JohnSteed

552 votes

  • Arrive un vagabond

    Robert Goolrick

    10/10 Pour faire d’un livre, un ouvrage mémorable, il doit remplir deux conditions : une très belle histoire servie par une très belle écriture. Arrive un vagabond réunit, pour moi, ces deux exigences.

    Pourtant, les histoires d’amour impossible sont pléthores dans la littérature. C’est même un sujet qui a traversé les siècles, qui a été usé jusqu’à la pointe de la plume des meilleurs et moins bons écrivains.

    Mais Robert Goolrick par son style à la fois classique et gracieux, voire poétique, sublime cette histoire. Cet auteur américain contemporain est un digne héritier des Steinbeck Hemigway voire Faulkner. Il nous conte, plus qu’il ne raconte, ce terrible et tragique drame amoureux qu’a connu cette petite ville de Brownsburg en Virginie en 1948. Ce village reculé et profond des Etats-Unis, bourrés de concepts religieux distillés dans les églises les dimanches, voit arriver un homme venu de nulle part : Charlie Beale. Il saura conquérir tous les cœurs, des hommes comme des femmes du village et de cet enfant, Sam, qui sera un ami complice. Lui qui n’avait que la volonté de se créer un endroit où vivre, va trouver l’Amour. En la personne de Mrs Sylvan Glass. Oui une Dame, mariée à l’odieux Boaty Glass. Personnage tellement antipathique, qu’il a été obligé d’acheter sa femme. Sylvan prisonnière de ce couple, se réfugie dans le cinéma et les magnifiques robes des actrices que lui confectionne Claudie, la talentueuse couturière noire du village.

    Ce qui devait arriver arriva, avec l’acceptation tacite des habitants de Brownsburg : Charlie s’éprend de Sylvan. Tant que tout reste secret, ça ne choque personne. Mais la vie, comme dans les films que chérit tant Sylvan, comprend son lot de rebondissements et l’Amour beau n’est peut-être que celui qui est impossible. Surtout cet été 1948 à Brownsburg.

    Coup de cœur pour ce coup de maître.

    04/11/2019 à 18:53 5

  • Là où chantent les écrevisses

    Delia Owens

    10/10 Chère Kya,

    « La vie est belle et cruelle à la fois, elle nous ressemble parfois ». Ce sont ces paroles d’une chanson qui me traversent l’esprit quand je repense à votre vie.
    Cruelle, votre vie le fût : abandonnée dès votre plus jeune âge par votre famille, vous vous êtes construite et, au milieu des marais, avez appris tout ce que votre environnement pouvait vous apporter. De là où chantent les écrevisses vous vous êtes forgée ce caractère inébranlable, cette envie et cette force de vivre aussi puissantes qu’essentielles dans ce milieu hostile.

    Cruelle toujours quand certaines personnes ont abusé de votre innocence. Se sont amusés avec les sentiments, ont joué avec le plus fort, le plus noble : l’amour.
    Mais certains épisodes et quelques rencontres furent belles et décisives : Jumping et sa famille, qui, sur leur ponton, vous ont apporté de quoi survivre mais plus que tout, une amitié infaillible. Et le jeune Tate, l’ami de votre frère, qui vous a appris à lire et à écrire. Car, pour vous, il était hors de question d’aller à l’école. Isolée dans les marais, vous avez su trouver le but de votre vie. Faire découvrir et aimer cette faune et flore si riche, si belle et tellement vitale.

    Kya, je vous suis éternellement reconnaissant de m’avoir apporté à travers votre histoire tant de beauté, et de belles leçons sur la vie.

    26/09/2021 à 08:57 9

  • Le soleil des Scorta

    Laurent Gaudé

    10/10 Le soleil des Scorta peint une saga familiale des plus troublantes et attachantes. Elle prend racine dans l’Italie des Pouilles, au début du XXème siècle, dans un village meurtri par la chaleur et par la misère de ses habitants. Après 10 années passées en prison, Luciano Mascalzone revient à Montepuccio pour posséder celle qui n’a pas quitté son cœur, la belle et troublante Filomere Biscotti. Mais voilà, dans la précipitation et l’urgence de son acte, Luciano vient de séduire la sœur, Immacolata. Et cette dernière allait par la suite enfanter d’un garçon. Voilà la lignée des Mascalzone était née, par une tromperie une erreur sur la personne, et donc un viol.

    Et suite à un pacte entre Luciano et le curé du village, la famille vivra dans l’extrême pauvreté et n’aura de choix que de partir vers l’Amérique, cette terre des espérances et des rêves de vie remplie de richesse et d’allégresse. Mais comme si la terre de Montepuccio était aimantée, collante, attachante, les Mascalzone reviennent sur leur terre natale.

    Mon premier Laurent Gaudé, Le soleil des Scorta m’a profondément séduit. Certes l’histoire est belle, douloureuse, mais l’écriture de l’auteur m’a réellement transporté, ce soleil de l’Italie éblouissant mes yeux, et cette chaleur réchauffant mon cœur. Un très beau livre.

    01/03/2023 à 17:35 4

  • Mémoire en cage

    Thierry Jonquet

    10/10 Internée depuis deux ans à l’Institut de réadaptation au pavillon des infirmes moteur cérébraux, Cynthia se fait passer pour grabataire et totalement débile. Elle fermente un plan pour se venger de l’ordure. Qui ? Pourquoi ? Comment ?

    Dans son premier polar, Jonquet, ce qui sera sa marque de fabrique, pose les éléments d’une machination qui ne se dévoilera que page après page. Mémoire en cage est un livre qui atteint les sommets de la perfection. L’originalité dans le style et dans l’histoire fait de ce livre un incontournable et un chef d’œuvre du polar.

    23/06/2019 à 18:29 7

  • On achève bien les chevaux

    Horace McCoy

    10/10 Le juge vient de demander à Robert Syberten de se lever pour que lui soit prononcé le verdict pour le meurtre de Gloria Bettie. Pendant que le juge lui rappelle les chefs d’inculpation et lui signifie la sentence, Robert se remémore sa rencontre avec Gloria. En revenant des studios Paramount, cet apprenti réalisateur prend en stop cette jeune figurante. Tous les deux, dans l’attente qu’Hollywood leur sourit enfin, se portent candidats pour se lancer dans le marathon de danse afin de remporter le concours doté d’une coquette somme de 1 000 $. Même s’ils ne le gagnent pas, au moins seront-ils à l’abri et nourris. De plus, ils y voient un moyen de se faire repérer par un tas de producteurs et de metteurs en scène qui fréquentent ces marathons.

    Mais le marathon apparaît vite comme un spectacle business s’étirant sur plusieurs semaines au rythme d’éliminations des candidats. Tout est organisé comme une mise en scène pour divertir le public qui y assiste en masse. Il s’avère être une vraie épreuve âpre, dur et sans pitié pour les participants.
    Très vite, Gloria se sent épuisée et n’en peut plus de cette danse qui n’en finit plus. Elle révèle sa vraie personnalité, elle qui regrette « que les gens accordent tant d’attention à la vie et si peu à la mort. Voulez-vous me dire pourquoi tous ces savants à grosse tête n’arrêtent pas de se décarcasser pour essayer de prolonger la vie au lieu de chercher des moyens agréables pour la finir ? Il doit bien y avoir dans le monde une tripotée de gens comme moi, qui ont envie de mourir, mais qui n’en ont pas le courage. »

    N’étant absolument pas amateur de danse et exécrant au possible l’industrie du spectacle (et autres émissions télé-réalités actuelles), j’appréhendais la lecture de ce livre. Mais ces thèmes ne sont que secondaires. L’écriture fluide, composée principalement de dialogues et de réflexions du personnage principal, offre une lecture facile et critique de la société actuelle (n’oublions pas qu’il a été écrit en 1936) et du business spectacle en général. Un classique et chef d’œuvre du roman noir.

    03/11/2018 à 10:43 8

  • On était des loups

    Sandrine Collette

    10/10 Ce 10ème roman de Sandrine Collette m’a pris aux tripes, comme Et toujours les forêts. La comparaison ne s’arrête pas là, tant le style et l’atmosphère des 2 romans sont assez proches.

    L’auteure française m’a quasi tiré les larmes de mon corps, tant On était des loups est bouleversant. Le narrateur, Liam, un taiseux, vit reclus dans les montagnes, avec sa femme qui l’a suivi par amour, et avec son tout jeune fils, Aru. Au retour d’une chasse, il découvre sa femme tuée par un ours, et Aru, blotti sous le corps de sa mère. Liam ne peut pas garder Aru avec lui. Il va le gêner pour la chasse. Et s’il n’y pas de chasse, il n’y a pas à manger. Et alors, ils mourront tous les deux dans cet univers sauvage. Alors, le choix est simple pour le père. Se débarrasser du petit. Et puis, Liam ne sait pas s’occuper d’un enfant. Il n’a pas appris. Ou plutôt, on ne lui a pas appris. Pas appris à être père. Aru doit se débrouiller seul, et puis c’est tout. Mais se débrouiller tout seul dans ces montagnes, c’est la mort assurée. D’ailleurs, ne serait-ce pas la meilleure solution pour Aru, de mourir ? Il rejoindrait sa mère, lui qui demande où elle est sa mère…

    Roman d’apprentissage de la paternité, Sandrine Collette nous transporte dans les réflexions d’un homme étranger à toute émotion et emprunt d’un détachement du fruit de sa chair. Un être primitif voire primaire dont la seule pensée est de survivre et de vivre sa seule liberté. Le lecteur va côtoyer les horreurs d’un environnement hostile et des pensées les plus effroyables. On en ressort remué. Remué du début à la fin. Car Sandrine Collette sait sublimer ses histoires et les rendre belles. Et avec On était des loups, elle a su, avec son style « parler », ses tournures simples voire simplets, des mots aussi bruts que crus mais tellement poétiques, composer un conte intemporel et d’une intensité rare. Tout simplement beau !

    05/12/2022 à 17:10 6

  • Rebecca

    Daphné Du Maurier

    10/10 Manderley. Splendide et majestueuse demeure de la famille de Winter à l’architecture gracieuse, d’une beauté exquise et sans défaut, bâtie au creux de douces prairies et de mousseuses pelouses, entourées de grandes colonnades d’arbres, entremêlant leurs branches noueuses, et au milieu de buissons de rhododendrons les plus majestueux. Manderley. Lieu poétique et tragique niché à l’ouest de l’Angleterre, en bordure de mer.

    Mme de Winter se remémore sa destinée en tant que nouvelle épouse de Maxim de Winter. Quelques mois plus tôt, elle a rencontré M. de Winter, pendant qu’elle était la simple et modeste dame de compagnie de Mrs Van Hooper, une vieille dame acariâtre, venue passée quelques jours au sud de la France à Monte-Carlo. A peine après avoir lié connaissance, Maxim de Winter la demande en mariage. Après une cérémonie des plus simples et rapides et un voyage de noce de quelques jours en Italie, le couple arrive à la demeure familiale, Manderley. L’ombre et la mémoire de Rebecca y plane et hante encore le lieu. La précédente Mme de Winter est morte tragiquement, noyée dans son petit bateau et a laissé son empreinte dans la demeure et la pensée des domestiques. Notamment Mrs Danvers, la gouvernante à la personnalité froide et hautaine. Domestique attitrée mais également confidente de Rebecca, elle prend un plaisir pervers à rabaisser la nouvelle Mme de Winter. D’autant qu’il en faut peu à cette dernière qui manque d’assurance, de grâce, de confiance en elle, pour perdre espoir en sa qualité de nouvelle épouse de Maxim. Elle se sent broyée et mal à sa place, se demandant constamment comment ferait Rebecca pour s’imposer et redonner sa splendeur et le prestige à Manderley. Rebecca est le sujet de toutes les conversations. Et les tentatives de la nouvelle épouse pour s’imposer ne sont que voués à l’échec, comme le prestigieux bal annuel à Manderley.
    A la suite de l’échouage d’un navire dans la crique de Manderley, le bateau où Rebecca a trouvé la mort est découvert. Comme un fantôme, le corps de Rebecca y est retrouvé et avec lui, les secrets de la disparition feront surface, et menaceront les nouveaux amoureux.

    Daphné du Maurier est connue pour être une maîtresse du genre roman psychologique et à suspens. Et elle excelle avec Rebecca. Le terme de chef d’œuvre est loin d’être usurpé ici.
    Tout y est magnifique. L’histoire de ce couple d’amoureux, la présence envoûtante de Rebecca, la description poétique de Manderley, faisant de ce lieu un personnage à part entière dans le livre…
    Connaissant le film d’Hitchcock, je peux affirmer que le livre est plus puissant. Je peux vous dévoiler que Rebecca m’a également envoûté. Je n’hésiterai pas à le relire, à le rerelire... Un véritable chef d’œuvre, je vous dis.

    12/07/2018 à 19:33 5

  • Stoner

    John E. Williams

    10/10 L'enterrement de William Stoner en ce début de roman en 1956 sera peu suivi et n'émouvra que ses seuls collègues. Et ne laissera que peu de souvenirs dans cette université du Missouri où il arriva en 1910. Ce fils unique de paysans solitaires au cœur du Missouri très profond rentre, à la demande de son père, à la faculté d'agriculture afin de pourvoir à la succession de la ferme. William Stoner s'y résigne. Accueilli par des cousins germains de sa mère en contrepartie de travaux dans leur exploitation agricole, il travaille dur ses cours de sciences. En licence agro, il doit suivre un cours sur la littérature anglaise. Grâce à son professeur, austère mais passionné, Archer Sloane, c'est la révélation : il abandonne l'agriculture pour se consacrer aux études des lettres. Ainsi, il va égoïstement rester au pays pour poursuivre sa vie d'étudiant à l'heure de l'entrée en guerre des États-Unis dans ce premier conflit mondial et où ses collègues partent fleurs aux fusils faire la guerre. Sa persévérance, son courage, son abnégation lui feront obtenir un poste d'enseignant.

    Lors d'une soirée mondaine il rencontrera la mystérieuse, troublante mais attirante Edith Bostwick, fille unique d'une famille de banquiers de Saint Louis. Malgré cette différence de rang social, sans enthousiasme, sans passion, elle va accepter ce mariage et après une détermination inattendue, lui donner un enfant. Mais la crise financière de 1929 va entraîner la mort de son père. Edith reviendra de l'enterrement déterminer à faire de la vie de William un enfer. Elle s'y emploiera avec malice, méchanceté et perversité. Il en ira de même dans sa vie professionnelle avec l'arrivée de l'éminent mais hautain professeur Lomax.

    John Williams fait de Stoner un livre d'une puissance psychologique insoutenable. L'écriture de l'écrivain américain est à son sommet. Il nous offre des scènes fortes que ce soit dans les derniers instants de la vie de Stoner que dans ses moments de plénitude dans l'amour des livres ou de Katherine. Ces seuls instants où Stoner s'est vraiment senti vivant. Car Stoner fut toute sa vie un homme écrasé et étouffé par sa vie et par ceux qui l’ont partagé mais résigné à ce qui lui arrivait. Stoner n'en est pas moins un homme passionnant et attachant, un anti héro émouvant.

    30/04/2018 à 07:51 5

  • ... Et justice pour tous

    Michaël Mention

    9/10 On termine à peine … Et justice pour tous qu’on ne peut s’empêcher de constater que cette trilogie anglaise de Michaël Mention est une réussite. Aucune faute, aucun défaut dans ces 3 livres qui la composent.
    …Et justice pour tous conclut admirablement bien le cycle initié avec Sale temps pour le pays. On retrouve ici Mark Burstyn, viré après l'affaire de l'éventreur du Yorkshire, et son ancien collègue Clarence Cooper.

    Rongé par l’alcool et les remords, Burstyn va venger sa filleule, tuée par un chauffard qui a pris la fuite sans laisser d’adresse. Mais voilà, le fin limier reprend du service, de manière officieuse. Il va quitter Paris où il vivait reclus avec ses démons pour en retrouver et en combattre d’autres aussi puissants et ravageurs.
    Parallèlement, Clarence Cooper mène une enquête sur des corps d’enfants retrouvés dans les sous-sols de l’orphelinat St Ann. Si le père Tom est accusé, cette affaire va se révéler plus périlleuse pour beaucoup de personnes voire personnages. On est au Yorkshire et ce pays est sale, ne l’oublions pas.

    Michaël Mention a accouché d’un livre qui sent aussi bien la tristesse, que le malheur ou la testostérone. Encore une fois, l’auteur français ne ménage pas son lecteur. Il le bouleverse, le secoue, le prend par les tripes pour mieux l’achever. Le pire, c’est qu’on en redemanderait bien encore. Masos ? Peut-être. Admiratif du talent de Mention ? Certainement.

    13/02/2024 à 15:45 5

  • A la gorge

    Max Monnehay

    9/10 Lors de son entretien avec Émilien Milkovitch, emprisonné depuis 10 ans au centre pénitentiaire de l’île de Ré, Victor Caranne, psychologue carcéral, se rend compte qu’il est devant une situation pas banale. Que ce prisonnier surnommé Milou clame son innocence en cette période d’anniversaire n’est pas nouveau, mais Caranne est intimement persuadé qu’il n’a pas commis ce double homicide.

    Le psy est donc confronté à une situation où sa conscience professionnelle est malmenée. Mais comment prouver l’innocence de Milou dans tous les tout prochains jours ? Car, le prsionnier ayant indiqué qu’il allait se suicider, à la date même de ses 10 ans d’emprisonnement, les minutes sont comptées. Caranne ne peut que persuader Anaïs, la policière du commissariat de La Rochelle de l’aider, en Off, sur ce vieux dossier.

    Caranne va découvrir une intrigue des plus complexes et dangereuses où le temps est un ennemi. De plus, du côté de sa privée, des vieux démons ressurgissent. Et c’est peu dire que la vie n’épargnera pas le psy.

    A la gorge, le 3ème volet de la série mettant en scène ce psychologue attachant, est trépidant. On n’a pas le temps de souffler, cette enquête va à vitesse grand V. Tous les protagonistes, que l’on retrouve d’un tome à l’autre (du coup, vaut mieux prendre cette série du début), ont leur place et constituent une part entière dans cette histoire. Je dévore les livres de Max Monnehaye même si elle n’épargne pas ni ses personnages, ni le lecteur, et j’ai hâte de connaître la suite des « aventures » de Victor Caranne.

    27/03/2024 à 13:36 2

  • Adieu demain

    Michaël Mention

    9/10 20 ans après l’Affaire de l’éventreur du Yorkshire, la police de Leeds est confrontée à un autre tueur en série de prostituées qui s’inspire de Witcliffe. Une sorte de copy cat mais avec une arbalète.

    Mark Burstyne et son coéquipier Clarence Cooper concentrent leurs efforts sur un seul suspect : Peter. Ce sympathisant de Wittcliffe l’a côtoyé en hôpital psychiatrique et a fait une thèse sur lui. Le suspect idéal, donc. Mais pour avoir des preuves accablantes, Clarence est sommé de s’infiltrer sous une fausse identité dans le groupe de patients suivi par un troublant docteur. Et que dire des autres membres du groupe qui deviennent les uns après les autres d’idéaux suspects également ?

    Si Michaël Mention continue de disséquer la société anglaise pour se concentrer désormais aux années 90, Adieu demain se pose comme un cran au-dessus de son prédécesseur. Moins de personnages et leur approche psychologique est beaucoup plus approfondie. Avec une mention spéciale pour les passages sur le développement de l’arachnophobie de Clarence. En résumé, j’ai vraiment beaucoup aimé ce 2ème volet de la Trilogie anglaise. Un roman qui méritait amplement son Prix Polars Pourpres 2014.

    17/01/2024 à 16:53 7

  • Affronter l'orage

    Larry Brown

    9/10 En quatrième de couverture, pour présenter Larry Brown, l’éditeur reprend les termes publiés par Le Monde qualifiant l’auteur américain de « romancier des rêves égarés et des âmes perdues ». Dans les neufs nouvelles qui composent Affronter l’orage, on rencontre des personnages ravagés par la vie, oubliés par le bonheur, fuis ou apeurés par l’amour, des miséreux sans être pour autant exclus de la société. Larry Brown peint la vie américaine comme il la voit, sans fioriture avec ses mots et un style inégalable qui touchent et emportent le lecteur tout au long des 160 pages.
    Si Affronter l’orage (ou Faire face, titre de la première édition sortie chez Gallimard) est le dernier et ultime livre publié en France de l’auteur américain, il s’agit, paradoxalement de ses premiers écrits. On y trouve toute la pertinence, la justesse et la sensibilité qui composeront ses chefs d’œuvre que sont Joe, Fay et L’usine à lapins.

    Mort en 2004, Larry Brown a gagné 2 fois le prestigieux Southern Book Award for Fiction. A la lecture de son œuvre, on comprend pourquoi il est le seul auteur à l’avoir remporté autant de fois. Larry Brown est un Maître du polar américain.

    15/08/2021 à 11:28 2

  • American Rust

    Philipp Meyer

    9/10 Isaac English, intello, et Billy Poe, grand sportif, sont, bien qu’opposés physiquement et intellectuellement, des potes inséparables, liés par les forces indéfectibles de l’amitié. Ces deux « frères » ont un point commun : leur avenir s’est arrêté alors que les portes des grandes universités pour ses compétences sportives, pour l’un, ou pour son QI très élevé pour l’autre, étaient grande ouvertes. Billy est tenaillé par un sentiment de culpabilité d’avoir échappé de peu à la prison, grâce à la bienveillance et les relations du shérif. Issac cultive un sentiment d’infériorité, sa sœur ainée étant rentrée facilement à Yale, et s’occupe de son père handicapé dans cette ville industrielle de Pennsylvanie en déclin, Buell, où le désespoir rime avec chômage.

    Un soir, alors qu’ils entrent dans une usine désaffectée et sont pris à partie par des squatteurs, les deux amis tuent un SDF. Harris serait prêt, encore une fois, à passer l’éponge si le nouveau procureur ne voulait pas montrer qu’il sait assurer la sécurité de ses électeurs. Après avoir volé 4000 $ à son père, Isaac part en véritable hobo tenter de s’inscrire à l’université de Berkeley. Pendant ce temps-là, Billy est arrêté. S’ensuit toute une procédure dont les conséquences pour chacun des amis leur échapperont.

    Un roman choral aussi attachant que bouleversant. L’auteur américain nous dépeint, avec ses personnages aussi complexes que tendres, une fresque familiale touchante. American rust pourrait être une sorte de Germinal américain du XXI et Philipp Meyer, du coup, le Zola américain contemporain.

    01/12/2022 à 11:53 6

  • Au bois dormant

    Pierre Boileau, Thomas Narcejac

    9/10 Pierre Aurélien de Muzillac du Quilly, en ce 7 novembre 1818, écrit une lettre où il expose les derniers mois de sa vie. Ayant fui la Révolution française, sa famille s’est exilée en Angleterre. Peu de temps avant sa mort, sa mère lui demande de reprendre leur château familial de Muzillac. Il apprend du notaire local, que le nouveau propriétaire se fera un plaisir de lui vendre pour une somme modique la demeure ancestrale. Et pour cause : une mystérieuse malédiction s’abat sur les différents occupants du château. Pierre se rend sur place. Et là il rencontre la belle Claire, fille du châtelain. Tombé amoureux, il retourne le soir au château. Or il constate que les trois membres de la famille sont sans vie, assis dans le salon. Mais le jour de la signature de la vente, la famille est au complet et bien vivante. Il veut demander la main de Claire. Celle-ci refuse obstinément. Le soir du départ, il rattrape la voiture pour convaincre une dernière fois de rester avec lui. Ayant monté dans la diligence, les Châtelains sont sans vie. Il tombe inconscient et se réveille le lendemain avec Claire. La vie des amoureux aurait pû être heureuse mais la santé de Claire décline vite…

    Cette nouvelle est digne des Histoires extraordinaires d’Edgar Allan Poe. L’ambiance et l’atmosphère fantastique, gothique et mystérieuse rend cette histoire aussi addictive que troublante.

    23/05/2020 à 19:22 2

  • Au large

    Benjamin Myers

    9/10 Cet été-là, alors qu’il attend les résultats de ses examens, Robert prend une décision qui, il ne le sait pas encore, va bouleverser sa vie. Il quitte sa famille, la cité minière où elle réside et son non-avenir tout tracé en tant que mineur de fond, perpétuant ainsi la tradition familiale. Robert a envie de voir la mer. Besoin de découvrir le monde en cette fin de guerre, aspirant à plus de liberté aussi.

    C’est ainsi qu’il va parcourir à pied les kilomètres qui le séparent de cet éden nappé de bleu, de vagues brumeuses. Il découvre la richesse des paysages qu’ils traversent, la diversité de la faune, l’opulence de la flore au gré de nuits passées chez des fermiers en échange de quelques menus travaux. Après avoir passé plusieurs nuits à la belle étoile, le hasard le mène dans une demeure en bordure de falaise. La propriétaire, Dulcie, une femme libre, cultivée et artiste dans l’âme, lui propose de prendre le repas avec elle. Une invitation qui va perdurer, jour après jour, et les deux personnages vont faire connaissance et se lier d’amitié. Robert, sous la férule de celle qui aurait pu être sa grand-mère, va découvrir la beauté de la poésie, le plaisir des sens, sa place dans la nature, et ainsi libérer ses chaînes, devenir lui-même…

    Une très belle histoire sous la plume de Benjamin Myers, qui quitte ici le roman noir, et offre avec Au large, une ôde à la beauté, un hymne à la vie. Un roman attachant grâce, notamment, à ce personnage Dulcie qui mérite à elle-seule la lecture de ce livre.

    13/02/2023 à 14:34 3

  • Avant les années terribles

    Víctor Del Árbol

    9/10 Victor Del Arbol délaisse l’histoire de l’Espagne pour se consacrer à la guerre civile en Ouganda.

    Isaïe a débarqué dans la péninsule ibérique il y a quelques années. Il est devenu réparateur de vélo et va devenir papa dans quelques semaines, amoureux fou de la maman, la sublime Lucia. Sa nouvelle vie semble radieuse, sans aucun nuage à l’horizon. Mais un ancien camarade vient frapper à sa porte et lui demande de venir témoigner de sa vie passée lors d’un séminaire international à Kampala. Il en va de l’avenir de son pays natal, l’Ouganda. Mais revenir en Afrique va réveiller les démons et faire ressurgir l’horreur d’une histoire qui ne pourra que difficilement s’oublier.

    Victor Del Arbol va, en alternant passé – présent, raconter l’horrible et terrifiante vie d’Isaïe, cet enfant soldat, qui, comme tant d’autres, ne comprendra qu’en grandissant la monstruosité des événements. L’auteur espagnol fait défiler ses mots, d’une poésie et d’une fluidité déconcertante. Sans jugement, il nous relate l’histoire de ce pays et de la folie des hommes et des enfants qui prenaient les armes pour combattre ce qu’ils ne comprenaient pas. Victor Del Arbol est au meilleur de son talent, comme s’il était proportionnel à l’effrayant thème du livre.

    30/01/2022 à 11:40 7

  • Battues

    Antonin Varenne

    9/10 Rémi Parrot est agent de l’ONF, dans son pays d’origine, la Creuse, entre le Parc Naturel Régional et les Pierres Jaumâtres, où l’on peut voir au loin la Chaîne des Puys. Défiguré suite à un accident agricole à son adolescence, Rémi vit seul sur l’ancienne ferme familiale : plus de parents, une sœur avec qui il n’a que des relations épisodiques, et un amour de jeunesse, Michèle trop belle pour lui et pour le pays, et pour qui il n’a plus que de faibles espoirs. Surtout qu’elle a pour patronyme Messenet, une famille qui se dispute, avec les Courbier, les terres du pays. Alors Rémi se réfugie dans son métier qui lui permet de plonger corps et âme dans cette nature aussi belle que secrète.

    Quand Philippe, le collègue de Rémi, disparaît, il redoute le pire. Et le dossier sur lequel Philippe travaillait en douce, un projet touristique sur les terres des Courbier, ne fait qu’empirer les craintes de Rémi, d’autant qu’il devient la cible lors d’une battue aux sangliers. Il lui tient à cœur de faire la lumière sur cette disparition qui ne va être que la première étape à une série de drames.

    Battues est une très belle ode noire au milieu rural avec ses affaires de famille, la puissance des notables locaux, ses règlements de compte, la haine des étrangers au pays,… L’écriture d’Antonin Varenne est aussi belle (les descriptions de la nature) que tendue (l’enquête et l’histoire sont bien menées au lecteur). Aucune longueur. L’intrigue est maîtrisée. Je découvre avec ce roman noir cet auteur dont je vais continuer de lire ses autres œuvres, sans aucun doute et avec beaucoup d’excitation.

    20/09/2020 à 19:26 6

  • Billy Summers

    Stephen King

    9/10 Je ne suis pas un féru de Stephen King et notamment des thèmes qu’il exploite dans ses romans, à savoir l’horreur, le fantastique, la science-fiction, soit la majorité de ses livres. Dès lors, je lis la 4ème de couverture de ses sorties pour voir si je peux me laisser tenter. Car je reconnais le talent de l’écrivain et à chaque fois que j’ai ouvert un de ses livres, j’ai toujours été happé et dévoré ses histoires. Par exemple, j’ai vraiment adoré La ligne verte ainsi que 22/11/63.

    En parcourant le résumé de ce Billy Summers, j’ai pensé que cette histoire pouvait m’intéresser. Mais je me suis trompé. Pas intéressé mais carrément adoré. Stephen King a réussi ce tour de force, et c’est aussi une preuve de son talent, de nous faire adorer ce tueur à gage, qui a pour mission de tuer quand il arrivera au tribunal un homme détenu afin qu’il ne dénonce pas les gros bonnets.

    Alors qu’il attend patiemment dans un bureau loué pour plusieurs mois le jour J, devenu David Lockridge, sa couverture, un auteur qui doit présenter son premier livre à son prétendu éditeur, Billy se fond dans son personnage, s’intègre avec ses collègues des bureaux, sympathise avec les voisins de sa résidence et commence à écrire sa biographie. Lui, ce vétéran de la guerre du Golfe, a des choses à raconter. Et décidé que cette mission soit la dernière de sa carrière de tueur à gage, même s’il a pour principe de ne tuer que les « méchants »…

    Comme son titre l’indique, ce livre propose l’histoire de Billy Summers, sa mission en tant que tueur à gage avec en filigrane sa vie, et son combat en Irak. On croisera dans cette histoire Alice, une jeune femme sauvagement agressée… Un duo très attachant et très émouvant. Un livre que je placerai dans le top 5 de l’auteur (du moins de ceux que j’ai lus).

    23/02/2023 à 12:08 9

  • Butcher's Crossing

    John E. Williams

    9/10 En 1865, après trois années d'études à Havard, Will Andrews part à Butcher's Crossing, petite bourgade du Kansas. Ayant quitté Boston et sa vie confortable, ce gamin et fils de pasteur souhaite y retrouver McDonald, une connaissance de son père, pour qu'il lui indique comment partir à la découverte des grands espaces. Il rencontre Miller, un chasseur de bisons. Ce dernier lui raconte ses exploits passés et les endroits propices aux rêves de Will, notamment cette passe dans les Rocheuses, au Colorado, où des milliers de bisons y passent l'hiver. Will voit une occasion en or de réaliser sa quête d'aventures. Il propose à Miller, moyennant plusieurs centaines de dollars, de constituer une équipée. Le chasseur, satisfait de pouvoir chasser, tuer et prendre les peaux de milliers de bisons voit les milliers de dollars qui seront dans sa poche avant l'hiver. Avec Charley Hoge, inséparable de son whisky et de sa bible, Fred Schneider, le meilleur dépeceur de bisons, ils partent tous accomplir chacun leur quête. Leur parcours sera semé d'embûches avant d'arriver dans cette montagne où effectivement ces milliers de bisons paissent paisiblement. Et le carnage commence et dure plusieurs jours. Et puis un flocon, deux flocons…. tombent et ce qui devait être un rêve devient un cauchemar. Butcher's Crossing s'éloigne et ne sera plus jamais pareil.

    Écrit en 1960, Butcher's Crossing est un livre attachant et bouleversant. John Williams est plus qu'un écrivain : c’est un écrivain-peintre-poète. Il nous offre une ode à l'aventure et nous décrit son Amour de la Nature avec une majuscule, avec tout ce qu'elle offre de merveilleux de beauté d'émerveillement et de sublime comme de cruauté. La Nature sait être belle comme elle peut être cruelle. Elle sait mettre l'Homme à sa place, Lui qui se veut être puissant et maître absolu sur Terre. On ne peut s'empêcher de penser à l'œuvre de Jim Harrison.

    Encensé par Télérama comme « un secret les mieux gardés de la littérature américaine » et reconnu par Bret Easton Ellis (Glamorama, American Psycho,…) par « sa prose simple et élégante », John Williams est un de ses auteurs qui envoûtent le lecteur avec son écriture à la fois puissante, sensible et sensitive : on sent, on voit, on arrive à toucher les mots et les paysages comme les sentiments des personnages. Bref, on vit Butcher's Crossing.

    31/03/2018 à 19:56 6

  • Ce lien entre nous

    David Joy

    9/10 Pour Darl Moody, la chasse n’est pas qu’une passion. Elle est nécessaire et vitale : elle lui permet de remplir son congélateur. Et peu importe si ce n’est pas la période. Il rêve de tuer ce grand cerf qui semble vivre dans les bois de Coon Coward. Profitant de l’absence du propriétaire, il se rend sur le site et attend. A défaut de cervidé, il abat un sanglier… Mais ce qui ressemblait à un cochon sauvage n’est autre que Carol « Sissy » Brewer. Et le frère, Dwayne, espèce de brute épaisse sans foi ni loi, ne lit les Saintes Ecritures que pour légitimer sa haine et sa violence.

    Darl ne voit qu’une solution. Taire l’accident et enterrer le cadavre. Avec l’aide de son pote, Calvin, ils creusent un fossé et y balancent le corps. Si le remord ronge Darl, l’absence inquiétante de Carol interroge son frère. Dwayne part à sa recherche et découvre que Darl n’est pas étranger à sa disparition. Et la traque va s’avérer impitoyable, aussi intense que le culte que voue Dwayne à son frère.

    Dans son troisième roman, David Joy dépeint une image noire de l’Amérique, où la vengeance des hommes peut être aussi barbare que cruelle. La description lumineuse, resplendissante et profondément sensible de la nature ne fait que souligner et renforcer la froideur, la noirceur et la dureté de l’âme humaine.
    Avec Ce lien entre nous, David Joy confirme le talent que l’on avait détecté dans ses précédents livres. Un auteur contemporain aussi rare qu’incontournable.

    11/04/2021 à 17:04 5