schamak

118 votes

  • Un autre jour

    Valentin Musso

    3/10 Ce livre est à l'image de son dénouement : juste con.
    Depuis l'excellent Shutter Island, les auteurs frenchies font des copycat, des variantes, des resucées d'ersatz plus débiles les uns que les autres.
    Je ne vous parle même pas des dialogues, de l'écriture en général.
    De la daube.

    23/03/2020 à 23:17 1

  • My Absolute Darling

    Gabriel Tallent

    7/10 Presque 3 ans après sa sortie, et tout le tintamarre qui va avec, j’ai lu ce roman ; et je dois dire que même si je ne le regrette pas du tout, j’en ai quand même un peu chié. Je pense qu’il aurait pu être allégé de 10% au moins soit une quarantaine de pages, facile, (beaucoup trop de descriptions relatives à la nature, la botanique, pas forcément toujours utiles, je trouve, ça m’a donné parfois une impression d’empilage et de remplissage un poil prétentieux ; il y aussi le long périple après la fugue de Turtle et la rencontre avec les deux garçons Brett et Jacob, un peu longuet) mais je n’en suis pas totalement convaincu, non plus tant le contexte extérieur joue beaucoup et jusqu’à la fin (le potager) dans la possible reconstruction de Turtle. Tout en écrivant ces lignes, à chaud, comme toujours, je réalise combien ce livre est compliqué à commenter, et je pense que, sur certains aspects, l’auteur l’a voulu ainsi (et notamment dans la psychologie des personnages, j’y reviendrais) et a donc plutôt réussi son pari.
    Je vais commencer par ce qui m’a posé souci (un peu, beaucoup, je ne sais pas bien, c’est dire si je suis embarrassé dans cette tentative de chronique), à savoir les dialogues, tantôt emphatiques, quasiment théâtralisés qui m’ont souvent laissés une impression d’artifices, même si là encore, beaucoup avaient une profondeur véritable ; et d’autres redondants (même si, là encore, ce processus de répétitions : dans les paroles, la gestuelle, ritualise un quotidien qui joue son rôle d’amplificateur d’horreur). Ces dialogues, je les aurais plus facilement acceptés s’ils n’émanaient que d’un seul personnage (Martin, le père, très érudit), mais ce n’est pas le cas, Turtle et Jacob s’exprimant aussi avec une emphase un peu agaçante et factice.
    Mais, le gros atout et ce qui me fait dire que MY ABSOLUTE DARLING demeure un roman tout à fait recommandable, est l’absence de jugement et de manichéisme ; et l’étude psychologique de ces deux principaux personnages ; de ces deux héros qui s'aiment, mais qui s'aiment (à se faire du) mal.
    Martin est un homme cultivé, intelligent, plutôt lucide (limite nihiliste) sur le monde qui l’entoure (en tout cas, j'étais parfois d'accord avec ses réflexions) mais aussi paranoïaque et capable de sadisme. Je pourrais écrire des pages sur ce type qui, même la dernière page lue, n’en a pas fini de dévoiler toute sa complexité, ici, parfaitement rendue.
    
Idem pour Turtle, une guerrière qui cherche à fuir l’inexorable fatalité destructrice de son existence, dotée d’une résistance incroyable, mais aussi d’une fragilité qu'elle tente de cacher. Ce qui frappe dans la relation qu'elle entretient avec son père, c'est cette dualité intérieure, cette attraction-répulsion que j’ai mis du temps à la comprendre, à accepter et donc par voie de conséquence à pardonner, même si, en définitive, elle n’était coupable de rien. Oui, elle m’a agacé, exaspéré bien des fois, et je me suis presque entendu dire qu’elle était complice et consentante de son propre malheur. Je remercie l’auteur d’avoir fendu l’armure de cette adolescente meurtrie et traumatisée dans les 20 dernières pages où j’ai fini par ne voir que ce qu’elle n’a jamais cessé d’être, en définitive : une enfant.
    Difficile d’exister pour les autres personnages tant ces deux-là écrasent le livre de leur charisme, mais le Papy, Anna (celle qui se rapproche le plus de l'image de la mère) et Jacob tirent leur épingle du jeu.
    En toile de fond, planant sur cette tragédie, la mère de Turtle dont la mort reste(ra) mystérieuse jusqu’à la fin, mais qui est, je pense, la source sinon essentielle, le déclencheur de la fuite définitive, fatale, démente, de Martin. Alors, en parlant de Martin, on pourrait avoir de l’empathie pour le père de Turtle et Tallent s’y refuse et, il a rudement bien fait. J’ai vu l’interview de l’auteur, et ce dernier est clair : Martin n’est pas un être ambigu dans le sens où cette ambiguïté nécessiterait une forme de clémence ; non, ce type, quoi qu’il est vécu (le rejet paternel, la mort de sa femme) ne peut et ne doit excuser ses actes ; ce mec est clairement une ordure, un monstre, une crapule. Je suis d’accord. Je n’ai jamais eu pitié pour cet homme, et j’en suis presque soulagé. Néanmoins, ce bourreau et « sauveur » (aussi paradoxal que cela puisse sembler, Turtle lui doit sa survie) dont la cruauté, l’implacabilité, l’enseignement quant à la dureté de l’existence et qui fera de Turtle une terrible victime et une combattante d’exception, est un personnage assez fascinant.
    Ce roman est celui d’une relation amoureuse, haineuse, toxique, dévastatrice et sacrificielle, mais aussi celui d’une lutte, d’une quête rédemptrice. 
J’ai aussi aimé que la violence, la peur, la tension ne cherche pas être spectaculaire tant elle se suffit à elle-même et dans ses scènes quotidiennes (des regards, des mots) ; que Gabriel Tallent ne cherche pas (comme beaucoup d’auteurs peu confiants en leur plume pour s’appuyer uniquement sur leur style pour impressionner) à vouloir choquer pour choquer ; ce qui est dit, montré ou pas, est largement évocateur et suffisant.
    Les 30 dernières pages sont d’une vive intensité, une espèce de chasse l’homme (à l’enfant, plutôt) tendue, éprouvante.
    Je pourrais développer davantage, mais il est tard et j’avoue ne pas être content de cette critique, hésitante, déstructurée, mais je savais qu’il serait compliqué d’exprimer avec acuité ce foisonnement de sentiments, malgré quelques certitudes ça et là.
    En conclusion, je ne peux pas dire que j’ai adoré ce roman (des longueurs évidentes, de la grandiloquence dans les dialogues…), mais il y a déjà un boulot colossale, des personnages forts, et de quoi cogiter sur pas mal de trucs. Et un roman qui vous fait réfléchir et jacter jusqu’à minuit passé, ça ne peut pas être un mauvais roman. 



    Lisez-le, ça vaut quand même le coup.

    21/03/2020 à 00:32 3

  • Fausse note

    Guy Rechenmann

    7/10 Toujours le petit charme ronronnant (quand on aime les chats, pas étonnant) dans les romans et le héros bucolique de Guy Rechenmann.
    J'aime aussi les romans qui digresse et donne un rythme indolent à l'ensemble et l'idée trompeuse que l'auteur se fiche totalement de l'intrigue pourtant solide et documentée.
    La construction du roman est classique (passé/présent), mais efficace et Guy distille ses effets au fur et à mesure, mine de rien, il faut rester attentif.
    Les personnages secondaires (Lily qui grandit et un nouveau venu, le partenaire Jérémy) renforcent le côté tribu familial de ce groupe attachant. Seul regret, j'aurais aimé en savoir un peu plus sur la femme de Anselme Viloc (un peu en retrait) et leur relation de couple, surtout après avoir été séparé si longtemps, peut-être dans un prochain opus.

    J'ai encore passé un agréable moment, merci Guy.

    14/02/2020 à 06:20 2

  • Au lieu-dit Noir-Etang...

    Thomas H. Cook

    7/10 Un roman sombre, "old school" dans sa forme (rien de péjoratif, au contraire), très bien écrit à l'image de ceux qu'écrit Robert Goddard, en plus mélancolique et plus profond, peut-être. Un suspense subtilement distillé et une dénouement qui renforce la noirceur de ce récit où le romantisme est intimement liée au tragique.

    Une bonne lecture.

    Prix Edgar-Allan Poe en 1997.

    02/02/2020 à 23:34 6

  • Power

    Michaël Mention

    6/10 J’espère avoir l’occasion d’échanger de vive voix avec Michael Mention, dont je respecte le travail (et ici, du travail, il y en a beaucoup) et qui je le rappelle, m’avait beaucoup séduit avec « La voix secrète ».
    Démarrer ainsi critique ne laisserait, à priori, rien présager de bon, penserait-on, à tort, car POWER a des qualités certaines, une sincérité, un rythme (j’allais même dire une rythmique au vu de la bande son), servi une « électricité stylistique » qui, hélas, finit par se retourner contre elle.
    Je crois sans le garantir - et Michael, j’espère qu’on en causera - que l’auteur a été tiraillé entre le fait de raconter en profondeur l’histoire des Black Panthers en y creusant davantage le combat et tout le côté social (au risque aussi d’ennuyer le lecteur qui attendrait plus d’action) en évoquant l’existence des pauvres gens les inégalités, la dure vie des policiers aussi etc…un peu comme l’avait fait un Richard Price (Ville noire, ville blanche), bref faire un truc plus poussé.... et celui d’écrire un polar sec, nerveux, explosif, avec fusillades à la clé etc... et ainsi satisfaire un autre lectorat…
    En définitive et malgré une documentation sérieuse (c’est d’autant appréciable que beaucoup d’auteurs paressent à mort dans ce registre) en dépit de son côté « listing » (on sent que l’auteur était soucieux de ne pas rien oublier des faits marquants des années 70) on se retrouve avec un roman assez bancal et dont la thématique reste, je trouve, trop en surface. C’est dommage.
    L’autre qualité du livre et non des moindres, c’est l’écriture, mais là aussi, Michael Mention Mention abuse de son style « mitraillette » qui à terme devient contre-productif et trop redondant car surchargé à l’image des dialogues - pourtant OK - mais dont j’ai regretté l’uniformité si bien que j’ai eu le sentiment que Charlene, Tyron et Neil s’exprimaient pareil (même répartie, même gimmick, même réthorique). En parlant de Neil, j’avoue que je n’ai pas pigé ce revirement soudain et inexplicable (selon moi). C’est le vrai bémol en terme de psychologie, car si l’idée d’illustrer un parallèle entre l’embrasement, cette rage qui sévit dans les rues et celle qui est dans la tête d’un des héros est séduisante, cela m’a semblé parachuté et mal amené (aucun fait traumatique n’explique de façon convaincante cette folie meurtrière d’un gars qui au contraire et depuis le début est le plus rationnel et intellectuellement câblé par rapport à la bande de flics racistes).
    Je reviens sur le style, car pour l’avoir déjà lu je sais de quoi Michael Mention est capable, c’est pourquoi, si j’ai beaucoup apprécié les 100 premières pages j’avoue qu’à la longue le côté ultra cutté, presque clipesque de l’écriture m’a un peu lassé. De mon point de vue (et je précise que ce n’est pas une leçon que je donne, étant techniquement à des années lumières de l’auteur), s’il s’était employé de temps en temps, sur certaines scènes (je pense aux scènes d’action qui m’ont étrangement parues abstraites), certaines descriptions, aussi les introspections des personnages (Niel notamment dont la dualité religieuse avec la violence de son métier était un bon sujet, tout comme la thématique de la perversion du Bien), à donner de l’amplitude à ses phrases, de les rallonger pour qu’elles créent un véritable souffle, cela aurait suffit pour provoquer une émotion (chez moi) qui ici est « saucissonnée » par le caractère trop souvent hachuré de la forme. Que ce soit dans les scènes d’action pour donner de la vitalité, OK, mais pas lorsqu’il s’agit d’intériorité émotionnelle où il aurait fallu (toujours d’après moi), des phrases plus denses, avec plus d'oxygène. Prendre le temps, quoi. Parfois, le répit a du bon.
    En résumé, POWER est un roman ambitieux (trop ?), ultra travaillé, ultra documenté, pêchu, historiquement utile qui peut (doit ?) aussi être perçu comme une incitation à s’informer davantage sur ce pan de l’histoire, mais qui, parce qu'il reste coincé dans un entre-deux, pêche par son manque d’enjeu véritable (d'où un sentiment de répétition et de remplissage), qui finit par tourner un peu à vide.

    15/12/2019 à 00:09 7

  • Les Refuges

    Jérôme Loubry

    4/10 LES REFUGES est l’exemple même de ce qui se fait depuis quelques temps en matière de thrillers made in France et qui cartonne auprès des amateurs du genre. C’est un fait avéré, ça marche bien, quoi que j’en pense. LES REFUGES n’est donc ni pire ni meilleur que ce qu’on trouve par paquet de 12. Il s’agit d’un thriller balisé, calibré, planifié pour plaire au lecteur en lui donnant le sentiment agréable de conduire un véhicule hyper sophistiqué mais qui en fait se conduit avec deux doigts, quasi en mode pilote automatique, en donnant au lecteur une autonomie d’apparence. Tout est paramètre à l’avance, efficacement, il n’y a pas à se forcer dans l’implication, tout est mis en oeuvre pour vous soutirer ce que vous êtes venu chercher. Mais pour la nuance, la finesse d’analyse psychologique, faudra repasser.
    Je n’ai aucun reproche à faire sur le sujet en lui-même. Il n’est pas original, mais perso, je m’en tape, tout a été écrit sur tout et je crois qu’on peut faire du grand avec un thème archi rabattu. La construction ? Pas de critique là non plus. Elle est classique (va et vient passé/présent, alternances des personnages, souvenirs…), ça me va aussi. J’ai lu les 50 premières pages sans pester. La thématique, pas novatrice (mais là encore quelle importance ?) est par essence intéressante (la mutation victime/bourreau, la culpabilité ). Le problème, alors ? Bah juste l’essentiel de ce qui fait une bonne histoire, bien racontée : le traitement. Après 50 pages correctes, l’écriture légère et imagée de JEROME LOUBRY devient plus chargée, artificielle, pompeuse. Mais à ce moment là, j’ignorais encore combien cette écriture allait tout saborder. Pour un auteur novice, LES REFUGES peut aussi se voir comme une sorte de manuel, un guide du « comment écrire un thriller pour les NULS ». Pas de méprise, quand je dis « NULS », cela ne veut pas non plus dire que le lecteur qui a lu et apprécié ce roman est un idiot. Non. Cela veut dire (pour moi, j’entends), qu’il est surtout désireux à ce quelqu’un fasse tout le boulot à sa place, ce lecteur-là cherche pas être trop sollicité, il recherche un confort (cérébral), ne veut pas perdre la moindre info en route, ne pas être frustré, s’assurer que tout lui sera clairement (et même le plus clairement possible) expliqué, quitte à ce qu’on souligne au STABILO les effets, qu’on (lui) répète plusieurs fois, qu’on premâche l’aliment pour favoriser l’ingestion. Inconsciemment ou non, ce lecteur là est conquis d’avance, déjà sur les starting-block, prêt à vibrer, ressentir à peu de frais, sans trop se fouler, bref ne pas « se prendre la tête quoi, car c’est un thriller et pas une oeuvre artistique, alors pourquoi chercher à écrire joliment, hein ?". LES REFUGES remplit toutes les cases pour ça. Pour être encore plus clair, si LES REFUGES était un animal, il serait un chien. Pour aveugles. Le lecteur n’a qu’à se laisser faire, se laisser guider. Suivre les balises, les pointillés. C’est tout. Qu’il ou elle se rassure, aucun risque de se planter, il/elle comprendra tout, absolument tout (les faits, les pistes, les indices seront répétés pour bien ancrés tout ça dans la caboche du lecteur paresseux) et pas que l’intrigue, mais tout le reste (les sentiments, les personnages, leur caractère, leurs pensées, tout est surexpliqué) car même si cela ne se soit pas, le roman est écrit au marqueur fluorescent. Bref, ne vous bilez pas JEROME LOUBRY se charge de tout. Il vous dictera (par le biais de ses personnages tous stéréotypés. Entre nous, qui peut croire à cette psy chevronnée et ce flic qui échangent comme deux ados prépubères ? ) ce qu’il faut penser, ressentir grâce au déluge ad nauseam d’adverbes, de qualificatifs, d’adjectifs, de points d’interrogations afin que vous fassiez votre les réactions de ses héros en prenant soin de ne pas vous laisser dans l’interprétation, ou l’incompréhension. Processus lourdingue d’identification. Vous l’avez compris, pour la subtilité, circulez y’a rien à voir. Le style LOUBRY pèse dix tonnes. Moi aussi, comme beaucoup de lecteur, j’aime être manipulé, qu’on joue avec moi, avec mes émotions. Je lis (presque que) pour ça. Le lecteur est un pantin consentant, et le romancier le marionnettiste. Donc, ce rôle de marionnette à la merci d’un marionnettiste, ça me va bien, je l’accepte avec plaisir. Encore faut-il que les fils soient transparents, et fins. Ici, les fils sont des cordes d’une épaisseur grossière, sans finesse, sans profondeur, un procédé prêt à l’emploi, bien rodé mécanique, conventionnelle, factice. Désincarné. Creux. Mais comme je l’ai dit au début, dans le monde du thriller (français notamment) ce procédé marche bien. JEROME LOUBRY l’a compris et sert (volontairement ou non) un repas prêt à consommer avec des personnages identiques (hommes, femmes, peu importe, ils pensent/s’expriment/réagissent tous pareils, avec des émotions très binaires, très compartimentés, très (pré)visibles, très manichéennes) Ne cherchez pas l’ambiguïté chez eux (et nulle part d’ailleurs), y’en a pas, zéro, nada, que tchi.
    Rien n’y fait, tout ce que j’ai lu m’a laissé aussi froid que si je m’étais enfilé une glace MIKO en guise de thermomètre et ce en dépit du contenu au demeurant horrifique, révoltant, terrible. Mais voilà, il faut savoir écrire, avoir une patte, une identité littéraire pour susciter l’effroi, la compassion, l’empathie et ce sans en faire des caisses ou être élitiste, je rappelle). Savoir transmettre, ou juste faire percevoir une émotion nécessite une certaine habileté, je trouve. De cela, nait la puissance évocatrice qui stimule l’imaginaire et le palpitant. Rien de tout ça chez LOUBRY qui déroule sa recette, son guide, son manuel avec des effets pompiers et gras comme des loukoums. Je passe rapidement sur les dialogues plaqués lourdement, inutilement bavards, grandiloquents, souvent ridicules (« on danse avec le diable » répétés maintes et maintes fois, LOUBRY a dû lire LE CHUCHOTEUR) limite risibles ; tout ça au détriment de tout réalisme (et tous les « bordel de merde » qui sonnent terriblement faux n’y changeront rien), ce qui rend les personnages (enfants comme adultes) agaçants, presque neuneu. LOUBRY répète l’envi les évènements histoire de s’assurer que « ça va lecteur, tu as tout bien pigé, dis ? ». Matraquage du lecteur au marteau pilon. Au cas où ça rentrerait pas… Je passe encore sur des formules que je croyais révolues (« il n’en croyait pas ses oreilles » et autres expressions qui sentent la naphtaline). Y en a pas mal de ces phrases d’un autre temps. Les dialogues sont à l’image de la narration, boursouflés à mort. Impossible de croire à des réactions aussi télécommandées, des formules aussi ampoulées.Les personnages secondaires n’ont aucune consistance (Patrice le soi-disant ami du flic, par exemple). Je passe aussi les facilités scénaristiques (les explications ultra limpides et perspicaces et détaillées d’une gamine traumatisée histoire encore de faciliter le travail au lecteur, ces « refuges » où on entre et on sort un peu comme un chat tiens…), les pistes abusivement embrouillées (plus ça fait complexe, plus on se dit que c’est foutrement génial, c’est bien connu). Je passe enfin sur le dénouement. Bof. Une nouvelle couche sur un mille-feuilles déjà bien écoeurant. Et puis, n’est pas LEHANE qui veut, hein ? L’auteur a pourtant mis le paquet : il m’a parlé pêle-mêle d’atrocités, de viol à répétition, de suicides, de cervelle qui éclate etc…Pourtant, je n’ai pas plus sourcillé que si je lisais ma liste de courses AUCHAN. Plus l’auteur insistait en essayant de me tirer les larmes ou des frissons, plus je m’éloignais du récit en soufflant devant la mise en scène ultra théâtralisée, cette écriture-parpaing, tellement lourd tout ça, tellement mal fichu. Comme disait un célèbre auteur, je ne crois pas forcément à ce qu’on me raconte, mais COMMENT on me le raconte. Et là, j’ai parcouru avec une indifférence teintée d’ennui ces tragédies, ces horreurs illustrées avec des phrases débitées machinalement en enfilade, sans densité, sans aspérités, sans intensité, sans sincérité, sans conviction, sans vie, comme si le fait de dire des mots chocs suffisaient à créer le choc. Bah non, monsieur LOUBRY, ça ne marche pas comme ça (avec moi du moins).
    Pour finir, si LES REFUGES est un roman médiocre, il n’est pas une bouse absolue. Il est juste un produit fade et en même temps indigeste, chargé en sucre à donf. On en trouvera des comme ça, mieux ou moins bien, encore et encore. Par palettes. Hélas. Il essaie de flirter (dans la thématique) avec SHUTTER ISLAND, mais LOUBRY est à des millards d’années du thriller de Denis Lehane.
    Voilà, je l’ai lu, et déjà il ne m’en reste rien. Quand on sait ce que ça raconte, c’est assez paradoxal, mais ça démontre bien que sans style, la pire des histoires n’a aucun impact véritable et durable. Le succès public de ce roman ne m’étonne pas. Il n’est pas dénué d’application (mine de rien, il y a du boulot), ça se lit sans trop d’effort (même si j’étais pressé d’en finir, d’ailleurs on peut sauter des paragraphes et des passages entiers tant l’auteur meuble inutilement son récit), ça ne manque pas de soin, d’inventivité ou d’originalité dans le récit.
    C’est juste dépourvu de personnalité, d’âme et d’émotion. De style, en somme. D’art, tout simplement.
    Une seule chose me surprend. Que celles et ceux qui - comme moi - lisent très occasionnellement du thriller puissent y éventuellement y trouver de quoi combler leur dimanche pluvieux, je le conçois (moi même, j’en relirais un du même genre dans 6 mois ou un an). Ce que je m’explique moins, c’est comment des férues de ce genre (thriller), de ceux et celles qui s’en enfilent par intraveineuses depuis des années, peuvent encore, indépendamment de l’intrigue (qui je le redis n’est pas plus stupide qu’une autre) se laisser encore séduire par un traitement aussi scolaire et ennuyeux. C’était donc ça le prix COGNAC, le thriller de l’année, la claque du moment ? Sérieusement ?

    16/11/2019 à 17:53 7

  • Retour à la nuit

    Eric Maneval

    7/10 Eric Manevall a dégraissé son écriture au maximum pour ne laisser que la substantifique moelle d’un style contrôlé, sans emphase, mais non dépourvu d’une poésie subtile ; une écriture sans déchet ni superflu, « à l’os » comme on dit, pour aller à l’essentiel, aidé par des ellipses qui resserre le récit (assez captivant) ; tout ça fait que l’auteur ne dévie jamais de sa narration (pas de digressions) et que le lecteur, plongé dans la nuit et un climat anxiogène où les personnages flirtent toujours avec le point de rupture, plonge immédiatement dans cette histoire. Les thématiques sont nombreuses (en tête l’enfance (bousillée), l’isolement (intérieur et extérieur, le héros n’a ni femme ni enfant ni amis), le voyeurisme (des autres, fascinés, qui profitent du malheur), mais sont abordées avec élégance et sans marteau pilon. J’aime beaucoup.
    Preuve une fois encore qu’on peut créer un climax et construire des personnages forts en moins de 150 pages. Message aux auteurs qui tartinent à mort et finissent par engraisser artificiellement et inutilement leur récit. On revient encore et toujours à ce constat : pour pouvoir le faire, il faut avoir la justesse et la sensibilité nécessaire pour retranscrire tout à ça en peu de mots. Eric Maneval sait faire.
    Le seul (petit) bémol : la fin. Le fait qu’elle soit ouverte (j’aime ça les fins ouvertes) n’est pas tant le souci que cette impression d’inachevé que j’ai ressenti. Que l’auteur me laisse me débrouiller pour reconstituer le puzzle, pas de souci, mais encore faut-il qu’il me donne assez de pièces pour phosphorer. A la fin de la dernière page, ce dénouement rapide (expédié ?) m’est davantage apparu comme un déséquilibre, un manquement à la limite du renoncement (des pistes - comme le « tatouage » - sont abandonnées en l’état, et d’autres aspects me laissent perplexes). Il y a parfois des frustrations « positives » qui font cogiter le lecteur et ajoutent un « plus » à l’intérêt au livre). Pas ici. L’auteur nous « punit » un peu en nous privant d’explications (mais il se peut aussi que je sois passé à côté de points importants).
    Peu importe : RETOUR A LA NUIT est une petite leçon d’efficacité doublée d’une réussite formelle incontestable.

    08/11/2019 à 10:10 2

  • L'Heure des fous

    Nicolas Lebel

    7/10 Points positifs :

    - Les personnages. Humains, des anti-héros notamment le Merlicht et sa tête de batracien (on est très loin du beau gosse ténébreux comme on en voit souvent). J'ai pas mal pensé à Vargas (la poésie en moins), mais Merlicht est davantage un Danglard (pour la culture et le côté renfrogné) qu'un Adamsberg. Les femmes n'ont pas des rôles de faire-valoir. Bien aimé comment l'auteur nous pousse à revoir notre appréciation sur certains autres personnages, je pense notamment à Dossantos qui au début m'a semblé être le dragueur lourdingue de base, sportif bas de plafond pour finalement être un brave gars, carré et loyal (c'est d'ailleurs bien vu que ce grand colosse sportif soit sauvé par sa collègue femme).
    - L'intrigue. Bien pensée. Les méchants, répudiées de la société, ont un but certes criminel, mais ce sont aussi des victimes d'un système. J'ai apprécié le caractère non manichéen.
    - Le passage dans les égouts est réussie, l'auteur a pris son temps et ça fonctionne en terme d'immersion.
    - Côté écriture, c'est très fluide et documenté (sans trop faire étalage).
    - Bon dosage entre la narration et les dialogues.
    - Certains trouveront que ça manque d'action, mais personnellement, j'ai aimé cette langueur (qu'on retrouve chez Vargas). On phosphore, on cogite plus qu'on castagne. J'aime, ça change où ça défouraille à tout va..
    - Le livre n'est ni trop court ni trop long. Bon équilibre.
    - Y a un parfois un côté old school (par le biais de l'argot) qui dégage un charme certain. Côté ciné, on pense forcément à du Lautner. C'est tranquille, pépère (dans le bon sens du terme).
    - J'ai aimé le petit message d'alerte en filigrane (en tout cas je l'ai pris ainsi) comme quoi on peut avoir des bonnes raisons d'être un "Insurgé" (j'ai dit "Insoumis" ?) mais que ça n'autorise nullement à user d'une extrême violence pour se faire entendre.

    Points négatifs :

    - J'ai eu du mal à démarrer et à m'attacher à Merlicht notamment, mais c'est peut-être moi. Les 50 premières pages m'ont paru poussives et Merlicht avec ses "putains" m'a agacé (avant que je comprenne le caractère systématique - c'est limite un toc de langage). D'un autre côté, je pense que l'auteur n'a pas cherché à nous rendre ce personnage d'emblée sympathique. Du reste, il ne l'est pas plus à la fin (même si on sent que c'est un type d'honneur avec un vrai sens de l'amitié - voir sa relation avec Jacques)
    - Les dialogues. Pas si mal (et c'est pas un exercice simple), mais peut mieux faire. Niveau humour, l'intention d'être résolument moderne (beaucoup d'influences télévisuelles avec une demi douzaine de séries citées) donne parfois un côté artificiel (bref ça manque de naturel).
    - Le running gag de la sonnerie de portable. Un peu trop redondant, à mon goût, le mieux est souvent l'ennemi du bien (mais j'avoue que je pinaille un peu).
    - Quelques rebondissements un peu trop forcés (même si j'ai compris l'intention), je pense notamment à l'intervention de Dossantos chez Latour.
    - Pas de grande révélation ou de twist final qui laisse sur le cul. Mais à la réflexion je ne suis pas certain que ce soit un vrai point négatif. Je préfère de loin une intrigue solide et linaire qu'un truc bancal ou pas crédible qui ne tient que sur la base d'un rebondissement venu de nulle part (beaucoup d'auteur de thrillers le font hélas).

    En conclusion : un bon petit roman policier (plus qu'un polar, y manque peut-être un supplément de noirceur), bien construit et bien écrit qui donne suffisamment envie de suivre cette troupe pour le second opus ("le jour des morts"que j'achète cette semaine en poche).

    21/10/2019 à 19:57 6

  • Leurs enfants après eux

    Nicolas Mathieu

    6/10 Il y a des livres qui ne peuvent se contenter d’un lapidaire et ingrat « j’ai aimé » ou « je n’ai pas aimé » ; des livres qui méritent, exigent même, qu’on développe (un peu) plus ne serait-ce que pour rendre hommage au travail effectué et au talent, évidents.
    Et là, y a du boulot. Beaucoup. Et du talent, pour sûr (mais ça je le savais depuis « AUX ANIMAUX LA GUERRE » son premier roman) .
    Mais surtout, de l’observation. Et pour finir, une plume pour retranscrire tout ça avec acuité, justesse et sensibilité.
    Retranscrire a été le mot d’ordre de Nicolas Mathieu. De son propre aveu. Etre fidèle, de sorte à ce que le lecteur puisse se dire en parcourant ces lignes « oui, c’est ça, c’est exactement ça ».
    Retranscrire donc. Une certaine époque, une certaine région, une certaine jeunesse, et tout ce qui gravite autour : l’image des parents, la recherche d’un but, des repères, et la découverte des corps et du désir. A cela s’ajoute ici, l’inexorable fatalité des destins. Et l’espoir un peu fou d’échapper à cette « vie circulaire » cher à Marion Brunet.
    LEURS ENFANTS APRES EUX, Goncourt ou non, est un bon roman et c’est déjà beaucoup. J’en attendais beaucoup (trop?) et si je n’ai pas été déçu (en revanche, j'ai été souvent impressionné par la forme, l'agencement des phrases), je dois dire que je n’ai pas été emporté. Il m’a manqué un truc. Mais, ce fut une lecture nécessaire, utile, salutaire.
    Le texte est bourré de références universelles qui parleront à beaucoup quelque soit le milieu (au début, le name dropping pourrait agacer certains).
    Le mélange des langues (entre le recherché et le crû) fonctionne très bien, les dialogues brillent par leur authenticité et chaque protagoniste, tous unanimement écorchés, sont décrits au scalpel, dans toute leur intériorité.
    De manière générale, les descriptions sont nombreuses, bien senties, subtiles, et parfois trop abondantes même si encore une fois cela ancre le récit dans un réalisme saisissant.
    Mais pfiou que c’est désespérant tout ça. J’aurais aimé quelques interstices lumineux ; aussi que l’auteur fasse mention de quelques valeurs plus nobles en opposition à la dureté de cette vie.
    La solidarité entre les hommes est plutôt absente.
    Les couples sont tous voués à l’échec.
    Cette jeunesse-là ne fonctionne qu’au trafic et à la consommation de drogues pour fuir l’ennui et la pauvreté.
    C’est sans doute vrai à bien des égards, mais cela est peut-être réducteur aussi.
    Et terriblement sombre.
    Il y a beaucoup de petites choses que j’ai aimé (les petites choses, faussement anodines, c'est souvent ce que je préfère), la construction du récit (4 parties, 4 étés) comme les changements de braquets de l’auteur, les élipses, les fausses pistes, et l’art de doser son suspense. Certaines scènes sont porteuses de tensions. Avec quelques mots, l’auteur crée une ambiance, un suspense, et juste après, il nous prend par surprise en amorçant un virage pour tout désamorcer. J’ai apprécié d’être manipulé ainsi.
    Seul regret véritable, l’émotion ne m’a jamais étreint et l’empathie pour les personnages (Stéphanie, Hacine, Anthony) fut trop brève, le plus souvent par fulgurances. Les dernières pages sont belles. Les adieux entre Anthony et Stéphanie, notamment, émouvants dans leur simplicité et leur dénuement.
    Le portrait des parents m’a davantage convaincu et touché. Le père alcoolique, cet héros déchu, et puis aussi la mère d’Anthony à qui on doit la plus belle scène du livre, la plus réussie, un très beau portrait de cette femme face à cette vie passée et dépassée. La scène de la piscine mérite presque à elle seule, la lecture de l'ouvrage.
    Dommage que ces moments de tendresse entre un auteur et un de ses personnages n'aient pas été plus fréquents.
    Finalement, il me reste de ce roman la confirmation d’un style brillant, parfois bavard, tantôt pompeux, souvent pertinent, incisif, résolument moderne. Dommage que l’auteur, par pudeur excessive ou autre chose, tienne encore trop la bride à ses personnages qui me sont restés souvent trop distants.

    15/10/2019 à 14:36 9

  • Un café maison

    Keigo Higashino

    6/10 J'aime bien ce que fait Higashino.J'aime ses romans policiers, old school, la courtoisie et l'éducation de ses personnages, l'inventivité et la lente progression de ses intrigues, son suspense progressivement distillé. On a beau connaitre le meurtrier, cela ne nuit en rien à notre intérêt à suivre l'histoire. On ne cherche pas qui a tué, mais comment, et il faut être sacrément habile pour captiver son lecteur sans faire beaucoup de mystère sur l'identité de l'assassin.
    On retrouve tout ça dans ce "Columbo littéraire", mais en moins réussi, je trouve. La sauce a moins pris sans que je sache vraiment pourquoi. Peut-être l'histoire, plus faible, je ne sais pas trop. Et aussi, quelques concours de circonstances trop tirés par les cheveux.
    Culture oblige, les personnages sont effacés limite ternes, heureusement que le physicien apporte un peu de fantaisie et la jeune collègue policière son énergie. Les sentiments, amoureux notamment, sont pudiquement dissimulés, mais là encore, c'est propre à ce pays.
    On pourra aussi reprocher la manie qu'a l'auteur (un peu comme son homologue norvégien Indridason dont j'ai trouvé certaines similitudes dans le manière d'enquêter de son commissaire, n'attendez pas d'action, tout va se résoudre par le biais de déductions) de s'assurer que le lecteur a tout bien compris, ce qui donne parfois un sentiment de surexplication.
    Mais, je l'ai lu très vite, sans m'ennuyer, et je lirai les deux autres que j'ai déjà acheté.

    13/10/2019 à 11:39 5

  • La Daronne

    Hannelore Cayre

    8/10 Après Marion Brunet et son « été circulaire », je découvre une nouvelle plume féminine, acérée, percutante et plein de poésie (le paragraphe sur les couleurs est superbe).
    En 20 pages, ami(e) lecteur (rice), t’as déjà compris que t’as pas une manchote en face de toi.
    Franchement, c’est épatant tout ce talent.
    Bien documenté (l’auteure est avocate penaliste), ce court récit (175 pages) de la vie d’une petite fille incomprise, mal aimée , fascinée par les feux d’artifices devenue une femme révoltée qui bascule dans l’illégalité, est traité avec crédibilité et émotion (sans pathos aucun) doublé d’une vision acide et sans concession de notre système ( judiciaire mais pas que) , son hypocrisie, surtout notre place dans ce monde, notre quête du bonheur et la trace qu’on laissera.
    C’est carré, efficace, couillu comme son héroïne sans jamais perdre de sa grâce.
    Par pitié, laissez tomber les romans formatés au style impersonnel et personnages fadasses et allez user vos mirettes sur ces bouquins qui, c’est certain, n’iront pas faire les marioles sur les têtes de gondoles.

    16/02/2019 à 23:27 7

  • Le Dévouement du suspect X

    Keigo Higashino

    8/10 Un genre de Colombo au Japon, qui, bien qu'on connaisse d'emblée le nom de l'assassin, réserve son lot de surprises et conserve son pouvoir attractif.
    Après "La maison où je suis mort autrefois", l'auteur Keigo Higashino signe un autre roman efficace, aussi remarquable que captivant où le rythme ne faiblit pas (après faut accepter certains raccourcis, rien de grave), et où les personnages - deux amis et génies, un physicien, et un mathématicien - s'affrontent dans ce subtil jeu de chat et de souris en éprouvant leur intelligence. Tout ça dans le respect de la pure tradition nippone (humilité, respect, courtoisie). Des bémols ? Pas vraiment. Un traitement que certains jugeront trop balisé et un style, sobre avec zéro déchet (mais qui colle à la culture) sans fulgurance formelle. Cela va à l'essentiel.
    Pas d'action, de poursuite, de sang, rien que du cortex, du neurones, du cérébral. Et c'est diablement brillant et même émouvant.
    Conséquence directe : achat de deux autres opus.

    18/01/2019 à 13:41 13

  • Évasion

    Benjamin Whitmer

    6/10 L'intrigue est volontairement minimaliste d'autant qu'on pressent très vite que cette traque finira mal. L'intérêt est ailleurs, donc. Il réside principalement dans le style riche (crudité et poésie de la langue), les personnages (fort nombreux, mais on ne perd jamais le fil) et leur vie (abîmée voire détruite), leur famille (le poids du père encore une fois), leurs espérances (infimes, enfouies, secrètes), leurs désillusions sans oublier les extérieurs (la nature, personnage à part entière). Et l'Art aussi, la littérature comme refuge ou échappatoire (aussi déjantés et bas de plafonds, la plupart ont des piles de bouquins chez eux). Ici, les femmes ne sont pas des faire-valoir (Pearl, Alice, Dayton...), elles sont courageuses et ne se laissent pas emmerder par les bons hommes.
    C'est un roman âpre, stylisé, pudique, cruel, qui aborde en filigrane (l'auteur n'appuie jamais son trait) d'autres sujets. Benjamin Whitmer creuse encore les mêmes sillons que ce sont la fatalité, l'influence de la famille, la quête rédemptrice...
    Il y a également beaucoup d'influence (Pollock - la farce en moins - Larry Brown...).
    Mention spécial pour la traduction (gros et beau boulot de Jacques Mailhos) et notamment celle du titre : "Evasion" est beaucoup plus subtil et ouvert que le titre original (Old Lonesome).
    Alors, oui, parfois les dialogues - assez Tarantinesques - sont un poil forcés (je le trouve étrangement plus efficace dans les silences, et l'expressivité muette des protagonistes), et tombent parfois à plat, ça tourne quelques fois en rond, mais il y a toujours chez Whitmer, au détour d'une scène, des fulgurances qui vous sèchent et qui fait que vous restez en alerte permanente. Fulgurance dans le verbe, la formule, et fulgurance dans cette violence qu'on ne voit pas toujours venir (ah la scène du marteau). Je n'ai pas vu de la gratuité dans cette violence, et puis, franchement, ça cause beaucoup plus que ça ne zigouille.
    Malgré les qualités indéniables du roman (que j'ai lu assez vite), je l'ai trouvé en dessous des précédents (et surtout de son premier PIKE que je recommanderais davantage pour celui qui ne connaitrait pas cet auteur). Sans doute parce que cet exercice de style - et la pudeur aussi - étouffe à mon sens un peu l'émotion qui peine à poindre.

    28/11/2018 à 07:52 6

  • L'Eté circulaire

    Marion Brunet

    8/10 Ce qui impressionne surtout, c'est la justesse tendre, mais lucide du regard de l'auteure sur ces deux gamines, mais aussi sur ces hommes, ces femmes, tous ces gens qui sont comme "des bateaux troués, jamais très loin du naufrage". Cette acuité psychologique, servie par une plume affutée qui frappe, caresse, percute, effleure, griffe, mord, murmure, gueule fait la force et toute l'émotion de cet excellent roman noir où filtre encore dans une petite lucarne, le halo des rognures de l'enfance qui s'en va.

    Merci Marion Brunet.

    07/11/2018 à 01:00 11

  • Tout le monde aime Bruce Willis

    Dominique Maisons

    6/10 Fini.

    Conformément à mes habitudes, je vais donner mon avis d'amateur - à chaud - avec qui vaut ce qu'il vaut.

    Que Dominique Maisons me pardonne : son dernier opus m'a déçu.

    Oh, ce n'est pas raté, il se lit sans problème, mais sans grande passion non plus. C'est un opus nettement moins ambitieux que son précédent, un roman passablement agréable que je vais oublier aussi sec. Il manque de beaucoup de choses et j'ai eu le sentiment qu'il est resté tout du long dans un entre-deux comme coincé entre plusieurs genres sans en assumer pleinement aucun. Il manque de noirceur pour un vrai polar, de trash pour être véritablement un thriller border-line, et de vitriol pour en faire une espèce de comédie encore plus acide et plus décalée.

    Au final, TOUT LE MONDE AIME BRUCE WILLIS est bancal et sage. A choisir, je me demande si j'aurais pas préféré la surenchère voire le grand-guignolesque à la manière d'un film de Shane Black (Kiss Kiss Bang Bang).

    Voyons ça dans le détail.

    Le roman se découpe en 3 parties.

    La première se concentre sur Rose et sa vie de star qu'elle saborde jusqu'à l'auto-destruction. Cette partie montre avec une certaine efficacité le paradis artificiel et vorace du milieu cinématographique. Rien de trop poussé dans le traitement, mais le rendu fonctionne plutôt bien, on imagine sans mal cette prison dorée à ciel ouvert où Rose, l'héroïne, est enfermée.

    La seconde partie arrive juste à temps (car Rose et ses tourments commençaient à tourner en rond). Au début, ce virage surprend, désarçonne le lecteur (et crée un mystère bienvenu car jusqu'alors absent) , mais au moins cela met en lumière d'autres personnages. Le hic, c'est que ça dure un peu trop longtemps et en dépit des réels dangers, la tension ne monte jamais véritablement du fait de l'absence de surprises (c'est jamais bon quad le lecteur a un peu d'avance sur la tournure des évènements).

    La troisième partie est clairement sinon la plus faible, mais la plus conventionnelle. L'auteur déroule sa pelote de laine de manière assez linéaire, peu d'obstacles sur le chemin, les facilités scénaristiques pleuvent. J'ai clairement senti l'auteur pressé d'en finir avec son histoire dont le dénouement est (trop) vite expédié et peu convaincant.

    Dans les points positifs :
    - Une écriture qui fait le job. C'est carré, pro, Dominique Maisons sait décidément tout écrire.
    - Rose, sans être méga attachante, campe un personne assez convaincant dans le rôle de celle qui va se révéler (un peu) dans l'adversité. Même si j'avoue que son attachement au gamin m'a paru un peu soudain et son détachement désinvolte après la mort de biiiiiip.
    - Caleb/Julian : de très loin le personnage le plus intéressant du livre.
    - Je ne sais pas trop si l'absence de profondeur voire le côté caricatural des autres personnages ne sert pas le livre qui, car d'une certaine façon, on peut aussi voir l'ouvrage comme le grotesque spectacle de l'outrance et de la superficialité montré au grand jour.

    Dans les points qui m'ont (plus ou moins) gênés :
    - le rythme (seconde partie un peu ennuyeuse, dernière partie et final poussifs)
    - la prévisibilité
    - certains dialogues (sur-explicatifs) notamment à la fin.
    - les rebondissements un peu aux forceps pour relancer l'intérêt et l'intrigue. On sent que l'auteur se démène pour créer des enjeux forts dont j'ai peiné à m'intéresser (surtout à cause du point ci-dessous).
    - peu d'empathie pour les personnages (je n'ai cru à aucun, donc je ne me souciais pas vraiment de leur sort - sauf Caleb)
    - Le titre prometteur qui débouche sur....rien (mais à la limite ça pourrait être aussi un point positif car cela démontre aussi toute la tartuferie du marketing ! Bien vu !)

    En revanche, là où c'est plus fâcheux, c'est que y'a un peu tromperie sur la marchandise quand on lit la quatrième de couverture et cette histoire de disparition de la soeur "dans des circonstances étranges". Je ne vais rien dévoiler de ce volet, mais bon...bref :)

    Enfin et cela peut paraitre étrange (ou pas), mais sur le thème des "apparences" et des affres de la célébrité, j'ai surtout pensé à un film français : Grosse fatigue de Michel Blanc.

    Voilà.
    Je ne pense pas avoir spoïlé, mais si j'ai par mégarde divulguer une information compromettante que Dominique Maisons veuille bien m'excuser et me le signaler.

    26/09/2018 à 01:02 6

  • Sale Boulot

    Larry Brown

    7/10 Mon premier Larry Brown (oui, oui, je suis irrécupérable).

    Drôle par moment, mais surtout lucide, poétique et tragique, ce huit clos nocturne et court roman (200 pages), parle de la bêtise qu'est la guerre, où l'auteur témoigne - sans pathos ni misérabilisme - sa compassion pour ces gens simples aux rêves ordinaires, bousillés par la fatalité.

    A lire, naturellement.

    16/09/2018 à 09:05 2

  • Le Grand Nulle Part

    James Ellroy

    8/10 Mon premier Ellroy, assurément pas mon dernier.
    Mais ça se mérite !
    Pléthore de personnages (tout sauf manichéens), d'interactions (de trahisons en rédemptions), de sous-intrigues, faut rester concentré sous peine de perdre le fil et de se mélanger les pinceaux. Mais la construction est redoutable, les dialogues exceptionnels !
    Mais quelle densité et quelle constance dans le style !
    Aussi rare que puissant !

    30/07/2018 à 13:32 9

  • La Petite Gauloise

    Jérôme Leroy

    7/10 Ce court roman (ou cette longue nouvelle) ressemble un peu à un conte, une fable. Mais une fable sombre, plus que sombre, nihiliste, fataliste.

    Les "+" :

    - Le format : 140 pages. C'est parfait. Plus long, cela aurait pu lasser (c'est quand même très désespérant)
    - Le style. Un modèle d'efficacité pour brosser des portraits et des situations. Une écriture à l'os, percutante, qui va à l'essentiel. Du haut niveau.
    - L'humour. Acide, mordant. Aussi jubilatoire qu'inconfortable.

    Les "-" :

    - Les 20 dernières pages. Dans l'Algeco, ça flirte avec l'exagération (deux jeunes qui pensent à violer deux filles alors que des terroristes sont dans l'école, mouais).
    - Par moment, cette absence d'émotion rend le récit et les protagonistes comme désincarnés. Mais d'un autre côté, ça sert aussi le propos, cette froideur mécanique, ce vide émotionnel.
    - La répétition des noms peut s'avérer gênante par moment.

    Conclusion :

    Le parti pris de l'auteur est assez radical. On aurait aimé plus de nuances. Mais, la plume est acérée, l'humour noir, le sujet glaçant et d'une résonance terriblement d'actualité.

    29/06/2018 à 23:59 5

  • Jake

    Bryan Reardon

    9/10 Oui, le sujet me plaisait beaucoup et me parlait, mais justement sur un pareil thème, le risque de se vautrer lamentablement était grand : il n'en est rien.

    Surtout, au-delà de l'intrigue (somme toute classique, mais tellement d'actualité), de la construction habile (une sorte de compte à rebours à l'envers) qui, en plus d'entretenir savamment le suspens donne une densité formidable à l'histoire, ce qui frappe dans ce roman (le premier ! incroyable !), c'est sa JUSTESSE. Le théâtre de cette dramaturgie, l'introspection du héros, ses doutes, ses pensées, ses élans magnifiques, ses petites lâchetés, les échanges avec sa femme Rachel (ah les petits sous-entendus perfides, les infimes déceptions, les douleurs tues), la palette de sentiments (des plus mesquins aux plus émouvants) sans compter tous les micro détails et les thèmes sous-jacents abordés (notre responsabilité parentale, notre place dans la société et dans notre couple, ce culte de la virilité ...) tout sonne impeccablement juste, crédible, profond.
    Certes, l'auteur est psy, mais le fait de rendre l'intériorité de tous les protagonistes - hommes, femmes, enfants - si tangible, si réel, si proche de nous, exposé avec autant de simplicité, de pertinence et de lucidité, est un petit tour de force.

    Enfin, ce roman a d'autres mérites qui dépassent son propre cadre.

    Il conforte ce que je savais déjà, à savoir faire du divertissement (même noir, même sombre) sans rien sacrifier à la forme et à la profondeur psychologique des personnages et qui soit ancré dans le réel et fasse cogiter, c'est possible.

    C'est rare, mais ça existe. Et ça fait rudement du bien.

    Avec un style puissant dans son dénuement, sa façon de gratter sans en avoir l'air sur nos petites plaies égoïstes, un sens rythmique et l'art de semer ses indices et brouiller les pistes (et notre esprit), le romancier enterre (mais bon, c'était pas compliqué non plus) tous les pseudos spécialistes de thrillers artificiels (français notamment) obsédés du rebondissement/twist à gogo, fournisseurs d'écriture fadasse, d'ambiance en carton-pâte et de personnages stéréotypés avec une psyché taillée à la serpe. JAKE renforce encore mon envie de faire l'effort nécessaire de chercher toujours, d'être curieux, et continuer de me méfier de ces livres surfaits en tête de gondole floqués de superlatifs surlignés au marqueur dans des fiches cartonnées, renforce ma volonté de refuser de me laisser gaver comme une oie par ces styles inodores et incolores, sans voix, sans personnalité, ces mots et formules mille fois écrits par des écrivaillons prétentieux et opportunistes qui ne connaissent que surenchère, lourdeurs, mièvreries, et autres artifices grossiers pour impressionner le lecteur crédule ou peu regardant pour lui soutirer une émotion facile (voire factice).

    JAKE est une performance doublée d'une belle leçon de vie.

    JAKE est une putain de bourrasque de fraicheur (oui, ça peut paraitre paradoxal de parler de "fraicheur" dans un roman si anxiogène) ! Ca redonne la pêche, la foi en la Littérature populaire dans le sens noble et humain du terme (inutile d'avoir un dico à portée de main comme quoi), divertissante, humble et INTELLIGENTE ! De celle qui donne envie de faire encore et encore le tri dans nos choix, nos achats compulsifs pour lire des choses aussi simples (et pas simplistes, pour ceux qui ne font pas encore la différence), fortes, profondes (tout en restant accessibles), bref universelles. On en avait besoin. J'en avais besoin.

    Le final est au niveau, pudique et déchirant.

    Un roman bien senti de bout en bout.

    Dans mon TOP 3 de l'année.
    Sans hésitation.

    Merci Bryan Reardon ! Vivement le prochain !

    29/06/2018 à 00:04 8

  • Tape-cul

    Joe R. Lansdale

    4/10 Si on m'avait dit que je noterais mal un Lansdale !
    Ce n'est pas l'intrigue hyper mince (on ne lit pas cet auteur pour ça) qui fâche, ce sont les dialogues (d'habitude atout majeur) franchement lourdingues dans le genre grossier (surtout branché cul) surtout pas drôle. Hommes, femmes, gentils, méchants, tous causent pareils, même humour potache et traits d'esprits, on les confonderait presque. Les répliques et autres vannes tombent presque toutes à plat, c'en est même très pénible car ça donne aussi cette désagréable impression de remplissage. Tout est forcé pour provoquer la drôlerie au détriment même des personnages (et de leur crédibilité) qui en deviennent insupportables (y compris le célèbre duo). Au final, zéro tension, on frise la comédie burlesque un peu à la manière de l'Arme Fatale 4 (ici le nain qui jacte à tout va fait office de Joe Pesci).

    Alors ça fait "cool", un peu trop peut-être. Limite parodique.

    Un opus décevant au final.

    20/06/2018 à 00:11 5