schamak

112 votes

  • Retour à la nuit

    Eric Maneval

    7/10 Eric Manevall a dégraissé son écriture au maximum pour ne laisser que la substantifique moelle d’un style contrôlé, sans emphase, mais non dépourvu d’une poésie subtile ; une écriture sans déchet ni superflu, « à l’os » comme on dit, pour aller à l’essentiel, aidé par des ellipses qui resserre le récit (assez captivant) ; tout ça fait que l’auteur ne dévie jamais de sa narration (pas de digressions) et que le lecteur, plongé dans la nuit et un climat anxiogène où les personnages flirtent toujours avec le point de rupture, plonge immédiatement dans cette histoire. Les thématiques sont nombreuses (en tête l’enfance (bousillée), l’isolement (intérieur et extérieur, le héros n’a ni femme ni enfant ni amis), le voyeurisme (des autres, fascinés, qui profitent du malheur), mais sont abordées avec élégance et sans marteau pilon. J’aime beaucoup.
    Preuve une fois encore qu’on peut créer un climax et construire des personnages forts en moins de 150 pages. Message aux auteurs qui tartinent à mort et finissent par engraisser artificiellement et inutilement leur récit. On revient encore et toujours à ce constat : pour pouvoir le faire, il faut avoir la justesse et la sensibilité nécessaire pour retranscrire tout à ça en peu de mots. Eric Maneval sait faire.
    Le seul (petit) bémol : la fin. Le fait qu’elle soit ouverte (j’aime ça les fins ouvertes) n’est pas tant le souci que cette impression d’inachevé que j’ai ressenti. Que l’auteur me laisse me débrouiller pour reconstituer le puzzle, pas de souci, mais encore faut-il qu’il me donne assez de pièces pour phosphorer. A la fin de la dernière page, ce dénouement rapide (expédié ?) m’est davantage apparu comme un déséquilibre, un manquement à la limite du renoncement (des pistes - comme le « tatouage » - sont abandonnées en l’état, et d’autres aspects me laissent perplexes). Il y a parfois des frustrations « positives » qui font cogiter le lecteur et ajoutent un « plus » à l’intérêt au livre). Pas ici. L’auteur nous « punit » un peu en nous privant d’explications (mais il se peut aussi que je sois passé à côté de points importants).
    Peu importe : RETOUR A LA NUIT est une petite leçon d’efficacité doublée d’une réussite formelle incontestable.

    08/11/2019 à 10:10 2

  • L'Heure des fous

    Nicolas Lebel

    7/10 Points positifs :

    - Les personnages. Humains, des anti-héros notamment le Merlicht et sa tête de batracien (on est très loin du beau gosse ténébreux comme on en voit souvent). J'ai pas mal pensé à Vargas (la poésie en moins), mais Merlicht est davantage un Danglard (pour la culture et le côté renfrogné) qu'un Adamsberg. Les femmes n'ont pas des rôles de faire-valoir. Bien aimé comment l'auteur nous pousse à revoir notre appréciation sur certains autres personnages, je pense notamment à Dossantos qui au début m'a semblé être le dragueur lourdingue de base, sportif bas de plafond pour finalement être un brave gars, carré et loyal (c'est d'ailleurs bien vu que ce grand colosse sportif soit sauvé par sa collègue femme).
    - L'intrigue. Bien pensée. Les méchants, répudiées de la société, ont un but certes criminel, mais ce sont aussi des victimes d'un système. J'ai apprécié le caractère non manichéen.
    - Le passage dans les égouts est réussie, l'auteur a pris son temps et ça fonctionne en terme d'immersion.
    - Côté écriture, c'est très fluide et documenté (sans trop faire étalage).
    - Bon dosage entre la narration et les dialogues.
    - Certains trouveront que ça manque d'action, mais personnellement, j'ai aimé cette langueur (qu'on retrouve chez Vargas). On phosphore, on cogite plus qu'on castagne. J'aime, ça change où ça défouraille à tout va..
    - Le livre n'est ni trop court ni trop long. Bon équilibre.
    - Y a un parfois un côté old school (par le biais de l'argot) qui dégage un charme certain. Côté ciné, on pense forcément à du Lautner. C'est tranquille, pépère (dans le bon sens du terme).
    - J'ai aimé le petit message d'alerte en filigrane (en tout cas je l'ai pris ainsi) comme quoi on peut avoir des bonnes raisons d'être un "Insurgé" (j'ai dit "Insoumis" ?) mais que ça n'autorise nullement à user d'une extrême violence pour se faire entendre.

    Points négatifs :

    - J'ai eu du mal à démarrer et à m'attacher à Merlicht notamment, mais c'est peut-être moi. Les 50 premières pages m'ont paru poussives et Merlicht avec ses "putains" m'a agacé (avant que je comprenne le caractère systématique - c'est limite un toc de langage). D'un autre côté, je pense que l'auteur n'a pas cherché à nous rendre ce personnage d'emblée sympathique. Du reste, il ne l'est pas plus à la fin (même si on sent que c'est un type d'honneur avec un vrai sens de l'amitié - voir sa relation avec Jacques)
    - Les dialogues. Pas si mal (et c'est pas un exercice simple), mais peut mieux faire. Niveau humour, l'intention d'être résolument moderne (beaucoup d'influences télévisuelles avec une demi douzaine de séries citées) donne parfois un côté artificiel (bref ça manque de naturel).
    - Le running gag de la sonnerie de portable. Un peu trop redondant, à mon goût, le mieux est souvent l'ennemi du bien (mais j'avoue que je pinaille un peu).
    - Quelques rebondissements un peu trop forcés (même si j'ai compris l'intention), je pense notamment à l'intervention de Dossantos chez Latour.
    - Pas de grande révélation ou de twist final qui laisse sur le cul. Mais à la réflexion je ne suis pas certain que ce soit un vrai point négatif. Je préfère de loin une intrigue solide et linaire qu'un truc bancal ou pas crédible qui ne tient que sur la base d'un rebondissement venu de nulle part (beaucoup d'auteur de thrillers le font hélas).

    En conclusion : un bon petit roman policier (plus qu'un polar, y manque peut-être un supplément de noirceur), bien construit et bien écrit qui donne suffisamment envie de suivre cette troupe pour le second opus ("le jour des morts"que j'achète cette semaine en poche).

    21/10/2019 à 19:57 6

  • Leurs enfants après eux

    Nicolas Mathieu

    6/10 Il y a des livres qui ne peuvent se contenter d’un lapidaire et ingrat « j’ai aimé » ou « je n’ai pas aimé » ; des livres qui méritent, exigent même, qu’on développe (un peu) plus ne serait-ce que pour rendre hommage au travail effectué et au talent, évidents.
    Et là, y a du boulot. Beaucoup. Et du talent, pour sûr (mais ça je le savais depuis « AUX ANIMAUX LA GUERRE » son premier roman) .
    Mais surtout, de l’observation. Et pour finir, une plume pour retranscrire tout ça avec acuité, justesse et sensibilité.
    Retranscrire a été le mot d’ordre de Nicolas Mathieu. De son propre aveu. Etre fidèle, de sorte à ce que le lecteur puisse se dire en parcourant ces lignes « oui, c’est ça, c’est exactement ça ».
    Retranscrire donc. Une certaine époque, une certaine région, une certaine jeunesse, et tout ce qui gravite autour : l’image des parents, la recherche d’un but, des repères, et la découverte des corps et du désir. A cela s’ajoute ici, l’inexorable fatalité des destins. Et l’espoir un peu fou d’échapper à cette « vie circulaire » cher à Marion Brunet.
    LEURS ENFANTS APRES EUX, Goncourt ou non, est un bon roman et c’est déjà beaucoup. J’en attendais beaucoup (trop?) et si je n’ai pas été déçu (en revanche, j'ai été souvent impressionné par la forme, l'agencement des phrases), je dois dire que je n’ai pas été emporté. Il m’a manqué un truc. Mais, ce fut une lecture nécessaire, utile, salutaire.
    Le texte est bourré de références universelles qui parleront à beaucoup quelque soit le milieu (au début, le name dropping pourrait agacer certains).
    Le mélange des langues (entre le recherché et le crû) fonctionne très bien, les dialogues brillent par leur authenticité et chaque protagoniste, tous unanimement écorchés, sont décrits au scalpel, dans toute leur intériorité.
    De manière générale, les descriptions sont nombreuses, bien senties, subtiles, et parfois trop abondantes même si encore une fois cela ancre le récit dans un réalisme saisissant.
    Mais pfiou que c’est désespérant tout ça. J’aurais aimé quelques interstices lumineux ; aussi que l’auteur fasse mention de quelques valeurs plus nobles en opposition à la dureté de cette vie.
    La solidarité entre les hommes est plutôt absente.
    Les couples sont tous voués à l’échec.
    Cette jeunesse-là ne fonctionne qu’au trafic et à la consommation de drogues pour fuir l’ennui et la pauvreté.
    C’est sans doute vrai à bien des égards, mais cela est peut-être réducteur aussi.
    Et terriblement sombre.
    Il y a beaucoup de petites choses que j’ai aimé (les petites choses, faussement anodines, c'est souvent ce que je préfère), la construction du récit (4 parties, 4 étés) comme les changements de braquets de l’auteur, les élipses, les fausses pistes, et l’art de doser son suspense. Certaines scènes sont porteuses de tensions. Avec quelques mots, l’auteur crée une ambiance, un suspense, et juste après, il nous prend par surprise en amorçant un virage pour tout désamorcer. J’ai apprécié d’être manipulé ainsi.
    Seul regret véritable, l’émotion ne m’a jamais étreint et l’empathie pour les personnages (Stéphanie, Hacine, Anthony) fut trop brève, le plus souvent par fulgurances. Les dernières pages sont belles. Les adieux entre Anthony et Stéphanie, notamment, émouvants dans leur simplicité et leur dénuement.
    Le portrait des parents m’a davantage convaincu et touché. Le père alcoolique, cet héros déchu, et puis aussi la mère d’Anthony à qui on doit la plus belle scène du livre, la plus réussie, un très beau portrait de cette femme face à cette vie passée et dépassée. La scène de la piscine mérite presque à elle seule, la lecture de l'ouvrage.
    Dommage que ces moments de tendresse entre un auteur et un de ses personnages n'aient pas été plus fréquents.
    Finalement, il me reste de ce roman la confirmation d’un style brillant, parfois bavard, tantôt pompeux, souvent pertinent, incisif, résolument moderne. Dommage que l’auteur, par pudeur excessive ou autre chose, tienne encore trop la bride à ses personnages qui me sont restés souvent trop distants.

    15/10/2019 à 14:36 9

  • Un café maison

    Keigo Higashino

    6/10 J'aime bien ce que fait Higashino.J'aime ses romans policiers, old school, la courtoisie et l'éducation de ses personnages, l'inventivité et la lente progression de ses intrigues, son suspense progressivement distillé. On a beau connaitre le meurtrier, cela ne nuit en rien à notre intérêt à suivre l'histoire. On ne cherche pas qui a tué, mais comment, et il faut être sacrément habile pour captiver son lecteur sans faire beaucoup de mystère sur l'identité de l'assassin.
    On retrouve tout ça dans ce "Columbo littéraire", mais en moins réussi, je trouve. La sauce a moins pris sans que je sache vraiment pourquoi. Peut-être l'histoire, plus faible, je ne sais pas trop. Et aussi, quelques concours de circonstances trop tirés par les cheveux.
    Culture oblige, les personnages sont effacés limite ternes, heureusement que le physicien apporte un peu de fantaisie et la jeune collègue policière son énergie. Les sentiments, amoureux notamment, sont pudiquement dissimulés, mais là encore, c'est propre à ce pays.
    On pourra aussi reprocher la manie qu'a l'auteur (un peu comme son homologue norvégien Indridason dont j'ai trouvé certaines similitudes dans le manière d'enquêter de son commissaire, n'attendez pas d'action, tout va se résoudre par le biais de déductions) de s'assurer que le lecteur a tout bien compris, ce qui donne parfois un sentiment de surexplication.
    Mais, je l'ai lu très vite, sans m'ennuyer, et je lirai les deux autres que j'ai déjà acheté.

    13/10/2019 à 11:39 5

  • La Daronne

    Hannelore Cayre

    8/10 Après Marion Brunet et son « été circulaire », je découvre une nouvelle plume féminine, acérée, percutante et plein de poésie (le paragraphe sur les couleurs est superbe).
    En 20 pages, ami(e) lecteur (rice), t’as déjà compris que t’as pas une manchote en face de toi.
    Franchement, c’est épatant tout ce talent.
    Bien documenté (l’auteure est avocate penaliste), ce court récit (175 pages) de la vie d’une petite fille incomprise, mal aimée , fascinée par les feux d’artifices devenue une femme révoltée qui bascule dans l’illégalité, est traité avec crédibilité et émotion (sans pathos aucun) doublé d’une vision acide et sans concession de notre système ( judiciaire mais pas que) , son hypocrisie, surtout notre place dans ce monde, notre quête du bonheur et la trace qu’on laissera.
    C’est carré, efficace, couillu comme son héroïne sans jamais perdre de sa grâce.
    Par pitié, laissez tomber les romans formatés au style impersonnel et personnages fadasses et allez user vos mirettes sur ces bouquins qui, c’est certain, n’iront pas faire les marioles sur les têtes de gondoles.

    16/02/2019 à 23:27 7

  • Le Dévouement du suspect X

    Keigo Higashino

    8/10 Un genre de Colombo au Japon, qui, bien qu'on connaisse d'emblée le nom de l'assassin, réserve son lot de surprises et conserve son pouvoir attractif.
    Après "La maison où je suis mort autrefois", l'auteur Keigo Higashino signe un autre roman efficace, aussi remarquable que captivant où le rythme ne faiblit pas (après faut accepter certains raccourcis, rien de grave), et où les personnages - deux amis et génies, un physicien, et un mathématicien - s'affrontent dans ce subtil jeu de chat et de souris en éprouvant leur intelligence. Tout ça dans le respect de la pure tradition nippone (humilité, respect, courtoisie). Des bémols ? Pas vraiment. Un traitement que certains jugeront trop balisé et un style, sobre avec zéro déchet (mais qui colle à la culture) sans fulgurance formelle. Cela va à l'essentiel.
    Pas d'action, de poursuite, de sang, rien que du cortex, du neurones, du cérébral. Et c'est diablement brillant et même émouvant.
    Conséquence directe : achat de deux autres opus.

    18/01/2019 à 13:41 11

  • Évasion

    Benjamin Whitmer

    6/10 L'intrigue est volontairement minimaliste d'autant qu'on pressent très vite que cette traque finira mal. L'intérêt est ailleurs, donc. Il réside principalement dans le style riche (crudité et poésie de la langue), les personnages (fort nombreux, mais on ne perd jamais le fil) et leur vie (abîmée voire détruite), leur famille (le poids du père encore une fois), leurs espérances (infimes, enfouies, secrètes), leurs désillusions sans oublier les extérieurs (la nature, personnage à part entière). Et l'Art aussi, la littérature comme refuge ou échappatoire (aussi déjantés et bas de plafonds, la plupart ont des piles de bouquins chez eux). Ici, les femmes ne sont pas des faire-valoir (Pearl, Alice, Dayton...), elles sont courageuses et ne se laissent pas emmerder par les bons hommes.
    C'est un roman âpre, stylisé, pudique, cruel, qui aborde en filigrane (l'auteur n'appuie jamais son trait) d'autres sujets. Benjamin Whitmer creuse encore les mêmes sillons que ce sont la fatalité, l'influence de la famille, la quête rédemptrice...
    Il y a également beaucoup d'influence (Pollock - la farce en moins - Larry Brown...).
    Mention spécial pour la traduction (gros et beau boulot de Jacques Mailhos) et notamment celle du titre : "Evasion" est beaucoup plus subtil et ouvert que le titre original (Old Lonesome).
    Alors, oui, parfois les dialogues - assez Tarantinesques - sont un poil forcés (je le trouve étrangement plus efficace dans les silences, et l'expressivité muette des protagonistes), et tombent parfois à plat, ça tourne quelques fois en rond, mais il y a toujours chez Whitmer, au détour d'une scène, des fulgurances qui vous sèchent et qui fait que vous restez en alerte permanente. Fulgurance dans le verbe, la formule, et fulgurance dans cette violence qu'on ne voit pas toujours venir (ah la scène du marteau). Je n'ai pas vu de la gratuité dans cette violence, et puis, franchement, ça cause beaucoup plus que ça ne zigouille.
    Malgré les qualités indéniables du roman (que j'ai lu assez vite), je l'ai trouvé en dessous des précédents (et surtout de son premier PIKE que je recommanderais davantage pour celui qui ne connaitrait pas cet auteur). Sans doute parce que cet exercice de style - et la pudeur aussi - étouffe à mon sens un peu l'émotion qui peine à poindre.

    28/11/2018 à 07:52 6

  • L'Eté circulaire

    Marion Brunet

    8/10 Ce qui impressionne surtout, c'est la justesse tendre, mais lucide du regard de l'auteure sur ces deux gamines, mais aussi sur ces hommes, ces femmes, tous ces gens qui sont comme "des bateaux troués, jamais très loin du naufrage". Cette acuité psychologique, servie par une plume affutée qui frappe, caresse, percute, effleure, griffe, mord, murmure, gueule fait la force et toute l'émotion de cet excellent roman noir où filtre encore dans une petite lucarne, le halo des rognures de l'enfance qui s'en va.

    Merci Marion Brunet.

    07/11/2018 à 01:00 11

  • Tout le monde aime Bruce Willis

    Dominique Maisons

    6/10 Fini.

    Conformément à mes habitudes, je vais donner mon avis d'amateur - à chaud - avec qui vaut ce qu'il vaut.

    Que Dominique Maisons me pardonne : son dernier opus m'a déçu.

    Oh, ce n'est pas raté, il se lit sans problème, mais sans grande passion non plus. C'est un opus nettement moins ambitieux que son précédent, un roman passablement agréable que je vais oublier aussi sec. Il manque de beaucoup de choses et j'ai eu le sentiment qu'il est resté tout du long dans un entre-deux comme coincé entre plusieurs genres sans en assumer pleinement aucun. Il manque de noirceur pour un vrai polar, de trash pour être véritablement un thriller border-line, et de vitriol pour en faire une espèce de comédie encore plus acide et plus décalée.

    Au final, TOUT LE MONDE AIME BRUCE WILLIS est bancal et sage. A choisir, je me demande si j'aurais pas préféré la surenchère voire le grand-guignolesque à la manière d'un film de Shane Black (Kiss Kiss Bang Bang).

    Voyons ça dans le détail.

    Le roman se découpe en 3 parties.

    La première se concentre sur Rose et sa vie de star qu'elle saborde jusqu'à l'auto-destruction. Cette partie montre avec une certaine efficacité le paradis artificiel et vorace du milieu cinématographique. Rien de trop poussé dans le traitement, mais le rendu fonctionne plutôt bien, on imagine sans mal cette prison dorée à ciel ouvert où Rose, l'héroïne, est enfermée.

    La seconde partie arrive juste à temps (car Rose et ses tourments commençaient à tourner en rond). Au début, ce virage surprend, désarçonne le lecteur (et crée un mystère bienvenu car jusqu'alors absent) , mais au moins cela met en lumière d'autres personnages. Le hic, c'est que ça dure un peu trop longtemps et en dépit des réels dangers, la tension ne monte jamais véritablement du fait de l'absence de surprises (c'est jamais bon quad le lecteur a un peu d'avance sur la tournure des évènements).

    La troisième partie est clairement sinon la plus faible, mais la plus conventionnelle. L'auteur déroule sa pelote de laine de manière assez linéaire, peu d'obstacles sur le chemin, les facilités scénaristiques pleuvent. J'ai clairement senti l'auteur pressé d'en finir avec son histoire dont le dénouement est (trop) vite expédié et peu convaincant.

    Dans les points positifs :
    - Une écriture qui fait le job. C'est carré, pro, Dominique Maisons sait décidément tout écrire.
    - Rose, sans être méga attachante, campe un personne assez convaincant dans le rôle de celle qui va se révéler (un peu) dans l'adversité. Même si j'avoue que son attachement au gamin m'a paru un peu soudain et son détachement désinvolte après la mort de biiiiiip.
    - Caleb/Julian : de très loin le personnage le plus intéressant du livre.
    - Je ne sais pas trop si l'absence de profondeur voire le côté caricatural des autres personnages ne sert pas le livre qui, car d'une certaine façon, on peut aussi voir l'ouvrage comme le grotesque spectacle de l'outrance et de la superficialité montré au grand jour.

    Dans les points qui m'ont (plus ou moins) gênés :
    - le rythme (seconde partie un peu ennuyeuse, dernière partie et final poussifs)
    - la prévisibilité
    - certains dialogues (sur-explicatifs) notamment à la fin.
    - les rebondissements un peu aux forceps pour relancer l'intérêt et l'intrigue. On sent que l'auteur se démène pour créer des enjeux forts dont j'ai peiné à m'intéresser (surtout à cause du point ci-dessous).
    - peu d'empathie pour les personnages (je n'ai cru à aucun, donc je ne me souciais pas vraiment de leur sort - sauf Caleb)
    - Le titre prometteur qui débouche sur....rien (mais à la limite ça pourrait être aussi un point positif car cela démontre aussi toute la tartuferie du marketing ! Bien vu !)

    En revanche, là où c'est plus fâcheux, c'est que y'a un peu tromperie sur la marchandise quand on lit la quatrième de couverture et cette histoire de disparition de la soeur "dans des circonstances étranges". Je ne vais rien dévoiler de ce volet, mais bon...bref :)

    Enfin et cela peut paraitre étrange (ou pas), mais sur le thème des "apparences" et des affres de la célébrité, j'ai surtout pensé à un film français : Grosse fatigue de Michel Blanc.

    Voilà.
    Je ne pense pas avoir spoïlé, mais si j'ai par mégarde divulguer une information compromettante que Dominique Maisons veuille bien m'excuser et me le signaler.

    26/09/2018 à 01:02 6

  • Sale Boulot

    Larry Brown

    7/10 Mon premier Larry Brown (oui, oui, je suis irrécupérable).

    Drôle par moment, mais surtout lucide, poétique et tragique, ce huit clos nocturne et court roman (200 pages), parle de la bêtise qu'est la guerre, où l'auteur témoigne - sans pathos ni misérabilisme - sa compassion pour ces gens simples aux rêves ordinaires, bousillés par la fatalité.

    A lire, naturellement.

    16/09/2018 à 09:05 2

  • Le Grand Nulle Part

    James Ellroy

    8/10 Mon premier Ellroy, assurément pas mon dernier.
    Mais ça se mérite !
    Pléthore de personnages (tout sauf manichéens), d'interactions (de trahisons en rédemptions), de sous-intrigues, faut rester concentré sous peine de perdre le fil et de se mélanger les pinceaux. Mais la construction est redoutable, les dialogues exceptionnels !
    Mais quelle densité et quelle constance dans le style !
    Aussi rare que puissant !

    30/07/2018 à 13:32 9

  • La Petite Gauloise

    Jérôme Leroy

    7/10 Ce court roman (ou cette longue nouvelle) ressemble un peu à un conte, une fable. Mais une fable sombre, plus que sombre, nihiliste, fataliste.

    Les "+" :

    - Le format : 140 pages. C'est parfait. Plus long, cela aurait pu lasser (c'est quand même très désespérant)
    - Le style. Un modèle d'efficacité pour brosser des portraits et des situations. Une écriture à l'os, percutante, qui va à l'essentiel. Du haut niveau.
    - L'humour. Acide, mordant. Aussi jubilatoire qu'inconfortable.

    Les "-" :

    - Les 20 dernières pages. Dans l'Algeco, ça flirte avec l'exagération (deux jeunes qui pensent à violer deux filles alors que des terroristes sont dans l'école, mouais).
    - Par moment, cette absence d'émotion rend le récit et les protagonistes comme désincarnés. Mais d'un autre côté, ça sert aussi le propos, cette froideur mécanique, ce vide émotionnel.
    - La répétition des noms peut s'avérer gênante par moment.

    Conclusion :

    Le parti pris de l'auteur est assez radical. On aurait aimé plus de nuances. Mais, la plume est acérée, l'humour noir, le sujet glaçant et d'une résonance terriblement d'actualité.

    29/06/2018 à 23:59 5

  • Jake

    Bryan Reardon

    9/10 Oui, le sujet me plaisait beaucoup et me parlait, mais justement sur un pareil thème, le risque de se vautrer lamentablement était grand : il n'en est rien.

    Surtout, au-delà de l'intrigue (somme toute classique, mais tellement d'actualité), de la construction habile (une sorte de compte à rebours à l'envers) qui, en plus d'entretenir savamment le suspens donne une densité formidable à l'histoire, ce qui frappe dans ce roman (le premier ! incroyable !), c'est sa JUSTESSE. Le théâtre de cette dramaturgie, l'introspection du héros, ses doutes, ses pensées, ses élans magnifiques, ses petites lâchetés, les échanges avec sa femme Rachel (ah les petits sous-entendus perfides, les infimes déceptions, les douleurs tues), la palette de sentiments (des plus mesquins aux plus émouvants) sans compter tous les micro détails et les thèmes sous-jacents abordés (notre responsabilité parentale, notre place dans la société et dans notre couple, ce culte de la virilité ...) tout sonne impeccablement juste, crédible, profond.
    Certes, l'auteur est psy, mais le fait de rendre l'intériorité de tous les protagonistes - hommes, femmes, enfants - si tangible, si réel, si proche de nous, exposé avec autant de simplicité, de pertinence et de lucidité, est un petit tour de force.

    Enfin, ce roman a d'autres mérites qui dépassent son propre cadre.

    Il conforte ce que je savais déjà, à savoir faire du divertissement (même noir, même sombre) sans rien sacrifier à la forme et à la profondeur psychologique des personnages et qui soit ancré dans le réel et fasse cogiter, c'est possible.

    C'est rare, mais ça existe. Et ça fait rudement du bien.

    Avec un style puissant dans son dénuement, sa façon de gratter sans en avoir l'air sur nos petites plaies égoïstes, un sens rythmique et l'art de semer ses indices et brouiller les pistes (et notre esprit), le romancier enterre (mais bon, c'était pas compliqué non plus) tous les pseudos spécialistes de thrillers artificiels (français notamment) obsédés du rebondissement/twist à gogo, fournisseurs d'écriture fadasse, d'ambiance en carton-pâte et de personnages stéréotypés avec une psyché taillée à la serpe. JAKE renforce encore mon envie de faire l'effort nécessaire de chercher toujours, d'être curieux, et continuer de me méfier de ces livres surfaits en tête de gondole floqués de superlatifs surlignés au marqueur dans des fiches cartonnées, renforce ma volonté de refuser de me laisser gaver comme une oie par ces styles inodores et incolores, sans voix, sans personnalité, ces mots et formules mille fois écrits par des écrivaillons prétentieux et opportunistes qui ne connaissent que surenchère, lourdeurs, mièvreries, et autres artifices grossiers pour impressionner le lecteur crédule ou peu regardant pour lui soutirer une émotion facile (voire factice).

    JAKE est une performance doublée d'une belle leçon de vie.

    JAKE est une putain de bourrasque de fraicheur (oui, ça peut paraitre paradoxal de parler de "fraicheur" dans un roman si anxiogène) ! Ca redonne la pêche, la foi en la Littérature populaire dans le sens noble et humain du terme (inutile d'avoir un dico à portée de main comme quoi), divertissante, humble et INTELLIGENTE ! De celle qui donne envie de faire encore et encore le tri dans nos choix, nos achats compulsifs pour lire des choses aussi simples (et pas simplistes, pour ceux qui ne font pas encore la différence), fortes, profondes (tout en restant accessibles), bref universelles. On en avait besoin. J'en avais besoin.

    Le final est au niveau, pudique et déchirant.

    Un roman bien senti de bout en bout.

    Dans mon TOP 3 de l'année.
    Sans hésitation.

    Merci Bryan Reardon ! Vivement le prochain !

    29/06/2018 à 00:04 7

  • Tape-cul

    Joe R. Lansdale

    4/10 Si on m'avait dit que je noterais mal un Lansdale !
    Ce n'est pas l'intrigue hyper mince (on ne lit pas cet auteur pour ça) qui fâche, ce sont les dialogues (d'habitude atout majeur) franchement lourdingues dans le genre grossier (surtout branché cul) surtout pas drôle. Hommes, femmes, gentils, méchants, tous causent pareils, même humour potache et traits d'esprits, on les confonderait presque. Les répliques et autres vannes tombent presque toutes à plat, c'en est même très pénible car ça donne aussi cette désagréable impression de remplissage. Tout est forcé pour provoquer la drôlerie au détriment même des personnages (et de leur crédibilité) qui en deviennent insupportables (y compris le célèbre duo). Au final, zéro tension, on frise la comédie burlesque un peu à la manière de l'Arme Fatale 4 (ici le nain qui jacte à tout va fait office de Joe Pesci).

    Alors ça fait "cool", un peu trop peut-être. Limite parodique.

    Un opus décevant au final.

    20/06/2018 à 00:11 5

  • Le Chuchoteur

    Donato Carrisi

    6/10 Points positifs :

    Une chose est sûre : on ne s'ennuie pas durant ces + 500 pages. Et l'ennui, c'est la pire des choses (et pas que en Littérature !).
    Certains personnages sont plutôt creusés (ce qui ne veut pas dire qu'ils soient attachants ou impeccablement réussis. Mais bon, au moins, ils ont un peu d'épaisseur). D'autres sont un poil caricaturaux, mais rien de très embêtant.
    Certaines réflexions sont intéressantes.
    La documentation est convaincante (inspiré d'une histoire vrai, ça se sent).
    Le suspense est maintenu tout du long.
    Je me suis fait surprendre une fois ! (sensation plaisante, ça faisait longtemps)

    Points négatifs (?) :

    Un seul véritablement, mais qui pèse beaucoup dans un genre comme celui du thriller et qui contrebalance l'appréciation générale.
    En effet, le déluge d'informations, de rebondissements, de twists finaux est assez trompeur. Dans un premier temps, ils ont un effet assez enthousiasmant sur le lecteur (enfin moi, quoi) à la fin du récit. Ensuite, quand on prend le temps de cogiter à froid, on s'interroge si c'est pas "too much" dans la surenchère (et les grosses ficelles) et surtout inutilement (comprendre artificiellement) alambiqué tout ça. Pour un thriller dont l'intrigue (et sa crédibilité) est un élément clé, c'est un peu gênant.

    Au final, je n'ai pas d'avis tranché sur le roman qui s'en sort avec un peu plus que la moyenne de par ses réelles qualités narratives (et parce que je suis aussi de bonne humeur).

    12/06/2018 à 00:59 6

  • Sauf

    Hervé Commère

    2/10 Je précise, bien que cela coule de source, que cela n'engage que moi. Personne d'autre.

    Ce livre - encensé partout - est une vaste blague.
    Une mascarade.

    Incongruité de l’histoire.
    Personnages sans épaisseur (le héros quelle fadeur !).
    Absence de crédibilité (pour captiver je suis pas contre un brin d’exagération et quelques grosses ficelles, pas pour le n’importe quoi !)
    Problème de temporalité (très difficile de situer l’action)
    Écriture plate (ok pour la simplicité mais un peu de trouvaille stylistique aurait été appréciable)

    Les 50 dernières pages, c'est d'un grotesque, d'une telle débilité !

    Grosse perplexité.

    28/04/2018 à 19:16 7

  • Tout n'est pas perdu

    Wendy Walker

    7/10 Grace à une étude psychologique approfondie des personnages et une bonne documentation, l'auteure parvient à s'émanciper des attentes classiques d'un roman policier sans rien sacrifier au suspense. J'en veux pour preuve que, bien souvent, j'ai été détourné - sans aucune frustration - de l'intrigue pour m'intéresser au vécu des protagonistes. Certains passages sont particulièrement justes et bien observés sur la nature humaine. Le dénouement ne m'a ni emballé ni déçu car justement les zones d'intérêt étaient disséminées dans d'autres endroits, ce qui me conforte dans l'idée qu'un bon roman policier est un ensemble de choses et ne doit pas se focaliser sur un aspect unique (l'identité du coupable ).

    Au final, une plutôt bonne surprise.

    23/04/2018 à 16:26 3

  • Seules les bêtes

    Colin Niel

    9/10 Pourquoi « SEULES LES BETES » est un excellent roman ?

    Réponse : parce que l’auteur, Colin Niel, à, selon moi, TOUT compris.
    A aucun moment, il ne se trompe sur ce qui fait passer un bon roman de divertissement (ce qui est déjà bien au demeurant) à une oeuvre littéraire. A savoir et en premier lieu, l’essentiel : l’écriture.

    Et la forme est d’autant plus excellente que le challenge était foutrement relevé car multiple. En effet, il s’agit là d’un roman choral donc à plusieurs voix et donc de facto avec plusieurs tonalités.
    Mais, que le lecteur se rassure, jamais il ne sera perdu : quel que soit leur sexe, leur rang, leur provenance, ils sont tous crédibles. Que ce soit Alice, Joseph, Armand, Michel, Maribé…tous ont une identité propre, une vérité, une intériorité, une psychologie fouillée. Tous sont parfaitement palpables, formidablement vivants, organiques à l’image de l’environnement, des paysages, l’auteur sait aussi donner vie aussi bien au « dehors » de la nature qu’au « dedans émotionnel » des êtres. On y croit à chacun de ses protagonistes parce qu’encore une fois, ils sont portés (mais jamais jugés) par une forme inspirée, convaincante (jusqu’au dialecte, aux expressions locales, et autres suppression de forme négative…), un style formidable.
    Et c’est SURTOUT pour cela que ce roman est réussi, doublé d’une sacré performance ; parce que précisément, ces anti-héros sont si authentiques, si charismatiques, que l’intrigue elle-même (la double disparition) finit par passer au second plan….sans que cela nous frustre ou nous rende impatient ! Pour moi, c'est très révélateur sur le fait qu'une intrigue seule - fusse-t-elle captivante - ne suffit jamais (en tout cas pas à des mecs comme moi) !
    Je ne suis pas loin de penser que ces disparitions ne servent qu'à répondre au côté « entertainement » de l'ouvrage. L'intrigue n'est que la partie visible de l’iceberg, et paradoxalement pas l’intérêt principal (du livre, et peut-être même de l’auteur), juste le déclencheur, presque le prétexte (attention prétexte solide, car l’intrigue n’est aucunement négligée et le suspense demeure efficace et bien entretenu) pour mettre en exergue ces personnages complexe dans leur humanité ; cette humanité qui les rend si vrai, si émouvants, si vulnérables, si cruels aussi. Cette intrigue policière est aussi un formidable vecteur pour mettre aussi en lumière les nombreux thèmes, certes classiques, mais très bien traités : la solitude, la misère affective, en une phrase leur/notre inlassable quête d'amour qui les/nous conduit (parfois pour le pire) à vouloir sortir de leur/notre état ou de leur/notre condition (sociaux et affective). Le livre pourrait se résumer par "chaque rêve a son prix à payer". Et ce prix, parfois, c'est son coeur, son esprit, voire son âme.
    C'est pas nouveau ? Je vous l'accorde, mais c’est juste super bien foutu, quoi.
    Des bémols ? Non. Ou si peu et porte justement sur l’intrigue. Quand y réfléchit un peu, ça ressemble surtout à une succession de malentendus (d’un autre côté, c’est ce qui rend tout le processus assez terrifiant), des circonstances (mal)heureuses. Bref, c’est pour chipoter, et je vais pas m’étaler là-dessus, c’est dire si je m’en tape et surtout ça confirme encore une fois que j’ai trouvé tellement d’autres sources de satisfaction que le simple whodunit si cher à sir Alfred ou ces quelques facilités.
    Finalement, sous l’apparence d’une enquête policière - même si en définitive jamais le projecteur ne s’arrête vraiment sur ladite enquête ou le personnage du gendarme, Cédric - l’auteur a surtout voulu écrire une tragédie humaine. Et c’est diablement réussi.
    Merci à Colin Niel d’avoir compris cela, d’avoir compris - comme Franck Bouysse pour ne citer que lui - qu’un bon roman noir, n’est pas ennemi de la littérature, loin s’en faut, que ce n’est pas incompatible avec une écriture affirmée qui a une vraie densité (sans tomber dans la suffisance, en restant simple et évocatrice), une résonance, un écho, une personnalité propre et qui hélas est encore trop rare (même si de nombreux talents pointent leur museau de plus en plus).
    Merci aussi d’avoir compris qu’une histoire forte, ce n’est pas systématiquement chercher à mettre le paquet sur l’originalité de l’intrigue et épater son lectorat avec de l’esbroufe, des tonnes de rebondissements (plus ou moins réalistes) et des twists finaux ad nauseam, au détriment d’une ambiance et en fabriquant des personnages insignifiants ou interchangeables, empêtrés dans leur manichéisme (sans oublier l'indigence des dialogues).

    10/04/2018 à 23:32 12

  • La Voix secrète

    Michaël Mention

    8/10 Points positifs :

    - En premier lieu, l'écriture. Dès les premières pages, on sait que l'on a à faire à un dentelier. L'auteur tricote ses phrases avec soin, raffinement.
    - Les dialogues (je me répète, mais c'est l'exercice le plus compliqué, je trouve). Savoureux. Truculence des réparties, ces joutes/saillies verbales entre les personnages, faites d'ironie, d'esprit, de cynisme sont exquises. Des "punchlines" à la sauce 19ème siècle.
    - Les personnages. Bien brossés en quelques lignes.
    - Les clins d'oeil aux copains (qui se reconnaitront). Quitte à les dessouder.
    - Très bonne alternance entre l'intrigue et le contexte historique (ce dernier est léger, jamais assommant). Un bonne équilibre est respecté.

    Points négatifs :
    - Bah, j'ai beaucoup phosphoré, mais je ne vois rien qui m'est véritablement freiné dans ma lecture rapide (en un jour et demi).
    - Pour pinailler, je dirais que j'aurais aimé que "ce jeu d'échecs" entre Allard et Lacenaire soit plus pervers (j'ignore si c'était le but de Michael Mention, mais l'assassin m'est apparu presque plus sympathique que certains membres de la police - Canler - !), bref que la manipulation soit plus pregnante (à la manière d'un Hannibal Lecteur et Clarice Starling, oui, ça peut surprendre, mais j'ai beaucoup pensé "Au silence des agneaux" de par cette collaboration forcée et malsaine). Ici, l'amitié et le respect mutuels prend (trop ?) le pas sur l'affrontement auquel je m'attendais (mais, peut-être ai-je été influencé par la 4ème de couverture).
    - Le passage chez Vertige. Trop court. Dommage.
    - La crasse, les odeurs, bref la plongée dans cette misère aurait mérité (peut-être ?) une immersion plus profonde (mais bon, j'avais encore celle "du Parfum" de Sunskind, donc je plaide coupable !).

    Mais voilà, je pinaille pour pinailler

    Chapeau bas, monsieur !

    31/03/2018 à 10:52 8

  • Prendre les loups pour des chiens

    Hervé Le Corre

    8/10 Une écriture riche, visuelle et diversifiée, nerveuse et en même temps poétique.
    L'histoire est classique, mais peu importe, le style fait qu'on se laisse prendre par l'intrigue (pas captivé car j'avais deviné très vite ce qu'il en retournait, hélas) et surtout les personnages fouillés (gros point fort). La psychologie des héros est bien rendue (celle du père arrive un peu tardivement dans le roman), les descriptions belles, on ressent la tension en permanence ainsi que la chaleur suffocante.
    J'ai senti dans les 80 dernières pages que l'auteur accusait le coup, ou avait été contraint d'accélérer (impératifs d'éditeur), car l'écriture m'a paru moins inventive, et le final carrément saccagé (c'est assez incompréhensible ce traitement !). Reste que cela demeure d'un niveau (littéraire notamment) assez rare dans le milieu du polar (français).
    Du bon travail.

    27/02/2018 à 23:42 7