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Le Retour du Professeur de Danse
8/10 Stefan Lindman est diagnostiqué d’un cancer de la langue. Un choc pour lui qui n’a même pas 40 ans. Il doit commencer sa radiothérapie dans quelques jours. Cette terrible nouvelle coïncide avec le meurtre de son ancien collègue policier, Herbert Molin, qui, à sa retraite, était parti s’isoler dans la campagne profonde de la Suède. Voyant une manière de fuir sa maladie, Stefan va le temps de son arrêt de travail, enquêter sur cette affaire, en collaboration avec Giuseppe, son homologue local avec qui il va se lier d’amitié. Outre un modus operandi d’une sauvagerie extrême, il va apprendre que les traces de sang laissés par l’assassin s’avèrent être les pas de danse argentine, le tango. Mais l’enquête se complexifie avec le meurtre tout aussi barbare du voisin d’Herbert.
Stefan va comprendre que son collègue n’était pas celui qu’il semblait être : il avait changé de nom dans ses années 50. Et en découvrant un journal caché dans le hangar, il apprend l’engagement de Herbert dans les Waffen SS pendant la 2nde Guerre mondiale. C’est alors toute l’idéologie nazie, passée et présente, qui est au cœur même de l’intrigue, une forme de dénonciation de la société suédoise.
« Je n’ai jamais cru que le nazisme était mort avec Hitler. Les gens qui entretiennent ces idées-là sont aussi convaincus aujourd’hui qu’ils l’étaient alors, mais ils ont d’autres noms, d’autres méthodes. La haine ne s’exprime plus de façon ouverte, mais différemment : par en dessous, si je puis dire. L’Europe est en train de s’affaisser sous l’effet de cette haine – mépris pour les faibles, attaques contre les immigrés, racisme. Je le vois partout. Et je me demande si nous lui opposons vraiment la résistance nécessaire ».
Même 20 ans après sa parution, ce livre reste d’une actualité terrifiante.27/04/2020 à 11:26 6
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Les victimes
Pierre Boileau, Thomas Narcejac
9/10 Pierre Brulin doute de l’amour de Nanou. La rencontre avait eu lieu dans sa maison d’édition. Elle était venue proposer son livre. Et là, coup de foudre pour Pierre. Mais, voilà, Nanou est mariée à Janu, ingénieur expert mondial en construction de barrages. Cet amour peu à peu s’étoffe, se construit. Les deux amoureux montent un stratagème. Puisque le divorce n’est pas possible, il n’existe plus qu’une issue : faire disparaître Nanou en Afghanistan, pendant le chantier que mène son mari, Pierre s’étant associé avec Janu, en tant qu’interprète. Ensuite c’est la liberté, en disparaissant et changeant d’identité, les tourtereaux pourront partir vivre leur idylle loin de la France.
En l’attendant, Pierre doute de l’amour de Nanou. Son voyage a dû être différé, pour décès familiale. L’attente le torture, il se pose plein de questions. Et si elle avait changé d’idée ? Si elle lui avait menti sur ses sentiments ? Si elle avait décidé de rester avec son mari ? Mais la femme de Janu arrive bien. Sauf que ce n’est pas Nanou. La femme de Janu se prénomme Claire. Qui est cette femme ? Est-ce bien la femme de Janu ? Sa maîtresse ? Pierre est-il face au même stratagème qu’il a élaboré avec Nanou ? Janu s’est-il débarrassé de Nanou ? Pierre est-il un instrument d’un meurtre ? … Pierre ne comprend pas dans quelle situation il se trouve. Il n’a qu’une solution : séduire Claire pour lui soutirer la vérité. Mais les sentiments seront comme un grain de sable dans un mécanisme manichéen.
Boileau-Narcejac sont au sommet de leur art. On retrouve les mêmes ingrédients que dans Sueurs froides, mais peut-on reprocher à ces maîtres de faire ce qu’ils savent le mieux faire : torturer le lecteur dans une histoire aux nombreux rebondissements, et à l’issue qui laisse pantois.
25/04/2020 à 18:27 4
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Folies d’infâmes
8/10 L’exercice de la nouvelle est tout à la fois difficile et périlleux. Ces petites histoires doivent proposer un récit intéressant et accrocheur, avec une chute originale et tout ça en peu de page. Pierre Siniac remplit bien ces critères avec Folies d’infâmes, le long de ces 10 nouvelles. Si les fins de ces histoires sont toujours inattendues, c’est surtout le ton (cynique, voire décalé) des thèmes de chaque nouvelle qui prévaut. On sourit (jaune) quand on rentre dans la lecture et à chaque page tourné. Et c’est un régal. Comment résister à ces critiques d’art meurtrier qui assistent aux assassinats en direct et qui en font une analyse journalistique ? Et que dire de la vengeance de ce peintre qui réalise ses œuvres sans s’arrêter ?
Pierre Siniac confirme ici qu’il n’a pas usurpé ses récompenses de Grand Prix de la littérature policière.
23/04/2020 à 08:39 2
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Perdre est une question de méthode
6/10 Bien que détective privé (spécialiste en flagrant délit d’adultère), Victor Silanpa est surtout journaliste à Bogota. C’est à ce titre qu’il va couvrir une sale affaire de corruption entre politiques, mafieux et naturistes (!), suite à la découverte d’un cadavre nu empalé sur une croix sur les bords du lac Sisga.
Silanpa est un journaliste cynique et amateur de pensées profondes qu’il collectionne dans une poupée. Son couple bat de l’aile, aussi peu attentionné que fou amoureux. C’est un personnage qui aurait pu être plus attachant. Mais voilà, Gambao n’a pas souhaité développer ce héros au contraire de son histoire qui s’enlise et comprend des longueurs.
19/04/2020 à 17:09 3
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Chez Krull
7/10 Bien que naturalisés, les Krulls sont encore considérés comme des étrangers. Ils ne comptent pas dans le quartier, ils n’ont à rien à voir avec les habitants : on les appelle d’ailleurs les Allemands. Installés près du canal, ils possèdent un commerce, une épicerie avec un bar, qui dessert principalement les mariniers, pour leur provision qu’ils peuvent mettre sur leur ardoise. Des gens simples qui ne veulent pas faire de vague, mais vivre simplement en toute sérénité et discrétion.
Alors quand débarque le neveu Hans, les Krull voient cette arrivée comme un élément perturbateur dans leur vie bien ordonnée. D’autant que Hans, débarqué chez son oncle et sa tante pour d’obscures raisons politiques, s’avère être un personnage extravagant et provocateur. Il séduit ses cousines, aime se montrer dans la ville, lui et ses origines allemandes.
Un matin, Hans découvre le cadavre de Sidonie, fille d’une femme qui vit misérablement au bord du canal. Ce meurtre va déclencher un climat de tension et de suspicion. C’est Joseph, l’étudiant en médecine, le « docteur » comme on l’appelle au canal, que l’on montre du doigt. Lui aux mœurs bizarres. Maria, la tante, demande que Hans parte de chez eux, et ainsi faire croire à la populace, qui s’est lui le coupable. Mais les gens du canal ne pensent qu’à une chose : se faire justice.
Simenon prend pour cadre de ce livre l’ambiance de l’époque. Ecrit en 1939, Chez Krull rend compte du climat de tension et de haine sous-jacente contre les exilés naturalisés allemands. Simenon, dans la deuxième partie du livre, décrit avec justesse la mise en place du lynchage des Krull. Et elle vaut à elle seule la lecture de ce roman noir.
18/04/2020 à 09:19
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La Ligne Noire
7/10 J’ai dévoré ce livre. Cette histoire m’a complétement happé. Comme d’habitude, je suis rentré dans ma lecture les yeux fermés, sans chercher à connaître d’avis, de résumé, de La ligne noire. Je savais d’emblée que Grangé allait me balader, me faire découvrir des lieux (l’Asie du sud-est), des sujets (le sang et ses transformations chimiques) qui sortent de l’ordinaire (des polars que l’on lit habituellement). Et cela a bien fonctionné. Bien évidemment, j’ai fermé les yeux sur les extravagances (qu’un journaliste puisse se voir ouvrir les portes de celles et ceux qui vont lui permettre d’accéder à la vérité sur les meurtres de Jacques Reverdi d’une facilité déconcertante : la Princesse du Cambodge, les résultats d’autopsie, les analyses des psychiatres, … ). J’ai fait fi de toutes ces facilités et aisances que Grangé accorde à Marc Dupeyrat. Parce que cela permet d’assurer un rythme effréné, de garder le lecteur sous tension et l’obliger à tourner les pages comme si sa vie en dépendait… Et cela a marché….
Mais… Oui, vous vous doutez qu’un « mais » allait se glisser dans mon avis… Mais, je n’ai pas supporté (encore une fois) que le coupable débite aussi facilement et simplement son histoire, ses explications. Cette facilité d’écriture m’insupporte et quelque soit l’auteur. Alors, quand dans les 50 dernières pages, on apprend (quasiment) toute l’intrigue et la vie de Jacques Reverdi, de sa propre bouche, alors qu’il avait averti qu’il ne donnerait jamais d’explication, cela m’a déconcerté.
13/04/2020 à 19:03 8
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Sévices
8/10 Londres : Georges Fowler, avec sa femme Jane, joue dans le trafic de films porno. Un commerce aussi illégal que bien juteux qu’il contrôle de A à Z jusqu’à arroser la police. Mais Georges vient de soulever un lièvre : en épluchant les comptes, il découvre qu’on le spolie. Georges n’aime pas ça. Il soupçonne ses intermédiaires, ceux qui assurent la distribution, de ses petites mains jusqu’à ceux qui sont plus proches de lui. Mais comme dans tous les trafics illégaux, il n’y a pas de quartiers.
Mablethorpe : Georges Fowler est devenu Roy Carson. Il se cache dans sa villégiature en bord de mer. Il passe ses soirées, au Dunes, cabaret où la troublante mais séduisante Lesley donne ses spectacles. Mais Georges est suspicieux. De tout et de tout le monde.
Pour comprendre comment Georges est passé de Londres (intitulé Le Brouillard dans le livre) à Mablethorpe (La mer), Ted Lewis alterne les chapitres (très courts où les dialogues assez directs sont privilégiés) d’un endroit à l’autre, du passé au présent, pour voir plus clairs. Du début, le lecteur doit s’accrocher pour saisir où l’auteur anglais souhaitent nous emmener. Et on n’est pas épargné. Tortures, magouilles, traquenards, enlèvement,… on trouve de tout dans ce roman noir qui dépeint une vision de la folie humaine.11/04/2020 à 16:52 4
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Un vent de cendres
5/10 A la fin de l’édition de ce polar que j’ai lue, au détour de 5 questions, une interview de l’auteure permet d’appréhender l’écriture de ce deuxième livre de Sandrine Collette. Elle indique, entre autres, ses interrogations qui revenaient en boucle, de savoir si ce deuxième roman est aussi tendu que le premier, est-il assez noir, si l’histoire est « prenante », si elle donne envie de ne pas refermer le livre avant de l’avoir fini.
Je suis désolé mais je n’ai qu’une seule réponse à toutes ces questions : non.
Je n’ai pas ressenti une tension extrême dans l’histoire. Même si j’ai lu ce livre assez rapidement, cela est dû au nombre de pages modeste (250), plus qu’à une envie de connaître la fin à cette histoire.
Cela n’est pas dû à la qualité de l’écriture de Sandrine Collette qui possède une plume attachante. La raison pourrait résider dans la structure de l’histoire. On comprend assez facilement dès les premières pages les ficelles de l’intrigue et on a peu de mystère sur la disparition du frère de Camille. Seule la course poursuite dans la maison sauve un peu cette histoire d’un désolant ennui.08/04/2020 à 13:51 5
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Sur un mauvais adieu
7/10 Harry Bosch est officier de police en réserve à San Fernando à mi-temps et occupe l’autre partie de ses journées en tant que détective privé. C’est à ce titre que Vance, multi milliardaire, lui demande de chercher un éventuel héritier. Au début des 50’s, il avait eu une histoire avec une femme d’origine mexicaine. Sa famille voyant cette histoire d’un mauvais œil a tout fait pour mettre fin à cette idylle et ses conséquences. Atteint d’un cancer, Vance charge Bosch de découvrir s’il a un enfant afin de lui léguer sa fortune. Parallèlement avec sa coéquipière, Bella, il va devoir enquêter sur un violeur en série.
On ne compte plus les enquêtes d’Harry Bosch, mais Connelly propose avec ce titre, une lecture addictive. L’auteur américain est un expert pour écrire des livres que l’on dévore. Ici il ne fait pas exception en proposant deux enquêtes aussi intéressantes qu’aux rebondissements incroyables. Et c’est avec plaisir que l’on croise le demi-frère de Bosch et avocat, Haller. Si les enquêtes sont aussi bien rythmées, si on dévore les pages, on reste un peu frustré de ne pas avoir plus de détails dans les enquêtes et les procédures. Connelly nous propose un Bosch en version « light » dans ce « sur un mauvais adieu ».
05/04/2020 à 18:09 3
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Obia
9/10 Dans ce troisième livre de la série guyanaise (qu’il est recommandé de lire dans l’ordre), Colin Niel continue de nous faire découvrir la Guyane avec nos inspecteurs préférés : Anato, capitaine de la gendarmerie d’origine Ndjuka, dont les ancêtres étaient des Africains esclaves dans ce territoire d’Amérique, et Vacaresse, devenu enquêteur privé. Obia est à l’image de cette forêt amazonienne, dense et d’une immense richesse.
Les deux amis vont devoir enquêter sur des meurtres liés à un trafic de cocaïne. Les mules recrutées dans le pays voisin, le Suriname, devaient cheminer la drogue en métropole moyennant la promesse d’une somme d’argent, qui dans cette région de misère, signifie un mince espoir à défaut d’avenir.
Dense, avec pas loin de 500 pages, ce livre n’ennuie en aucun moment le lecteur. On est rivé à notre lecture, où chaque ligne de chaque page du livre nous emmène dans la découverte de la riche et passionnante (même si elle fut humainement terrible) histoire de la Guyane. Et nous plonge dans la recherche de la vérité sur l’enquête mais également dans l’histoire personnelle d’Anato sur ses origines. On découvre la terrible situation sociale des Guyanais, où la drogue constitue autant un espoir pour les jeunes qu'un terrible fléau, et l'histoire des réfugiés surinamiens face à la guerre civile des années 70-80.
Colin Niel est un écrivain de talent. Cette série devrait être adaptée en série pour que son génie soit reconnu par un plus grand public.
04/04/2020 à 17:18 6
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Ce qui reste en forêt
8/10 La Guyane est un territoire éloigné de l’hexagone. Loin des yeux, loin du cœur ? De ce département-région d’outre-mer, l’on connaît la présence du centre spatial Kourou, le fort taux de délinquance d’une population plus pauvre que la moyenne métropolitaine. Ce que l’on sait peut-être moins, c’est la présence d’une richesse faunistique et floristique du fait de la présence de la forêt amazonienne sur son territoire.
C’est à ce titre-là, que dans le camp de Japigny*, d’éminents chercheurs se côtoient afin de mener leurs études sur différents spécimens rares et spécifiques de la région. Or quand Serge Feuerstein, naturaliste de renommée mondiale, est porté disparu depuis plus de 48 heures, la gendarmerie est appelée pour effectuer sa recherche dans cette forêt dense mais que le scientifique connaissait par cœur qu’il pouvait y survivre pendant une semaine. Dès lors, quand on découvre son corps sans vie au fond d’un gouffre, certains émettent l’hypothèse d’un meurtre, étayée par la présence d’un camp illégal de chercheurs d’or à proximité.
C’est la brigade du Capitaine Anato, et de ses Lieutenants Vacaresse et Girbal, qui va mener l’enquête et élucider ce mystère. Celle-ci va aller de rebondissements en rebondissements. On va la suivre porté par les pérégrinations de l’histoire, de la vie des personnages du camp, des orpailleurs clandestins, des enjeux des recherches scientifiques mais également par les vies personnelles (et leurs questionnements existentiels) des gendarmes Anato, Vacaresse et Girbal. L’auteur alterne les chapitres par ces différents sujets ce qui rend la lecture addictive et très intéressante.
* L’auteur a inventé ce camp.
25/03/2020 à 16:26 2
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Les Hamacs de carton
8/10 Après avoir apprécié la lecture de Seules les bêtes, c’est avec un immense intérêt et plaisir que j’ai décidé de poursuivre la découverte de l’œuvre de Colin Niel. Avec Les hamacs de carton, l’auteur français m’a carrément transporté dans les coutumes des Noirs-marrons, leurs dialectes et leurs problématiques d’intégration dans la société française. Et l’intrigue loin d’être un prétexte à la présentation de l’histoire de la Guyane est une enquête troublante menée par le Capitaine Anato, qui revient dans son pays d’origine, aussi étranger qu’un métropolitain.
Si ces ingrédients sont essentiels pour contribuer à faire de cette histoire un roman policier, c’est le style qui rend encore plus attachant Les hamacs de carton. C’est donc sans surprise mais toujours avec un plaisir anticipé que je vais poursuivre cette « série guyanaise ».
19/03/2020 à 18:31 7
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L'Heure trouble
7/10 20 ans après la disparition de son petit-fils, Jens, Gerlof Davidsson appelle sa fille Julia. Il vient de recevoir par courrier une des bottes que chaussaient l’enfant. La mère, qui a sombré de manière perverse dans la dépression et l’alcool, se rend dans l’île d’Oland. Gerlof vit dans une maison de retraite. Alors qu’il se sent responsable de la perte de son petit-fils dont il avait la garde, Gerlof n’a pas cessé d’essayer de comprendre ce qui était advenu à Jens. Cette botte ne peut être qu’envoyée par le tueur. Gerlof souhaite faire partager à sa fille l’avancée de ses recherches. Cette vieille histoire semble pour lui trouble d’autant que l’ombre du défunt Nils Kant, fils d’une riche famille locale et tueur sans vergogne de réfugiés allemands à la fin de la 2nde Guerre Mondiale et du garde champêtre local, plane sur cette affaire. Gerlof rencontre ses vieux amis, et déterre les vieux souvenirs.
Le lecteur suit au rythme des sorties de Gerlof de sa maison de retraite l’évolution de cette histoire. Parallèlement, l’auteur suédois nous offre l’histoire de Nils Kant, celui qui est pressenti avoir rencontré et tué Jens. C’est une histoire attachante dont l’écriture de Theorin rend agréable. La lenteur de l’avancée de l’intrigue, le manque de rythme, caractéristiques des polars suédois, ne font pas obstacle à cette lecture qui m’a permis de découvrir un nouvel auteur dont je vais certainement apprécier le reste de l’œuvre qui a reçu moult prix.
08/03/2020 à 18:56 3
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Le Coup de vague
7/10 Jean est élevé depuis sa toute petite enfance par ses tantes, Hortense et Emilie, dans ce lieu-dit Le Coup-de-vague, une ferme près de La Rochelle. Rythmé par les saisons, les parcs à huîtres et les bouchots, et les champs, Jean voit sa vie gérée par ses aînées. Alors quand Marthe tombe enceinte de lui, Hortense et Emilie prennent la situation en main. Malgré qu’elles aient pu faire passer l’enfant sans le consentement des amoureux, elles ne peuvent empêcher le mariage. Pourtant elles voient d’un mauvais œil que Marthe, la fille de Sarlat qu’elles détestent, s’installe dans la maison. Alors elles vont tout faire pour que la jeune mariée ne fasse pas de vague.
Jean s’interroge sur les motivations de ses tantes. Il prend alors conscience qu’il n’est qu’une marionnette à la solde de ces personnes que le village surnomme « les chipies ». Il comprend dans les sous-entendus qu’il n’est peut-être pas le fils d’une femme morte en couche et d’un mercenaire perdu en Afrique. Les secrets de famille pèsent lourd comme des chaînes aux pieds.
Je trouve que Simenon est meilleur quand il focalise son écriture sur un seul personnage et qu’il ne se disperse pas à relater les histoires de plusieurs protagonistes à la fois. Et ici, en reprenant le thème de l’homme-enfant dont les décisions et les choix sont prises par la femme à l’instar de Les sœurs Lacroix, par exemple, Simenon signe un roman dont la noirceur est soutenue par un malaise et un mal être et où la mort n’est jamais très loin.
19/01/2020 à 09:42 3
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Le Cheval blanc
6/10 En ce week-end de Pentecôte, Emile Arbelet, sa femme et ses deux enfants ont décidé de déserter Nevers pendant deux jours, de longer la Loire à pied et d’aller jusqu’à Pouilly. Arrivé dans le village, ils logent dans cet hôtel, le Cheval Blanc, tenu par M. Jean, sa femme Fernande et quelques bonnes. Indisposé la nuit, Emile croise le gardien de nuit qui s’avère être l’oncle de sa femme, Félix. Ancien colonial, atteint par la malaria, il est venu se réfugier dans cet hôtel après avoir été tenu pour responsable du suicide d’un de ses frères d’arme. Félix n’a plus toute sa tête, et puisqu’il a été accusé de la mort d’un soldat, il n’aspire qu’à tuer. La famille Arbelet revient en autocar. Afin de proposer une maison de repos pour l’oncle, Emile revient dans cet hôtel dont la vie est rythmée par Fernande qui gère l’activité, M Jean qui s’éprend des bonnes, et des petites péripéties qui font le charme des villages. Mais surtout, Félix et ses idées obsessionnelles de mort.
Le Cheval Blanc est une peinture de la vie quotidienne d’un hôtel avec ses personnages et les événements de la vie au quotidien qui illustrent les faits divers des journaux. Ce n’est pas le meilleur des Simenon. Il manque, pour moi, une tension latente, et une atmosphère plus prenante.
12/01/2020 à 20:12 3
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Les Morsures de l'ombre
8/10 Roman sous tension qui ne laisse aucun répit au lecteur qui est pris à la gorge dès la première ligne et ce jusqu’à la dernière.
On essaie de comprendre les raisons de la séquestration du commandant de police Benoît Lorand par Lydia. Et Karine Giebel ne nous épargne rien. Avec son style direct et sans concession, elle nous fait vivre et ressentir les sévices physiques et psychologiques subis par Benoît. Ce n’est qu’à la dernière ligne que l’on saura le dénouement et les raisons qui ont poussé cette tortionnaire à torturé ce policier. Et entre temps, on doutera de tout et de tout le monde. Nous aussi, on sort de cette lecture torturé.
08/01/2020 à 18:29 7
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Les Âmes Grises
9/10 « Les salauds, les saints, j’en ai jamais vu. Rien n’est ni tout noir, ni tout blanc, c’est le gris qui gagne. Les hommes et leurs âmes, c’est pareil… T’es une âme grise, joliment grise, comme nous tous… »
On est prévenu que rien ne sera rose à la lecture de ce livre de Philippe Claudel et à la rencontre avec Belle de Jour, Lysia, Destinat, le Grave, Barbe, le Petit Breton, Mierck, Gachentard, la femme de Bourrache, Hippolyte Lucy, Mazerulles, Clémence,… Tous ces personnages qui, à cette période de fin de Première Guerre mondiale, pas très loin du front, sont confrontés à la mort de cette jeune fille de 14 ans, Belle de Jour. « L’enquêteur » raconte cette « Affaire » et la vie de ce petit village, sur le ton de la confidence emprunte de tristesse voire de mélancolie. Philippe Claudel, à la manière d’un écrivain classique, nous touche par son style et nous fait côtoyer les anges. La beauté peut parer toutes les couleurs de l’arc en ciel, y compris le gris.
04/01/2020 à 13:39 7
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Né d'aucune femme
9/10 J’ai beau avoir survolé (et non lu, pour préserver l’effet de surprise) les différents avis et critiques de ce livre, j’avais bien compris que Né d’aucune femme était une bombe de la littérature noire sortie 2019. Mais rien ne m’avait préparé à me prendre en pleine figure cette histoire tragique que fut la « vie » (peut-on appeler ça une vie ?) de Rose. Et quand j’emploie le terme tragique les qualificatifs de « dramatique », « horrible » et « terrifiant » doivent compléter ce qui fut l’histoire de Rose. C’est effectivement un récit abominable avec des scènes des plus pétrifiantes que nous délivre Franck Bouysse. Et j’ai pris un plaisir pervers à tourner les pages pour connaître l’issue du livre.
Je dois reconnaître que l’auteur français s’est sublimé et est presque au sommet de son art. J’utilise sciemment ce « presque » car je caresse le doux rêve que Franck Bouysse saura se transcender et écrire d’autres écrits qui dépasseront cette histoire.03/01/2020 à 19:46 10
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Ce qu'il nous faut c'est un mort
9/10 Ce livre est époustouflant. L’histoire, les personnages et la plume d’Hervé Commère nous procurent des sentiments les plus divers et variés : cette lecture produit sur nous un effet addictif, tant ce récit est profondément bien raconté et ancré dans l’histoire de notre société, d’un village parmi tant d’autres, de gens qui pourraient être nos voisins, nos amis, notre famille, … Tout pourrait être vrai. Ce livre est un miroir de notre vie. C’est pourquoi il est aussi effrayant que beau ; à la fois rempli d’horreur et d’espoir… Il est profondément humain.
31/12/2019 à 18:15 7
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Imagine le reste
8/10 Ce livre raconte une histoire de voleurs volés, mais pas que. Ce livre propose une histoire où les destins des uns influencent celui d’autres, mais pas que. Dans ce livre, on y rencontre des petits truands, mais pas que ; un mort, mais pas que ; des trahisons, mais pas que. Car ce livre sent profondément l’amour. Il est rempli d’un optimisme sans concession. On ressort de la lecture de ce livre revigoré, en se disant que le monde peut être beau. Comme ce livre d’Hervé Commère qui est un écrivain qui force l’admiration au fil de la découverte de son œuvre.
29/12/2019 à 15:39 4