Les Abattus

3 votes

  • 8/10 Un jeune homme sans qualité relate ses années d'apprentissage entre 1960 et 1984 dans une petite ville de province au sein d'une famille pauvre et disfonctionnelle. Marqué par la poisse, indifférent au monde qui l'entoure, il se retrouve au centre d'événements morbides...
    Un roman noir en trois parties, une écriture qui peut être déstabilisante, mais une intrigue fascinante sur la banalité du crime...

    25/02/2022 à 22:38 Franck 28 (720 votes, 7.7/10 de moyenne) 5

  • 8/10 « Je suis né au village un soir de novembre. Mon père était au bistrot. Ma mère m’a mis au monde, seule. Je n’ai pas crié. Une voisine est venue. Elle m’a enveloppé dans un linge. Quand mon père est rentré ma mère a dit, c’est un garçon. Mon père s’est couché. On m’a déposé dans le berceau dans lequel mes deux frères ont dormi avant moi. » Je savais, juste après avoir lu ce paragraphe qui ouvre le livre de Noëlle Renaude qu’il allait me plaire. Le ton simple, le style direct, l’usage de la première personne, rendant cette histoire plus percutante, avaient tout pour me séduire.

    C’est ce « je », ce jeune benjamin, dont on ne saura jamais ni le nom, ni le prénom, qui nous relate sa vie. Une vie remplie de malheurs : le souffre-douleur de ses frères, un père qui part, la mère qui se jette sous un train, un frangin qui devait le petit caïd du coin, les voisins qui sont assassinés, leur gorge tranché… Et il nous relate ces événements, mais aussi ses amourettes, celles de ses amis,…avec sa vision à lui, avec détachement et simplicité voire l’innocence de sa jeunesse. Mais une pigiste va s’intéresser à ces meurtres et faire des liens entre différents événements.

    Les abattus est un livre qu’il faut lire. Il propose une histoire intrigante, avec une structure en 3 parties qui permet d’avoir des réponses à toutes nos interrogations. Mais surtout on découvre une auteure, qui rentre avec ce livre dans l’univers du noir, sur qui il faudra compter désormais.

    27/07/2021 à 09:23 JohnSteed (624 votes, 7.7/10 de moyenne) 4

  • 9/10 Le narrateur n’a pas eu une vie paisible. Une enfance difficile, un père qui s’est éclipsé, un frère gangster, un beau-père puis une demi-sœur, après quoi les événements se déchaînent tout autour de lui : les voisins du dessus sont égorgés, son frère cadet s’illustre dans un braquage avec trente millions de francs à la clef, des malfrats en Peugeot 504 qui lui tournent autour… Une série de coïncidences malheureuses ? Est-il la victime de ces enchaînements meurtriers ? Leur auteur, peut-être ?

    Noëlle Renaude s’est illustrée en tant que dramaturge dans le théâtre avant de livrer ce premier roman en 2020. Dès les premières pages, on comprend que le style de l’écrivaine est unique : des phrases longues, sans le moindre discours direct ni tirets cadratins, une frénésie de virgules qui hachent les phrases, un discours indirect volontairement chaotique. Si le lecteur est, de prime abord, décontenancé, il trouvera bien rapidement une véritable énergie derrière ce récit sciemment déconstruit, érigé en trois parties (respectivement « Les vivants », « Les morts » et « Les fantômes), où l’on suit, chronologiquement, la ligne de vie de notre « héros ». Un individu lambda, dont la singularité tient dans les êtres fracassés qu’il va côtoyer et les drames qui vont soit l’entourer soit le percuter. L’univers de Noëlle Renaude n’est pas sans rappeler l’œuvre de Georges Simenon, avec des personnages croqués à pleines dents, dépeints au vitriol, et dont les interactions sont souvent croustillantes. On se plaît à suivre la route du narrateur, entre amours éconduites, destinée fade, métiers exercés sans passion, tandis que tout autour de lui, se mettent à tomber les morts. Il faudra une crémation pour que les cendres parlent et que la vérité éclate enfin. Une sacrée prouesse de la part de l’écrivaine, où le trente-troisième chapitre livre les clefs de l’intrigue, revenant avec intelligence sur les faits antérieurs, et contraignant – avec joie – le lecteur à se repasser l’ensemble de l’histoire.

    Un ouvrage particulièrement réussi, noir et serré, où la désorganisation apparente des mots souligne la trajectoire brisée des existences qu’elle décrit.

    28/04/2021 à 07:44 El Marco (3432 votes, 7.2/10 de moyenne) 7