Leurs enfants après eux

7 votes

  • 8/10 Après son prix à Venise, la presse parle beaucoup du film qui sortira en décembre. Il fallait donc lire le livre avant pour ne pas se faire influencer par les images, par le visage de l’acteur interprétant Anthony.
    Ce livre, certains lui attribuent des caractéristiques de madeleine de Proust… ce n’est pas mon cas, sauf pour les titres musicaux choisis, qui donnent leurs titres aux chapitres et qui reflètent exactement des moments précis des 90’s, pour le reste, j’ai vécu à environ 200-300 km de là, vers l’est, et je ne reconnais pas cet esprit de désespérance, ce vide culturel, cet ennui profond qui auraient habité les jeunes… évidemment ma région n’a pas connue l’arrêt brutal des industries métallurgiques et c’est un peu facile d’évoquer des morceaux de musique qui nous rendent tous nostalgiques.
    On aimerait s’attacher davantage aux personnages mais tous à un moment donné sont agaçants, ne réagissent pas comme il faut, n’osent pas, en font trop, dérapent, ratent des occasions…
    c’est ce qui donne au récit toute sa force narrative, cette démonstration sans appel qu’on n’échappe pas au déterminisme social, d’où ce titre qui lui aussi reflète exactement cette idée. Le fossé entre les classes sociales ne se comble pas facilement. Les gens pétris de préjugés s’enferment dans leurs mondes et n’iront pas plus loin.
    « Leurs enfants après eux » sonne comme une sentence ou comme un constat, l’essence même du fatalisme.
    Néanmoins cette lecture qui m’a plongé dans un spleen pas forcément agréable m’a malgré tout séduite. Paradoxal ? Le style de l’auteur, son sens de l’observation d’une grande acuité vous fait vivre des scènes de vie qui indubitablement sont dans le Vrai. Une histoire entre ados, le lecteur suit pas à pas 1992,1994, 1998 des évènements qui s’enchainent, des pages qui se tournent sur un récit qui ne pouvait pas se conclure différemment.

    24/09/2024 à 12:08 Alice (316 votes, 7.5/10 de moyenne) 5

  • 7/10 Tranche de vies dans cette région dévastée par la crise industrielle des années 90. Nicolas Mathieu décortique la vie de jeunes, Anthony, Hacine, Steph, le Cousin, lycéens à Heillange, un bourg rural où les familles subissent de plein fouet la fermeture des usines métallurgiques locales.

    Entre désœuvrement, lassitude, fatalisme et déterminisme, ces jeunes subissent ou « enragent » leur vie.

    Un livre où la mélancolie transpire à chaque page, un roman générationnel dans lequel je me suis retrouvé et ai partagé des souvenirs. Peu d’action, pas de suspense ou de fil conducteur sauf celui de construire ou subir sa vie et tenter d’échapper ou pas à son héritage social et culturel.

    23/02/2024 à 10:07 JohnSteed (624 votes, 7.7/10 de moyenne) 2

  • 8/10 Il y a ici peu de place pour l'espoir et beaucoup pour la résignation. Un roman angoissant où le drame semble se cacher derrière chaque page. Le climat est lourd, l'ambiance est pesante. Alcool, déterminisme social, drogue... Très bien écrit mais mieux vaut avoir le moral...

    29/08/2022 à 23:59 Nelfe (227 votes, 7.5/10 de moyenne) 3

  • 6/10 Il y a des livres qui ne peuvent se contenter d’un lapidaire et ingrat « j’ai aimé » ou « je n’ai pas aimé » ; des livres qui méritent, exigent même, qu’on développe (un peu) plus ne serait-ce que pour rendre hommage au travail effectué et au talent, évidents.
    Et là, y a du boulot. Beaucoup. Et du talent, pour sûr (mais ça je le savais depuis « AUX ANIMAUX LA GUERRE » son premier roman) .
    Mais surtout, de l’observation. Et pour finir, une plume pour retranscrire tout ça avec acuité, justesse et sensibilité.
    Retranscrire a été le mot d’ordre de Nicolas Mathieu. De son propre aveu. Etre fidèle, de sorte à ce que le lecteur puisse se dire en parcourant ces lignes « oui, c’est ça, c’est exactement ça ».
    Retranscrire donc. Une certaine époque, une certaine région, une certaine jeunesse, et tout ce qui gravite autour : l’image des parents, la recherche d’un but, des repères, et la découverte des corps et du désir. A cela s’ajoute ici, l’inexorable fatalité des destins. Et l’espoir un peu fou d’échapper à cette « vie circulaire » cher à Marion Brunet.
    LEURS ENFANTS APRES EUX, Goncourt ou non, est un bon roman et c’est déjà beaucoup. J’en attendais beaucoup (trop?) et si je n’ai pas été déçu (en revanche, j'ai été souvent impressionné par la forme, l'agencement des phrases), je dois dire que je n’ai pas été emporté. Il m’a manqué un truc. Mais, ce fut une lecture nécessaire, utile, salutaire.
    Le texte est bourré de références universelles qui parleront à beaucoup quelque soit le milieu (au début, le name dropping pourrait agacer certains).
    Le mélange des langues (entre le recherché et le crû) fonctionne très bien, les dialogues brillent par leur authenticité et chaque protagoniste, tous unanimement écorchés, sont décrits au scalpel, dans toute leur intériorité.
    De manière générale, les descriptions sont nombreuses, bien senties, subtiles, et parfois trop abondantes même si encore une fois cela ancre le récit dans un réalisme saisissant.
    Mais pfiou que c’est désespérant tout ça. J’aurais aimé quelques interstices lumineux ; aussi que l’auteur fasse mention de quelques valeurs plus nobles en opposition à la dureté de cette vie.
    La solidarité entre les hommes est plutôt absente.
    Les couples sont tous voués à l’échec.
    Cette jeunesse-là ne fonctionne qu’au trafic et à la consommation de drogues pour fuir l’ennui et la pauvreté.
    C’est sans doute vrai à bien des égards, mais cela est peut-être réducteur aussi.
    Et terriblement sombre.
    Il y a beaucoup de petites choses que j’ai aimé (les petites choses, faussement anodines, c'est souvent ce que je préfère), la construction du récit (4 parties, 4 étés) comme les changements de braquets de l’auteur, les élipses, les fausses pistes, et l’art de doser son suspense. Certaines scènes sont porteuses de tensions. Avec quelques mots, l’auteur crée une ambiance, un suspense, et juste après, il nous prend par surprise en amorçant un virage pour tout désamorcer. J’ai apprécié d’être manipulé ainsi.
    Seul regret véritable, l’émotion ne m’a jamais étreint et l’empathie pour les personnages (Stéphanie, Hacine, Anthony) fut trop brève, le plus souvent par fulgurances. Les dernières pages sont belles. Les adieux entre Anthony et Stéphanie, notamment, émouvants dans leur simplicité et leur dénuement.
    Le portrait des parents m’a davantage convaincu et touché. Le père alcoolique, cet héros déchu, et puis aussi la mère d’Anthony à qui on doit la plus belle scène du livre, la plus réussie, un très beau portrait de cette femme face à cette vie passée et dépassée. La scène de la piscine mérite presque à elle seule, la lecture de l'ouvrage.
    Dommage que ces moments de tendresse entre un auteur et un de ses personnages n'aient pas été plus fréquents.
    Finalement, il me reste de ce roman la confirmation d’un style brillant, parfois bavard, tantôt pompeux, souvent pertinent, incisif, résolument moderne. Dommage que l’auteur, par pudeur excessive ou autre chose, tienne encore trop la bride à ses personnages qui me sont restés souvent trop distants.

    15/10/2019 à 14:36 schamak (112 votes, 6.2/10 de moyenne) 9

  • 9/10 Quatre tranches de vies estivales dans un espace confiné, celui de la commune d'Heillange, zone sinistrée s'il en est, où les élus locaux tentent de se voiler la face et de sauver les meubles dans une marche en avant perpétuelle guidée par le nivellement par la fatalité, qui pointe presque toujours par le bas. On épouse et éprouve l'atmosphère poisseuse de l'adolescence dans chaque chapitre, qui s'ouvre par une exergue musicale. Je me suis plongée avec délice dans ces chambres aux posters de chanteurs, j'ai suivi les émois en cachette de ces personnages attachants qui naviguent entre violences familiales quotidiennes, rêves d'ailleurs, petits délits et grandes illusions. Ce livre est une ode aux 90s et quiconque y a parcouru quelques heures entre 10 et 25 ans y trouvera des clins d'yeux savoureux. La plume de Mathieu est somptueuse, juste, craquante.

    03/09/2019 à 07:34 clemence (339 votes, 7.7/10 de moyenne) 7

  • 7/10 Nicolas Mathieu découpe de larges tranches de vie d'êtres désœuvrés et sacrifiés, dans cet espèce de Stand by me prolétaire...
    Le passage à l'âge adulte, l'apprentissage de la vie, le désenchantement, le modèle parental lénifiant, comme un négatif des illusions déçues, le confort étriqué, le sexe fantasmé, le quotidien répliqué...
    Ici, l'auteur raconte la vie qui passe... La morne existence des galériens du bitume, des bannis de la ZUP, une course à étapes, où il faut s'extraire du peloton pour pouvoir prendre la tête, même si, au final, c'est ce même peloton qui aura raison de vous...
    L'auteur crée le malaise en saisissant si finement la réalité d'une époque, qu'il est facile de dupliquer aujourd'hui, à l'heure des gilets jaunes...
    Finalement, les problématiques évoquées dans ce roman parlent à tous, car elles restent d'actualité, et dessinent les rêves de tout un chacun ; c'est là que réside la réussite de Nicolas Mathieu, cultiver cette nostalgie amère, et questionner sur le pourquoi et le comment on en vient, malgré nous, à l'entretenir...

    26/01/2019 à 20:47 jackbauer (725 votes, 7.2/10 de moyenne) 8

  • 9/10 Concordance de temps, je l'ai refermé hier (à regret) et je viens d'apprendre qu'il a raflé le Prix Goncourt. N'hésitez pas une seconde de plus, "Aux animaux la guerre" était bon oui, mais on est passé ici dans la catégorie supérieure.
    Un excellent roman noir, dans une petite ville de l'Est, mais qui ressemble à tant d'autres villes (proches ou lointaines), plusieurs personnages, sur plusieurs années, de différents milieux, ils évoluent, se croisent, se rapprochent, s'éloignent (comme leurs parents ont pu le faire avant eux). Chronique parfaite de la vie d'une petite ville, en proie à la crise économique, les personnages sont saisissants de réalité, les histoires qu'ils traversent pourront même vous rappeler quelques souvenirs. Si vous voulez savoir si l'on peut échapper à son destin, à se procurer de toute urgence ou à sortir de votre PAL.
    NB: (Par principe, je mets rarement 10 donc je continue d'appliquer cette règle comme il n'y pas de demi-point)

    07/11/2018 à 15:17 Jabba (441 votes, 7/10 de moyenne) 12