dans les années 1980 pour fuir la guerre civile et ses massacres, tandis qu'aujourd'hui, les barons de la came qui bénéficient d'une planque idéale dans cet Etat faiblement peuplé refusant l'extradition, envoient leurs mules sur les rives françaises du Maroni, direction l'ouest et l'aéroport de Cayenne la capitale, avec pour objectif la métropole.
    Entre meurtres inexpliqués, trafic de drogue, course-poursuite échevelée auxquels se mêlent d'étranges fantômes d'une guérilla pourtant achevée depuis des années, Colin Niel déploie plusieurs fils narratifs, d'autant plus captivants que l'on pressent qu'ils vont se rejoindre tôt ou tard, et réserve de belles surprises au lecteur. Si le milieu du récit accuse une baisse de rythme assez conséquente, l'auteur enchaîne heureusement sur un retournement de situation totalement bluffant, pour une dernière partie pleine de suspense menée pied au plancher.
    Pas de doute, sous la plume de Colin Niel, la Guyane est définitivement une terre de polar à ne pas manquer !

    22/12/2016 à 12:13 11

  • Dans la rue j'entends les sirènes

    Adrian McKinty

    10/10 Après le déjà formidable "Une terre si froide", Adrian McKinty poursuit sa trilogie Sean Duffy digne de James Ellroy en signant à nouveau avec ce second volet l'un des meilleurs romans noirs de ces dernières années. Son écriture racée, parfaitement traduite par Eric Moreau, est puissamment évocatrice, teintée d'un humour noir et d'une ironie désenchantée qui font des merveilles. L'épaisseur des personnages, tous terriblement humains malgré leurs défauts et leur ambiguïté, est bluffante, le personnage de Sean Duffy, magnifique, gagne encore en profondeur et l'intrigue passionnante et menée de main de maître dévoile une fois de plus un pan de vérité trop méconnue sur cette période ô combien sensible de l'Irlande du Nord.
    [ MAJ de 2021 ] : Ne pas manquer la suite de cette série Sean Duffy avec l'excellent "Ne me cherche pas demain" (lauréat du Prix Polars Pourpres 2021), qui vient enfin - après des années d'attente - d'être publié chez Actes Sud.

    31/12/2013 à 17:33 10

  • La Maison des chagrins

    Víctor Del Árbol

    8/10 La Maison des chagrins est vraiment un fabuleux et magnifique roman noir, porté par une écriture puissante, élégante et racée, ainsi que des personnages qui crèvent le papier, et dont l'auteur dissèque la psychologie complexe sous les yeux ébahis du lecteur.
    L'intrigue, en apparence simple, se révèle être en réalité un véritable monument de construction virtuose, en ne dévoilant son ampleur, sa profondeur et ses multiples intrications que petit à petit, comme les pièces disparates d'un grand puzzle que le lecteur assemblerait naturellement en suivant le récit captivant de Del Arbol, mais qui, au fil des rebondissements et des retournements de situation, laisserait transparaître au final un tableau d'ensemble vertigineux et terrifiant, radicalement différent de l'image que l'on croyait recomposer initialement.
    Magistral, éblouissant, passionnant, glaçant et souvent poignant, La Maison des chagrins est comme une gigantesque et diabolique boîte de Pandore que plusieurs personnes auraient ouverte au nom de la vengeance, croyant ainsi pouvoir apaiser la souffrance qui les ronge, celle du deuil impossible de leur enfant ou de l'être qu'ils aimaient, mais dont ils auront à supporter en retour l'incroyable cruauté de la vérité, laquelle les obligera en plus à regarder dans le miroir l'insoutenable reflet de leur véritable personnalité.

    Victor Del Arbol s'impose comme l'un des très grands auteurs de romans noirs, à suivre de près.
    Et sa Maison des chagrins fait partie de ces grands romans qui cloueront le bec, en les ridiculisant, de tous ceux qui oseront encore affirmer aujourd'hui que le polar n'est pas tout à fait de la littérature...

    19/09/2014 à 08:58 10

  • Desert Home

    James Anderson

    9/10 On a beau avoir déjà lu des dizaines de romans américains, ce qui frappe dès les premières pages de Desert Home de James Anderson, c'est le sentiment de dépaysement total, l'impression d'être transporté non pas aux Etats-Unis mais à l'autre bout du monde, voire sur une autre planète. Le désert de l'Utah, avec ses roches, ses montagnes et sa poussière à perte de vue, son soleil implacable qui, selon les moments de la journée, peut embraser le décor d'une lumière rose, orange ou rouge et sa lune qui la nuit projette des ombres fantomatiques. Sur la route 117 qui le traverse, le semi-remorque de Ben Jones est certainement le seul lien entre les quelques habitants échoués ici et le reste de la civilisation : dans le désert, il n'y a ni réseau pour téléphone portable ni couverture satellite pour GPS.

    Au bord de la 117, le Well-Known Desert Diner pourrait faire figure de mirage à n'importe quel étranger. On pourrait croire qu'il va ouvrir d'une minute à l'autre, tellement Walt, son propriétaire octogénaire, le maintient dans le même état impeccable que sa collection de motos et de pièces détachées. Peut-être n'y a t-il plus que Ben pour se souvenir que, s'il a été le décor d'innombrables films de série B dans les années 60 et 70, le diner n'a plus ouvert ses portes depuis plus de 30 ans.

    Que ce soit avec le vieux Walt, avec John qui porte pour se repentir une croix aussi grande que lui le long de la 117 du printemps à l'automne, ou avec les frères Lacey qui ont emménagé dans une enfilade de wagons perdus au milieu du désert, Ben Jones n'échange que quelques mots lors de ses livraisons. Un simple regard, un mouvement de la tête ou une cigarette imaginaire qu'on partage entre anciens fumeurs, sont ce qui se rapproche le plus de la conversation chez ces gens-là, et pourtant un lien s'est tissé au fil des années.

    Peu importe que certains soient en fuite ou se cachent au milieu du désert, Ben ne juge personne. Il prend les gens tels qu'ils sont et la vie comme elle vient, même si elle est tout sauf facile dans ce coin de l'Utah. À presque 40 ans, lui qui a accumulé dettes et factures impayées au point de ne pas être sûr de pouvoir continuer son activité de livreur indépendant un mois de plus a appris à se contenter du peu qu'il a, et surtout du moment présent.

    Un jour pourtant, au détour d'un chemin, il découvre les restes d'un projet immobilier avorté : en plein désert, un agencement de rues recouvertes de poussière et une petite maison-témoin. À l'intérieur, une jeune femme qui joue d'un violoncelle sans cordes. Qui est-elle ? Que fait-elle ici, seule ?

    Desert Home aurait parfaitement pu être publié par Gallmeister. Le décor majestueux et omniprésent du désert de l'Utah, très peu exploité dans la littérature américaine, y infuse une atmosphère envoûtante, presque onirique par moments. Pourtant, pas de nature writing ici. James Anderson se concentre sur ses personnages, cabossés, exclus du rêve américain, tous singuliers mais terriblement touchants.

    La beauté dans la simplicité, ou la beauté de la simplicité. Tel semble être le credo de James Anderson. La magie d'une rencontre, la naissance d'un amour, la force de l'amitié, toutes ces pépites de l'existence brillent au sein de ce roman noir mais lumineux de bout en bout.

    Porté par une écriture claire et limpide comme de l'eau de roche mais gorgée de vrais moments de poésie, Desert Home est un roman tout en nuances, d'une grande subtilité, éblouissant d'empathie et d'humanité. À l'image de Ben, ce chauffeur-livreur aussi étonnant qu'attachant, qu'on a hâte de retrouver dans La Route 117, le deuxième roman de James Anderson.

    07/07/2020 à 19:19 9

  • Je sens grandir ma peur

    Iain Reid

    8/10 Wow ! Quel bouquin, quelle fin, quel retourne-cerveau !
    Un roman éminemment noir, littéraire et psychologique, maîtrisé de bout en bout, servi par une écriture au scalpel, infiniment précise.
    Ce n'est pas un "divertissement" comme peuvent l'être tant de polars ou de thrillers. Sa lecture n'est pas forcément "agréable", par contre elle est hypnotique, suscite le malaise autant que nos neurones et, au final, se révèle terriblement perturbante.
    Une dissection de la psyché humaine qui vous glace les os, par son réalisme comme par sa lucidité et les questions existentielles qu'elle remue et dissèque.
    Unique et dérangeant.

    15/11/2018 à 15:28 9

  • Je suis Pilgrim

    Terry Hayes

    7/10 Un gros thriller d'espionnage globalement divertissant. Toutefois, on n'échappe pas à quelques longueurs souvent inévitables avec ce genre de gros pavés - celui-ci aurait incontestablement mérité un bon dégraissage - ni à quelques rebondissements et résolutions d'énigme frisant parfois le grotesque. Assez agaçant, tout comme l'est cette vision réductrice - et fausse - des Etats-Unis en tant que sauveurs du monde - alors qu'ils n'en sont que les gendarmes auto-proclamés et les impérialistes les plus agressifs - et qui s'accompagne ici d'un mépris à peine voilé pour à peu près tous les autres pays. Voilà pour les défauts. Cependant, Terry Hayes parvient à emporter le morceau grâce à son talent évident de conteur et son astucieux parti-pris d'épaissir son personnage principal à l'aide d'amples flashbacks sur son parcours atypique au sein du monde complexe et plutôt fascinant du renseignement américain. Au final, pour peu qu'on ait du temps devant soi et qu'on le prenne pour ce qu'il est - c'est-à-dire un pur divertissement - ce roman se démarque sans peine de la production industrielle et standardisée de thrillers US qui envahissent les tables des libraires et se lit avec un certain plaisir. Même si, une fois la dernière page tournée, on est quand même soulagé de l'avoir terminé.

    05/12/2014 à 06:55 9

  • Sale temps pour le pays

    Michaël Mention

    8/10 Un des meilleurs polars français lus depuis longtemps. Je l'avais justement commencé un samedi après-midi, et pris par l'enquête, la reconstitution passionnante de l'époque et le suspense j'avais été obligé de le lire d'une traite pour voir comment ça se finissait ! Plus que quiconque, Michael Mention a appris et digéré l'écriture béhavioriste des plus grands auteurs américains, tout en se l'appropriant pour la faire sienne.
    Le résultat est un style impeccable, c'est écrit à l'os sans un seul mot de trop, avec qui plus est quelques touches d'humour ou d'ironie ici ou là. Bref, un très très grand polar, à lire en écoutant la superbe BO concoctée par l'auteur !

    26/04/2014 à 18:02 9

  • Aux animaux la guerre

    Nicolas Mathieu

    9/10 Ce roman noir et âpre est excellent, captivant et décrit sans fards la triste réalité qui ronge notre société, la fermetures des usines, le chômage, la pauvreté, et les innombrables drames du quotidien que cela engendre.
    À l'aide d'une construction polyphonique impeccable où chaque chapitre est consacré à un personnage, porté par une superbe écriture, parfaitement maîtrisée et évocatrice, et des personnages forts et puissamment campés, d'autant plus crédibles qu'il s'agit de gens simples confrontés au chômage, à la misère, au désespoir, à la tentation de boire pour oublier ou de s'embarquer dans des coups risqués et des trafics illicites de plus en plus gros pour se sortir de la merde, Nicolas Mathieu signe avec Aux animaux la guerre un beau et très grand roman noir qui fera date, parce qu'il aura réussi à écrire et décrire, sans jugement aucun, la déliquescence actuelle de notre société.
    Incontestablement l'une de ces quelques très grandes révélations françaises de l'année à ne pas manquer.

    03/08/2014 à 18:02 8

  • Delirium Tremens

    Ken Bruen

    8/10 Plus hard-boiled, alcoolo et camé que Jack Taylor, ça n' existe pas dans la littérature policière! Un personnage déjanté et défoncé, amateur de poésie et de polars, à découvrir d' urgence. Bruen a un style inimitable et on savoure son humour très noir, décapant, féroce et ironique! Anti- conformiste, et ça fait du bien!!!

    26/06/2007 à 01:04 8

  • Dernier Désir

    Olivier Bordaçarre

    8/10 Dernier désir est un roman fascinant qui mêle au suspense du thriller psychologique une passionnante étude de caractères. Olivier Bordaçarre est au plus près de ses personnages et dissèque leur vie, leurs envies et leur évolution au fil des évènements avec une justesse déconcertante. De la petite famille idéale, du couple qui s'est enfin retrouvé grâce à une vie plus sereine à la campagne au contact des choses simples mais essentielles qui font les petits bonheurs d'une vie, il va pointer les dissonances qui vont peu à peu éclore en eux face à la nouveauté, au désir, et finalement à la tentation.
    Car le personnage énigmatique de Vlad porte en fait dans ce roman une double casquette : il incarne à la fois la tentation et la séduction dans tous les domaines et par conséquent fait figure de diable, tout comme il incarne aussi une espèce de vampire, autant par son mimétisme inquiétant et jusqu'au-boutiste - d'ailleurs, jusqu'où ira t-il ? - que par la place de plus en plus grande, de plus en plus envahissante qu'il occupe au sein de cette famille. Comme si c'était l'âme même de la famille, puis du couple, qu'il aspirait petit à petit pour opérer un transfert - le sien.
    À partir de là, suivre les réactions des différents personnages face à cette apparition et cette intrusion, certes consentie et pourtant presque maléfique, voir ce père prendre peu à peu conscience du danger, tenter d'en convaincre sa femme en plein déni, c'est anticiper les dommages d'existences broyées par un engrenage subtilement pervers et pourtant dramatiquement simple. Et c'est déchirant.
    Ce roman noir vénéneux d'une grande subtilité, aussi oppressant qu'addictif et porté par la très belle écriture de Bordaçarre, élégante et superbement fluide, prendra même des allures de conte à la limite du fantastique lorsqu'au bout du tragique et éprouvant crescendo qu'il orchestre, l'épilogue terrassera le lecteur d'un ultime uppercut. De quoi émerger avec la gueule de bois, et des questions plein la tête...
    Inutile de dire que je me suis précipité sur "Accidents", le nouveau roman d'Olivier Bordaçarre paru chez Phébus.

    15/01/2017 à 13:32 8

  • Le Dernier Arbre

    Tim Gautreaux

    10/10 Ce roman est un véritable bijou, et une sacrée découverte ! Une très belle plume puissamment évocatrice porte ce texte magnifique, absolument captivant et totalement immersif tant il transporte le lecteur dès les premières pages dans un voyage au fin fond des bayous de Louisiane dans les années 1920. À la fois sombre avec ses flambées de violence, poisseux et poignant, baigné d'une atmosphère moite saisissante, Le Dernier Arbre véhicule une palette riche en sensations et en émotions diverses, à travers des personnages éblouissants qui, tous, touchent le lecteur en plein coeur, y compris lors de scènes plus lumineuses. La relation, pourtant compliquée au début, entre ces deux frères est fascinante.
    Ce premier roman exceptionnel de Tim Gautreaux possède un grand souffle romanesque et révèle l'un des plus grands talents de la littérature américaine, qui n'a pas à rougir des comparaisons faites avec Faulkner ou, plus proche de notre époque, Ron Rash.
    À découvrir sans faute pour tous les amateurs de grands romans noirs... et de belle littérature américaine !

    10/12/2015 à 11:07 8

  • Les Egouts de Los Angeles

    Michael Connelly

    8/10 Un 8 largement mérité pour ce 1er roman impressionnant. On comprend que Connelly se soit imposé dès celui-là : un polar impeccable, dense et rythmé, avec une intrigue parfaitement menée, des persos solides et attachants (mention spéciale pour Bosch évidemment!). Un must!

    06/12/2007 à 15:52 8

  • Ne reviens jamais

    David Bell

    5/10 Après la lecture de Ne reviens jamais, troisième roman de David Bell publié en France, et même si le titre trouve son explication dans la seconde partie du roman, personnellement j'ai plutôt envie de le prendre comme un conseil inconscient de l'auteur adressé à ses lecteurs, un conseil que je vais en tout cas m'empresser de suivre désormais.
    C'est parce que j'avais dévoré Fleur de cimetière, suspense psychologique addictif qui avait fait connaître en 2013 David Bell au lectorat français, récompensé d'ailleurs la même année par le Prix Polar international de Cognac, que son nouveau roman m'a attiré et que je n'ai pas tardé à l'ouvrir, dans une période où j'avais envie de me plonger dans un polar simple mais efficace. Ayant été agréablement surpris et captivé par Profil bas de l'irlandaise Liz Nugent, je pensais renouveler l'expérience avec ce nouveau David Bell, même s'il s'annonçait clairement moins original. J'ai assez vite déchanté.
    [...]
    Evidemment, le principal retournement de situation, qui a lieu dans la seconde partie du roman, nécessitait obligatoirement une solide mise en place de l'intrigue, des différents protagonistes et de leurs interactions.
    Le problème, ou plutôt l'un des principaux problèmes, est que ce drame familial qui ouvre le roman n'est déjà pas en lui-même d'une folle originalité. À ceci, il faut ajouter que les personnages, s'ils ne sont pas non plus totalement inintéressants, restent malgré tout assez lisses, trop ternes pour susciter chez le lecteur une empathie ou un attachement suffisamment profond qui leur permettrait de faire oublier un début d'intrigue à l'encéphalogramme quasiment plat. Et ce n'est pas non plus l'écriture fonctionnelle mais sans relief ni saveur de David Bell qui peut sauver la mise. Dans ces conditions, pour un roman de 360 pages (grand format), la mise en place qui occupe un tiers du texte paraît donc très longue, même si les chapitres courts et quelques petits éléments disséminés ici et là, annonciateurs d'une suite probablement plus intéressante, permettent de franchir le cap sans tomber dans un ennui fatal.

    Heureusement, dès le second tiers du roman, le rythme s'accélère enfin un peu et plusieurs petits évènements s'enchaînent et permettent de relancer l'intérêt du lecteur et, surtout, d'attiser sa curiosité. Rien d'extraordinaire pourtant, et jusqu'à la fin on restera bien loin de l'efficacité narrative et addictive de Fleur de cimetière du même auteur.
    Pourtant, dès la moitié du roman à peu près, Ne reviens jamais se transformerait presque en page-turner : accélération de l'intrigue, elle-même ponctuée de quelques rebondissements bienvenus et plutôt intéressants, quelques fausses pistes alimentées par des comportements suspects.
    Mais, s'il réussit malgré tout à le tenir un minimum en haleine jusqu'à la fin, David Bell ne parvient jamais à réellement surprendre son lecteur et reste dans l'ensemble bien trop sage et prévisible pour susciter l'enthousiasme.

    Ceux qui ont lu et apprécié Fleur de cimetière seront évidemment terriblement déçus tant ils auront du mal à croire que les deux romans ont bien été écrits par le même auteur, quant aux autres, les moins exigeants trouveront là un récit sans grande surprise qui leur fera malgré tout passer quelques heures, avant d'être totalement oublié.
    Sans être pour autant foncièrement mauvais ou inintéressant, Ne reviens jamais donne vraiment l'étonnante impression d'avoir été écrit par un David Bell en pleine cure de Lexomil...

    25/05/2017 à 19:34 8

  • Sauve-toi !

    Kelly Braffet

    8/10 Amateurs exclusifs d'intrigues policières, passez votre chemin. Avec "Sauve-toi !", on est en présence d'un pur roman noir, psychologique, quasi sociologique même, mais quel roman !
    Ce qui frappe dès les premières pages et rend ce texte si addictif, c'est la force incroyable de ses personnages, leur authenticité, leur ultra-réalisme, leur crédibilité à toute épreuve. Aucun artifice, aucun cliché, ici on colle au plus près de ces personnalités riches et complexes, pour lesquels on développe rapidement une empathie totale. Ils pourraient être nos voisins, nos collègues de travail, on pourrait les croiser dans la rue sans se retourner ou se questionner sur eux, ils ne sont ni super-héros ni incorrigibles losers. Loin d'être des freaks, ce sont des gens normaux, à ceci près que chacun traverse une (très) mauvaise passe.
    Avec son écriture sobre mais racée, tout en nuances, Kelly Braffet nous introduit dans leur quotidien et révèle leur fragilité, leurs difficultés, leurs vies décomposées.
    Mis en marge de la société par leur comportement ou par leur choix, leur destins vont se croiser et se recroiser, transformant leur vie en poudrière jusqu'à ce que, les frictions s'aggravant, celles-ci finissent par produire l'étincelle fatale.
    Ne tenez pas compte du résumé de 4eme de couverture, brouillon et peu engageant, plongez sans hésiter dans ce roman noir et âpre d'une grande subtilité, qui révèle Kelly Braffet comme un des grands talents du genre et une auteure à suivre de près.

    28/11/2016 à 12:53 8

  • Thérapie

    Sebastian Fitzek

    8/10 Un des meilleurs suspenses psychologiques lus depuis longtemps, et en plus pour un 1er roman, c'est prometteur! Comment ne pas se laisser envoûter peu à peu par cette ambiance vénéneuse, au bord de la paranoïa, qui se dégage de ce thriller habile et parfaitement troussé? Un auteur que je vais suivre en tout cas!

    09/09/2010 à 02:58 8

  • Tous les membres de ma famille ont déjà tué quelqu'un

    Benjamin Stevenson

    5/10 Je viens de le finir, et j'avoue que je n'ai pas été captivé plus que ça, notamment à cause de quelques longueurs.
    En plus, l'atmosphère qu'on pouvait attendre de ce type de pitch (huis-clos pour une réunion de famille dans un hôtel de station de ski bloqué en pleine tempête) est à mon sens sous-exploitée / mal restituée / pas au rendez-vous. Sans compter que le petit suspense qui aurait pu s'installer est sans cesse désamorcé par les bons mots de l'auteur et ses touches d'humour second degré (même si celles-ci peuvent faire sourire).
    Il faut dire aussi que l'auteur se place davantage dans une veine "whodunit" que "suspense en huis-clos", et que derrière la situation de départ alléchante, il nous sort en réalité une intrigue qui pourrait être intéressante mais s'avère tellement tortueuse qu'il faut souvent se reconcentrer pour parvenir à suivre...
    Bref, sans être mauvais, on est (très) loin de la pépite ou de la découverte annoncée. Le potentiel est là, avec de bonnes idées, mais sa mise en oeuvre peine à vraiment convaincre totalement.
    5.5 (entre 5 et 6, selon que je note large ou pas)

    09/01/2024 à 22:55 8