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Le mystère ô combien mystérieux du hold-up du 36 janvier
8/10 Un polar jeunesse très drôle, l'auteur s'amuse avec les mots et joue avec ses personnages, à commencer par le brigadier Pito, à l'origine d'un quiproquo qui fera beaucoup rire les jeunes lecteurs (dès 6/7 ans). Je n'ai lu que 3 livres de la série sur 6 mais celui-ci est vraiment réussi.
13/03/2019 à 13:46 2
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La Première Enquête de Maigret
8/10 Voilà un Maigret très particulier : la première enquête du plus célèbre des commissaires littéraires de la police française.
Nous sommes en avril 1913 : jeune marié, âgé de 26 ans, Jules Maigret, alors simple secrétaire du commissariat du quartier Saint-Georges (Paris, IXe arrondissement) et aspirant à la carrière d'inspecteur, voit venir en pleine nuit un jeune homme qui dit avoir été témoin d'une drôle de scène, à deux pas de là : dans un hôtel particulier, une femme a passé sa tête par une des fenêtres, hurlé, puis est revenue à l'intérieur de la pièce, la fenêtre vivement fermée avant que n'éclate un coup de feu.
Dès le départ, Maigret s'intéresse à cette affaire qui s'avère cependant très délicate car l'hôtel particulier appartient à la grande famille bourgeoise des Balthazar, fondatrice des fameux cafés du même nom.
Il faudra toute la persévérance de Maigret pour venir à bout d'une enquête durant laquelle la bourgeoisie serrera les rangs pour éviter à la "grande famille Balthazar" un immense scandale. C'est un roman où la conscience de classe (ici la bourgeoisie) est exposée d'une manière peu complaisante et même si elle triomphe, elle en prend quand même pour son grade. Maigret en ressort marqué, presque dégoûté mais aussi, dans la foulée, promu inspecteur au 36 Quai des Orfèvres...
C'est justement ce Maigret en devenir qui est intéressant car déjà les caractéristiques que l'on retrouvera dans les enquêtes à venir (en fait beaucoup ont déjà été écrites car ce roman paraît en 1949, quand les premiers Maigrets datent de 1931) sont présentes : Jules est un homme droit, fin observateur, obstiné, soucieux de bien faire, sûr de son bon droit et déterminé à faire éclater la vérité, sans juger, même si cette vérité dérange. Bref, un être doté d'une belle humanité. J'ai aimé aussi la personnalité de Mme Maigret qui, si elle ne joue pas un rôle de premier plan, est un soutien indéfectible au futur commissaire.
Un Maigret différent donc, aux balbutiements de sa carrière policière et en même temps, un passage obligé pour tout "Maigretophile" et plus généralement pour toutes celles et ceux qui veulent mieux comprendre, à travers ses débuts, la personnalité d'une figure incontournable du roman policier.08/03/2019 à 19:14 5
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Mangez-le si vous voulez
6/10 Pas toujours facile de romancer un fait divers historique, de tenter de reconstituer les mots des protagonistes (victime comprise). Jean Teulé s'est pour cela appuyé sur une bibliographie d'une douzaine d'ouvrages, dont ceux de Georges Marbeck (que je n'ai pas lus) et l'excellente étude de l'historien des sensibilités Alain Corbin, Le Village des "cannibales" (lu et relu après coup).
Quelques remarques, en vrac : le format très court (une centaine de pages en poche) diminue un peu l'immersion dans le contexte au profit d'une description des actes de cruauté dont fut victime Alain de Monéys et sur lesquels je reviendrai plus tard.
Le contexte justement : celui local, immédiat comme récent, avec une sécheresse persistante qui fait tant de mal aux cultivateurs, une chaleur étouffante ce 16 août 1870, le vin servi pendant cette frairie dédiée à Saint-Roch et qui fait tourner les têtes et chauffent les crânes... Cette fête qui rassemble des gens venus des communes alentours, jusqu'à 20 km de cette bourgade du nord-ouest de la Dordogne.
Le contexte international, la guerre franco-prussienne, une guerre mal engagée, là où pourtant on annonçait des victoires rapides et où au contraire les défaites qui se succèdent effraient les gens d'Hautefaye. On craint l'invasion, on se méfie des "Prussiens de l'intérieur", dont on pense qu'ils se trouvent en masse chez les nobles. Certains enfants des protagonistes sont au front, certains remplaçant les plus riches grâce au système de rachat des "numéros"... Les Prussiens, les nobles, les riches... voilà les ennemis, voilà les destructeurs de l'Empire, l'Empire de Napoléon III qui jouit d'une si bonne réputation au sein des masses paysannes.
Et Alain de Monéys est là, lui. De petite noblesse, un trentenaire avenant, généreux, proche des gens d'Hautefaye. Il a un cousin, Camille de Maillard, un légitimiste qui, par ses mots, met le feu aux poudres, embrasant la foule présente. Il s'enfuit. Alain de Monéys prend sa défense, maladroitement. La foule en colère va alors se déchaîner, pendant plusieurs heures sur ce malheureux, qu'ils brûleront finalement. Car c'est un noble donc un traître donc un Prussien...
Fait divers tragique, surgissement de bestialité, déchaînement de violence inouïe, "dernier des massacres nés de la fureur paysanne" (Alain Corbin).
Des reproches ? Quelques-uns. On peut toujours gloser sur des inexactitudes, des anachronismes (comme l'allusion à un isoloir qui n'existait pas encore). En revanche, difficile de comprendre pourquoi Alain Teulé en a rajouté dans l'horreur avec des scènes non prouvées, inventées. Quel besoin alors que le fait divers est suffisamment horrible ? Quant aux prétendus actes de cannibalisme, ils n'ont jamais été prouvés (noter les guillemets à "cannibales" dans le titre de l'ouvrage d'Alain Corbin).
Autre reproche, l'absence de références au prétendu républicanisme de de Monéys, alors qu'Alain Corbin montre bien l'importance de cette accusation dans la psychologie des bourreaux qui agissent pour défendre avant tout Napoléon III. Alain de Monéys est noble, prétendument contre l'Empire, "Prussien" mais aussi "républicain" dans la tête des tortionnaires.
Au final, un court roman (ou plutôt une novella) basé sur un fait réel, au style vif et agréable mais qui souffre à mes yeux de quelques défauts, au premier desquels l'ajout de violences nées de l'imagination de l'auteur là où l'horreur des faits réels se suffit à elle-même.03/03/2019 à 20:21 6
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Le Prix de la liberté
8/10 Ce tome 2 de "Forçats" est davantage centré sur Albert Londres que sur Eugène Dieudonné qui, malgré le succès retentissant des articles du grand reporter (voir tome précédent), croupi toujours au bagne. Albert Londres va alors tout mettre en œuvre pour innocenter Dieudonné des faits qui lui sont reprochés, sa participation à la bande à Bonnot.
Un style et des dessins toujours aussi agréables à l’œil et une histoire une nouvelle fois très intéressante, basée sur des faits réels.
Le texte rédigé par l'historienne Danielle Donet-Vincent en fin d'ouvrage, à savoir une biographie d'Albert Londres, complète parfaitement cette très bonne BD.
03/03/2019 à 19:46 2
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Idaho
4/10 130 pages pour commencer à apprécier (un peu) ce roman dont j'ai, à plusieurs reprises, eu l'envie de ne pas le terminer tant l'ennui dominait.
Pourquoi ? Parce que l'auteure a en a trop fait. Il y a trop de choses dans ce roman, trop d'évènements mélangés avec des allers-retours dans une chronologie déjà confuse, rendue encore plus confuse par l'Alzheimer d'un des personnages, sans compter l'imagination débordante d'Ann, obsédée par le dramatique passé de son mari ou encore tous les passages où l'auteure décrit le quotidien de Jenny.
C'est voulu, bien sûr, mais les digressions sont si nombreuses que l'on si perd et surtout, j'ai cherché l'intérêt de tout cela.
En refermant le livre, une fois la dernière page tournée (car oui, je suis allé au bout), le sentiment dominant était : "tout ça pour ça" !
Idaho, qui promettait tant, fut au final un récit lourd, dans tous les sens du terme, qu'il m'a été très pénible de lire.
Il y a une qualité de plume indéniable chez Emily Ruskovich mais cette qualité est diluée dans une construction tortueuse, aussi tortueuse que l'est la psychologie de ses personnages.
Dommage.01/03/2019 à 12:28 9
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Neiges d'antan
8/10 Pete et Joe tiennent un chalet de montagne où ils accueillent des touristes venus chasser et pêcher. Une affaire qui marche bien.
Alors qu'une tempête de neige se prépare, Ed Kent, un homme richissime et client du duo, annonce son arrivée. Il vient avec sa femme, Marty.
Mais Marty n'est pas une inconnue pour Pete : c'est son ex-femme, qui l'a quitté il y a une dizaine d'années.
Voilà non pas un trio, mais un quatuor infernal qui se forme : le riche mari jaloux, l'ex-mari rancunier, la femme fatale, vénale et manipulatrice et enfin l'ami, Joe, très intéressé par cette dernière. Une situation explosive dont la tempête de neige qui sévit au-dehors empêche toute sortie.
Publié en 1937, ce court roman se lit très bien. L'auteur a su planter un décor et des personnages propices à une tension psychologique qui va aller crescendo. Un regret, cependant : la traduction de Max Morise de 1947 (n°5 de la Série noire) aurait besoin d'un sérieux rajeunissement. J'ai par ailleurs eu le sentiment que le texte souffrait d'ellipses, sans savoir si elles sont le fait de Don Tracy ou le résultat de coupes de la part de la Série noire que l'on sait peu regardante à l'époque sur ce genre de pratiques... Là encore, une nouvelle traduction, du texte intégral bien sûr, serait la bienvenue.
Car ce texte est d'une étonnante modernité et sans les quelques références au contexte de l'époque (la crise de 29 et ses effets principalement) l'on pourrait aisément imaginer qu'il se passe de nos jours.
Cela faisait longtemps que je voulais lire ce roman et il a été à la hauteur de mes espérances. Neiges d'antan fait partie des premiers suspenses psychologiques où le huis clos n'est pas imaginé comme un endroit duquel l'on doit résoudre une énigme (de type chambre close) mais comme un lieu où sentiments et émotions sont exacerbés. Une bien belle réussite.01/03/2019 à 12:12 5
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Évasion
9/10 Fab, le premier à commenter ce roman sur Polars Pourpres, a écrit ceci : "L'essentiel est dans la sublime écriture de Benjamin Whitmer pour capturer l'essence d'Old Lonesome ville pénitentiaire où de plusieurs manières tout le monde est prisonnier que l'on soit détenu, gardien ou habitant. Une sensation renforcée par le blizzard qui surgit au cours de cette échappée belle."
Complètement d'accord avec cela (sauf peut-être pour "l'échappée belle") : j'ai trouvé l'écriture de Whitmer absolument magnifique alors même que ce qu'il (ra)conte est moche, franchement moche, que ce soit dans l'attitude, les gestes, les mots des différents protagonistes. On sent un gros travail dans la recherche du mot juste, de l'expression qui claque, de la métaphore qui frappe (et elles sont nombreuses et souvent excellentes). J'ai rarement lu aussi belle plume.
J'ai aimé aussi l'alternance des points de vue qui, grâce à une construction ciselée à la perfection, nous permet de suivre la cavale et la traque dans la peau de différents personnages, traqueurs comme traqués, ou simples personnages placés par le destin sur la route des fuyards.
Et je me suis malgré tout attaché à certains acteurs du roman car ce n'est évidemment ni tout blanc ni tout noir mais souvent avec une large nuance de gris du côté des protagonistes, dans ce blanc neigeux où souffle la colère des hommes.
Ce fut un coup de cœur, merci aux éditions Gallmeister et merci à Polars Pourpres d'avoir pu organiser un passe-livre qui m'a permis de découvrir ce bijou noir, que je me procurerai pour qu'il rejoigne ma bibliothèque perso.
24/02/2019 à 23:15 7
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Coma
6/10 Étudiante en 3e année, Susan Wheeler, une très belle jeune femme, vient au Boston Memorial Hospital pour y faire un stage, avec d'autres étudiants. Sur place, l'interne qui chaperonne le groupe, Mark Bellows, tombe sous le charme de Susan. Cette dernière, au caractère bien trempé est très vite interpellée par le grave incident qui a frappé Nancy Greenly, une jeune femme du même âge qui est venue pour une opération bénigne et qui se retrouve de manière incompréhensible dans le coma après l'opération. Quant c'est au tour de l'architecte Sean Breman (avec qui Susan venait tout juste de sympathiser), Susan commence à avoir de sérieux doutes sur le côté accidentel de ces comas. Et lorsqu'elle plonge dans les archives de l’hôpital, force est de constater qu'il y a bien une "épidémie" de comas dans celui-ci. Susan met alors toute son énergie pour percer ce mystère, aidée notamment par l'interne Bellows.
Oui mais voilà, son toupet, sa jeunesse et surtout cette manie de fouiller partout ne plaisent pas aux pontes de l’hôpital, trop attachées à ce que la réputation de "leur" hôpital reste immaculée... à moins qu'ils ne cachent quelque chose de bien plus grave...
Publié en 1977, Coma ("Morts suspectes" lorsqu'il est sorti en France l'année suivante) est le premier grand succès de celui qui est considéré comme le maître du thriller médical. Si le rythme de l'enquête est assez lent malgré un temps du récit ramassé sur seulement 4 jours, avec beaucoup de descriptions (notamment des pratiques médicales, mais rien de rédhibitoire), elle reste plaisante à suivre, notamment parce que Susan Wheeler est attachante, par sa pugnacité, par son franc-parler.
Rien de bien transcendant mais j'ai passé près de 9 heures de lecture agréables (livre audio) et le léger accent québécois du lecteur de la version audio que j'ai écoutée (disponible sur Youtube) ne fut pas pour me déplaire.
A noter que le roman a été adapté dès 1978 par Michael Crichton (oui oui, celui de Jurassic Park !) avec, entre autres, Michael Douglas dans le rôle de Mark Bellows et Geneviève Bujold qui joue Susan (je n'ai pas encore vu cette adaptation).24/02/2019 à 22:17 4
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Satan était un ange
7/10 Un homme en fin de vie, un jeune homme en cavale. Deux personnalités que tout oppose. Deux destins qui vont se croiser et être liés à jamais.
Un livre moins dur, moins trash que les autres Giebel ? A voir. J'ai trouvé ce roman au départ effectivement assez éloigné de la production habituelle de l'auteure mais au bout de quelques heures d'écoute (livre audio), on replonge dans la cruauté humaine, la douleur, les choix atroces, bref tout ce qui habite l’œuvre de K. Giebel et dont je me lasse un peu. Car quand on ouvre un Giebel, on sait à l'avance que l'on pénètre dans un territoire suffocant, oppressant et finalement déprimant. Et Satan était un ange ne déroge pas à la règle. Fuir est au cœur du roman : fuir la mort liée à une maladie incurable pour l'un, sans aucun espoir, fuir la mort aux trousses pour l'autre avec un tout petit espoir. C'est à cet espoir que l'on se raccroche mais on doit pour cela assister à des passages très durs, pas tant dans la description de scènes sanguinolentes mais plutôt par la tension psychologique que subissent les deux personnages et le lecteur.
En fait, en lisant les commentaires précédents je pensais que ce roman-ci serait moins dur que les autres. Mais non. Et c'est ce que je reproche de plus en plus à l'auteure, j'ai parfois l'impression qu'elle se complaît dans l'horreur. Je sais que l'on va me rétorquer que "la réalité dépasse largement la fiction". Mais je crois que, peut-être, je n'ai plus envie de lire des romans aussi déprimants, tant l'actualité l'est déjà suffisamment.21/02/2019 à 12:13 6
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La Pipe de Maigret
8/10 Maigret n'avait nullement l'envie de s'occuper de cette affaire. Une vieille femme, accompagnée de son fils, venue se plaindre de visites dans son appartement. Des objets volés ? Non, absolument pas. Juste des visites. Des preuves ? Quelques objets déplacés, un placard fermé à clé qui ne devrait pas l'être, des gouttes d'eau au sol.
Bref, rien qui n'intéresse le commissaire. Et quand bien même le fils semble anxieux. Allez, pour rassurer la dame, on envoie un policier se poster près du domicile.
Oui mais... mais il y a la pipe de Maigret. Disparue. Volatilisée. Maigret remonte le fil de ses souvenirs de la journée... et n'en doute pas : c'est le jeune homme qui l'a volé.
Et quand ce dernier vient à disparaître, alors l'affaire prend une toute autre tournure...
Encore une enquête plaisante à suivre, même dans ce format nouvelle (une centaine de pages en poche) où toutes les pièces du puzzle disséminés ça et là se rassemblent dans un final que je n'oublierai pas.
Idéal pour découvrir un "Maigret".18/02/2019 à 13:47 2
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Sigmaringen
8/10 Lu il y a près de 4 ans, j'en garde le souvenir d'une lecture plaisante, à suivre les turpitudes de ce panier de crabes fascistes que furent les "réfugiés" de Sigmaringen, chacun défendant sa chapelle fasciste , certains rêvant même d'une reconquête alors même que les défaites sur les deux fronts s'accumulent. Pétain est relativement absent du livre, à l'écart, se considérant "prisonnier". On croise des personnages peu recommandables, de Déat à Doriot en passant par Darnand, ou encore l'immonde Laval. On croise même l'écrivain Céline.
La plume d'Assouline est agréable, c'est documenté, on est immergé au milieu de tous ces personnages qui ont sinistrement marqué l'histoire, bref un roman que je relirai assurément avec plaisir.11/02/2019 à 19:54 6
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Le Fauteuil hanté
8/10 Voilà un petit bijou fort agréable à écouter (livre audio). Tout y est : une énigme (qui tue et comment ?), une enquête, du suspense, un brin de fantastique (avec le secret de Toth), et beaucoup d'humour. On imagine le plaisir jubilatoire qu'a pris Gaston Leroux à écrire ce roman (rien que le nom des personnages, comme "Eliphas de Saint-Elme de Taillebourg de la Nox", tout un programme !). J'ai aussi beaucoup apprécié la lecture de Nadine Eckert-Boulet.
Seul petit bémol, et comme pgrosjean le dit plus bas, la fin est un peu décevante, trop évasive à mon goût.
Mais cela reste un moment très plaisant de lecture par l'auteur du chef-d'oeuvre Le Mystère de la chambre jaune.07/02/2019 à 17:57 4
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Dans l'enfer du bagne
9/10 Basée sur les histoires vraies d'Eugène Dieudonné, anarchiste envoyé au bagne en Guyane en 1913 et celle du voyage d'Albert Londres sur cette même terre dix ans plus tard (pour un reportage retentissant paru après dans Le Petit Parisien en août 1923), cette BD est à la fois instructive et fort réussie.
Certes le thème du bagne de Guyane est maintenant connu mais la brutalité de certaines scènes choquantes (et toutes tirées de faits réels), parfois contenue dans une seule case, ajoutée aux dessins anguleux très réussis de Fabien Bedouel, appuyés enfin par une palette de couleurs restreinte (du sombre, de l'ocre... seul le rouge nous explose à la figure lors de scènes sanglantes), tout cela nous plonge dans une réalité historique plus que dérangeante et marque, indéniablement.
Oui, ce fut aussi cela la France, de Napoléon III jusqu'au début des années 1950, un Etat qui envoyait le criminel endurci comme le simple "voleur de pommes" récidiviste ou l'opposant politique...
Le texte en fin d'ouvrage, très éclairant, de Frank Sénateur, sur ce que furent plus précisément le bagne et le parcours d'Eugène Dieudonné, parfait une BD décidément très réussie et qui est à mon sens une forme d'hommage aux plus de 50 000 hommes qui tentèrent de survivre dans ce que l'on appelait "la guillotine sèche"...07/02/2019 à 15:26 2
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Dégradation
7/10 Tout d'abord merci à Polars Pourpres et aux éditions du Seuil qui m'ont permis, grâce à un passe-livre organisé dans le cadre du prix Polars Pourpres découverte 2018, de découvrir ce roman.
J'ai eu beaucoup de mal à entrer dans ce roman. D'abord cette particularité niveau ponctuation dessert à mes yeux le contenu. Quel intérêt ?
Je serai vraiment curieux d'en connaître la raison, d'avoir une explication de la part de l'auteur.
J'ai par ailleurs ressenti une impression de déjà-vu, une vallée, une communauté, ses secrets peu avouables bien gardés... j'ai pensé aux séries Broadchurch en Angleterre ou encore Trapped en Islande.
Heureusement, après 100 pages, l'intrigue décolle enfin.
Le décor (les Yorkshire Dales) est joliment décrit, je retiendrai la rudesse du climat et la beauté des paysages, beauté qui contraste avec la noirceur des âmes de certains de ses habitants. Quand des hommes font tout pour cacher d'immondes secrets, cela donne... Dégradation.
Parlons un peu des personnages : outre Steven Rutter (dont j'ai trouvé que l'auteur en faisait trop sur son enfance malheureuse), je garderai en tête bien évidemment l'enquêteur Brindle qui, par ses tocs, n'est pas sans rappeler un certain Monk. Son acolyte (et plus que ça ?) Roddy Mace n'est pas assez creusé je trouve, on en sait que trop peu sur son passé londonien.
Les révélations finales ne réservent pas de grosses surprises je trouve mais je note l'habileté de l'auteur à immiscer dans son récit une part d'histoire récente de l'Angleterre en la personne d'un sinistre animateur télévisé.
Bref, un thriller plus qu'honnête mais qui ne "révolutionne pas le genre", distrayant sans être vraiment marquant.31/01/2019 à 21:39 6
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Zone 10
Christos N. Gage, Chris Samnee
7/10 Lors d'une intervention, l'inspecteur Adam Kamen est violemment poignardé avec un tournevis par un forcené qui se défenestre ensuite d'un building à New York.
Atteint en plein front, Kamen s'en sort miraculeusement. Mais désormais il est doté d'une sorte de pouvoir : il est capable d'anticiper de quelques secondes les évènements à venir.
S'ensuit une intrigue sanglante sur les traces d'un coupeur de tête surnommé Henry VIII, qui sème cadavres sans tête sur son sillage.
Et si l'agression de Kamen avait un lien avec le serial killer ?
Dessins en noir et blanc, tout en ombres et en lumières, cette BD est incontestablement une réussite mais il m'a manqué un petit quelque chose pour la trouver incontournable.31/01/2019 à 21:12 2
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Little Rock
4/10 Tout d'abord merci aux éditions Livre de Poche et à Polars Pourpres de m'avoir permis de découvrir ce roman, dans le cadre des enchères de Noël de 2015.
Bon, la note est assez éloquente, donc autant le dire tout de suite : je n'ai pas apprécié cette lecture.
Foutraque, décousu, bourré d'ironie et de digressions à n'en plus finir... malgré un potentiel indéniable dans le style de l'auteur. Seulement voilà, son exploitation m'a très souvent ennuyé, ennui à peine évacué lors des 40 dernières pages un peu plus haletantes... sur 375.
Etrange sensation en refermant le livre, comme un goût de "il y avait tellement mieux à faire avec une histoire pareille".
Bon, ce n'est que mon avis, je serai curieux de découvrir ce qu'en pensent d'autres lecteurs ici.20/01/2019 à 23:56 8
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On achève bien les chevaux
9/10 Publié au milieu des années 30, en plein marasme économique post-crise de 29, Horace McCoy (auteur classé parmi les pessimistes voire nihilistes par Jean-Bernard Pouy dans sa Brève histoire du roman noir, et à juste titre) nous entraîne dans un court roman désespéré en s'appuyant sur les stupéfiants "marathons de danse" ou comment cette société du spectacle permanent (l'histoire se passe à Hollywood) exploite la misère humaine. D'ailleurs ce ne sont pas des individus qui participent mais des numéros (couple n°1, couple n°2 etc...). A la clé, quelques milliers de dollars (au mieux) pour le couple vainqueur.
Tout est bon pour s'amuser, point d'ennui possible parmi les nombreux spectateurs : on organise des derby durant lesquels les couples doivent danser le plus vite possible et à l'issue desquels certains sont éliminés ; on va même jusqu'à célébrer un mariage (plus ou moins bidon) pendant la compétition... Et jamais la machine ne doit s'arrêter, les temps de pause sont d'à peine 10 minutes pour faire ses besoins, manger, se laver, se reposer... délirant mais réel. L'analogie avec les chevaux n'est évidemment pas fortuite et quel trait de génie de conclure le roman par cette phrase qui lui donne son titre !
Et puis si cette ignominie ne suffisait pas, Horace McCoy a choisi une blonde suicidaire (Gloria) pour former le couple que l'on va suivre tout au long du récit. A mesure que la compétition avance, Gloria veut de plus en plus en finir avec la vie... ambiance...
Bref,
Un texte bien noir et, si la plume de McCoy n'a rien d'exceptionnel, qui reste un incontournable dans l'histoire du polar.17/01/2019 à 12:31 9
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Le Lac
7/10 Attention SPOILER dans cet avis si vous n'avez pas lu Vongozero.
Anna, Sergueï et les autres ont réussi à atteindre le lac Vongozero. Mais sur place, une communauté est déjà installée, obligeant le petit groupe à vivre sur une toute petite île, dans une promiscuité rapidement insupportable. Tensions, accidents, drames, survie... la vie des survivants de Vongozero, loin d'être la libération attendue, va vite se révéler être un enfer glacé...
J'ai trouvé cette suite à Vongozero beaucoup plus sombre, beaucoup plus désespérée. Et paradoxalement, alors que le roman est plus court (100 pages de moins en version poche), j'ai eu le sentiment qu'il y avait bien plus de longueurs et j'étais parfois pressé de le terminer. C'est vraiment cette absence d'espoir, le moral en berne de chacune et chacun qui pèsent sur le lecteur. On ne se demande presque plus s'ils vont s'en sortir mais plutôt comment vont-ils mourir ?
Bref, une suite peut-être logique et objectivement un bon roman mais que j'aurais aimé moins désespéré.16/01/2019 à 10:48 4
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Vongozero
8/10 Dans un futur proche, une mystérieuse pandémie ravage la Russie. L'armée, l'Etat, plus rien ne tient debout et le chaos s'installe.
Anna et Sergueï, un jeune couple vivant en banlieue de Moscou avec le fils d'Anna décident de quitter leur confortable maison pour atteindre un lac en Laponie, appelé Vongozero.
Voilà pour le pitch.
J'ai beaucoup aimé ce roman qui se fait dans un climat post-apocalyptique réussi même si le fait de ne pas en savoir beaucoup plus sur l'origine de la pandémie est un petit peu frustrant. Mais rien de bien grave au final car tout l'intérêt réside dans l'attitude des différents personnages, principaux comme secondaires, leurs réactions, leurs choix etc... Road-trip dans l'Ouest de la Russie avec une héroïne attachante et dont on se sent proche, notamment grâce à l'utilisation de la première personne du singulier pour mener le récit. Frémissements à chaque rencontre (sont-ils contaminés ? Sont-ils bons ? Méchants ?...).
La description de la Russie glacée ajoute à ce sentiment oppressant et envoûtant à la fois. Le suspense ne relâche jamais son étreinte jusqu'au bout des 540 pages (version poche) et l'on a juste envie d'enchaîner avec sa suite, Le Lac, ce que j'ai d'ailleurs rapidement fait.16/01/2019 à 10:39 7
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Un si joli jardin
Marguerite Abouet, Donatien Mary
8/10 Le Commissaire Kouamé a été nommé "Commissaire du pays" (la Côte d'Ivoire) pour faire baisser la criminalité. A peine nommé, il doit enquêter sur la mort d'un haut magistrat et ami personnel, retrouvé criblé de balles dans un hôtel miteux. Secondé par son adjoint blanc Arsène et son Austin Mini de 1959, il part sur les traces de l'assassin... avec des méthodes disons... plus que discutables !
Beaucoup d'humour, parfois noir (le coup des radiateurs, l'interrogatoire musclé du gérant de l'hôtel...) dans cette bonne BD, plaisante à lire, dépaysante et franchement drôle. Et sous un aspect un peu bouffon, se cache une intrigue bien plus profonde qu'elle n'y paraît.
Une bien bonne découverte !13/01/2019 à 19:39 3