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8/10 À tous les amateurs d’action, les aficionados de rythme endiablé, les assoiffés d’hémoglobine, ce livre…n’est clairement pas pour vous !
Pas de frissons.
Pas de carambolages.
Pas de coups de feu.
Pas de poursuite.
Pas de twist final.
Non.
A LA PLACE DE L’AUTRE n’est pas spectaculaire pour deux ronds.
C’est MIEUX que ça.
Ce roman policier se lit de préférence dans un rocking-chair, les doigts de pieds dans des pantoufles avec un feu de cheminée pas loin.
J’ai passé un très bon moment.
Non, plus que ça : un délicieux moment.
Ce roman est une précieuse gourmandise.
On ne se bâfre pas avec.
On savoure.
On déguste.
Nous connaissions Simenon et son Maigret à la pipe, Vargas et son « pelleteur de nuages » Adamsberg, voici Rechenmann et son « brasseur de vagues » Viloc.
20-30 pages, c’est ce qui m’a fallu pour me laisser apprivoiser (bercer pour rester dans le ton maritime) par cette exquise indolence, cette lenteur (ne pas confondre avec longueur, la lenteur - dans l’Art - est une qualité pour moi) ouatée, cet humour souvent subtil ou débonnaire (de Anselme ou de son boss Plaziat jamais le dernier pour chambrer son flic), ces personnages lunaires et extravagants (Lucy, cette gamine incroyable).
Et je préfère ça à des thrillers qui démarrent tambour battant avant de s’essouffler rapidement pour finir asthmatiques dans un dénouement (souvent guère crédible). ci, on prend son temps. Et on profite de la vue, du paysage, des senteurs, des mélodies. C’est un roman contemplatif pour jouisseur, pour oisif.
Un roman pour les "lecteurs tortues".
Et dans cette littérature actuelle de roman noir et autre thriller où ça fulgure à tout va, ça fait rudement du bien.
Ici, les indices et les révélations se font presque de manière statique : on observe, on taille la bavette avec la voisinage, on épluche des archives, on spécule des théories fumeuses, on phosphore (l’auteur a du lire du Vargas, je pense), on fait des croquis. On y croise des chats (l'auteur les affectionne si j'en crois un de ses romans"le choix de Victor") , les pieds dans la vase, un médium, on évoque les esprits, les Egyptiens, ….
Et c’est ainsi, de cette façon bancale, à tâtons, (à l’aveugle pour faire référence à la comparaison canine du comparse dessinateur), mais progressive et sans avoir l’air d’y toucher, de manière farfelue, ubuesque même, poétique souvent que l’énigme se détricote, fil après fil.
Même les cadavres (et y’en a !) font partie de ce décorum tranquille. Ils tombent certes, mais sans tambour ni trompette. Le lecteur découvre ça au calme, sans surenchère, presque de façon surréaliste.
Et j’aime ça.
Certains diront que c’est un peu trop facile, peu crédible et même paresseux. Je ne sais pas. Surtout, je m’en fous. Je me suis laissé porter par cette paresse, cette léthargie jubilatoire, mais aussi cette humanité, ces anti-héros attachants, à leurs idées saugrenues, leurs bons mots, leur causticité, leurs sous-entendus…Moi qui ai beaucoup lu Ken Bruen (ou son personnage fétiche Jack Taylor résous souvent ses enquêtes accidentellement et en traînant la patte) j’applaudis. Car j’aime cette nonchalance, ce sentiment (faussement) passif qui habite les enquêteurs qui « aspirent » et inspirent la vie, toujours prompts à humer l’air marin, à écouter de la musique. Ainsi, même si l'intrigue reste l’attrait principal, tout ce qui gravite autour ajoute à cette atmosphère cotonneuse, musicale, poétique, qui pousse à la rêverie. Dans l’humour (avec moins d’acidité et de noirceur néanmoins, mais avec cette espèce de léger désenchantement), j’ai pensé à mon auteur contemporain préféré, le toulousain Jean Paul Dubois. J’ai aimé également les clins d’oeil ou les insertions de personnages de romans précédents (le dessinateur Léonard). J’ai aimé la tendresse délicate du héros vis à vis de sa nièce ou de sa femme (deux lignes où cette dernière l’attend sans un mot, un soir, ce amènera après coup la jolie confidence : « j’ai reconquis ma femme »).
Des bémols ? Si peu. Bon je regrette quand même qu’on en sache si peu sur Sofia (peut-être qu’elle est plus présente dans les précédents opus), idem pour Solange dont les ébats avec Jeremy servent surtout de ressort comique. C'est bavard. Oui. Très. Mais c'est pas vraiment un reproche, ça fait partie des personnages et ce verbiage est un ingrédient essentiel au charme qui est distillé tout au long du récit.
L’intrigue est très bien construite, captivante sous son air pépère, et historiquement intéressante (on y parle de la seconde guerre mondiale, de la collaboration, de la résistance, du mur de l’Atlantique…), on apprend des choses sans avoir le sentiment qu’on nous les assène. C’est fait modestement, par petites touches. La relative légèreté des 200 premières pages va prendre une tournure grave et presque maudite lors des flash-back et de l'histoire de la petite Marie, de cette vie, ces existences marquées du sceau du malheur et de la fatalité.
Encore un mot pour le style (une écriture parfois argotique, un peu à la Frédéric Dard, mais en plus léger et moins imagé, ça se boit comme du petit lait) : je trouve que c’est pas mal d’insérer les réactions des personnages à la suite d’une ligne de dialogue (dialogues nombreux, souvent succulents). Oui, Il m’a fallu là aussi quelques pages d’adaptation, mais ensuite, j’ai trouvé que ça ajoutait à la fluidité ; une bonne idée en définitive que d’éviter cette « cassure » d’aller systématiquement à la ligne. Bien vu.
Je ne vais pas tourner autour du pot : j’ai déjà commandé FLIC DE PAPIER et FAUSSE NOTE (et prochainement sort le dernier opus)11/02/2018 à 22:06 schamak (112 votes, 6.2/10 de moyenne) 4
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9/10 Parce qu'Anselme fait une étrange découverte au pied d'un blockhaus du Cap Ferret, il s'en suit une recherche dans les multiples archives pour découvrir un événement vieux de plusieurs dizaines d'années. Mêlant l'histoire, notamment celle de la construction du mur de l'Atlantique, à la fiction, Guy Rechenmann avec humour et poésie, en profite nous nous faire partager « son » bassin en hiver, loin des clichés de l'office de tourisme. Ce « polar » est original dans sa construction car certes, le lecteur suit le cours des idées de l'enquêteur et élabore sa propre hypothèse, cependant le point n'est pas fait pendant les incontournables séances de briefing ou conférences de presse à l'américaine, mais c'est la cinquantaine de pages du rapport final d'Anselme qui donne tout son sens à cette énigme, à la fois saga familiale et chronique aquitaine du XXème siècle.
Même si ce roman n'est pas le premier de la série du flic de papier, il peut se lire isolément … mais il a comme un goût de … je vais sans doute remonter le temps (d'Anselme) … tant les personnages sont attachants … que dire de Lily ?15/07/2017 à 15:29 Dany33 (535 votes, 8/10 de moyenne) 3