JohnSteed

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  • Monsieur La Souris

    Georges Simenon

    7/10 Ugo Mosselbach, vieux, petit et maigre, alias La Souris, fait la cloche entre le quartier de l’Opéra et les Champs-Elysées. Un vrai comédien pour tirer 3-4 francs pour pouvoir boire son litre de rouge : il va de terrasses de café en terrasses de café, aux cinémas pour tenir la porte aux spectateurs, et vers les autos en stationnement pour soutirer quelques sous aux chauffeurs sous prétexte de garder la voiture pendant les spectacles. Mais ce soir de juin, en voulant proposer ce service à un chauffeur, un portefeuille tombe de l’habitacle, ainsi que son propriétaire, sans vie. Mais pour éviter toute implication, La Souris tait l’affaire et prend le maroquin pour le cacher. Il emmène l’argent (environ 150 000 francs en dollars) aux objets trouvés, délestés de quelques biftons. Ainsi, il espère récupérer dans un an et un jour si personne ne réclame cette somme. Il souhaite racheter l’ancien presbytère de sa commune natale. Il garde l’enveloppe au nom de Sir Archibald Landsburry dans laquelle il met la photo d’une jeune femme trouvée dans l’étui.

    L’inspecteur Lognon décide de suivre La Souris. Qualifié de Malgracieux par le clochard, l’inspecteur de la police municipale souhaite montrer qu’il est capable de mener une enquête et ainsi devenir inspecteur à la Criminelle. Il sent que La Souris cache des choses. Ce dernier constate que les journaux ne relatent pas de meurtre. Ils évoquent cependant la mystérieuse disparition de Loëm, le dirigeant d’un grand groupe financier suisse. Rien à voir avec Sir Archibald Landsburry. Pourtant la maîtresse de Loëm correspond à la photo de la femme du portefeuille de Sir Landsburry.
    Lognon souhaite éclaircir cette affaire. Et La Souris, aussi roublard que malicieux, essaie de taire son secret pour pouvoir réaliser son souhait avec ce pactole qui lui tend les bras.

    Un Simenon rare car il propose avec Monsieur La Souris une enquête policière « classique ». Classique chez Simenon ne signifie pas sans intérêt. Bien au contraire grâce notamment à ces personnages de La Souris et de son comparse l’Inspecteur Lognon, qui forment un duo attachant jouant, au jeu du chat… et de (Monsieur) la souris.

    23/08/2018 à 20:33 2

  • Le Cambrioleur en maraude

    Lawrence Block

    7/10 Bernard Rhodenbarr, libraire et cambrioleur à ses heures perdues à New-York, se voit demander par son ami Marty Gilmartin de délester le coffre-fort de Crandall Mapes. Ce dernier, chirurgien plasticien, lui a chipé sa petite amie et Marty veut le lui faire payer. Voler l’argent qu’il se fait au noir à retaper les gueules de la clique new-yorkaise ne doit pas poser de cas de conscience pour Bernie. Après quelques temps de réflexion, ce dernier accepte. Après avoir repéré les lieux, il décide de cambrioler un appartement afin de masquer son futur méfait en une série de cambriolages dans le quartier. Cependant, le vol tourne au cauchemar : la locataire arrive avec son amant d’un soir et Bernie se trouve coincé sous le lit. Il ne peut que constater que l’amant vient de droguer la femme qu’il viole avant de voler le peu que Bernie vient de laisser. Celui-ci, en bon gentleman cambrioleur, va remettre en état l’appartement et chercher à savoir qui est ce criminel.

    Lawrence Block nous offre un épisode des aventures de Bernie à la fois cocasse, drôle et déroutant. La lecture de ce livre est facile, sans prise de tête. Dommage que le dénouement sous forme de confrontation de tous les protagonistes de l’histoire (à la façon d’Agatha Christie) adoptée par l’auteur soit une solution peu trop facile et improbable pour apporter les réponses à l’histoire. En tous les cas, la lecture aléatoire de la série de Bernard Rhodenbarr ne pose aucun problème pour apprécier chaque histoire et le personnage, drôle, cynique et aux valeurs et principes originales.

    22/08/2018 à 20:38 2

  • La Fureur de la Rue

    Thomas H. Cook

    7/10 Birmingham, Alabama mai 1963. Ben Wellman, policier solitaire et intègre, est affecté à la surveillance de Martin Luther King qui, par ses discours aussi puissants que pacifistes, exhorte ses compatriotes à manifester pour faire valoir leurs droits civiques dans cette ville la plus ségrégationniste des Etats-Unis. Il est appelé à se rendre à Bearmatch, le quartier noir de la ville : le corps à moitié enterré d’une jeune fille noire y a été découvert sur le vieux terrain de sport. Elle a été violée après avoir été exécutée d’une balle derrière la tête.
    Ben est sommé par le commissaire Luther de mener à bien l’enquête. Il convient de s’assurer que le Ku Klux Klan n’est pas derrière cette exécution et d’éviter de montrer, en cette période de troubles, que la police n’abandonne pas trop rapidement ses recherches sous prétexte de la couleur de peau de la victime.

    Les rues de feu fait partie des premières œuvres de Thomas H. Cook et on le constate aisément. En effet, on ne trouve pas dans ce polar, ce qui constitue la « touche » Thomas H. Cook. Ici, aucun secret de famille, aucun aller-retour entre le passé et le présent, aucune culpabilité ni rédemption du personnage principal. Nous sommes dans une enquête policière somme toute classique avec cependant un élément historique intéressant mais un peu sommaire et trop mis en arrière-plan à mon goût : le début de la lutte des afro-américains pour leurs droits et contre la ségrégation raciale et le rôle prépondérant du Révérend Martin Luther King.

    17/08/2018 à 15:12 3

  • Meurtriers sans visage

    Henning Mankell

    9/10 En pleine campagne scanienne, région isolée de Suède, le voisin des Lövgren, un couple de modestes paysans en retraite, se réveille en pleine nuit, en ce début janvier 1990. Quelque chose d’inhabituel se produit chez ses voisins : à cette heure bien matinale, le cheval aurait dû hennir et réclamer sa ration d’avoine. Inquiet, il regarde par la fenêtre et ne voit pas son voisin debout. Aucune lumière mais un carreau de fenêtre cassé. Il décide d’aller voir et va constater l’horreur. Les voisins ont été sauvagement agressés et seule la femme, ligotée et étranglée par un étrange nœud, est encore vivante, mais dans un profond coma. Le mari a vu sa gorge tranchée.

    Kurt Wallander est dépêché sur place et va prendre en charge l’enquête. La vieille voisine ne survivra pas à ce massacre et aura juste le temps de murmurer « étrangers » à la police. C’est l’émoi aux environs d’Ystad, d’autant que les réfugiés et les étrangers pullulent dans la région. La population est secouée et certains groupuscules extrémistes menacent de s’en prendre directement aux étrangers si la police ne trouve pas rapidement les assassins.

    Kurt Wallander aidé de ses coéquipiers constate que la vie du vieux Lövgren est assez trouble et pleine de secrets : un fils caché d’une relation adultérine semble éclaircir le mystère.
    Pendant ce temps-là, les menaces prennent forme et un Ivoirien a été abattu en pleine rue.
    Une autre enquête incombe à Kurt Wallander ainsi que la surveillance des camps des réfugiés.

    Cette première véritable enquête de Kurt Wallander est une véritable et belle entrée en matière dans la série engendrée par Henning Mankell qui compte 12 enquêtes. On y découvre la personnalité de Wallander, en proie aux questionnements sur l’évolution de la société suédoise, sa vie de famille éclatée (entre la séparation d’avec sa femme, sa fille instable et les relations conflictuelles avec son père), sa propre vie (le passage à la quarantaine) et son dévouement pour son enquête à l’intrigue déroutante et originale.
    On s’attache profondément à cet anti-héros, un homme ordinaire avec ses problèmes d’homme ordinaire.
    Le style Mankell, aux profondes et minutieuses descriptions de son pays et sa population, vient renforcer le sentiment d’une lecture prenante et envoûtante. Incontournable.

    13/08/2018 à 16:07 4

  • Zoo Station

    David Downing

    7/10 John Russell, journaliste anglais, vit en Allemagne depuis plus de 14 ans. Il a épousé une Allemande dont il est séparé et avec qui il a eu un fils, Paul, qui fait partie des Jeunesses hitlériennes. Actuellement en couple avec une très belle actrice au modeste talent, Effi Koenen, John Russell bénéficie d’un statut particulier qui lui permet de voyager librement dans cette Allemagne qui voit la montée en puissance du nazisme et avec, la crainte d’une prochaine guerre.

    En ce début 1939, John Russell est à Dantzig pour réaliser quelques articles journalistiques pour ses éditeurs anglais et américains. Il est approché par Evgueni Chtchepkine, des services secrets russes. Ce dernier lui propose de consacrer plusieurs articles sur la population allemande afin que le peuple russe puisse se comparer à elle et constater qu’il existe peu de différences entre ces deux peuples : l’idée est de préparer les Russes à un éventuel Pacte germano-soviétique. Grassement payé, et par nostalgie avec ses anciennes sympathies pour la cause communiste, Russell accepte. Les SA et les services secrets britanniques, informés de ce projet, lui demande de lui faire passer ces projets d’articles.

    Contacté par son ami de l’ambassade anglaise à Berlin, Dough Conway, John Russell se voit lui rendre un service qui changera profondément son rôle dans ce Berlin d’avant-guerre : donner des cours d’anglais à une famille juive, les Viesner, dont le mari avait sauvé la vie de la femme de Conway.
    Russell se consacre ainsi à la rédaction de ses prochains articles pour les services secrets russes, ses cours d’anglais, entre les matchs de l’Herta Berlin avec son fils et les soirées consacrées à sa compagne Elfie, et à ses collègues journalistes. Lors d’une d’entre elles, Mc Kinley, un collègue américain, lui fait part d’un terrible sujet dont il va faire un article et qui pourrait ébranler les pays occidentaux : l’extermination des personnes malades mentales par les nazis. Russell lui conseille d’avoir des preuves de ce qu’il souhaite dénoncer. Avant qu’il n’est pu rédiger son article, Mc Kinley meurt. La thèse officielle : suicide. Il se serait jeté sous un train à la gare de Zoo Station. Russell n’en croit pas un traître mot. Il veut poursuivre la quête de Mc Kinley.

    David Drowning, avec Zoo Station, nous peint dans une atmosphère lourde et sombre cette Allemagne aux portes de la guerre et ce qu’il y a de plus de terribles : les trains d’enfants juifs, le silence et l’obéissance sourde de la population allemande au régime nazi, les camps des Juifs, la quête d’un visa pour l’Angleterre ou les Etats-Unis, …
    Ne vous fiez pas aux différentes étiquettes : ce livre n’est pas un polar ni un thriller. Un bon roman noir sur la société allemande de 1939 vécu par un journaliste anglais, John Russell, tiraillé par un devoir patriotique voué à son pays natal ou à son pays d’adoption et de naissance de son fils. Zoo Station présente tellement de thèmes que j’ai peiné à trouver la trame fondamentale du livre. Ce n’est ni l’espionnage, ni le début de l’extermination du peuple juif, … mais à la fois tout ça. Ce livre raconte l’Allemagne aux prémices de la guerre et le positionnement d’un homme, John Russell, face à ses convictions humaines et personnelles.

    11/08/2018 à 08:44 4

  • La Faille souterraine et autres enquêtes

    Henning Mankell

    8/10 A la demande de ses lecteurs, Henning Mankell a rédigé plusieurs histoires qui racontent la genèse du commissaire Kurt Wallander, bien avant sa première enquête, Meurtriers sans visage. Tout au long de ces 5 histoires policières, on découvre comment se sont construites la personnalité de Kurt Wallander, le déroulement de sa carrière policière (de Malmö à Ystad), son histoire amoureuse avec Mona, son attachement pour sa fille Linda et les relations compliquées avec son père.
    Ces enquêtes, plus ou moins longues, sont à l’instar de la série consacrée à Kurt Wallander : passionnantes, attachantes et prenante. Mais au-delà de simples enquêtes policières, Henning Mankell propose une réflexion sur nos sociétés et autres questionnements personnels sur nos simples vies. Kurt Walander est plus qu’un personnage de polar. Il est notre mirroir.

    Le coup de couteau : Tout débute en juin 1969 où, jeune recrue au sein de la police de Malmö, Wallander découvre, en rentrant chez lui, le corps sans vie de son voisin. Ce dernier semble s’être suicidé d’une balle dans le cœur. Wallander est assez troublé par cette mort d’autant que son voisin, très suspicieux, avait mis un verrou supplémentaire à sa porte qui était restée ouverte ce soir-là. Et le cambriolage de l’appartement du mort le jour suivant ne va que conforter Wallander de mener son enquête en solitaire, en dehors de ses heures de service.

    La faille souterraine : La veille de Nöel 1975, Wallander, ayant intégré la criminelle, est missionné par son chef pour passer, en rentrant chez lui, dans une supérette qui est sur sa route du retour. La gérante s’est plaint plusieurs fois qu’une personne faisait le guet devant sa boutique. Arrivé sur les lieux, Wallander trouve la gérante inanimée dans une mare de sang dans les réserves. Il se fait assomé et ligoté avant d’avoir pu alerter les secours. Un face à face psychologique entre Wallander et son agresseur, qui l’interrogera sur l’évolution de la société suédoise.

    L’homme sur la plage : Un chauffeur de taxi alerte la police d’Ystad, où Wallander a pris ses fonctions. Son client vient de décéder dans son véhicule. Après examen, il s’avère que celui-ci a succombé à un empoisonnement. Wallander va devoir retracer le parcours du client.

    La mort du photographe : Mai 1988. Un photographe, qui, à ses heures perdues, réalise des photos montages avec les personnalités politiques, est assassiné dans son atelier en pleine nuit.

    La pyramide : Décembre 1989. Un petit avion s’écrase dans la campagne de Scanie. Aucun survivant. Il volait en rase motte et en dehors de tout contrôle radar. Une mercerie en centre-ville est détruite par un incendie. Après une fouille des lieux, seront retrouvées les deux sœurs commerçantes mortes calcinées exécutées d’une balle dans la tête. Wallander va mener de front ces deux enquêtes, tout en essayant de gérer la relation des plus tumultueuses avec son père qui se fera emprisonné en Egypte, sa séparation difficile avec Mona. Une fois ces 2 enquêtes résolues, un coup de téléphone annonce l’agression de deux personnes âgées dans une ferme reculée de Scanie : l’affaire « Meurtriers sans visage » peut débuter.

    06/08/2018 à 17:11 4

  • La Maison pâle

    Luke McCallin

    8/10 Fin mars 1945, 4 mois à peine après sa nomination dans le corps des Feldjägerkorps, Reinhardt doit se rendre à Sarajevo pour prendre part à l’évacuation des troupes allemandes. En route pour la capitale yougoslave, l’ex-inspecteur de la Kripo tombe sur une scène de massacre dans la forêt sur les hauteurs de la ville : le reste de 3 corps brûlés et de leur uniforme allemand. Fort de la suprématie due à ce nouveau bataillon allemand, en charge de maintenir l’ordre et la discipline au sein de l’armée, Reinhardt enquête sur ce qui est advenu à ce qu’il pense être des déserteurs allemands. Le lendemain, ce sont 3 Feldjäger qui sont tués lors d’une patrouille alors qu’ils se renseignaient sur l’origine d’un désordre survenu aux premières heures de l’aube sur un chantier de construction d’une batterie aérienne.
    Reinhardt s’intéresse alors de près au bataillon disciplinaire 999, composé de soldats allemands ayant été condamnés pour manquement à la discipline, et d’étrangers volontaires.
    L’enquête s’avère difficile d’autant plus que l’armée allemande, en ce printemps 45, est en pleine déroute. Sarajevo est entre les mains des alliés allemands, les Oustachis, qui tiennent la ville grâce à leur régime de terreur et de répression par le biais d’arrestations, d’actes de tortures, de meurtres et d’exécutions de masse ordonnancé depuis une villa située sur les rives de la Miljacka : la « Maison Pâle ».

    Deuxième épisode des enquêtes de Reinhardt (qu’il convient de lire dans l’ordre), La Maison Pâle est une superbe plongée dans la débâcle de l’armée allemande en Europe centrale. Moins cynique mais tout autant torturé que (son homologue et celui à qui l’on va comparer) Bernie Gunther de Philipp Kerr, le Capitaine Reinhardt doit bénéficier d’une place de choix dans les multiples et florissants polars de cette période. McCallin sait parfaitement mettre la petite histoire dans la Grande en captivant son lectorat avec une brillante intrigue.

    30/07/2018 à 22:00 3

  • Né sous les coups

    Martyn Waites

    8/10 Le livre terminé, je le ferme et le repose délicatement. Comme les premiers rayons de soleil après un long hiver, je laisse les effets de cette lecture imprégner mon corps, me réchauffer le cœur. Ce livre procure cette puissance contradictoire : il s’agit d’un roman social noir qui dépeint une misère si cruelle qu’il pourrait faire déprimer le plus optimiste. Mais Martyn Waites prouve par son écriture forte et subtile que le noir peut être magnifique. Lire Né sous les coups c’est assister à un match de boxe entre deux grands champions qui se livrent corps et âmes : les coups pleuvent, font mal, mais ce sont les ingrédients d’un match magnifique.

    1984, Coldwell, bourgade (fictive) proche de Newcastle. Stephen Larkin, jeune journaliste prometteur, souhaite couvrir la révolte des mineurs qui combattent la politique de Margaret Thatcher, première ministre anglaise, qui cette année, décide de fermer les mines de charbon du pays. Il va croiser la route de Tony, jeune footballeur professionnel, de Louise, jeune adolescente en quête d’amour, de Tommy, qui fera sa place dans la mafia locale, et de Mick le mineur syndicaliste.

    20 ans plus tard, après une carrière londonienne, Stephen Larkin revient à Coldwell pour faire le bilan des années de révolte. Que reste-t-il de cette lutte sociale ? Que sont devenus celles et ceux qui voulaient refaire le monde ?
    Mais pourquoi les gens ne bougent-ils pas, ne changent-ils pas cette bourgade de misère ?
    La réponse de Martyn Waites est sans appel : « Oh, je suis sûr qu’ils voudraient bien. Mais peut-être ne savent-ils pas comment. Ou qu’ils n’en ont pas les moyens. Ou qu’ils ne sont pas physiquement capables de le faire. Et ceux qui devraient, qui ont de l’argent et le savoir-faire, ne le font pas. Ils pensent que c’est aux gens qui vivent ici de prendre leurs responsabilités. Et ils ne feront rien tant qu’eux ne feront rien. »

    29/07/2018 à 08:41 8

  • Les Infâmes

    Jax Miller

    6/10 « Je m’appelle Freedom. Freedom Oliver. Je souhaite vous raconter mon histoire, ma vie. Bon, Freedom, c’est pas mon vrai nom. J’ai été placée sous protection policière. La famille de mon mari souhaite me faire la peau. Surtout Matthew, qui vient tout juste d’être libéré de taule, condamné pour le meurtre de son frère, mon mari. Une famille de tarés, alcooliques, drogués, et j’en passe et des meilleurs. 20 ans qu’il vient de tirer. Autant de temps à me planquer dans cette ville de Painter dans l’Oregon. Dire qu’il veut se venger de ce que je lui ai fait est un euphémisme. Et voilà, j’apprends que ma fille, Rebekha, de son vrai nom Layla, a été enlevée. Ma fille que j’ai à peine connue : pas plus de 2 minutes après sa naissance.
    Je m’appelle Freedom et mon vrai nom est Vanessa Delaney. Je suis alcoolique et droguée. Mes enfants ont été placés dans une famille, Les Paul, liée à l’Eglise des Adventistes du Troisième Jour dans le Kentucky. Je sais qu’ils y sont bien. Mon fils, Mason, de son vrai nom Ethan, est devenu un brillant avocat plein d’avenir. Il faut que je retrouve Rebekah. C’est mon sang, ma chair, ma vie… »

    Premier roman de Jax Miller qui est promis à un bel avenir littéraire. Les infâmes enchaine les chapitres courts, pour offrir au lecteur la terrible histoire qu’a vécu Freedom.
    Mais à trop vouloir se concentrer sur l’action et alterner les acteurs, on n’y trouve aucune profondeur. Aucune âme ne ressort de ce livre, à part quelques lignes émouvantes en guise de final à peu trop mélodramatique. Dommage. Quelques pages supplémentaires pour développer la personnalité de Freedom auraient peut-être été nécessaires.

    25/07/2018 à 12:27 4

  • Le Meurtre de Roger Ackroyd

    Agatha Christie

    9/10 Agatha Christie, la Duchesse de la mort, comme elle aimait se faire appeler, publie avec Le meurtre de Roger Ackroyd son sixième roman. Paru en 1926, ce livre a connu un immense succès, son plus grand d’ailleurs.

    Le Dr Sheppard, médecin du petit village de King’s Abbot, apprend le suicide de Mrs Ferrard. Celle qui a empoisonné son mari, n’a pu supporter la culpabilité et le chantage dont elle faisait l’objet.
    Devant se marier avec la veuve Ferrard, Ackroyd invite le Dr Sheppard à diner pour l’interroger sur les causes de la mort de Mrs Ferrard, celles de son mari et s’il savait que Mrs Ferrard faisait l’objet d’un chantage. Ackroyd doute du suicide en l’absence d’une lettre de sa future épouse. Celle-ci arrive par le courrier du soir, Ackroyd demande au Dr Sheppard de le laisser seul dans son bureau pour qu’il puisse prendre connaissance de la lettre.
    Rentré chez lui, un appel anonyme lui annonce qu’Ackroyd a été assassiné. Il se précipite à la demeure du riche anglais et ne peut que constater l’assassinat, par un coup mortel d’un poignard dans le cou.

    Venu se retirer dans la campagne anglaise et cultiver des citrouilles, Hercule Poirot est supplié par la sœur du Dr Sheppard, en bonne voisine, de prendre l’affaire en main et de résoudre ce meurtre. Un suspect tout désigné est sur les lèvres des protagonistes : le neveu d’Ackroyd, dont on ne trouve plus la trace depuis cette soirée.

    Sous la plume du docteur Sheppard, le capitaine Hastings étant en voyage en Argentine, Agatha Christie nous raconte comment les petites cellules grises de Poirot ont résolu cette affaire. Si ce roman policier est remarquable, c’est, à l’instar des grands cuisiniers, non pas grâce aux mélanges des ingrédients traditionnellement utilisés (mélanges des acteurs aux histoires et mobiles intéressants, multiplication des fausses pistes, secrets enfouis et dévoilés,…) mais à la petite touche du chef, qui permet de faire toute la différence. Et non, n’y comptez pas : je ne dévoilerai rien.
    Si, juste une chose : même relire l’histoire en connaissant la clé de l’énigme est savoureux.

    22/07/2018 à 14:17 6

  • Rebecca

    Daphné Du Maurier

    10/10 Manderley. Splendide et majestueuse demeure de la famille de Winter à l’architecture gracieuse, d’une beauté exquise et sans défaut, bâtie au creux de douces prairies et de mousseuses pelouses, entourées de grandes colonnades d’arbres, entremêlant leurs branches noueuses, et au milieu de buissons de rhododendrons les plus majestueux. Manderley. Lieu poétique et tragique niché à l’ouest de l’Angleterre, en bordure de mer.

    Mme de Winter se remémore sa destinée en tant que nouvelle épouse de Maxim de Winter. Quelques mois plus tôt, elle a rencontré M. de Winter, pendant qu’elle était la simple et modeste dame de compagnie de Mrs Van Hooper, une vieille dame acariâtre, venue passée quelques jours au sud de la France à Monte-Carlo. A peine après avoir lié connaissance, Maxim de Winter la demande en mariage. Après une cérémonie des plus simples et rapides et un voyage de noce de quelques jours en Italie, le couple arrive à la demeure familiale, Manderley. L’ombre et la mémoire de Rebecca y plane et hante encore le lieu. La précédente Mme de Winter est morte tragiquement, noyée dans son petit bateau et a laissé son empreinte dans la demeure et la pensée des domestiques. Notamment Mrs Danvers, la gouvernante à la personnalité froide et hautaine. Domestique attitrée mais également confidente de Rebecca, elle prend un plaisir pervers à rabaisser la nouvelle Mme de Winter. D’autant qu’il en faut peu à cette dernière qui manque d’assurance, de grâce, de confiance en elle, pour perdre espoir en sa qualité de nouvelle épouse de Maxim. Elle se sent broyée et mal à sa place, se demandant constamment comment ferait Rebecca pour s’imposer et redonner sa splendeur et le prestige à Manderley. Rebecca est le sujet de toutes les conversations. Et les tentatives de la nouvelle épouse pour s’imposer ne sont que voués à l’échec, comme le prestigieux bal annuel à Manderley.
    A la suite de l’échouage d’un navire dans la crique de Manderley, le bateau où Rebecca a trouvé la mort est découvert. Comme un fantôme, le corps de Rebecca y est retrouvé et avec lui, les secrets de la disparition feront surface, et menaceront les nouveaux amoureux.

    Daphné du Maurier est connue pour être une maîtresse du genre roman psychologique et à suspens. Et elle excelle avec Rebecca. Le terme de chef d’œuvre est loin d’être usurpé ici.
    Tout y est magnifique. L’histoire de ce couple d’amoureux, la présence envoûtante de Rebecca, la description poétique de Manderley, faisant de ce lieu un personnage à part entière dans le livre…
    Connaissant le film d’Hitchcock, je peux affirmer que le livre est plus puissant. Je peux vous dévoiler que Rebecca m’a également envoûté. Je n’hésiterai pas à le relire, à le rerelire... Un véritable chef d’œuvre, je vous dis.

    12/07/2018 à 19:33 5

  • Touriste de bananes

    Georges Simenon

    9/10 Oscar Donadieu, 25 ans, est à bord de "l’Île de Ré", un bateau qui fait route à destination de Thaïti. Lors du trajet, dans le Pacifique, le bateau croise "l’Île d’Oléron", et arrête sa course. On transfert le commandant Lagre qui est aux arrêts et qui doit être reconduit à Papeete pour y être jugé. Alors que "l’Île d’Oléron" avait quitté Thaïti depuis 3 jours, Lagre, la cinquantaine, marié avec enfants, a tué son troisième officier, Henri Clerc, âgé de 25 ans. Derrière ce drame, se cache une histoire de jalousie pour une femme, Tamatéa, une prostituée locale.

    Oscar Donadieu connaît le commandant Lagre, un ancien capitaine de son père, quand Donadieu vivait encore et était le plus puissant armateur de La Rochelle. C’est pour cette raison qu’à 12 ans, Oscar fut le parrain d’un des enfants de Lagre.

    Pour Oscar Donadieu, Thaïti est l’endroit rêvé pour vivre sereinement, loin du monde. Il est ainsi qualifié de « touriste de bananes », expression pour désigner des passagers qui partent sur les îles avec l’idée d’y vivre une vie naturelle, sans souci d’argent, en se nourrissant de bananes et de noix de coco… Ils cherchent une hutte abandonnée, s’y installent et après quelques mois, anémiés, malades, ils cherchent à se faire rapatrier en urgence.
    Oscar Donadieu n’est pas comme ça. Il veut montrer que sa motivation est sincère et qu’il peut être fort.

    Après quelques jours passés en ville, le temps que la saison des pluies s’arrête, il part et trouve une hutte abandonnée, par un Allemand qui y est mort, à deux cents mètres de la cascade de Papeari. Il s’y installe et vit de sa pêche, quitte à manger des poissons qui le rendront très malade. Mais il s’entête à rester dans cette vie sauvage, malgré la proposition du gouverneur, connaissant et respectant la famille Donadieu, d’un emploi dans l’administration locale, et celle du maréchal de gendarmerie Nicou, de le marier à sa fille.
    C’est seulement le procès de Large qui le fera revenir en ville. Mais Oscar sera terriblement déçu par cette parodie de justice, par la comédie jouée par le procureur général et par l’avocat, des silhouettes sans consistance.
    Il prend ainsi conscience que tout est fini pour lui. Il est fatigué, tant physique que moral, fatigué comme un mort. Lui, qui toute sa vie durant s’est obstiné à chercher quelque chose de beau, est désespéré de la nature humaine. Et c’est toute l’histoire de sa famille qui lui revient en tête : cherchait-il profondément quelque chose ou à fuir autre chose ?

    Simenon poursuit et conclut, avec Touriste de bananes, l’histoire du drame de la famille Donadieu, commencée avec le magnifique Testament Donadieu. Les multiples personnages, les situations, comme les paysages contribuent à magnifier la lourdeur, la noirceur de l’histoire. Au final, Touriste de bananes est un livre attachant, bouleversant de noirceur mais désespérément beau.

    07/07/2018 à 11:53 3

  • Les Soeurs Lacroix

    Georges Simenon

    8/10 Les sœurs Lacroix : c’est l’aînée, Léopoldine, qui s’appelle légalement Desborniaux suite à son mariage avec un tuberculeux qui vit en Suisse. Et Mathilde, comme ses enfants Geneviève et Jacques, s’appelle Vernes, suite à l’union avec Emmanuel, artiste à ses heures perdues. Or ça n’empêche pas les gens de dire toujours la maison des Lacroix, c’est dire les fortes personnalités des deux sœurs.

    Mais cette maison Lacroix, outre les photos des défunts, renferme aussi de lourds secrets. L’atmosphère y est lourde et pesante. Chaque membre de la famille souhaite échapper à cette ambiance tendue, alimentée par la haine réciproque des deux sœurs. Geneviève se réfugie dans la prière et dans une maladie qui la cloue au lit, et Emmanuel, dans son grenier à peindre les toitures des maisons avoisinantes. Quant à Jacques, il envisage de s’enfuir avec son amoureuse, la fille du notaire. Tout le monde voit que la vie et les projets n’ont pas leur place dans cette maison étouffante. Les deux frangines nourrissent le malheur au sein de la famille. Les fioles d’arsenic ne sont pas loin et les drames vont poindre leur bout.

    La liberté passe obligatoirement par le départ, qui peut prendre plusieurs formes sous la plume de Simenon. Un roman à huis-clos remplit de haine, d’aigreur et aux personnalités aussi bien perverses que persécutées.

    02/07/2018 à 20:21 3

  • Le Suspect

    Georges Simenon

    8/10 Pierre Chave, parisien d’origine, est régisseur dans un théâtre bruxellois. Il est également membre d’un groupuscule anarchiste depuis de nombreuses années : son rôle se limite à écrire des articles qu’il envoie à des journaux anarchistes et libertaires. Lors d’une répétition, « Le Baron » lui informe qu’une mission se prépare, une « action directe ». Le « petit » Robert a été chargé de faire sauter une usine d’avions à Courbevois.
    Chave aime Robert, comme il eût aimé un frère. Il décide d’aller sur le site pour l’empêcher de commettre ce massacre. Même s’il ne connaît ni le lieu exact ni la date précise, il prend le train pour la région parisienne, tout en discrétion, car il fait lui-même l’objet d’un mandat par la police française, suite à sa désertion lors de son service militaire.
    Plus idéaliste qu’acteur dans la lutte du système, Chase engage alors une quête effrénée de Robert, et ainsi déjouer l’attentat.

    Décrivant le milieu anarchiste des années 30, Simenon nous propose un roman intéressant et prenant par son ambiance haletante et son suspense tendu, sans pour autant laisser de côté la description psychologique des personnages, la marque de fabrique de l’auteur belge.

    01/07/2018 à 11:10 4

  • La Chute de la maison Usher

    Edgar Allan Poe

    8/10 Invité pressement par Roderick Usher, son seul ami d’enfance arrive au domaine Usher, maison aux murs froids, aux fenêtres semblables à des yeux distraits, présence de troncs d’arbres blancs et dépéris, propice à l’affaissement d’âme et à la mélancolie. Roderick se plaint d’une maladie physique aiguë, d’une affection mentale qui l’oppresse et espère trouver dans la compagnie de son ami réconfort et soulagement. Il lui avoue qu’il sent les objets, qu’il souffre d’une acuité des sens. Il lui annonce également que sa sœur Madeline est décédée et qu’il l’a placée dans un caveau en attendant de l’enterrer.
    Mais Roderick voit son état se dégrader… Impuissant, son ami va voir se dérouler le dénouement dans un état d’horreur inoubliable.

    Cette nouvelle fantastique voire gothique de 30 pages est remplie de surréalisme, d’irrationnel mais aussi de poésie. Lire La chute de la Maison Usher constitue toujours, même 150 ans après son écriture, une belle, plaisante et troublante lecture.

    25/06/2018 à 19:51 6

  • Ville sans loi

    Jim Thompson

    8/10 David McKenna, surnommé Bugs, débarque un jour dans cette bourgade nommée Ragtown. Une demi-heure plus tard, il est derrière les barreaux. Mais ce n’est pas non plus une surprise. Bugs est un habitué des prisons du Texas. Ce qui est plus surprenant et inhabituel, c’est quand le shérif adjoint, Lou Ford, malgré son passé judiciaire, lui offre sur un plateau le poste de responsable de la sécurité de l’hôtel de la ville, l’hôtel Hanlon, du nom de son propriétaire. Le patron, devenu riche grâce au pétrole qui a été découvert il y a une dizaine d’années dans le coin, est vieux et immobilisé dans son fauteuil roulant. Mike Hanlon a besoin d’un détective dans son hôtel, non pas pour sécuriser les clients, mais plus pour lui : marié récemment avec Joyce, il craint pour sa vie.

    Logé, nourri, blanchi, Bugs prend à cœur de réaliser au mieux ses nouvelles fonctions. Pourtant l’affaire est délicate. Après que le gérant lui ait indiqué que le comptable a volé 5.000 $, ce dernier met fin à ses jours en sautant du 10ème étage devant les yeux du détective. Bugs, en habitué des sales situations, sent qu’il doit faire profil bas : ce ne serait pas étonnant qu’il puisse être accusé de ce suicide. Et en plus, il reçoit des lettres de chantage lui demandant les 5.000 $. Et tout le monde peut être derrière cette affaire : Joyce Hanlon, la jeune femme du patron, qui essaie de le séduire, Lou Ford, le flic corrompu, Rosie Vara, la femme de ménage au sang noir. Pas facile pour Bugs d’y voir clair surtout qu’Amy Standish, l’amoureuse du shérif, semble très attirée par le privé. Et il faut qu’il voit qui pourrait en vouloir à Mike Hanlon.

    Ville sans loi est un roman qui part merveilleusement dans tous les sens, aux personnages les plus subliment décalés, allant de femmes fatales aux personnages les plus étranges, sans parler de l’atmosphère les plus intrigantes : c’est du Jim Thompson, tout simplement. Le simple nom de cet auteur doit suffire à lire ce livre même si Ville sans loi ne fait pas partie des chefs d’œuvre du maître du polar américain. A noter que bien qu’écrit 3 ans après L’assassin qui est en moi, ce livre reprend les mêmes personnages mais les situe avant.

    23/06/2018 à 09:26 4

  • Replay

    Ken Grimwood

    9/10 Relire un livre c’est ne pas simplement se remémorer une histoire. C’est aussi la redécouvrir et l’appréhender différemment, selon son histoire personnelle et sa maturité. Il propose une résonnance différente des autres fois.

    J’en ai fait l’expérience avec Replay. J’ai revécu (sans faire de mauvais jeu de mot), en tournant aussi vite que possible les pages, l’histoire de Jeff Winston insatisfait aussi bien de sa vie professionnelle que privée, qui se voit mourir d’une crise cardiaque à 43 ans et revenir dans le passé à l’âge de 18 ans, avec tous ses souvenirs. Et l’histoire se répète en boucle, inlassablement, avec des variantes dans la vie de Jeff dont il veut profiter et lui donner un sens.

    Mais Replay n’est pas un simple livre de science fiction, c’est un livre profondément rempli d’amour, d’humanité et d’optimisme.

    09/06/2018 à 11:23 13

  • Les Trois Crimes de mes amis

    Georges Simenon

    8/10 Les Trois crimes de mes amis ou comment Simenon raconte de manière introspective que la réalité côtoie la fiction.

    Alors qu’il commence sa carrière d’écrivain, à coucher sur papier ses récits de faux crimes de personnages aux esprits torturés et à l’histoire sombre, ceux avec qui il avait jadis vécu, qui avaient respiré la même atmosphère que lui, partagés les mêmes joies, les mêmes distractions, discutés les mêmes sujets, se mettaient à tuer pour de bon.

    Ces trois crimes de ses amis ressemblent à tous les crimes qu’il raconte dans ses livres. Sauf qu’il est plus difficile pour Simenon de trouver une raison à ces crimes. Pourtant c’est toute l’occupation allemande durant la Première Guerre qu’il pense devoir raconter. Celle qui a marqué les jeunes de l’époque qui l’ont subie aussi profondément que quelques années plus tard l’inflation qui marquera la jeunesse allemande. Pour comprendre ces crimes, Simenon ne raconte pas les faits, mais fait ressentir l’ambiance, l’état, l’odeur, … de l’époque.
    Comme ces jeunes filles qui rentrent dans la librairie de Hyacinthe Danse, un vicieux qui, en bon arriviste, avait ses entrées à la Kommandantur, et chantera tous les airs patriotiques avec tous les certificats de bon citoyen belge à l’Armistice dans sa poche.
    C’est aussi les soirées de débauche passées à citer Platon, Dostoïevski, Verlaine, à la « Caque », un repaire où Simenon côtoie artistes, femmes les plus déchues en compagnie de Deblauwe, aux magouilles les plus malsaines (responsable d’un journal satirique avec un troublant Roumain, et proxénète d’une femme en Espagne).
    Ces trois crimes ont été commis par Danse et Deblauwe. Mais, comme le souligne Simenon, « Pour que ça change, ça n’a pas empêché la vie de couler. Car, en définitive, tout est affreusement banal. »

    Il est rare que Simenon se livre ainsi dans ses livres. Même s’il ne raconte pas la vie du Belge, il ne faut pas prendre au pied de la lettre sa conclusion. Les Trois crimes de mes amis n’est pas un livre aussi anecdotique et insignifiant qu’il veuille nous le laisser croire. Certains ont été mieux servis que d’autres par la vie, et les exclus donnent matière aux histoires les plus sombres et intéressantes.

    09/06/2018 à 10:48 3

  • Double assassinat dans la rue Morgue

    Edgar Allan Poe

    9/10 La rue Morgue, un de ces misérables passages qui relient la rue Richelieu à la rue Saint Roch à Paris, fut le théâtre d'un crime des plus affreux et étrange en cet été 18.. . Affreux car Mademoiselle l'Espanaye et sa mère furent assassinées dans d'atroces circonstances : le corps sans vie de la fille fut fourré, la tête en bas, dans la cheminée ; la vieille dame fut décapitée, le corps gisant dans la cour du bâtiment. Étrange car la maison était fermée de l'intérieur et rien ne fut volé. Des témoins ont entendu une voix grave et masculine d'un français et celle d'un étranger dont la langue est inconnue. La préfecture de police a arrêté le commis du banquier qui avait apporté 4000 frcs en pièces d'or.
    Auguste Dupin, d'une famille illustre mais ruinée, possède une aptitude analytique exceptionnelle. Il résoudra, accompagné de son ami et narrateur, par ses talents de déductions ce mystérieux double assassinat.

    Écrit en 1841, cette histoire a jeté les bases du nouveau roman policier et les prémices de l'enquêteur moderne développant l'esprit de logique et de déduction dont s'inspireront d'autres futurs grands auteurs du genre. Qui a dit « élémentaire » ?

    Une lecture incontournable fortement conseillée aussi bien au jeune public qu'aux amateurs de polars contemporains.

    30/05/2018 à 19:03 9

  • Les Rescapés du Télémaque

    Georges Simenon

    8/10 Ce jour-là, l'arrivée du Centaure suscite une émotion particulière à Fécamp. Pourtant ce fut un retour habituel d'un bateau de pêche comme un autre. M. Picard, l'armateur, vint vérifier le chargement et décider s'il conviendra de faire repartir l'équipage. Les femmes couraient dans les boutiques, les femmes dont le mari allait rentrer allaient payer leur note de la quinzaine. Un rythme banal des arrivées de bateaux. Ce qui était moins banal ce fut la présence de 4 hommes inconnus du port : des policiers qui sont venus arrêter Pierre Canut, le capitaine du Centaure. Il est accusé d'avoir assassiné M. Février il y a 10 jours de là, lors de son dernier passage à terre. C'est l'émoi à Fécamp, tout le port s'indigne. Ce n'est pas possible. Canut est considéré, à 33 ans comme un garçon solide, un des meilleurs patrons pêcheurs du port. En plus, son arrestation va mettre en cause la pêche du Centaure.

    L'arrestation de Pierre Canut pour le meurtre d’Émile Février aurait pour mobile une vengeance familiale. En hiver 1906, le Télémarque sombra au large de Rio de Janeiro. Quatre membres de l'équipage furent sauvés et un autre mort, le poignet tailladé. Le mort était Pierre Canut, le père. L'enquête montra qu’après 14 jours de dérive, le bosco, Février entailla, avant de le jeter à la mer, le corps à peine mort d'un matelot anglais pour boire son sang et donner des forces aux 5 membres du canot. Mais seulement pour quelques jours avant de sombrer dans un mortel délire. Les autorités conclurent que Pierre Canut, pris de folie, s'était taillé lui-même les veines. Il laissait une femme enceinte de jumeaux.

    Pierre Canut, malgré toute sa force, ne dit rien. Il ne sait pas ce qu'il faut dire aux policiers. L'intelligence des jumeaux c'est pas lui. C'est son frère Charles. Alors ce dernier va mener des recherches pour innocenter Pierre. Pas par soucis de justice. Mais parce que c'est Pierre, le plus beau, le plus fort, celui que tout le monde aime, et surtout pour que la vie redevienne normale et qu'elle se poursuive comme si de rien n'était.

    Un très bon Simenon où l'intérêt du livre ne réside pas tant dans l'enquête de l'assassin de Février mais de l’acharnement de Charles, toujours dans l'ombre, a sauvé son frère.

    20/05/2018 à 20:40 4