schamak

103 votes

  • Atmore Alabama

    Alexandre Civico

    9/10 Tu te procures ce livre direct.
    Tu regretteras pas. Promis, juré, craché.
    Non, tu n'en sauras pas plus.

    Va falloir me faire aveuglément confiance.

    25/03/2024 à 14:17 3

  • Dolorès ou le ventre des chiens

    Alexandre Civico

    6/10 En dépit de l’écriture toujours aiguisée et poétique de son auteur, c’est bien la déception qui prime à la lecture du (bien trop court) roman d’Alexandre Civico.
    Trop court en tout cas pour laisser infuser, croire et ressentir l’intensité de cet affrontement façon “Silence des Agneaux” inversé (en nettement moins sordide) entre ces deux marginaux, ces deux inadaptés de la vie. Dolores, tueuse en série, et révolutionnaire à son corps défendant (j’avoue que je n’ai pas toujours compris ses motivations réelles, si ce n’est le dégoût d’un monde, d’un système capitaliste) et Antoine, son psy cocaïnomane, dont le mal-être n’est guère plus explicite hormis cet absence de sens dans son existence (mais la mélancolie a t-elle besoin d’explication ?).
    A ce titre, leur joutes verbales sous forme de confidences, m’ont paru aussi précipitées qu’un peu trop écrites. Là encore, cette dualité méritait une évolution plus lente, plus progressive pour que je puisse adhérer à ce duel.
    De façon générale, même si les dialogues claquent bien, j’ai trouvé que tous les personnages, principaux comme secondaires, avaient un sacré éloquence et un fichu sens de la répartie. J’y vois là un petit artifice, une gourmandise d’auteur (pour laquelle j’ai pas mal d’indulgence). Je passerais sur le final que je trouve assez expédié.
    En tout cas, c’est bel et bien ce style racé, son phrasé court et imagé, dont la beauté et la force viennent, de temps en temps, vous percuter la rétine qui est son véritable et plus grand atout et qui ont fait qu’en dépit d’une absence totale d’empathie pour tous les protagonistes (hormis peut-être Chloé, bonne pâte mais dont se demande si son seul objectif n’est pas de tromper l’ennui de sa vie bourgeoise en s’entichant du mec torturé), j’ai lu ce livre sans déplaisir, mais sans émotion non plus, tout l'inverse de son précédent ATMORE ALABAMA dont la noirceur lumineuse m’avait piétiné le coeur.
    J’espère qu’Alexandre Civico, brillant styliste, ne m’en voudra pas trop, mais comme toujours, et fidèle à mes principes et au respect que je dois à tout auteur professionnel comme amateur, je me devais d’être le plus sincère possible.

    25/03/2024 à 14:14 2

  • Jeannette et le crocodile

    Séverine Chevalier

    7/10 D’une écriture brodée, l’auteure raconte ces petites vies cabossées avec infiniment de soin et d’humanité. Tous les personnages sont travaillés et l’auteure ne les juge pas.
    Ce n’est jamais misérabiliste, mais c’est triste, très touchant. La critique sur le capitalisme est présente sans être agressive.
    C’est un court roman très réussi qui vous laisse une petite trace.
    À bientôt Séverine Chevalier.

    19/03/2024 à 18:01 3

  • Ils savent tout de vous

    Iain Levison

    6/10
    Un début en fanfare, une idée originale (que l'auteur n'exploitera pas totalement), un personnage féminin avec de la personnalité, et si le rythme demeure enlevé et nous évite l'ennui, ça manque un peu de chair (j'ai connu Levison plus incisif), il persiste un sentiment de bâclé dans les 50 dernières pages, à l'image de cette fin expédiée.

    Clairement pas le meilleur de son auteur.


    25/02/2024 à 19:55 2

  • Le Silence

    Dennis Lehane

    7/10 Il a fallu attendre quelques années pour voir apparaitre le dernier Dennis Lehane.
    Son titre : le silence (small mercies, titre original, bien meilleur, je trouve).
    Le résultat est convaincant, même bon,… à défaut d’être très bon. C’est solidement écrit, percutant (faut-il le rappeler Lehane est un très bon dialoguiste et sait terminer un chapitre avec des phrases qui claquent). Une bonne histoire bien racontée (les 100 premières pages prennent le temps) avec à la clé un joli portrait de femme et de mère (un sacré bout de femme, la Mary Pat, en mode Charles Bronson) derrière la thématique du racisme, mais aussi celle du rôle et des responsabilités de parent, de ce qu’on lègue - parfois à notre insu - à nos gosses, et de notre trouille, en dépit de notre amour, quant à notre incapacité à les protéger contre tout.
    En d’autres termes, du travail pro(pre), maîtrisé sur le fond comme sur la forme, rien ne dégouline ou ne fait tâche. Le monsieur a du talent et du métier et son bouquin se hisse dans le haut du panier du genre.
    Aucun reproche véritable donc, mais il m’a manqué le petit supplément émotionnel qui vous entaille le palpitant et vous picote les rétines alors que tout s’y prêtait.

    07/01/2024 à 23:28 5

  • Billy Summers

    Stephen King

    5/10 250 premières pages qui se laissent lire.
    250 dernières pages poussives.
    Au final, un roman moyen qui pourrait plaire aux novices du genre, mais décevra les plus rodés.
    Ambitieux, longuet et parfois mièvre, Billy Summers passerait plutôt pour un polar lambda s'il n'était pas signé King.

    25/10/2023 à 07:44 3

  • Leur Domaine

    Jo Nesbo

    8/10 LEUR DOMAINE a beau se passer en Norvège, on se trouve bel et bien devant une tragédie grecque où la mort est un poison qui circule dans les liens de sang de ces deux frères, Roy et Carl unis par le crime, le secret, la honte.
    J’ai toujours dit que la fratrie est, d’un point de vue littéraire et romanesque, plus grand, plus puissant, plus tragique qu’une “simple” histoire d’amour tant le rapport entre frères et soeurs fait écho à des résonances plus fortes, plus anciennes, car cette relation unique porte en elle tous les sentiments humains et ce sur toute une vie ; des émotions ambivalentes aussi sublimes que destructrices nourris et décuplés par les souvenirs, l’enfance, les parents.
    Je ne dévoilerais rien de l’histoire, mais derrière ce décor montagnard où la blancheur immaculée du paysage recouvre, efface, enseveli, carcasses métalliques, cadavres et indices, on retrouve tous les ingrédients d’un roman noir de cendres.
    Un très bon roman qui, dans sa portée mythologique, m’a rappelé le film “Un plan simple” de Sam Raimi.

    01/10/2023 à 12:03 3

  • La Cabane aux confins du monde

    Paul Tremblay

    3/10 Si le début est intrigant, très vite, cela tourne en rond, devient répétitif et incohérent (les réactions des personnages, franchement….) ce qui fait qu’on ne croit en rien et surtout qu’on s’emmerde sévère dans ce thriller où, plus fâcheux, en dépit des enjeux, je n’ai pas ressenti une once de tension.
    Après un dernier évènement (que je ne peux divulguer), j’ai définitivement perdu l’intérêt et l’envie de poursuivre cette lecture assommante que j’ai cessé 80 pages avant la fin.
    Bidon de chez bidon.

    17/09/2023 à 13:38 2

  • Chien 51

    Laurent Gaudé

    3/10 Que Laurent Gaudé, auteur que j’affectionne et à qui on doit “Le soleil des Scorta”, “La mort du roi Tsongor”, “Eldorado” et surtout mon préféré “La porte des enfers”, s’essaye au roman policier et à la SF, tout cela avait tout pour me plaire. Je me demandais comment il allait s’en sortir et aborder ce double genre. J’étais intrigué, alléché même.
    288 pages plus tard, c’est la douche glacée.
    Bien plus qu’une déception, ce roman est une très mauvaise surprise. Peut-être que les plus néophytes y trouveront de quoi les satisfaire, mais je doute que les aficionados du polar et de l'anticipation y trouvent vraiment leurs comptes.
    Autant le dire : Gaudé s’est raté. Sur toute la ligne.
    Raté à bâtir une intrigue qui soit vraiment captivante.
    Raté à créer des personnages forts (certains personnages secondaires s’insèrent dans l’intrigue, mais n’apportent pas grand chose). Cela manque d’incarnation, ce qui fait qu’on n’est guère touché par ce qui (leur) arrive. A ce titre, la pseudo romance entre les deux flics est aussi rapide que surfaite.
    Raté même dans ce qui fait d’ordinaire la grande force de l’auteur : l’écriture (les dialogues sont empesés et théâtraux).
    Le style est lourd, sans saveur, et ici le lyrisme qui d'ordinaire caractérise la patte Gaudé sonne faux. La première partie est la description assez longuette (et guère passionnante) de ce nouveau monde. La conduite de l’enquête n’est guère plus enthousiasmante. Gaudé scrute notre monde actuel, ses dérives (ultra concurrence, totalitarisme, soulèvement de la population…), ses enjeux (crise climatique) pour en tirer une dystopie sans guère d’ambition et de souffle malgré une idée séduisante et quelques trouvailles originales. Ses efforts pour créer - avec maladresse - de la tension (la dernière phrase qui clôture chaque chapitre est très lourde) m’ont paru trop voyants et d’une grandiloquence vaine. Tout ça sent le forceps et ça pèse des tonnes. Certains passages (je pense à la scène à l’hôpital avec Zem et Salia après l’agression de cette dernière ou la longue tirade de Zem page 259-262) frisent le ridicule.
    Ce livre manque de tout. D’audace, de force, d’émotion ; tout ce qui doit faire une lecture marquante. C’est à se demander si l’auteur lui-même était convaincu par son histoire. De la première à la dernière page, je ne me suis jamais intéressé par ce que je lisais, tant tout cela m’a semblé scolaire dans la narration, plan-plan, poussif dans le procédé, forcé dans les effets et les intentions.
    Je répète, j’ai beaucoup aimé les opus précédent de l’auteur. Laurent Gaudé a maintes fois prouvé son talent et sa flamboyante capacité à produire le meilleur.
    Avec “Chien 51”, il vient désormais de commettre le pire.

    02/09/2023 à 18:53 3

  • Père et fils

    Larry Brown

    8/10 Chaque geste.
    Chaque regard.
    Chaque bruit.
    Chaque odeur.
    Tout est scalpelisé sous la plume de Brown pour créer l’immersion et sonder au plus profond l’âme de ses personnages.
    Dans ses instants lumineux et dans ses ténèbres.
    Quand les regrets se disputent aux remords.
    Quand la haine se prolonge à l’amour.
    C’est l’humanité.
    Toute l’humanité.
    Rien que l’humanité.
    Grand livre.

    20/08/2023 à 14:13 4

  • L'Empereur blanc

    Armelle Carbonel

    4/10 Le roman contient deux parties.
    La première est la plus fiable et c’est assez préjudiciable car elle fait 200 pages (50% de l’ouvrage).
    Cette partie souffre d’une écriture trop empesée (avalanches d’adjectifs et d’adverbes) qui rallongent lourdement et surtout inutilement le phrasé. L’auteure a l’appétit des mots mais en fait beaucoup trop (notamment dans les comparaisons ce qui est dommage car certaines fonctionnent bien). Je comprends cette gourmandise mais bien souvent «more is less ».
    De façon générale, Armelle Carbonel gagnerait à faire plus simple, plus sec, elle en a les moyens techniques (et je sais, la volonté désormais). Ici, le soin méticuleux, l’envie de bien faire et la rigueur employée confinent trop souvent à une préciosité grandiloquente qui va à l’encontre de l’effet recherché. C’est frustrant.
    Armelle doit davantage (se) faire confiance.
    Les personnages, nombreux, sont trop figés, ils manquent de chair et de densité, peu aidés, il est vrai, par des dialogues excessivement verbeux et pardon de le dire assez puérils (parfois l’impression d’entendre des ados).
    Là encore, il aurait fallu asséner de sérieux coups de serpe pour rendre tout ceci plus âpre, plus vif et plus percutant. Le lecteur n’a nul besoin d’être autant téléguidé, il faut lui laisser du champ quitte à ce qu’il s’égare.
    Armelle est plus convaincante et sans doute plus à l’aise dans le non verbal. Son truc à elle, c’est plus l’extérieur que l’intérieur, les lieux, leur histoire, leur légende ; son plaisir littéraire s’exprime davantage dans le fait d’habiller les lieux que les protagonistes.
    Bref cette première partie (un clin d’œil aux slashers qu’on connaît tous avec un petit côté Agatha Christien des 10 petits n*****.) ne m’a pas convaincu.
    J’ai pensé qu’il aurait pu être intéressant pour pimenter cette première partie d’y mettre un peu de second degré ; le cadre, les héros et leur métier (auteurs de romans d’horreur) s’y prêtaient bien. Je reste persuadé qu’on peut mettre de l’humour sans pour autant ôter le caractère anxiogène d’une atmosphère ou d’une scène (le cinéma asiatique y parvient magnifiquement).
    Ceci dit j’ai poursuivi car, le suspens, mine de rien est maintenu.
    Armelle prend un virage assez inattendu dans la seconde partie et stylistiquement parlant la forme m’a semblé moins lourde. Les nouveaux personnages (Dudley) un peu mieux incarnés, mais ça manque encore de profondeur et d’originalité dans le traitement. Et moi quand les personnages ne sont pas creusés, je me fous un peu de ce qui peut leur arriver. J’avoue en outre que Marcy la femme du flic est un ajout saugrenu et un peu parachuté.
    Si cette seconde moitié rehausse formellement l’ensemble, elle souffre de sa prévisibilité même si quelques surprises demeurent à la fin.
    Sans rien dévoiler de l’intrigue, on pense au cinéma de shyamalan (un de ses derniers films) mais je trouve que c’est insuffisamment exploité.
    Pour finir sur une note plus encourageante, l’autre thématique ( le racisme) n’est jamais inutile a rappeler (les passages de 1965 sont pour moi les plus réussis) les petits coups de scalpels sur le monde littéraire sont appréciables et le travail de relecture est sérieux (très peu de répétitions dans les formulations, sur 400 pages c’est tout sauf simple)
    Armelle a les armes, l’imagination, la sensibilité pour faire beaucoup mieux.
    Et je ne pense pas forcément au thriller.
    Même si mon retour semble sévère, je suis confiant pour la suite.

    20/08/2023 à 14:12 3

  • Sans pitié, ni remords

    Nicolas Lebel

    7/10 Retour sur le vif.
    « Sans pitié ni remords », troisième volet du capitaine Mehrlicht est à la hauteur des deux précédents.
    L’intrigue, comme toujours, est fouillée et rappelle combien l’auteur aime aussi cultiver son lectorat. Le travail de documentation est costaud et renforce le réalisme et la crédibilité de l’ensemble.
    En parallèle, l’auteur n’oublie pas de faire évoluer ses lieutenants dans leur vie privée (d’où la nécessité de lire les romans dans l’ordre selon moi) notamment en faisant la part belle aux femmes (Sophie Latour). L’attachement de Nicolas Lebel à ses personnages est manifeste et de plus en plus prégnant mais sans rien omettre de leur part sombre ou moins reluisante (Dossantos le bourrin cache une vraie sensibilité, Mehrlicht, comparé à Paul Presbois ou encore un batracien, est l’anti Coste - le flic de son pote Olivier Norek - par excellence). Ce même Mehrlicht qui sous ses airs désinvoltes et son mode de vie épicurien semble se suicider à petits feux. C’est un personnage très complexe et torturé par la culpabilité de par le cortège de malheur qu’il semble drainer avec lui.
    Sur d’autres personnages plus secondaires (genre Cuvier)le trait m’a paru forcé. En parlant de Cuvier, j’ai senti qu’au bout d’un moment l’auteur ne savait plus comment s’en dépêtrer.
    Un petit mot sur les bad guy.
    Ici, les méchants ne font pas de quartiers mais là encore, malgré l’atrocité de leurs actes, Nicolas Lebel leur tisse une histoire et nous fait aussi découvrir une part intimiste de leur personnalité à l’image de Vlad, ce assassin rongé par les scrupules en quête de rachat et d’apaisement.
    Nicolas Lebel atténue aussi la noirceur de son roman (même si l’auteur évite soigneusement tout racolage de scènes sanglantes) par un humour argotique et des running gags (sonnerie téléphonique) plus ou moins réussis. C’est plutôt amusant et ça dépeint bien le côté bonhommie franchouillarde qui colle bien au capitaine Mehrlicht.
    Bref, à défaut d’une construction super originale et spectaculaire (qui bien souvent masque une pauvreté littéraire) c’est un roman et un travail sérieux et solide, qui confirme que Nicolas Lebel, de par la densité de sa narration, son souci de combiner enquête et Histoire et de prendre le temps de bâtir des héros pétris d’humanité compte pour moi comme un des rares très bons auteurs de romans policiers français de ces 10 dernières années.
    Je possède les deux derniers de la saga.
    Alors comme dirait Jacques Morel sur sa pierre tombale, à bientôt Nicolas Lebel.

    20/08/2023 à 14:10 4

  • Mémoire assassine

    Thomas H. Cook

    6/10 Chez Thomas H. Cook, la famille est un éternel terreau avec ses faux-semblant, ses non-dits, ses désirs, ses rancoeurs, ses rêves.
    Ici, une thématique et un questionnement : celui de l’hérédité de la violence.
    Comme toujours, l’écriture est de temps en temps déroutante, empreinte de brume, de mystère et d’introspection, rien de spectaculaire dans l’action, rien de graphique dans la violence où souvent le romantisme plane sur l’horreur des actes.
    Cook n’aime rien tant que creuser les âmes et les failles de ses personnages pour y déceler les parts d’ombre. C’est le plus souvent subtil, parfois exagérément alambiqué, mais ça a le mérite de ne pas tomber dans le convenu.
    Le lecteur naviguera ainsi dans cet espèce de nuage cotonneux, en proie aux doutes, à l’image du personnage principal, Stevie, qui, dans sa quête de vérité verra le vernis de sa propre vie craqueler.
    Des facilités, oui, et des raccourcis un peu déroutants, un final un peu rapide, entacheront cette lecture qui demeure agréable, mais moins convaincante que les opus précédents.
    J'en relirai d'autres

    20/08/2023 à 14:09 2

  • Les Sept Divinités du bonheur

    Keigo Higashino

    7/10 Le précédent (Le Nouveau) m'avait un peu déçu.
    Celui-ci m'a bien plu.
    Quand on lit Higashino, on sait ce qu'on va y trouver. Ni plus ni moins.
    Une écriture ronronnante, mais agréable.
    Une intrigue bien fichue qui se déflore petit à petit.
    Pas d'action, rien de spectaculaire.
    Enfin, et surtout, derrière le suspense, la même et délicate petite musique mélancolique à l'image de ses personnages pudiques, mais touchants.

    25/07/2023 à 08:01 4

  • Le Petit Bleu de la côte Ouest

    Jean-Patrick Manchette

    8/10 Je ne sais pas si je vais parvenir à expliquer en quelques lignes et à chaud, après la lecture de ce livre (mon premier), pourquoi je crois deviner la raison pour laquelle JP Manchette apparait comme une référence à beaucoup d’auteurs de polars ou de romans noir, en France comme ailleurs (du reste, “Le petit bleu de la côte Ouest” est préfacé par James Sallis).
    Le style, d’abord et surtout. Sans chichis, droit au but, mais, attention, pas impersonnel pour autant. Des allusions glissées ça et là, mordantes, acides, sur une période, une situation, un climat, un sentiment. Il y a Chez Manchette ce qu’on lit, et surtout ce qu’on ne lit pas mais qui est quand même là, vous voyez ? Mais, c’est une écriture aussi musicale, jazzy, avec ce qu’il faut de descriptions sans jamais être pompeuse. Un style - un flow dirais-je plutôt — un peu détaché presque désabusé, mais qui, de temps en temps, balance deux trois ogives, l’air de rien, comme pour dire qu’il n’est dupe de rien, qu’il reste lucide, qu’il sait comment tourne le monde, la nature humaine, même si, on n’y pourra rien changer. Bref, ce genre de choses.
    La construction ensuite. Des rouages bien huilés, une mécanique impeccable où l’auteur ne s’embarrasse d’aucun remplissage inutile, d’aucun ameublement factice. Une construction à rebours avant de tracer sa route, d’un point A au point B et ainsi de suite dans une logique séquentielle, implacable de fluidité. De ce fait, le lecteur est amarré, et le suit comme il va suivre Gerfaut, ce monsieur tout-le-monde, tantôt proie, tantôt prédateur, et ce, jusqu’au bout de sa vengeance.
    Les personnages, en quelques coups de canifs, sont parfaitement brossés, habillés, cintrés, car Manchette est aussi un portraitiste hors pair. C’est sec, sans fioriture jamais, rien ne dégouline, clic clac, ses personnages, ne se perdent pas en explication ou si peu, sont brut de fond, à prendre ou à laisser. Contrairement à beaucoup de personnages dans des romans verbeux et ennuyants, les siens sont avares de paroles surtout quand ils doivent expédier à coup de bastos les affaires courantes (c’est pas John McLane dans “Die Hard” qui disait : “quand on flingue, on cause pas” ?). Binaires, volontairement ou en apparence, ils sont aussi complexes, donc imprévisibles et donc insaisissables comme Gerfaut, encore lui.
    Les émotions. Idem chez Manchette. On y va à l’économie de moyens. Pas d’atermoiement, pas de trémolos. Si ça chiale, ça pleure vite et pas longtemps. La seule effusion que vous y verrez, c’est celle du sang. Mais, encore une fois, cette absence, c'est pas de la froideur, c'est une forme de désespérance, une perte de foi (en l'homme). Et ce nihilisme, ce refuse de s'attacher, mine de rien, ça touche, ça vise dans le mille.
    Voilà, c’était ma rapide définition du monsieur.
    J’ai lu JP Manchette.
    Et je vais y retourner.

    09/07/2023 à 18:45 2

  • Sur la dalle

    Fred Vargas

    2/10 Quand sort la recluse était déjà médiocre.
    Celui ci est pire.
    Dans un mélange de tristesse et de colère, j'ai cessé la lecture. Pas pu aller au-delà de la page 160 (sur 509).
    Ce livre est une véritable purge. Il ressemble à un scénario fait d'interminables et d’assommants dialogues en enfilade.
    Oubliez l'atmosphère évanescente des premiers romans, ici, tout est sur-expliqué ad nauseam.
    L'enquête ? On s'en contrefiche.
    Mais le plus consternant, ce sont les personnages fadasses ou absents (Danglard) et notamment le plus important d'entre-eux.
    Adamsberg, totalement méconnaissable, a perdu son âme. Bavard aux confins de la niaiserie, on se demande comment il peut susciter l'admiration de ses pairs.
    Rupture consommée entre Vargas et moi.

    02/07/2023 à 22:54 5

  • Les Gentils

    Michaël Mention

    7/10 Derrière ce titre un tantinet caustique, Michael Mention signe un roman d’aventure qui va à cent à l’heure (si on accepte aussi de fermer les yeux sur certaines situations rocambolesques, perso, ça m’a pas trop gêné).
    Pas de répit pour le lecteur ni de repos pour Franck Lombard, disquaire passionné transformé en Justicier dont l’acharnement obsessionnel flirtera avec la démence (secrètement, j'aurais vraiment voulu qu'une folie Friedkinienne embrase encore plus l'esprit de Franck 🙂 ).
    Ici, au coeur des années 70 (avec quelques évènements clés rappelés par l'auteur) de Paris à Marseille en passant par la Guyane, ça court, ça vole, ça castagne, ça dézingue à tout va dans une atmosphère tantôt urbaine tantôt tropicale ; il y a presque un côté Jeu Vidéo (voulu ou non, j’ai pensé à « Drake Fortune », je ne sais pas si tu connais Michael).
    Le rendu est très efficace et on ne voit pas les pages se tourner toutes seules. Objectif atteint comme premier niveau de lecture.
    Pour qui connait et apprécie le style Mention, pas de surprise : c’est stylé, pêchu, nerveux, inventif, (parfois aussi fatigant) mais ça colle assez bien au rythme endiablé ainsi qu’à la psyché chamboulée de son héros vengeur en mode auto-destruction.
    Toujours côté style, certains pourront regretter le fait que le phrasé ne s’étire pas de temps en temps (notamment lorsqu’il s’agit de décrire le paysage, les odeurs, de la Guyane, un appel d’air eut été bienvenu, d'autant que je suis certain que l'auteur sait faire), mais c’est un parti pris. Mais ce qui personnellement m'impressionne dans son écriture, c’est que l’auteur ne se répète pas, les trouvailles formelles sont souvent bonnes, il faut en avoir sous le pied pour se renouveler ainsi, je dis bravo car il pousse aussi le lecteur à rester stimulé, en éveil, aux aguets.
    Forcément, avec un tel personnage (Franck est présent sur toutes les scènes), les autres ont plus de mal à se faire une place, à l’image de la mère un peu reléguée, même si objectivement il eut été difficile de la faire intervenir dans ce processus et la fuite en avant de son ex-conjoint.
    Derrière le divertissement, le propos est aussi politique et existentiel (que deviennent nos valeurs humaines quand on a plus rien à perdre et que la soif de vengeance nous aveugle et fait de nous une bête ?) et enfin, comme toujours avec l'auteur, la petite histoire rencontre la grande à l’image de la dernière partie - assez ironique pour son héros quand on y réfléchit - que je ne révélerai pas.
    Sachant que l’auteur est aussi un jeune papa, la résonance de la thématique n’en est que plus prégnante (et effrayante si on est un peu superstitieux) ce qui me fera lui poser une question personnelle en MP.
    Au final, même si moins ample et ambitieux que "Power", cela reste de la solide ouvrage.
    Merci l’ami.

    07/05/2023 à 19:09 8

  • Elle le gibier

    Élisa Vix

    4/10 Le sujet, toujours autant d'actualité, n'est pas sans intérêt (harcèlement moral dans le milieu professionnel, obsession de la performance, déshumanisation....), la charge un poil caricaturale (même si des boites comme ça existent).
    La seconde partie (interrogatoires des collègues, ....) est assez ennuyeuse et ne crée pas davantage d'empathie pour le personnage principal (Chrystal).
    Question écriture, le style est soigné, bien trop propret à mon goût, zéro audace, zéro inventivité formelle (on est loin de la poésie du regretté Joseph Ponthus et son "A La Ligne" dont les envolées lyriques et la prose soulignaient encore plus l'inhumanité de l'environnement professionnel).
    Bref, j'ai lu une rédaction améliorée.
    Pas mauvais en soi, mais largement dispensable.

    06/03/2023 à 22:02 3

  • Artifices

    Claire Berest

    6/10 Pendant 300 pages, j’ai été très intéressé, et même captivé par l’intrigue originale et mystérieuse à souhait.
    L’auteure construit progressivement, méthodiquement, habilement son puzzle d’autant que l’écriture, hybride, moderne, mais enlevée m’a séduit. Bref, je passais un très bon moment à lire ce roman (qui se lit comme un roman policier, mais plus ambitieux).
    Et puis, sur les 100 dernières pages, tout se précipite, ce qui n’est pas nécessairement une mauvaise chose, sauf que dans ce présent cas, je n’ai pas pu me départir de cette impression que l’auteur, impatiente, voulait se débarrasser de son histoire.
    La psychologie des personnages - deux femmes, Mila et Camille et un homme Abel - est assez fouillée, mais dans ce triangle amoureux, Camille est clairement le maillon faible tant j’ai eu du mal à croire à sa souffrance.
    Une fois le livre reposé et le soufflé retombé, je reste mitigé. Si je ne regrette en rien ma lecture qui m’a vraiment happé (le fond comme la forme) pendant les 3/4 du livre (même lorsque j’ai compris les tenants et aboutissants), mais je n’ai pas pu m’empêcher de penser qu’en dépit de la thématique intelligemment abordée (l’Art comme moyen de guérison après un traumatisme), il était difficile de comprendre et finalement de croire à cette histoire et aux motivations de ses protagonistes. Derrière le côté un peu baroque qui se dégage de ce roman audacieux dans son approche, il demeure au final et malgré tout quelque chose de factice, quelque chose qui sonne - volontairement ? - faux.
    En ce sens, avec ses interprétations multiples et cette impression d’esbroufe, le titre “Artifices” est très bien choisi.

    04/02/2023 à 21:54 2

  • Des noeuds d'acier

    Sandrine Collette

    5/10 Pas franchement convaincu par ce "Captivity thriller" (vendu et primé en tant que roman policier, je me demande encore pourquoi), une espèce de "Misery" chez les ploucs (en nettement moins effrayant). Pas franchement en empathie avec le personnage non plus ; personnage auquel je n'ai d'ailleurs pas trop cru. L'auteure n'est pas parvenue à me faire frémir avec ces deux vieux géoliers. La thématique, pourtant intéressante, (l'esclavagisme et la domestication de l'humain et son ensauvagement) n'est pas tellement poussé au final. Pourtant, il aurait été intéressant d'illustrer la perte progressive de repères de raison et une mutation bestiale mais en définitive, la victime n'évolue pas tellement durant ces 18 mois d'enfermement et de maltraitance. Cela tourne un peu en rond et j'ai tourné les pages sans véritablement me défaire de cet ennui poli. La plume, elle, n'est pas désagréable, mais assez anecdotique, rien qui ne marque l'esprit ou la rétine. Après, c'est le premier roman et il date un peu.
    En bref, mon premier Collette, pas le dernier, mais une déception.

    21/01/2023 à 15:01 4