schamak

104 votes

  • Les Sept Divinités du bonheur

    Keigo Higashino

    7/10 Le précédent (Le Nouveau) m'avait un peu déçu.
    Celui-ci m'a bien plu.
    Quand on lit Higashino, on sait ce qu'on va y trouver. Ni plus ni moins.
    Une écriture ronronnante, mais agréable.
    Une intrigue bien fichue qui se déflore petit à petit.
    Pas d'action, rien de spectaculaire.
    Enfin, et surtout, derrière le suspense, la même et délicate petite musique mélancolique à l'image de ses personnages pudiques, mais touchants.

    25/07/2023 à 08:01 4

  • Un café maison

    Keigo Higashino

    6/10 J'aime bien ce que fait Higashino.J'aime ses romans policiers, old school, la courtoisie et l'éducation de ses personnages, l'inventivité et la lente progression de ses intrigues, son suspense progressivement distillé. On a beau connaitre le meurtrier, cela ne nuit en rien à notre intérêt à suivre l'histoire. On ne cherche pas qui a tué, mais comment, et il faut être sacrément habile pour captiver son lecteur sans faire beaucoup de mystère sur l'identité de l'assassin.
    On retrouve tout ça dans ce "Columbo littéraire", mais en moins réussi, je trouve. La sauce a moins pris sans que je sache vraiment pourquoi. Peut-être l'histoire, plus faible, je ne sais pas trop. Et aussi, quelques concours de circonstances trop tirés par les cheveux.
    Culture oblige, les personnages sont effacés limite ternes, heureusement que le physicien apporte un peu de fantaisie et la jeune collègue policière son énergie. Les sentiments, amoureux notamment, sont pudiquement dissimulés, mais là encore, c'est propre à ce pays.
    On pourra aussi reprocher la manie qu'a l'auteur (un peu comme son homologue norvégien Indridason dont j'ai trouvé certaines similitudes dans le manière d'enquêter de son commissaire, n'attendez pas d'action, tout va se résoudre par le biais de déductions) de s'assurer que le lecteur a tout bien compris, ce qui donne parfois un sentiment de surexplication.
    Mais, je l'ai lu très vite, sans m'ennuyer, et je lirai les deux autres que j'ai déjà acheté.

    13/10/2019 à 11:39 5

  • Billy Summers

    Stephen King

    5/10 250 premières pages qui se laissent lire.
    250 dernières pages poussives.
    Au final, un roman moyen qui pourrait plaire aux novices du genre, mais décevra les plus rodés.
    Ambitieux, longuet et parfois mièvre, Billy Summers passerait plutôt pour un polar lambda s'il n'était pas signé King.

    25/10/2023 à 07:44 3

  • Joyland

    Stephen King

    7/10 15 ans voire plus que je n'avais plus relu du King. Le Roi reste un conteur hors pair et signe un joli roman aux thèmes multiples (thriller, apprentissage de la vie, l'adolescence, la seconde chance, superstition, l'amitié...) doublé d'un hommage émouvant aux "vendeurs de bonheur" que sont les forains. Entre "La Ligne Verte" et "Stand by me". Le suspense est savamment dosé. Les personnages bien croqués et attachants. Seul le dénouement de l'intrigue est un chouïa décevant.

    Mais une lecture qui glisse tout seul.

    17/08/2016 à 16:38 4

  • Tape-cul

    Joe R. Lansdale

    4/10 Si on m'avait dit que je noterais mal un Lansdale !
    Ce n'est pas l'intrigue hyper mince (on ne lit pas cet auteur pour ça) qui fâche, ce sont les dialogues (d'habitude atout majeur) franchement lourdingues dans le genre grossier (surtout branché cul) surtout pas drôle. Hommes, femmes, gentils, méchants, tous causent pareils, même humour potache et traits d'esprits, on les confonderait presque. Les répliques et autres vannes tombent presque toutes à plat, c'en est même très pénible car ça donne aussi cette désagréable impression de remplissage. Tout est forcé pour provoquer la drôlerie au détriment même des personnages (et de leur crédibilité) qui en deviennent insupportables (y compris le célèbre duo). Au final, zéro tension, on frise la comédie burlesque un peu à la manière de l'Arme Fatale 4 (ici le nain qui jacte à tout va fait office de Joe Pesci).

    Alors ça fait "cool", un peu trop peut-être. Limite parodique.

    Un opus décevant au final.

    20/06/2018 à 00:11 5

  • Les Coeurs déchiquetés

    Hervé Le Corre

    5/10 Le début est prometteur. L'écriture souvent inspirée est l'atout majeur de ce roman où l'auteur excelle dans les descriptions très visuelles, mais hélas trop abondantes, j'ai parfois sauté plusieurs lignes, notamment et paradoxalement les 50 dernières pages qui trainent en longueur). L'intrigue en revanche est assez quelconque, des rebondissements pas toujours très utiles et par moment un peu prévisible. Le dénouement est interminable, fatiguant, très décevant. Les dialogues pas toujours très naturels (à la fin, ils manquent même de crédibilité). L'ensemble est de facture moyenne mais heureusement avec des personnages très fouillés (psychologiquement) ce qui n'est pas si fréquent. Je ne sais pas si j'en relirais d'autres, mais il est évident de l'auteur a un joli style, et il nous le fait clairement savoir tant il en abuse parfois (avec des passages un peu trop ampoulés). C'est louable de vouloir tirer le roman noir vers le haut en faisant de la Littérature, mais au final, le trop est l'ennemi du bien et l'enquête au début si captivante perd de son intérêt et de son intensité à force de descriptions excessives. Un équilibre est à trouver.

    29/05/2016 à 23:01 1

  • Prendre les loups pour des chiens

    Hervé Le Corre

    8/10 Une écriture riche, visuelle et diversifiée, nerveuse et en même temps poétique.
    L'histoire est classique, mais peu importe, le style fait qu'on se laisse prendre par l'intrigue (pas captivé car j'avais deviné très vite ce qu'il en retournait, hélas) et surtout les personnages fouillés (gros point fort). La psychologie des héros est bien rendue (celle du père arrive un peu tardivement dans le roman), les descriptions belles, on ressent la tension en permanence ainsi que la chaleur suffocante.
    J'ai senti dans les 80 dernières pages que l'auteur accusait le coup, ou avait été contraint d'accélérer (impératifs d'éditeur), car l'écriture m'a paru moins inventive, et le final carrément saccagé (c'est assez incompréhensible ce traitement !). Reste que cela demeure d'un niveau (littéraire notamment) assez rare dans le milieu du polar (français).
    Du bon travail.

    27/02/2018 à 23:42 7

  • L'Heure des fous

    Nicolas Lebel

    7/10 Points positifs :

    - Les personnages. Humains, des anti-héros notamment le Merlicht et sa tête de batracien (on est très loin du beau gosse ténébreux comme on en voit souvent). J'ai pas mal pensé à Vargas (la poésie en moins), mais Merlicht est davantage un Danglard (pour la culture et le côté renfrogné) qu'un Adamsberg. Les femmes n'ont pas des rôles de faire-valoir. Bien aimé comment l'auteur nous pousse à revoir notre appréciation sur certains autres personnages, je pense notamment à Dossantos qui au début m'a semblé être le dragueur lourdingue de base, sportif bas de plafond pour finalement être un brave gars, carré et loyal (c'est d'ailleurs bien vu que ce grand colosse sportif soit sauvé par sa collègue femme).
    - L'intrigue. Bien pensée. Les méchants, répudiées de la société, ont un but certes criminel, mais ce sont aussi des victimes d'un système. J'ai apprécié le caractère non manichéen.
    - Le passage dans les égouts est réussie, l'auteur a pris son temps et ça fonctionne en terme d'immersion.
    - Côté écriture, c'est très fluide et documenté (sans trop faire étalage).
    - Bon dosage entre la narration et les dialogues.
    - Certains trouveront que ça manque d'action, mais personnellement, j'ai aimé cette langueur (qu'on retrouve chez Vargas). On phosphore, on cogite plus qu'on castagne. J'aime, ça change où ça défouraille à tout va..
    - Le livre n'est ni trop court ni trop long. Bon équilibre.
    - Y a un parfois un côté old school (par le biais de l'argot) qui dégage un charme certain. Côté ciné, on pense forcément à du Lautner. C'est tranquille, pépère (dans le bon sens du terme).
    - J'ai aimé le petit message d'alerte en filigrane (en tout cas je l'ai pris ainsi) comme quoi on peut avoir des bonnes raisons d'être un "Insurgé" (j'ai dit "Insoumis" ?) mais que ça n'autorise nullement à user d'une extrême violence pour se faire entendre.

    Points négatifs :

    - J'ai eu du mal à démarrer et à m'attacher à Merlicht notamment, mais c'est peut-être moi. Les 50 premières pages m'ont paru poussives et Merlicht avec ses "putains" m'a agacé (avant que je comprenne le caractère systématique - c'est limite un toc de langage). D'un autre côté, je pense que l'auteur n'a pas cherché à nous rendre ce personnage d'emblée sympathique. Du reste, il ne l'est pas plus à la fin (même si on sent que c'est un type d'honneur avec un vrai sens de l'amitié - voir sa relation avec Jacques)
    - Les dialogues. Pas si mal (et c'est pas un exercice simple), mais peut mieux faire. Niveau humour, l'intention d'être résolument moderne (beaucoup d'influences télévisuelles avec une demi douzaine de séries citées) donne parfois un côté artificiel (bref ça manque de naturel).
    - Le running gag de la sonnerie de portable. Un peu trop redondant, à mon goût, le mieux est souvent l'ennemi du bien (mais j'avoue que je pinaille un peu).
    - Quelques rebondissements un peu trop forcés (même si j'ai compris l'intention), je pense notamment à l'intervention de Dossantos chez Latour.
    - Pas de grande révélation ou de twist final qui laisse sur le cul. Mais à la réflexion je ne suis pas certain que ce soit un vrai point négatif. Je préfère de loin une intrigue solide et linaire qu'un truc bancal ou pas crédible qui ne tient que sur la base d'un rebondissement venu de nulle part (beaucoup d'auteur de thrillers le font hélas).

    En conclusion : un bon petit roman policier (plus qu'un polar, y manque peut-être un supplément de noirceur), bien construit et bien écrit qui donne suffisamment envie de suivre cette troupe pour le second opus ("le jour des morts"que j'achète cette semaine en poche).

    21/10/2019 à 19:57 4

  • Le Jour des morts

    Nicolas Lebel

    8/10 Avec ce second opus, Nicolas Lebel monte en puissance….et son héros en humanité.
    C’est pour moi, un des gros atouts de l’auteur (et ce que je recherche aussi dans mes lectures), celui d’avoir crée un VRAI personnage. Celui qu’on a envie de suivre et de (mieux) connaitre. Très loin du flic beau mâle courageux (j’allais dire Norekien) Merlicht est laid, bougon, old school (largué sur tout), il pue de la gueule, n’a plus baisé depuis des lustres, et misogyne avec ça. A cause et grâce à ça, son humanité sent à plein nez, elle transpire aussi bien que son érudition, son sale caractère ; c’est un personnage complexe, épicurien dont le cynisme et le lyrisme (ah cette scène de duettiste au restaurant du « Chaudron » avec le légiste, vaut son pesant d’envolées culinaires !) dissimule mal sa pudeur, ses blessures (il est « jeune » veuf) et sa fidélité en amitié est sincère et émouvante. Il y a du Audiard et du TonTon Flingueurs dans la verve du Merlicht, mais autre chose, peut-être un petit côté Gabin, en mode petit gabarit. En somme, il nous énerve autant qu’il nous touche, pour la simple raison qu’il fait vrai, authentique, qu’il nous parle, nous ressemble à bien des égards.
    Mais les nombreuses qualités de ce roman sont aussi ailleurs. La construction est impeccable (bonne alternance des scènes et des nombreux personnages, on ne se perd jamais), l’intrigue (ingénieuse) fait aussi la part belle à l’Histoire, la culture (tout amoureux des livres y trouvera son compte sans que ça fasse étalage ronflant) ; bref, on apprend des choses en se divertissant, quoi de mieux ? L’écriture, peaufinée, a de la tenue tout du long ; détaillée, sans donner l’impression d’ameublement. Et le suspense ne baisse pas. Tout ceci est charpenté, solide, ça fleure bon le métier et pourtant ce n’est que son deuxième livre. Respect.
    Les autres personnages sont également bien brossés, l’auteur leur a fait de la place, ils ont aussi leurs failles et leurs faiblesses, la droiture rigide du colosse Dossantos, et le caractère bien trempé (et fragile) de Sophie. Seul le stagiaire est lourdement assaisonné. Jacques, l’ami mourant, a aussi droit a ses moments, et d’ailleurs, c’est lui qui fait son entrée en fanfare.
    Puisqu’aucun roman n’est parfait, je dirais que les dialogues sont parfois trop écrits, que le running gag de la sonnerie de téléphone…. ouais bon, et que le dénouement est expéditif, mais c’est vraiment pour chipoter.
    Du bon boulot, je vous dis.
    C’est fichu : Je suis LEBELlisé.
    Next.

    11/11/2020 à 22:28 5

  • Sans pitié, ni remords

    Nicolas Lebel

    7/10 Retour sur le vif.
    « Sans pitié ni remords », troisième volet du capitaine Mehrlicht est à la hauteur des deux précédents.
    L’intrigue, comme toujours, est fouillée et rappelle combien l’auteur aime aussi cultiver son lectorat. Le travail de documentation est costaud et renforce le réalisme et la crédibilité de l’ensemble.
    En parallèle, l’auteur n’oublie pas de faire évoluer ses lieutenants dans leur vie privée (d’où la nécessité de lire les romans dans l’ordre selon moi) notamment en faisant la part belle aux femmes (Sophie Latour). L’attachement de Nicolas Lebel à ses personnages est manifeste et de plus en plus prégnant mais sans rien omettre de leur part sombre ou moins reluisante (Dossantos le bourrin cache une vraie sensibilité, Mehrlicht, comparé à Paul Presbois ou encore un batracien, est l’anti Coste - le flic de son pote Olivier Norek - par excellence). Ce même Mehrlicht qui sous ses airs désinvoltes et son mode de vie épicurien semble se suicider à petits feux. C’est un personnage très complexe et torturé par la culpabilité de par le cortège de malheur qu’il semble drainer avec lui.
    Sur d’autres personnages plus secondaires (genre Cuvier)le trait m’a paru forcé. En parlant de Cuvier, j’ai senti qu’au bout d’un moment l’auteur ne savait plus comment s’en dépêtrer.
    Un petit mot sur les bad guy.
    Ici, les méchants ne font pas de quartiers mais là encore, malgré l’atrocité de leurs actes, Nicolas Lebel leur tisse une histoire et nous fait aussi découvrir une part intimiste de leur personnalité à l’image de Vlad, ce assassin rongé par les scrupules en quête de rachat et d’apaisement.
    Nicolas Lebel atténue aussi la noirceur de son roman (même si l’auteur évite soigneusement tout racolage de scènes sanglantes) par un humour argotique et des running gags (sonnerie téléphonique) plus ou moins réussis. C’est plutôt amusant et ça dépeint bien le côté bonhommie franchouillarde qui colle bien au capitaine Mehrlicht.
    Bref, à défaut d’une construction super originale et spectaculaire (qui bien souvent masque une pauvreté littéraire) c’est un roman et un travail sérieux et solide, qui confirme que Nicolas Lebel, de par la densité de sa narration, son souci de combiner enquête et Histoire et de prendre le temps de bâtir des héros pétris d’humanité compte pour moi comme un des rares très bons auteurs de romans policiers français de ces 10 dernières années.
    Je possède les deux derniers de la saga.
    Alors comme dirait Jacques Morel sur sa pierre tombale, à bientôt Nicolas Lebel.

    20/08/2023 à 14:10 4

  • Le Silence

    Dennis Lehane

    7/10 Il a fallu attendre quelques années pour voir apparaitre le dernier Dennis Lehane.
    Son titre : le silence (small mercies, titre original, bien meilleur, je trouve).
    Le résultat est convaincant, même bon,… à défaut d’être très bon. C’est solidement écrit, percutant (faut-il le rappeler Lehane est un très bon dialoguiste et sait terminer un chapitre avec des phrases qui claquent). Une bonne histoire bien racontée (les 100 premières pages prennent le temps) avec à la clé un joli portrait de femme et de mère (un sacré bout de femme, la Mary Pat, en mode Charles Bronson) derrière la thématique du racisme, mais aussi celle du rôle et des responsabilités de parent, de ce qu’on lègue - parfois à notre insu - à nos gosses, et de notre trouille, en dépit de notre amour, quant à notre incapacité à les protéger contre tout.
    En d’autres termes, du travail pro(pre), maîtrisé sur le fond comme sur la forme, rien ne dégouline ou ne fait tâche. Le monsieur a du talent et du métier et son bouquin se hisse dans le haut du panier du genre.
    Aucun reproche véritable donc, mais il m’a manqué le petit supplément émotionnel qui vous entaille le palpitant et vous picote les rétines alors que tout s’y prêtait.

    07/01/2024 à 23:28 5

  • La Petite Gauloise

    Jérôme Leroy

    7/10 Ce court roman (ou cette longue nouvelle) ressemble un peu à un conte, une fable. Mais une fable sombre, plus que sombre, nihiliste, fataliste.

    Les "+" :

    - Le format : 140 pages. C'est parfait. Plus long, cela aurait pu lasser (c'est quand même très désespérant)
    - Le style. Un modèle d'efficacité pour brosser des portraits et des situations. Une écriture à l'os, percutante, qui va à l'essentiel. Du haut niveau.
    - L'humour. Acide, mordant. Aussi jubilatoire qu'inconfortable.

    Les "-" :

    - Les 20 dernières pages. Dans l'Algeco, ça flirte avec l'exagération (deux jeunes qui pensent à violer deux filles alors que des terroristes sont dans l'école, mouais).
    - Par moment, cette absence d'émotion rend le récit et les protagonistes comme désincarnés. Mais d'un autre côté, ça sert aussi le propos, cette froideur mécanique, ce vide émotionnel.
    - La répétition des noms peut s'avérer gênante par moment.

    Conclusion :

    Le parti pris de l'auteur est assez radical. On aurait aimé plus de nuances. Mais, la plume est acérée, l'humour noir, le sujet glaçant et d'une résonance terriblement d'actualité.

    29/06/2018 à 23:59 5

  • Ils savent tout de vous

    Iain Levison

    6/10
    Un début en fanfare, une idée originale (que l'auteur n'exploitera pas totalement), un personnage féminin avec de la personnalité, et si le rythme demeure enlevé et nous évite l'ennui, ça manque un peu de chair (j'ai connu Levison plus incisif), il persiste un sentiment de bâclé dans les 50 dernières pages, à l'image de cette fin expédiée.

    Clairement pas le meilleur de son auteur.


    25/02/2024 à 19:55 2

  • Pour services rendus

    Iain Levison

    8/10 Levinson n'a pas son pareil pour décrire en peu de pages incroyablement bien senties l'absurdité de la guerre combinée ici au cynisme des politiques prêts à tout pour réussir.
    Ici, les hommes, vétérans de guerre comme politicards, ont jeté leur honneur dans la fosse où pourrit le cadavre de leur dignité et de leur loyauté. Les femmes, épouses, ne sont pas en reste ; tout est bon pour profiter ou conserver ses privilèges.
    Un roman au vitriol d'une saisissante lucidité où sous la plume ravageuse de Levinson l'Empire Américain n'en finit plus de s'auto-détruire.
    Monsieur Levinson, c'était mon second roman après l'excellent "un voisin trop discret".
    Promis, juré craché, je reviendrai vous lire.

    27/11/2022 à 14:24 2

  • Un Voisin trop discret

    Iain Levison

    7/10 Bien construit, bien senti, caustique et réaliste à souhait.
    Du bon Levinson.

    27/11/2022 à 14:26 1

  • Les Refuges

    Jérôme Loubry

    4/10 LES REFUGES est l’exemple même de ce qui se fait depuis quelques temps en matière de thrillers made in France et qui cartonne auprès des amateurs du genre. C’est un fait avéré, ça marche bien, quoi que j’en pense. LES REFUGES n’est donc ni pire ni meilleur que ce qu’on trouve par paquet de 12. Il s’agit d’un thriller balisé, calibré, planifié pour plaire au lecteur en lui donnant le sentiment agréable de conduire un véhicule hyper sophistiqué mais qui en fait se conduit avec deux doigts, quasi en mode pilote automatique, en donnant au lecteur une autonomie d’apparence. Tout est paramètre à l’avance, efficacement, il n’y a pas à se forcer dans l’implication, tout est mis en oeuvre pour vous soutirer ce que vous êtes venu chercher. Mais pour la nuance, la finesse d’analyse psychologique, faudra repasser.
    Je n’ai aucun reproche à faire sur le sujet en lui-même. Il n’est pas original, mais perso, je m’en tape, tout a été écrit sur tout et je crois qu’on peut faire du grand avec un thème archi rabattu. La construction ? Pas de critique là non plus. Elle est classique (va et vient passé/présent, alternances des personnages, souvenirs…), ça me va aussi. J’ai lu les 50 premières pages sans pester. La thématique, pas novatrice (mais là encore quelle importance ?) est par essence intéressante (la mutation victime/bourreau, la culpabilité ). Le problème, alors ? Bah juste l’essentiel de ce qui fait une bonne histoire, bien racontée : le traitement. Après 50 pages correctes, l’écriture légère et imagée de JEROME LOUBRY devient plus chargée, artificielle, pompeuse. Mais à ce moment là, j’ignorais encore combien cette écriture allait tout saborder. Pour un auteur novice, LES REFUGES peut aussi se voir comme une sorte de manuel, un guide du « comment écrire un thriller pour les NULS ». Pas de méprise, quand je dis « NULS », cela ne veut pas non plus dire que le lecteur qui a lu et apprécié ce roman est un idiot. Non. Cela veut dire (pour moi, j’entends), qu’il est surtout désireux à ce quelqu’un fasse tout le boulot à sa place, ce lecteur-là cherche pas être trop sollicité, il recherche un confort (cérébral), ne veut pas perdre la moindre info en route, ne pas être frustré, s’assurer que tout lui sera clairement (et même le plus clairement possible) expliqué, quitte à ce qu’on souligne au STABILO les effets, qu’on (lui) répète plusieurs fois, qu’on premâche l’aliment pour favoriser l’ingestion. Inconsciemment ou non, ce lecteur là est conquis d’avance, déjà sur les starting-block, prêt à vibrer, ressentir à peu de frais, sans trop se fouler, bref ne pas « se prendre la tête quoi, car c’est un thriller et pas une oeuvre artistique, alors pourquoi chercher à écrire joliment, hein ?". LES REFUGES remplit toutes les cases pour ça. Pour être encore plus clair, si LES REFUGES était un animal, il serait un chien. Pour aveugles. Le lecteur n’a qu’à se laisser faire, se laisser guider. Suivre les balises, les pointillés. C’est tout. Qu’il ou elle se rassure, aucun risque de se planter, il/elle comprendra tout, absolument tout (les faits, les pistes, les indices seront répétés pour bien ancrés tout ça dans la caboche du lecteur paresseux) et pas que l’intrigue, mais tout le reste (les sentiments, les personnages, leur caractère, leurs pensées, tout est surexpliqué) car même si cela ne se soit pas, le roman est écrit au marqueur fluorescent. Bref, ne vous bilez pas JEROME LOUBRY se charge de tout. Il vous dictera (par le biais de ses personnages tous stéréotypés. Entre nous, qui peut croire à cette psy chevronnée et ce flic qui échangent comme deux ados prépubères ? ) ce qu’il faut penser, ressentir grâce au déluge ad nauseam d’adverbes, de qualificatifs, d’adjectifs, de points d’interrogations afin que vous fassiez votre les réactions de ses héros en prenant soin de ne pas vous laisser dans l’interprétation, ou l’incompréhension. Processus lourdingue d’identification. Vous l’avez compris, pour la subtilité, circulez y’a rien à voir. Le style LOUBRY pèse dix tonnes. Moi aussi, comme beaucoup de lecteur, j’aime être manipulé, qu’on joue avec moi, avec mes émotions. Je lis (presque que) pour ça. Le lecteur est un pantin consentant, et le romancier le marionnettiste. Donc, ce rôle de marionnette à la merci d’un marionnettiste, ça me va bien, je l’accepte avec plaisir. Encore faut-il que les fils soient transparents, et fins. Ici, les fils sont des cordes d’une épaisseur grossière, sans finesse, sans profondeur, un procédé prêt à l’emploi, bien rodé mécanique, conventionnelle, factice. Désincarné. Creux. Mais comme je l’ai dit au début, dans le monde du thriller (français notamment) ce procédé marche bien. JEROME LOUBRY l’a compris et sert (volontairement ou non) un repas prêt à consommer avec des personnages identiques (hommes, femmes, peu importe, ils pensent/s’expriment/réagissent tous pareils, avec des émotions très binaires, très compartimentés, très (pré)visibles, très manichéennes) Ne cherchez pas l’ambiguïté chez eux (et nulle part d’ailleurs), y’en a pas, zéro, nada, que tchi.
    Rien n’y fait, tout ce que j’ai lu m’a laissé aussi froid que si je m’étais enfilé une glace MIKO en guise de thermomètre et ce en dépit du contenu au demeurant horrifique, révoltant, terrible. Mais voilà, il faut savoir écrire, avoir une patte, une identité littéraire pour susciter l’effroi, la compassion, l’empathie et ce sans en faire des caisses ou être élitiste, je rappelle). Savoir transmettre, ou juste faire percevoir une émotion nécessite une certaine habileté, je trouve. De cela, nait la puissance évocatrice qui stimule l’imaginaire et le palpitant. Rien de tout ça chez LOUBRY qui déroule sa recette, son guide, son manuel avec des effets pompiers et gras comme des loukoums. Je passe rapidement sur les dialogues plaqués lourdement, inutilement bavards, grandiloquents, souvent ridicules (« on danse avec le diable » répétés maintes et maintes fois, LOUBRY a dû lire LE CHUCHOTEUR) limite risibles ; tout ça au détriment de tout réalisme (et tous les « bordel de merde » qui sonnent terriblement faux n’y changeront rien), ce qui rend les personnages (enfants comme adultes) agaçants, presque neuneu. LOUBRY répète l’envi les évènements histoire de s’assurer que « ça va lecteur, tu as tout bien pigé, dis ? ». Matraquage du lecteur au marteau pilon. Au cas où ça rentrerait pas… Je passe encore sur des formules que je croyais révolues (« il n’en croyait pas ses oreilles » et autres expressions qui sentent la naphtaline). Y en a pas mal de ces phrases d’un autre temps. Les dialogues sont à l’image de la narration, boursouflés à mort. Impossible de croire à des réactions aussi télécommandées, des formules aussi ampoulées.Les personnages secondaires n’ont aucune consistance (Patrice le soi-disant ami du flic, par exemple). Je passe aussi les facilités scénaristiques (les explications ultra limpides et perspicaces et détaillées d’une gamine traumatisée histoire encore de faciliter le travail au lecteur, ces « refuges » où on entre et on sort un peu comme un chat tiens…), les pistes abusivement embrouillées (plus ça fait complexe, plus on se dit que c’est foutrement génial, c’est bien connu). Je passe enfin sur le dénouement. Bof. Une nouvelle couche sur un mille-feuilles déjà bien écoeurant. Et puis, n’est pas LEHANE qui veut, hein ? L’auteur a pourtant mis le paquet : il m’a parlé pêle-mêle d’atrocités, de viol à répétition, de suicides, de cervelle qui éclate etc…Pourtant, je n’ai pas plus sourcillé que si je lisais ma liste de courses AUCHAN. Plus l’auteur insistait en essayant de me tirer les larmes ou des frissons, plus je m’éloignais du récit en soufflant devant la mise en scène ultra théâtralisée, cette écriture-parpaing, tellement lourd tout ça, tellement mal fichu. Comme disait un célèbre auteur, je ne crois pas forcément à ce qu’on me raconte, mais COMMENT on me le raconte. Et là, j’ai parcouru avec une indifférence teintée d’ennui ces tragédies, ces horreurs illustrées avec des phrases débitées machinalement en enfilade, sans densité, sans aspérités, sans intensité, sans sincérité, sans conviction, sans vie, comme si le fait de dire des mots chocs suffisaient à créer le choc. Bah non, monsieur LOUBRY, ça ne marche pas comme ça (avec moi du moins).
    Pour finir, si LES REFUGES est un roman médiocre, il n’est pas une bouse absolue. Il est juste un produit fade et en même temps indigeste, chargé en sucre à donf. On en trouvera des comme ça, mieux ou moins bien, encore et encore. Par palettes. Hélas. Il essaie de flirter (dans la thématique) avec SHUTTER ISLAND, mais LOUBRY est à des millards d’années du thriller de Denis Lehane.
    Voilà, je l’ai lu, et déjà il ne m’en reste rien. Quand on sait ce que ça raconte, c’est assez paradoxal, mais ça démontre bien que sans style, la pire des histoires n’a aucun impact véritable et durable. Le succès public de ce roman ne m’étonne pas. Il n’est pas dénué d’application (mine de rien, il y a du boulot), ça se lit sans trop d’effort (même si j’étais pressé d’en finir, d’ailleurs on peut sauter des paragraphes et des passages entiers tant l’auteur meuble inutilement son récit), ça ne manque pas de soin, d’inventivité ou d’originalité dans le récit.
    C’est juste dépourvu de personnalité, d’âme et d’émotion. De style, en somme. D’art, tout simplement.
    Une seule chose me surprend. Que celles et ceux qui - comme moi - lisent très occasionnellement du thriller puissent y éventuellement y trouver de quoi combler leur dimanche pluvieux, je le conçois (moi même, j’en relirais un du même genre dans 6 mois ou un an). Ce que je m’explique moins, c’est comment des férues de ce genre (thriller), de ceux et celles qui s’en enfilent par intraveineuses depuis des années, peuvent encore, indépendamment de l’intrigue (qui je le redis n’est pas plus stupide qu’une autre) se laisser encore séduire par un traitement aussi scolaire et ennuyeux. C’était donc ça le prix COGNAC, le thriller de l’année, la claque du moment ? Sérieusement ?

    16/11/2019 à 17:53 7

  • On se souvient du nom des assassins

    Dominique Maisons

    7/10 J'ai aimé. Déjà le style, crédible et raffiné, on est clairement plongé dans cette ambiance du vieux Paris. La retranscription est tout à fait convaincante, que ce soit le décorum ou le langage (avec toute la préciosité qui va bien). L'intrigue ensuite. Bon, le sujet bien que pas novateur est solide et le suspense est présent, et constant. Pas de grande révélation au final, mais je ne m'en plains pas car je préfère toujours une intrigue linéaire et solide à une enquête à multiple rebondissements avec un twist final (la grande mode) au détriment parfois de la cohérence. C'est plutôt bien construit. Le dosage action et réflexion est plutôt bien équilibrée et le dénouement - un poil bavard et longuet - j'avoue, m'a surtout plu pour ce qu'il met en lumière, la médiocrité de l'âme humaine.

    01/03/2017 à 00:44 4

  • Tout le monde aime Bruce Willis

    Dominique Maisons

    6/10 Fini.

    Conformément à mes habitudes, je vais donner mon avis d'amateur - à chaud - avec qui vaut ce qu'il vaut.

    Que Dominique Maisons me pardonne : son dernier opus m'a déçu.

    Oh, ce n'est pas raté, il se lit sans problème, mais sans grande passion non plus. C'est un opus nettement moins ambitieux que son précédent, un roman passablement agréable que je vais oublier aussi sec. Il manque de beaucoup de choses et j'ai eu le sentiment qu'il est resté tout du long dans un entre-deux comme coincé entre plusieurs genres sans en assumer pleinement aucun. Il manque de noirceur pour un vrai polar, de trash pour être véritablement un thriller border-line, et de vitriol pour en faire une espèce de comédie encore plus acide et plus décalée.

    Au final, TOUT LE MONDE AIME BRUCE WILLIS est bancal et sage. A choisir, je me demande si j'aurais pas préféré la surenchère voire le grand-guignolesque à la manière d'un film de Shane Black (Kiss Kiss Bang Bang).

    Voyons ça dans le détail.

    Le roman se découpe en 3 parties.

    La première se concentre sur Rose et sa vie de star qu'elle saborde jusqu'à l'auto-destruction. Cette partie montre avec une certaine efficacité le paradis artificiel et vorace du milieu cinématographique. Rien de trop poussé dans le traitement, mais le rendu fonctionne plutôt bien, on imagine sans mal cette prison dorée à ciel ouvert où Rose, l'héroïne, est enfermée.

    La seconde partie arrive juste à temps (car Rose et ses tourments commençaient à tourner en rond). Au début, ce virage surprend, désarçonne le lecteur (et crée un mystère bienvenu car jusqu'alors absent) , mais au moins cela met en lumière d'autres personnages. Le hic, c'est que ça dure un peu trop longtemps et en dépit des réels dangers, la tension ne monte jamais véritablement du fait de l'absence de surprises (c'est jamais bon quad le lecteur a un peu d'avance sur la tournure des évènements).

    La troisième partie est clairement sinon la plus faible, mais la plus conventionnelle. L'auteur déroule sa pelote de laine de manière assez linéaire, peu d'obstacles sur le chemin, les facilités scénaristiques pleuvent. J'ai clairement senti l'auteur pressé d'en finir avec son histoire dont le dénouement est (trop) vite expédié et peu convaincant.

    Dans les points positifs :
    - Une écriture qui fait le job. C'est carré, pro, Dominique Maisons sait décidément tout écrire.
    - Rose, sans être méga attachante, campe un personne assez convaincant dans le rôle de celle qui va se révéler (un peu) dans l'adversité. Même si j'avoue que son attachement au gamin m'a paru un peu soudain et son détachement désinvolte après la mort de biiiiiip.
    - Caleb/Julian : de très loin le personnage le plus intéressant du livre.
    - Je ne sais pas trop si l'absence de profondeur voire le côté caricatural des autres personnages ne sert pas le livre qui, car d'une certaine façon, on peut aussi voir l'ouvrage comme le grotesque spectacle de l'outrance et de la superficialité montré au grand jour.

    Dans les points qui m'ont (plus ou moins) gênés :
    - le rythme (seconde partie un peu ennuyeuse, dernière partie et final poussifs)
    - la prévisibilité
    - certains dialogues (sur-explicatifs) notamment à la fin.
    - les rebondissements un peu aux forceps pour relancer l'intérêt et l'intrigue. On sent que l'auteur se démène pour créer des enjeux forts dont j'ai peiné à m'intéresser (surtout à cause du point ci-dessous).
    - peu d'empathie pour les personnages (je n'ai cru à aucun, donc je ne me souciais pas vraiment de leur sort - sauf Caleb)
    - Le titre prometteur qui débouche sur....rien (mais à la limite ça pourrait être aussi un point positif car cela démontre aussi toute la tartuferie du marketing ! Bien vu !)

    En revanche, là où c'est plus fâcheux, c'est que y'a un peu tromperie sur la marchandise quand on lit la quatrième de couverture et cette histoire de disparition de la soeur "dans des circonstances étranges". Je ne vais rien dévoiler de ce volet, mais bon...bref :)

    Enfin et cela peut paraitre étrange (ou pas), mais sur le thème des "apparences" et des affres de la célébrité, j'ai surtout pensé à un film français : Grosse fatigue de Michel Blanc.

    Voilà.
    Je ne pense pas avoir spoïlé, mais si j'ai par mégarde divulguer une information compromettante que Dominique Maisons veuille bien m'excuser et me le signaler.

    26/09/2018 à 01:02 6

  • Le Petit Bleu de la côte Ouest

    Jean-Patrick Manchette

    8/10 Je ne sais pas si je vais parvenir à expliquer en quelques lignes et à chaud, après la lecture de ce livre (mon premier), pourquoi je crois deviner la raison pour laquelle JP Manchette apparait comme une référence à beaucoup d’auteurs de polars ou de romans noir, en France comme ailleurs (du reste, “Le petit bleu de la côte Ouest” est préfacé par James Sallis).
    Le style, d’abord et surtout. Sans chichis, droit au but, mais, attention, pas impersonnel pour autant. Des allusions glissées ça et là, mordantes, acides, sur une période, une situation, un climat, un sentiment. Il y a Chez Manchette ce qu’on lit, et surtout ce qu’on ne lit pas mais qui est quand même là, vous voyez ? Mais, c’est une écriture aussi musicale, jazzy, avec ce qu’il faut de descriptions sans jamais être pompeuse. Un style - un flow dirais-je plutôt — un peu détaché presque désabusé, mais qui, de temps en temps, balance deux trois ogives, l’air de rien, comme pour dire qu’il n’est dupe de rien, qu’il reste lucide, qu’il sait comment tourne le monde, la nature humaine, même si, on n’y pourra rien changer. Bref, ce genre de choses.
    La construction ensuite. Des rouages bien huilés, une mécanique impeccable où l’auteur ne s’embarrasse d’aucun remplissage inutile, d’aucun ameublement factice. Une construction à rebours avant de tracer sa route, d’un point A au point B et ainsi de suite dans une logique séquentielle, implacable de fluidité. De ce fait, le lecteur est amarré, et le suit comme il va suivre Gerfaut, ce monsieur tout-le-monde, tantôt proie, tantôt prédateur, et ce, jusqu’au bout de sa vengeance.
    Les personnages, en quelques coups de canifs, sont parfaitement brossés, habillés, cintrés, car Manchette est aussi un portraitiste hors pair. C’est sec, sans fioriture jamais, rien ne dégouline, clic clac, ses personnages, ne se perdent pas en explication ou si peu, sont brut de fond, à prendre ou à laisser. Contrairement à beaucoup de personnages dans des romans verbeux et ennuyants, les siens sont avares de paroles surtout quand ils doivent expédier à coup de bastos les affaires courantes (c’est pas John McLane dans “Die Hard” qui disait : “quand on flingue, on cause pas” ?). Binaires, volontairement ou en apparence, ils sont aussi complexes, donc imprévisibles et donc insaisissables comme Gerfaut, encore lui.
    Les émotions. Idem chez Manchette. On y va à l’économie de moyens. Pas d’atermoiement, pas de trémolos. Si ça chiale, ça pleure vite et pas longtemps. La seule effusion que vous y verrez, c’est celle du sang. Mais, encore une fois, cette absence, c'est pas de la froideur, c'est une forme de désespérance, une perte de foi (en l'homme). Et ce nihilisme, ce refuse de s'attacher, mine de rien, ça touche, ça vise dans le mille.
    Voilà, c’était ma rapide définition du monsieur.
    J’ai lu JP Manchette.
    Et je vais y retourner.

    09/07/2023 à 18:45 2

  • Retour à la nuit

    Eric Maneval

    7/10 Eric Manevall a dégraissé son écriture au maximum pour ne laisser que la substantifique moelle d’un style contrôlé, sans emphase, mais non dépourvu d’une poésie subtile ; une écriture sans déchet ni superflu, « à l’os » comme on dit, pour aller à l’essentiel, aidé par des ellipses qui resserre le récit (assez captivant) ; tout ça fait que l’auteur ne dévie jamais de sa narration (pas de digressions) et que le lecteur, plongé dans la nuit et un climat anxiogène où les personnages flirtent toujours avec le point de rupture, plonge immédiatement dans cette histoire. Les thématiques sont nombreuses (en tête l’enfance (bousillée), l’isolement (intérieur et extérieur, le héros n’a ni femme ni enfant ni amis), le voyeurisme (des autres, fascinés, qui profitent du malheur), mais sont abordées avec élégance et sans marteau pilon. J’aime beaucoup.
    Preuve une fois encore qu’on peut créer un climax et construire des personnages forts en moins de 150 pages. Message aux auteurs qui tartinent à mort et finissent par engraisser artificiellement et inutilement leur récit. On revient encore et toujours à ce constat : pour pouvoir le faire, il faut avoir la justesse et la sensibilité nécessaire pour retranscrire tout à ça en peu de mots. Eric Maneval sait faire.
    Le seul (petit) bémol : la fin. Le fait qu’elle soit ouverte (j’aime ça les fins ouvertes) n’est pas tant le souci que cette impression d’inachevé que j’ai ressenti. Que l’auteur me laisse me débrouiller pour reconstituer le puzzle, pas de souci, mais encore faut-il qu’il me donne assez de pièces pour phosphorer. A la fin de la dernière page, ce dénouement rapide (expédié ?) m’est davantage apparu comme un déséquilibre, un manquement à la limite du renoncement (des pistes - comme le « tatouage » - sont abandonnées en l’état, et d’autres aspects me laissent perplexes). Il y a parfois des frustrations « positives » qui font cogiter le lecteur et ajoutent un « plus » à l’intérêt au livre). Pas ici. L’auteur nous « punit » un peu en nous privant d’explications (mais il se peut aussi que je sois passé à côté de points importants).
    Peu importe : RETOUR A LA NUIT est une petite leçon d’efficacité doublée d’une réussite formelle incontestable.

    08/11/2019 à 10:10 2