schamak

104 votes

  • Atmore Alabama

    Alexandre Civico

    9/10 Tu te procures ce livre direct.
    Tu regretteras pas. Promis, juré, craché.
    Non, tu n'en sauras pas plus.

    Va falloir me faire aveuglément confiance.

    25/03/2024 à 14:17 3

  • Jake

    Bryan Reardon

    9/10 Oui, le sujet me plaisait beaucoup et me parlait, mais justement sur un pareil thème, le risque de se vautrer lamentablement était grand : il n'en est rien.

    Surtout, au-delà de l'intrigue (somme toute classique, mais tellement d'actualité), de la construction habile (une sorte de compte à rebours à l'envers) qui, en plus d'entretenir savamment le suspens donne une densité formidable à l'histoire, ce qui frappe dans ce roman (le premier ! incroyable !), c'est sa JUSTESSE. Le théâtre de cette dramaturgie, l'introspection du héros, ses doutes, ses pensées, ses élans magnifiques, ses petites lâchetés, les échanges avec sa femme Rachel (ah les petits sous-entendus perfides, les infimes déceptions, les douleurs tues), la palette de sentiments (des plus mesquins aux plus émouvants) sans compter tous les micro détails et les thèmes sous-jacents abordés (notre responsabilité parentale, notre place dans la société et dans notre couple, ce culte de la virilité ...) tout sonne impeccablement juste, crédible, profond.
    Certes, l'auteur est psy, mais le fait de rendre l'intériorité de tous les protagonistes - hommes, femmes, enfants - si tangible, si réel, si proche de nous, exposé avec autant de simplicité, de pertinence et de lucidité, est un petit tour de force.

    Enfin, ce roman a d'autres mérites qui dépassent son propre cadre.

    Il conforte ce que je savais déjà, à savoir faire du divertissement (même noir, même sombre) sans rien sacrifier à la forme et à la profondeur psychologique des personnages et qui soit ancré dans le réel et fasse cogiter, c'est possible.

    C'est rare, mais ça existe. Et ça fait rudement du bien.

    Avec un style puissant dans son dénuement, sa façon de gratter sans en avoir l'air sur nos petites plaies égoïstes, un sens rythmique et l'art de semer ses indices et brouiller les pistes (et notre esprit), le romancier enterre (mais bon, c'était pas compliqué non plus) tous les pseudos spécialistes de thrillers artificiels (français notamment) obsédés du rebondissement/twist à gogo, fournisseurs d'écriture fadasse, d'ambiance en carton-pâte et de personnages stéréotypés avec une psyché taillée à la serpe. JAKE renforce encore mon envie de faire l'effort nécessaire de chercher toujours, d'être curieux, et continuer de me méfier de ces livres surfaits en tête de gondole floqués de superlatifs surlignés au marqueur dans des fiches cartonnées, renforce ma volonté de refuser de me laisser gaver comme une oie par ces styles inodores et incolores, sans voix, sans personnalité, ces mots et formules mille fois écrits par des écrivaillons prétentieux et opportunistes qui ne connaissent que surenchère, lourdeurs, mièvreries, et autres artifices grossiers pour impressionner le lecteur crédule ou peu regardant pour lui soutirer une émotion facile (voire factice).

    JAKE est une performance doublée d'une belle leçon de vie.

    JAKE est une putain de bourrasque de fraicheur (oui, ça peut paraitre paradoxal de parler de "fraicheur" dans un roman si anxiogène) ! Ca redonne la pêche, la foi en la Littérature populaire dans le sens noble et humain du terme (inutile d'avoir un dico à portée de main comme quoi), divertissante, humble et INTELLIGENTE ! De celle qui donne envie de faire encore et encore le tri dans nos choix, nos achats compulsifs pour lire des choses aussi simples (et pas simplistes, pour ceux qui ne font pas encore la différence), fortes, profondes (tout en restant accessibles), bref universelles. On en avait besoin. J'en avais besoin.

    Le final est au niveau, pudique et déchirant.

    Un roman bien senti de bout en bout.

    Dans mon TOP 3 de l'année.
    Sans hésitation.

    Merci Bryan Reardon ! Vivement le prochain !

    29/06/2018 à 00:04 6

  • Seules les bêtes

    Colin Niel

    9/10 Pourquoi « SEULES LES BETES » est un excellent roman ?

    Réponse : parce que l’auteur, Colin Niel, à, selon moi, TOUT compris.
    A aucun moment, il ne se trompe sur ce qui fait passer un bon roman de divertissement (ce qui est déjà bien au demeurant) à une oeuvre littéraire. A savoir et en premier lieu, l’essentiel : l’écriture.

    Et la forme est d’autant plus excellente que le challenge était foutrement relevé car multiple. En effet, il s’agit là d’un roman choral donc à plusieurs voix et donc de facto avec plusieurs tonalités.
    Mais, que le lecteur se rassure, jamais il ne sera perdu : quel que soit leur sexe, leur rang, leur provenance, ils sont tous crédibles. Que ce soit Alice, Joseph, Armand, Michel, Maribé…tous ont une identité propre, une vérité, une intériorité, une psychologie fouillée. Tous sont parfaitement palpables, formidablement vivants, organiques à l’image de l’environnement, des paysages, l’auteur sait aussi donner vie aussi bien au « dehors » de la nature qu’au « dedans émotionnel » des êtres. On y croit à chacun de ses protagonistes parce qu’encore une fois, ils sont portés (mais jamais jugés) par une forme inspirée, convaincante (jusqu’au dialecte, aux expressions locales, et autres suppression de forme négative…), un style formidable.
    Et c’est SURTOUT pour cela que ce roman est réussi, doublé d’une sacré performance ; parce que précisément, ces anti-héros sont si authentiques, si charismatiques, que l’intrigue elle-même (la double disparition) finit par passer au second plan….sans que cela nous frustre ou nous rende impatient ! Pour moi, c'est très révélateur sur le fait qu'une intrigue seule - fusse-t-elle captivante - ne suffit jamais (en tout cas pas à des mecs comme moi) !
    Je ne suis pas loin de penser que ces disparitions ne servent qu'à répondre au côté « entertainement » de l'ouvrage. L'intrigue n'est que la partie visible de l’iceberg, et paradoxalement pas l’intérêt principal (du livre, et peut-être même de l’auteur), juste le déclencheur, presque le prétexte (attention prétexte solide, car l’intrigue n’est aucunement négligée et le suspense demeure efficace et bien entretenu) pour mettre en exergue ces personnages complexe dans leur humanité ; cette humanité qui les rend si vrai, si émouvants, si vulnérables, si cruels aussi. Cette intrigue policière est aussi un formidable vecteur pour mettre aussi en lumière les nombreux thèmes, certes classiques, mais très bien traités : la solitude, la misère affective, en une phrase leur/notre inlassable quête d'amour qui les/nous conduit (parfois pour le pire) à vouloir sortir de leur/notre état ou de leur/notre condition (sociaux et affective). Le livre pourrait se résumer par "chaque rêve a son prix à payer". Et ce prix, parfois, c'est son coeur, son esprit, voire son âme.
    C'est pas nouveau ? Je vous l'accorde, mais c’est juste super bien foutu, quoi.
    Des bémols ? Non. Ou si peu et porte justement sur l’intrigue. Quand y réfléchit un peu, ça ressemble surtout à une succession de malentendus (d’un autre côté, c’est ce qui rend tout le processus assez terrifiant), des circonstances (mal)heureuses. Bref, c’est pour chipoter, et je vais pas m’étaler là-dessus, c’est dire si je m’en tape et surtout ça confirme encore une fois que j’ai trouvé tellement d’autres sources de satisfaction que le simple whodunit si cher à sir Alfred ou ces quelques facilités.
    Finalement, sous l’apparence d’une enquête policière - même si en définitive jamais le projecteur ne s’arrête vraiment sur ladite enquête ou le personnage du gendarme, Cédric - l’auteur a surtout voulu écrire une tragédie humaine. Et c’est diablement réussi.
    Merci à Colin Niel d’avoir compris cela, d’avoir compris - comme Franck Bouysse pour ne citer que lui - qu’un bon roman noir, n’est pas ennemi de la littérature, loin s’en faut, que ce n’est pas incompatible avec une écriture affirmée qui a une vraie densité (sans tomber dans la suffisance, en restant simple et évocatrice), une résonance, un écho, une personnalité propre et qui hélas est encore trop rare (même si de nombreux talents pointent leur museau de plus en plus).
    Merci aussi d’avoir compris qu’une histoire forte, ce n’est pas systématiquement chercher à mettre le paquet sur l’originalité de l’intrigue et épater son lectorat avec de l’esbroufe, des tonnes de rebondissements (plus ou moins réalistes) et des twists finaux ad nauseam, au détriment d’une ambiance et en fabriquant des personnages insignifiants ou interchangeables, empêtrés dans leur manichéisme (sans oublier l'indigence des dialogues).

    10/04/2018 à 23:32 12

  • A la place de l'autre

    Guy Rechenmann

    8/10 À tous les amateurs d’action, les aficionados de rythme endiablé, les assoiffés d’hémoglobine, ce livre…n’est clairement pas pour vous !

    Pas de frissons.
    Pas de carambolages.
    Pas de coups de feu.
    Pas de poursuite.
    Pas de twist final.

    Non.

    A LA PLACE DE L’AUTRE n’est pas spectaculaire pour deux ronds.
    C’est MIEUX que ça.

    Ce roman policier se lit de préférence dans un rocking-chair, les doigts de pieds dans des pantoufles avec un feu de cheminée pas loin.

    J’ai passé un très bon moment.
    Non, plus que ça : un délicieux moment.

    Ce roman est une précieuse gourmandise.
    On ne se bâfre pas avec.
    On savoure.
    On déguste.

    Nous connaissions Simenon et son Maigret à la pipe, Vargas et son « pelleteur de nuages » Adamsberg, voici Rechenmann et son « brasseur de vagues » Viloc.

    20-30 pages, c’est ce qui m’a fallu pour me laisser apprivoiser (bercer pour rester dans le ton maritime) par cette exquise indolence, cette lenteur (ne pas confondre avec longueur, la lenteur - dans l’Art - est une qualité pour moi) ouatée, cet humour souvent subtil ou débonnaire (de Anselme ou de son boss Plaziat jamais le dernier pour chambrer son flic), ces personnages lunaires et extravagants (Lucy, cette gamine incroyable).
    Et je préfère ça à des thrillers qui démarrent tambour battant avant de s’essouffler rapidement pour finir asthmatiques dans un dénouement (souvent guère crédible). ci, on prend son temps. Et on profite de la vue, du paysage, des senteurs, des mélodies. C’est un roman contemplatif pour jouisseur, pour oisif.

    Un roman pour les "lecteurs tortues".
    Et dans cette littérature actuelle de roman noir et autre thriller où ça fulgure à tout va, ça fait rudement du bien.

    Ici, les indices et les révélations se font presque de manière statique : on observe, on taille la bavette avec la voisinage, on épluche des archives, on spécule des théories fumeuses, on phosphore (l’auteur a du lire du Vargas, je pense), on fait des croquis. On y croise des chats (l'auteur les affectionne si j'en crois un de ses romans"le choix de Victor") , les pieds dans la vase, un médium, on évoque les esprits, les Egyptiens, ….
    Et c’est ainsi, de cette façon bancale, à tâtons, (à l’aveugle pour faire référence à la comparaison canine du comparse dessinateur), mais progressive et sans avoir l’air d’y toucher, de manière farfelue, ubuesque même, poétique souvent que l’énigme se détricote, fil après fil.
    Même les cadavres (et y’en a !) font partie de ce décorum tranquille. Ils tombent certes, mais sans tambour ni trompette. Le lecteur découvre ça au calme, sans surenchère, presque de façon surréaliste.
    Et j’aime ça.

    Certains diront que c’est un peu trop facile, peu crédible et même paresseux. Je ne sais pas. Surtout, je m’en fous. Je me suis laissé porter par cette paresse, cette léthargie jubilatoire, mais aussi cette humanité, ces anti-héros attachants, à leurs idées saugrenues, leurs bons mots, leur causticité, leurs sous-entendus…Moi qui ai beaucoup lu Ken Bruen (ou son personnage fétiche Jack Taylor résous souvent ses enquêtes accidentellement et en traînant la patte) j’applaudis. Car j’aime cette nonchalance, ce sentiment (faussement) passif qui habite les enquêteurs qui « aspirent » et inspirent la vie, toujours prompts à humer l’air marin, à écouter de la musique. Ainsi, même si l'intrigue reste l’attrait principal, tout ce qui gravite autour ajoute à cette atmosphère cotonneuse, musicale, poétique, qui pousse à la rêverie. Dans l’humour (avec moins d’acidité et de noirceur néanmoins, mais avec cette espèce de léger désenchantement), j’ai pensé à mon auteur contemporain préféré, le toulousain Jean Paul Dubois. J’ai aimé également les clins d’oeil ou les insertions de personnages de romans précédents (le dessinateur Léonard). J’ai aimé la tendresse délicate du héros vis à vis de sa nièce ou de sa femme (deux lignes où cette dernière l’attend sans un mot, un soir, ce amènera après coup la jolie confidence : « j’ai reconquis ma femme »).

    Des bémols ? Si peu. Bon je regrette quand même qu’on en sache si peu sur Sofia (peut-être qu’elle est plus présente dans les précédents opus), idem pour Solange dont les ébats avec Jeremy servent surtout de ressort comique. C'est bavard. Oui. Très. Mais c'est pas vraiment un reproche, ça fait partie des personnages et ce verbiage est un ingrédient essentiel au charme qui est distillé tout au long du récit.

    L’intrigue est très bien construite, captivante sous son air pépère, et historiquement intéressante (on y parle de la seconde guerre mondiale, de la collaboration, de la résistance, du mur de l’Atlantique…), on apprend des choses sans avoir le sentiment qu’on nous les assène. C’est fait modestement, par petites touches. La relative légèreté des 200 premières pages va prendre une tournure grave et presque maudite lors des flash-back et de l'histoire de la petite Marie, de cette vie, ces existences marquées du sceau du malheur et de la fatalité.

    Encore un mot pour le style (une écriture parfois argotique, un peu à la Frédéric Dard, mais en plus léger et moins imagé, ça se boit comme du petit lait) : je trouve que c’est pas mal d’insérer les réactions des personnages à la suite d’une ligne de dialogue (dialogues nombreux, souvent succulents). Oui, Il m’a fallu là aussi quelques pages d’adaptation, mais ensuite, j’ai trouvé que ça ajoutait à la fluidité ; une bonne idée en définitive que d’éviter cette « cassure » d’aller systématiquement à la ligne. Bien vu.

    Je ne vais pas tourner autour du pot : j’ai déjà commandé FLIC DE PAPIER et FAUSSE NOTE (et prochainement sort le dernier opus)

    11/02/2018 à 22:06 4

  • Aux animaux la guerre

    Nicolas Mathieu

    8/10 Légers SPOILERS !
    Beaucoup de plaisir à lire ce premier (!) roman.
    Ce qui, moi, m’a particulièrement séduit, c’est que les intrigues (le PSE ou le kidnapping) ne m’intéressaient pas plus que ça. Elles existent, mais en toile de fond comme pour nous mettre le doigt sur autre chose, nous ouvrir les yeux sur un autre enjeu, plus émotionnel. Au risque de me tromper, je pense qu’en effet l'objectif (de l'auteur Nicolas Mathieu) était ailleurs et que lesdites intrigues et leur relative absence de suspense ou d'explication (la fermeture de l’usine est courue d’avance et la cause du kidnapping de Victoria, bah c'est un kidnapping, quoi) servent surtout à dépeindre la misère…ou plutôt LES misères.
    Car, qu’on ne se méprenne pas, derrière la peinture économico-sociale, l’auteur jette avec ce roman noir choral (et bourré de références cinoche) une lumière blafarde sur une autre misère lente et bien plus destructrice : la misère affective. C’est pas innocent si Martel, sitôt après avoir été "rousté" à une pensée pour Rita qu’il connait à peine pourtant. Et puis, quand on réfléchit bien, entre lui et cette Rita, il manquait pas grand chose pour que ça tourne différemment, que le destin se décide à leur faire une fleur. Mais voilà.
    Cet absence cruel d’amour qui poussent presque tous les personnages victimes collatérales d’un chaos familial (les parents sont soit absents, morts, ou alités - mère de Lydie -) à se démerder avec ce bon système D quitte à fatalement faire des conneries.
    J’ai aussi apprécie que l’auteur évite quelques clichés, ici le gangster russe se rêvait à un autre destin que le sien. Bref, mine de rien, ça change des caïds au coeur de glaise. C'est ce genre de petites choses comme ça qui font mouchent et qui singularisent un roman de beaucoup d'autres...
    Deux scènes belles et franchement pas simples à réussir : celle du face à face entre Duruy père et Comore : y'a des silences, de l'honneur dans cette scène pleine de tension et, paradoxalement, de respect mutuel. Et enfin, la scène de sexe. Elle est crûe, mais pas tant que ça non plus et puis y'a cette cette légèreté, ces rires, cette innocence (parfois j'ai pensé à Larry Clark et ses "Kids"), cette vie qui contraste avec la scène de mort qui se joue en parallèle, dans la même maison.
    Côté écriture, là aussi, c’est vraiment bon. C’est classe, âprement poétique, racé en somme. L’auteur compose ainsi une patine intéressante et ce mariage de styles fonctionne très bien (sans oublier, les dialogues - exercice particulièrement périlleux - secs et réalistes, jamais verbeux).
    Bon, faut chipoter un peu ? Allez, par moments, il nous faut quelques secondes pour raccrocher les wagons (du fait de la multitude des personnages) et enfin, ce dénouement relativement ouvert, mais un tantinet frustrant même si j'aime aussi quand un auteur me laisser achever un roman à ma guise.
    Bravo

    28/03/2017 à 11:35 8

  • Cataract City

    Craig Davidson

    8/10 Une écriture riche, foisonnante, détaillée et visuelle. L'auteur s'attache à beaucoup décrire les corps et à ses douleurs, les peaux...(ce n'est pas étonnant que l'auteur sous un pseudo ait aussi écrit des romans horrifiques) qu'on retrouve aussi chez Stephen King. Les longues scènes dans la forêt au début (que je craignais d'être longue et fastidieuse) sont les plus réussies (celles des courses et combat de chiens sont très bien aussi). Des personnages bien charpentés avec une vraie densité, la relation entre les deux amis est belle, faite de non-dits (dommage que la seule confrontation entre les deux n'en est as vraiment une). Les 50 dernières pages m'ont peut-être moins enthousiasmés, mais c'est un détail. Un sombre roman sur la fatalité.

    23/10/2016 à 20:38 3

  • Code 93

    Olivier Norek

    8/10 Le manque d'originalité de l'intrigue (qui demeure accrocheuse néanmoins) et le fait que l'identité de l'assassin ne soit pas une énorme surprise, est largement compensé par le style, sec, nerveux, mais aussi les personnages bien croqués (en très peu de ligne, on imagine très bien, c'est assez fort), une construction solide et un criant réalisme (c'est documenté - expérience oblige - et les dialogues sont excellents) qui démontre que rien ne remplace le vécu (l'auteur est un ex flic). De plus, on nous épargne la love-story mielleuse. Mais le gros plus, c'est qu'au delà du caractère divertissant (ça se lit très très vite), le roman est instructif, on apprend pleins de choses (pas jolies jolies) sur le fonctionnement intra-muros dans la police et la difficulté de rester loyal et clean.

    Dans le genre c'est franchement bon. Cela m'a donné envie de suivre Victor Coste dans un second opus. Direct, je me suis procuré le deuxième roman "Territoires".

    C'est un peu le pendant littéraire du cinéaste Olivier Marchal. Parait que Laurent Guillaume est peu ou prou dans la même veine. Je vais m'en assurer.

    01/06/2016 à 21:02 9

  • Dans les angles morts

    Elizabeth Brundage

    8/10 Sous de faux airs de roman policier, et même de roman noir psychologique, ELIZABETH BRUNDAGE signe un livre dense et ample, à l’écriture précise et minutieuse, où plusieurs thématiques sont abordés et notamment des phénomènes de société (crise agricole, le féminisme, la vie de couple, les croyances, le poids de l'enfance), mais aussi l’art (la peinture), la philosophie…C’est un roman multiple, d’une terrible humanité. Ou plutôt d’une humanité terrible. Les apparences, la religion, la peur, la prédestination, tellement de choses sont abordés - habilement, sans forcer - que ça en donne le tournis.
    L’auteure n'oublie pas de distiller progressivement et brillamment la noirceur d’une ambiance où les destins comme les nombreux personnages (tous sont suffisamment développés et fouillés dans toute leur ambiguïté) s’assombrissent, et nous rappellent combien les démons - nos démons - dorment en nous-mêmes. Subtilement, par la biais de cette maison (un personnage à part entière) qui semble « choisir ses propriétaires », il est même question de surnaturel, mais c’est très finement suggéré.
    600 pages qui nous enveloppent et pour mieux nous happer, nous piéger, et même nous frustrer. Ne cherchez pas de moralité, la vie est souvent cruelle et injuste. D'une certaine façon, ce roman l'est et c'est pour ça qu'il sonne juste.
    Précédé d’une excellente réputation, celle-ci est fondée : DANS LES ANGLES MORTS (super titre, meilleur que l’original) est en effet un grand roman américain.

    23/08/2020 à 16:55 3

  • Grossir le ciel

    Franck Bouysse

    8/10 Ce qui impressionne déjà, c'est l'écriture. A l"image des personnages, sèche, rugueuse, mais aussi pleine de poésie. C'est rare et appréciable une plume pareille.
    Le roman est court, mais le suspense est bien distillé et on accroche bien à l'intrigue en dépit de la linéarité du récit (vous attendez pas à un twist final). L'auteur semble bien connaître ce milieu rural (le réalisme des descriptions et du quotidien de ces hommes en témoigne), en tout les cas, le lecteur est rapidement en immersion et suit avec intérêt l'évolution lente et progressive du drame qui se joue. On pourrait reprocher en effet que pour des bouseux pareils, ils sont dotés d'une sacré répartie (même si les dialogues sont franchement bons), mais personnellement cela ne m'a pas gêné durant ma lecture. Je vais me procurer "Plateau" du même auteur.

    24/05/2016 à 08:47 10

  • L'Eté circulaire

    Marion Brunet

    8/10 Ce qui impressionne surtout, c'est la justesse tendre, mais lucide du regard de l'auteure sur ces deux gamines, mais aussi sur ces hommes, ces femmes, tous ces gens qui sont comme "des bateaux troués, jamais très loin du naufrage". Cette acuité psychologique, servie par une plume affutée qui frappe, caresse, percute, effleure, griffe, mord, murmure, gueule fait la force et toute l'émotion de cet excellent roman noir où filtre encore dans une petite lucarne, le halo des rognures de l'enfance qui s'en va.

    Merci Marion Brunet.

    07/11/2018 à 01:00 10

  • La Blonde en Béton

    Michael Connelly

    8/10 Mon second Connelly, mais mon premier Harry Bosch.
    Une franche réussite.
    L'auteur coche toutes les cases du très bon roman policier. C'est du classique, mais dans le bon sens du terme, loin de la surenchère et des twists en mille-feuilles. Suspense, fausses pistes, documentation et scènes de plaidoirie réalistes, avec en outre des personnages très bien campés, y compris les secondaires (l'avocate Chandler, sacré bout de femme). Et la construction, nickel, comme l'écriture.
    Harry Bosch fait un flic solide, mais vulnérable (et amoureux), pas encore trop rongé par le cynisme. Blasé, mais Il lui reste encore un peu de foi et d'idéalisme. Pour combien de temps ? La Blonde en Béton n'est que sa 3ème enquête, je crois.
    Du bon boulot, donc avec en plus une résonance sur l'actualité (George Floyd). Un roman super efficace. J'en attendais pas plus, mais pas moins non plus de la part d'un type considéré comme une référence dans le genre. Une réputation non usurpée.

    A bientôt, Michael.
    A bientôt, Harry.

    29/07/2020 à 00:41 5

  • La Daronne

    Hannelore Cayre

    8/10 Après Marion Brunet et son « été circulaire », je découvre une nouvelle plume féminine, acérée, percutante et plein de poésie (le paragraphe sur les couleurs est superbe).
    En 20 pages, ami(e) lecteur (rice), t’as déjà compris que t’as pas une manchote en face de toi.
    Franchement, c’est épatant tout ce talent.
    Bien documenté (l’auteure est avocate penaliste), ce court récit (175 pages) de la vie d’une petite fille incomprise, mal aimée , fascinée par les feux d’artifices devenue une femme révoltée qui bascule dans l’illégalité, est traité avec crédibilité et émotion (sans pathos aucun) doublé d’une vision acide et sans concession de notre système ( judiciaire mais pas que) , son hypocrisie, surtout notre place dans ce monde, notre quête du bonheur et la trace qu’on laissera.
    C’est carré, efficace, couillu comme son héroïne sans jamais perdre de sa grâce.
    Par pitié, laissez tomber les romans formatés au style impersonnel et personnages fadasses et allez user vos mirettes sur ces bouquins qui, c’est certain, n’iront pas faire les marioles sur les têtes de gondoles.

    16/02/2019 à 23:27 7

  • La Voix secrète

    Michaël Mention

    8/10 Points positifs :

    - En premier lieu, l'écriture. Dès les premières pages, on sait que l'on a à faire à un dentelier. L'auteur tricote ses phrases avec soin, raffinement.
    - Les dialogues (je me répète, mais c'est l'exercice le plus compliqué, je trouve). Savoureux. Truculence des réparties, ces joutes/saillies verbales entre les personnages, faites d'ironie, d'esprit, de cynisme sont exquises. Des "punchlines" à la sauce 19ème siècle.
    - Les personnages. Bien brossés en quelques lignes.
    - Les clins d'oeil aux copains (qui se reconnaitront). Quitte à les dessouder.
    - Très bonne alternance entre l'intrigue et le contexte historique (ce dernier est léger, jamais assommant). Un bonne équilibre est respecté.

    Points négatifs :
    - Bah, j'ai beaucoup phosphoré, mais je ne vois rien qui m'est véritablement freiné dans ma lecture rapide (en un jour et demi).
    - Pour pinailler, je dirais que j'aurais aimé que "ce jeu d'échecs" entre Allard et Lacenaire soit plus pervers (j'ignore si c'était le but de Michael Mention, mais l'assassin m'est apparu presque plus sympathique que certains membres de la police - Canler - !), bref que la manipulation soit plus pregnante (à la manière d'un Hannibal Lecteur et Clarice Starling, oui, ça peut surprendre, mais j'ai beaucoup pensé "Au silence des agneaux" de par cette collaboration forcée et malsaine). Ici, l'amitié et le respect mutuels prend (trop ?) le pas sur l'affrontement auquel je m'attendais (mais, peut-être ai-je été influencé par la 4ème de couverture).
    - Le passage chez Vertige. Trop court. Dommage.
    - La crasse, les odeurs, bref la plongée dans cette misère aurait mérité (peut-être ?) une immersion plus profonde (mais bon, j'avais encore celle "du Parfum" de Sunskind, donc je plaide coupable !).

    Mais voilà, je pinaille pour pinailler

    Chapeau bas, monsieur !

    31/03/2018 à 10:52 8

  • Le Carré des indigents

    Hugues Pagan

    8/10 Une écriture ciselée et poétique qui ravira les lecteurs de Herve Le Corre (que je suis), des personnages cabossés et un crime sordide à élucider, voilà ce que nous propose Hugues Pagan dans le CARRE DES INDIGENTS, un roman noir où la seule lumière vient de la plume aiguisée de son auteur. Le flic Schneider, beau, taiseux et ténébreux héros auquel naturellement aucune femme (forcément toutes fatales et super bien gaulées) ne résiste (et forcément champion au plumard, j’avoue le cliché m’a un peu agacé), est un homme traumatisé par la guerre d’Algérie, un type revenu de tout et condamné à ne connaitre ni repos ni bonheur à l’image des terribles dernières pages.
    A lire.

    15/01/2023 à 10:02 5

  • Le Dévouement du suspect X

    Keigo Higashino

    8/10 Un genre de Colombo au Japon, qui, bien qu'on connaisse d'emblée le nom de l'assassin, réserve son lot de surprises et conserve son pouvoir attractif.
    Après "La maison où je suis mort autrefois", l'auteur Keigo Higashino signe un autre roman efficace, aussi remarquable que captivant où le rythme ne faiblit pas (après faut accepter certains raccourcis, rien de grave), et où les personnages - deux amis et génies, un physicien, et un mathématicien - s'affrontent dans ce subtil jeu de chat et de souris en éprouvant leur intelligence. Tout ça dans le respect de la pure tradition nippone (humilité, respect, courtoisie). Des bémols ? Pas vraiment. Un traitement que certains jugeront trop balisé et un style, sobre avec zéro déchet (mais qui colle à la culture) sans fulgurance formelle. Cela va à l'essentiel.
    Pas d'action, de poursuite, de sang, rien que du cortex, du neurones, du cérébral. Et c'est diablement brillant et même émouvant.
    Conséquence directe : achat de deux autres opus.

    18/01/2019 à 13:41 11

  • Le Grand Nulle Part

    James Ellroy

    8/10 Mon premier Ellroy, assurément pas mon dernier.
    Mais ça se mérite !
    Pléthore de personnages (tout sauf manichéens), d'interactions (de trahisons en rédemptions), de sous-intrigues, faut rester concentré sous peine de perdre le fil et de se mélanger les pinceaux. Mais la construction est redoutable, les dialogues exceptionnels !
    Mais quelle densité et quelle constance dans le style !
    Aussi rare que puissant !

    30/07/2018 à 13:32 9

  • Le Jour des morts

    Nicolas Lebel

    8/10 Avec ce second opus, Nicolas Lebel monte en puissance….et son héros en humanité.
    C’est pour moi, un des gros atouts de l’auteur (et ce que je recherche aussi dans mes lectures), celui d’avoir crée un VRAI personnage. Celui qu’on a envie de suivre et de (mieux) connaitre. Très loin du flic beau mâle courageux (j’allais dire Norekien) Merlicht est laid, bougon, old school (largué sur tout), il pue de la gueule, n’a plus baisé depuis des lustres, et misogyne avec ça. A cause et grâce à ça, son humanité sent à plein nez, elle transpire aussi bien que son érudition, son sale caractère ; c’est un personnage complexe, épicurien dont le cynisme et le lyrisme (ah cette scène de duettiste au restaurant du « Chaudron » avec le légiste, vaut son pesant d’envolées culinaires !) dissimule mal sa pudeur, ses blessures (il est « jeune » veuf) et sa fidélité en amitié est sincère et émouvante. Il y a du Audiard et du TonTon Flingueurs dans la verve du Merlicht, mais autre chose, peut-être un petit côté Gabin, en mode petit gabarit. En somme, il nous énerve autant qu’il nous touche, pour la simple raison qu’il fait vrai, authentique, qu’il nous parle, nous ressemble à bien des égards.
    Mais les nombreuses qualités de ce roman sont aussi ailleurs. La construction est impeccable (bonne alternance des scènes et des nombreux personnages, on ne se perd jamais), l’intrigue (ingénieuse) fait aussi la part belle à l’Histoire, la culture (tout amoureux des livres y trouvera son compte sans que ça fasse étalage ronflant) ; bref, on apprend des choses en se divertissant, quoi de mieux ? L’écriture, peaufinée, a de la tenue tout du long ; détaillée, sans donner l’impression d’ameublement. Et le suspense ne baisse pas. Tout ceci est charpenté, solide, ça fleure bon le métier et pourtant ce n’est que son deuxième livre. Respect.
    Les autres personnages sont également bien brossés, l’auteur leur a fait de la place, ils ont aussi leurs failles et leurs faiblesses, la droiture rigide du colosse Dossantos, et le caractère bien trempé (et fragile) de Sophie. Seul le stagiaire est lourdement assaisonné. Jacques, l’ami mourant, a aussi droit a ses moments, et d’ailleurs, c’est lui qui fait son entrée en fanfare.
    Puisqu’aucun roman n’est parfait, je dirais que les dialogues sont parfois trop écrits, que le running gag de la sonnerie de téléphone…. ouais bon, et que le dénouement est expéditif, mais c’est vraiment pour chipoter.
    Du bon boulot, je vous dis.
    C’est fichu : Je suis LEBELlisé.
    Next.

    11/11/2020 à 22:28 5

  • Le Petit Bleu de la côte Ouest

    Jean-Patrick Manchette

    8/10 Je ne sais pas si je vais parvenir à expliquer en quelques lignes et à chaud, après la lecture de ce livre (mon premier), pourquoi je crois deviner la raison pour laquelle JP Manchette apparait comme une référence à beaucoup d’auteurs de polars ou de romans noir, en France comme ailleurs (du reste, “Le petit bleu de la côte Ouest” est préfacé par James Sallis).
    Le style, d’abord et surtout. Sans chichis, droit au but, mais, attention, pas impersonnel pour autant. Des allusions glissées ça et là, mordantes, acides, sur une période, une situation, un climat, un sentiment. Il y a Chez Manchette ce qu’on lit, et surtout ce qu’on ne lit pas mais qui est quand même là, vous voyez ? Mais, c’est une écriture aussi musicale, jazzy, avec ce qu’il faut de descriptions sans jamais être pompeuse. Un style - un flow dirais-je plutôt — un peu détaché presque désabusé, mais qui, de temps en temps, balance deux trois ogives, l’air de rien, comme pour dire qu’il n’est dupe de rien, qu’il reste lucide, qu’il sait comment tourne le monde, la nature humaine, même si, on n’y pourra rien changer. Bref, ce genre de choses.
    La construction ensuite. Des rouages bien huilés, une mécanique impeccable où l’auteur ne s’embarrasse d’aucun remplissage inutile, d’aucun ameublement factice. Une construction à rebours avant de tracer sa route, d’un point A au point B et ainsi de suite dans une logique séquentielle, implacable de fluidité. De ce fait, le lecteur est amarré, et le suit comme il va suivre Gerfaut, ce monsieur tout-le-monde, tantôt proie, tantôt prédateur, et ce, jusqu’au bout de sa vengeance.
    Les personnages, en quelques coups de canifs, sont parfaitement brossés, habillés, cintrés, car Manchette est aussi un portraitiste hors pair. C’est sec, sans fioriture jamais, rien ne dégouline, clic clac, ses personnages, ne se perdent pas en explication ou si peu, sont brut de fond, à prendre ou à laisser. Contrairement à beaucoup de personnages dans des romans verbeux et ennuyants, les siens sont avares de paroles surtout quand ils doivent expédier à coup de bastos les affaires courantes (c’est pas John McLane dans “Die Hard” qui disait : “quand on flingue, on cause pas” ?). Binaires, volontairement ou en apparence, ils sont aussi complexes, donc imprévisibles et donc insaisissables comme Gerfaut, encore lui.
    Les émotions. Idem chez Manchette. On y va à l’économie de moyens. Pas d’atermoiement, pas de trémolos. Si ça chiale, ça pleure vite et pas longtemps. La seule effusion que vous y verrez, c’est celle du sang. Mais, encore une fois, cette absence, c'est pas de la froideur, c'est une forme de désespérance, une perte de foi (en l'homme). Et ce nihilisme, ce refuse de s'attacher, mine de rien, ça touche, ça vise dans le mille.
    Voilà, c’était ma rapide définition du monsieur.
    J’ai lu JP Manchette.
    Et je vais y retourner.

    09/07/2023 à 18:45 2

  • Leur Domaine

    Jo Nesbo

    8/10 LEUR DOMAINE a beau se passer en Norvège, on se trouve bel et bien devant une tragédie grecque où la mort est un poison qui circule dans les liens de sang de ces deux frères, Roy et Carl unis par le crime, le secret, la honte.
    J’ai toujours dit que la fratrie est, d’un point de vue littéraire et romanesque, plus grand, plus puissant, plus tragique qu’une “simple” histoire d’amour tant le rapport entre frères et soeurs fait écho à des résonances plus fortes, plus anciennes, car cette relation unique porte en elle tous les sentiments humains et ce sur toute une vie ; des émotions ambivalentes aussi sublimes que destructrices nourris et décuplés par les souvenirs, l’enfance, les parents.
    Je ne dévoilerais rien de l’histoire, mais derrière ce décor montagnard où la blancheur immaculée du paysage recouvre, efface, enseveli, carcasses métalliques, cadavres et indices, on retrouve tous les ingrédients d’un roman noir de cendres.
    Un très bon roman qui, dans sa portée mythologique, m’a rappelé le film “Un plan simple” de Sam Raimi.

    01/10/2023 à 12:03 3

  • Nuits Appalaches

    Chris Offutt

    8/10 Chris Offutt est décidément un conteur d'exception.
    La plume est juste belle sans être ostentatoire et factice, ses personnages brossés à merveille dans leur humanité, la Nature sublimée sans tomber dans le contemplatif chiant. C'est surtout ça que je retiens, ce dosage, incroyable, bien senti. Pas de déchets ni de superflu.
    J'ai vraiment accroché avec le personnage de Tucker. Sa relation avec Rhonda est tendre sans être nunuche, le couple forme avec leurs enfants une famille "différente", mais attachante dans leur marginalisation. Tucker, vétéran de la guerre de Corée, si jeune et déjà revenu de tout, si délicat avec les siens, sans pitié avec ses ennemis ; l'auteur l'a parfaitement croqué et c'était loin d'être facile. Les dialogues sont également aux petits oignons, simples et profonds sans nous asséner de la philosophie absconse.
    Enfin, il se dégage de ces NUITS APPALACHES une poésie empreinte d'une douceur âpre ; l'auteur ajuste savamment ses effets, la violence n'a pas la grandiloquence jouissive d'un Pollock, mais elle n'est jamais gratuite ni aveugle.
    Le livre est court, plus resserré que le précédent (Le bon frère), ce qui fait qu'il n'y a pas de problème rythmique, encore une fois c'est savamment dosé, ajusté (certains le trouveront sans doute trop court, pas moi qui de plus en plus recherche dans mes lectures - et même dans l'écriture - ce sens de l'essence, cette rigueur, cette volonté de ne pas trop s'éloigner du récit, de l'histoire qui est racontée)

    Une fois encore, Gallmeister ne s'est pas trompé.
    Un très bon et très beau roman.

    13/09/2020 à 15:07 11