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L'Année du lion
9/10 Beaucoup de choses ont été dites dans les précédents commentaires. Plutôt que de les répéter, je résumerai mon avis au fait que j'ai adoré me plonger, jour après jour, dans ce pavé, récit dystopique aux allures de conte inscrit dans une époque peut-être pas si lointaine mais que l'on espère ne jamais arriver.
Écriture fluide qui nous entraîne avec aisance aux cotés de personnages attachants, au cœur d'une histoire captivante, un roman fabuleux, un vrai coup de cœur.
L'Année du Lion fait partie, à n'en pas douter, des rares romans qui marquent considérablement et durablement une vie de lecteur. A découvrir sans attendre !23/04/2019 à 18:35 13
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C'est l'histoire de la Série Noire (1945-2015)
Ouvrage collectif
10/10 J'ai lu avec passion cet ouvrage destiné à célébrer les 70 ans de la Série Noire que j'ai découvert assez tardivement. L'approche est chronologique et plusieurs pages sont dédiées à des thèmes divers comme le projet "Série rouge" finalement abandonné, la "Série Noire et le cinéma" (passionnant) ou encore "La Série Noire et le roman noir américain", le tout agrémenté de nombreuses photos, documents d'époque, pièces d'archives (notamment p.190 à 239).
On y découvre la genèse de la SN avec, dès les années 1920-30, des collections comme "Les Chefs-d'oeuvre du roman feuilleton" (Gaston Leroux, Gustave Le Rouge...), "Les Chefs-d'oeuvre du roman d'aventures" (Van Dine, Edgar Wallace...), "Détective" (Gaston Boca, Raymond Fauchet, Noël Vindry, Ellery Queen, Earl Stanley Gardner, Leslie Charteris...) ou encore "Le Scarabée d'Or" (1936) avec notamment Rex Stout en fer de lance.
C'est en 1945, avec Marcel Duhamel à sa tête, que naît la Série Noire, marquéé tout d'abord par les deux anglais Peter Cheyney et James Hadley Chase. Dans une France marquée par la disette de romans noirs "américains" (écrits d'abord par des Anglais) durant la Seconde Guerre mondiale, le succès est au rendez-vous. Les 6 premiers titres (de 1945 à 1947) se vendent à 70 000 exemplaires.
1948 marque le "véritable lancement" (p.36) de la SN avec un rythme de parution plus élevé et des tirages plus importants. Le manifeste de la collection, signé Duhamel, date d'ailleurs de cette année-là.
Arrivent alors à la SN des auteurs mythiques comme James M. Cain, Raymond Chandler, Don Tracy... Le premier français publié (décembre 1948), Serge Arcouët, doit prendre le pseudonyme de Terry Stewart.
Face au succès, Gallimard lance une 2e collection, intitulée "Série Blème" (1949). Sensée accueillir les "suspense stories", avec un rythme d'une parution par mois, cette collection est un échec et est arrêtée deux ans plus tard, avec 22 titres au total (dont certaines seront republiés dans la S.N.).
Les années 1953-54 marquent la "percée des Français" avec Albert Simonin et son Touchez pas au Grisbi ! (meilleure vente de l'histoire de la SN avec 215 000 exemplaires vendus avant 1971), ou encore Auguste Le Breton et Dominique Ponchardier (avec sa série "Le Gorille").
Après 10 ans, la SN cartonnne : plus de 230 titres parus et 10 millions d'exemplaires vendus !
1959 marque l'entrée de l'auteur le plus prolifique jusqu'ici de la SN, Carter Brown (+ de 120 titres entre 1959 et 1974 !).
Les années 1960-70 sont marquées par une production quasi-industrielle avec la parution de 6 titres par mois. Un tirage moyen d'un titre de la SN se situe aux environs des 30 000 exemplaires par titre dans les années 60, 22 000 en 1978.
En 1977, Marcel Duhamel s'éteint, après 33 ans à la tête de la Série Noire, remplacé par Robert Soulat. Deux ans auparavant, la SN connaissait une crise importante avec 15 titres publiés en 1975 et seulement 5 en 1976.
La concurrence de la "Super Noire" en 1974 n'était pas pour rien dans cette crise (Super Noire qui s'arrêtera finalement en 1979 avec 134 titres parus).
Une partie fort intéressante est dédiée à la concurrence de la SN. En effet, pas moins de 35 collections de romans policiers et d'espionnage coexistent durant ces décennies, chez Calmann-Lévy, Denoël, Fayard, Fleuve Noir (Spécial Police, Engrenage, San Antonio), Lattès, Plon (SAS), Presses de la Cité, Rivages/Noir (1986), Rivages/Thriller, Oswald, Albin Michel (Spécial Suspense)...
Fin années 1970-début 1980, de nouveaux auteurs français intègrent la SN : Hervé Prudon, Joseph Bialot, Philippe Conil, Tito Topin, Jean-Paul Demure suivis par, en 1984-85 (années exceptionnelles !) Didier Daeninckx, Jean-Bernard Pouy, Marc Villard, Thierry Jonquet, Daniel Pennac !
En 1991, Robert Soulat est remplacé par Patrick Raynal (interview p. 134 à 142) qui abandonne la contrainte d'un nombre de pages maximum (jamais plus de 250 jusqu'ici, souvent aux alentours de 180) et contribue à l'arrivée d'auteurs venus du monde entier (et plus seulement français ou anglo-saxons). Il laisse à son tour la place à Aurélien Masson en 2005. En juin 2015, Le Dernier coup de Kenyatta de Donald Goines est le dernier SN numéroté (n°2743).
Que l'on soit amoureux de cette collection ou totalement novice, on ne peut ressortir indifférent de la lecture de cet ouvrage fascinant dédié à une collection mythique tout autant fascinante. Dire que j'ai adoré cette lecture est un euphémisme !
23/04/2019 à 17:46 4
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Les Amants du bord de mer
6/10 80 premières pages d'une tristesse abyssale, désespérantes, entre un jeune homme très pauvre, Diumio, qui rêve de voir la mer avec sa chérie, Simona, tout aussi pauvre que lui et qui, pour ce faire, réalise un cambriolage qui tourne (forcément) mal, tandis que parallèlement, une jeune bourgeoise, Edoarda, amoureuse et en couple avec un homme qui la délaisse régulièrement au profit de sa soeur névrosée, se rend compte de la vacuité de son existence.
Heureusement, une fois la rencontre faite entre ces deux êtres que tout oppose, l'histoire décolle un peu, ou plutôt devient plus palpitante disons, on s'intéresse enfin à l'histoire, à mesure que l'espoir pointe grâce aux efforts d'Edoarda pour tirer Diumio de son cauchemar éveillé.
Quelques beaux moments, poétiques, comme lors de la rencontre, en fin d'ouvrage, entre Duimio et une gamine sur une plage.
Pas de quoi cependant effacer complètement la frustration de la première moitié de ce court roman, durant laquelle j'ai eu envie d'abandonner ma lecture à plusieurs reprises.
Au final, un ressenti mi-figue mi-raisin, mais tout de même quelques belles images en tête issues de certaines scènes du roman qui resteront probablement longtemps dans ma mémoire.23/04/2019 à 14:17 4
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5 octobre, 23h33
7/10 Une 4e de couv' et une couv' hyper alléchantes et mystérieuses, des mots dithyrambiques de Mr Michael Connelly himself, aïe, Le Cherche Midi n'en ferait-il pas trop ? Hélas, un peu trop si. Car je n'ai trouvé le livre ni "captivant", "perturbant" ou "effrayant" pour reprendre le vocabulaire employé sur les 4e de couv'/couv'.
En revanche, j'ai apprécié suivre cette enquête originale (un meurtre commis dans un immense manoir de l'Iowa où vivent, gratuitement, des paumés d'un genre particulier...), avec le vampirisme en toile de fond et la fascination que peut exercer un être aux pouvoirs "surnaturels" (notez les guillemets) sur une bande de jeunes à l'esprit égaré. On navigue entre l'Iowa et le Wisconsin dans les pas du shérif Carl Houseman, un personnage vraisemblablement très proche de ce que fut l'ancien flic Donald Harstad (en outre la femme de l'auteur fut institutrice, comme celle de son personnage), un héros dont on se sent proche, grâce à l'utilisation de la première personne du singulier mais aussi et surtout parce que Carl Houseman a toujours de l'humour, sans être lourd, malgré les actes ignobles auxquels il doit faire face. Un personnage particulièrement humain qui s'inscrit dans une enquête qui se veut réaliste, l'auteur utilisant sa propre expérience pour nous faire vivre de l'intérieur et au plus près l'enquête, à commencer par l'usage des codes dont se servent les patrouilles pour faciliter la communication et éviter les oreilles indiscrètes (tout cela est bien détaillé en fin d'ouvrage).
Au final une lecture très plaisante, aucunement flippante mais plutôt accrocheuse, grâce à une intrigue originale, un héros attachant et un réalisme que l'on doit à l'expérience policière de l'auteur. Premier Harstad pour moi, sûrement pas le dernier.23/04/2019 à 13:41 2
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Manhattan chaos
7/10 Manhattan Chaos, chaos d'une ville, chaos dans la tête d'un camé. Par n'importe quel camé, monsieur Miles Davis himself. Biographie d'un homme, biographie d'une ville, regard dans le rétro de la Big Apple, à mesure que Davis ne cesse de se retourner pour voir s'il a réussi à semer ses poursuivants. Des poursuivants, ou des fantômes, extraits du passé, XIXe comme XXe siècle.
Le tout solidement documenté sur une époque et un contexte déjà explorés par l'auteur dans Fils de Sam notamment. Michaël Mention déborde les faits, l'imagination débridée comme l'est le cerveau déglingué de son héros. Un héros et son mauvais génie, John, qui ne cesse de relancer la roue de l'histoire, et bim, c'est reparti pour un tour ! On court, on souffle, on souffre, on suffoque, on perd haleine, on est exténué dans ce tourbillon mené à 100 à l'heure, ça va très vite, peut-être trop vite...
Si je n'ai pas été sensible aux références musicales (novice que je suis), j'ai en revanche apprécié les pans de l'histoire de New York. Un style toujours aussi reconnaissable, peut-être plus accentué encore dans cet opus -ci et qui ne plaira pas forcément à tout le monde.
Bref, encore une solide pierre de plus ajoutée à l'édifice de l’œuvre déjà conséquente bâtie par Michaël Mention, une œuvre qui fait écho au chaos du monde...22/04/2019 à 11:50 8
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Marée d'équinoxe
6/10 Un meurtre absolument sordide en ouverture (j'ai rarement "lu" plus sordide), un cold case déterré par une étudiante en école de police, voilà qui a de quoi harponner l'amateur de thrillers !
Et les deux premières heures d'écoute (livre audio) confirment ces bonnes dispositions mais le rythme perd en intensité, l'héroïne manque de personnalité, bref on en vient à s'ennuyer. Des scènes mémorables cependant, comme celle d'ouverture mais aussi celle de "kids fighting", font que le roman est loin d'être mauvais, d'autant plus que lorsque toutes les pièces du puzzle sont assemblées, l'intrigue a fière allure, avec des thèmes abordés aussi éclectiques qu'intéressants (pêle-mêle : les SDF, les combats d'enfants, l'exploitation minière en Afrique, les hautes sphères politico-économiques etc...) et un twist final excellent. Hélas, des longueurs et un rythme trop haché m'ont fait décrocher de temps en temps. En outre lecture de Françoise Miquelis manque de peps...
Bref, un thriller qui n'a malheureusement pas tenu toutes ses promesses ; malgré d'excellents ingrédients sur le papier, la recette n'a que fonctionné par intermittence.19/04/2019 à 18:20 6
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Sudestada
8/10 Très belle BD, dans laquelle un détective privé de Buenos Aires pas franchement sympathique va tomber amoureux de la femme qu'il piste. Beaucoup de poésie, d'amour(s) dans cette jolie BD, très plaisante à découvrir.
15/04/2019 à 22:39 2
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Du sang sur les mains : de l’art subtil des crimes étranges
9/10 J'ai beaucoup aimé cette BD atypique. Un peu désarçonné au début par le dessin, très inégal, j'ai accroché à ces "nouvelles dessinées" ("La Fourmi" est ma préférée) qui peuvent se lire de façon indépendante mais qui forme un tout cohérent, avec des thèmes abordés de façon intéressante comme la loi, l'art, les codes qui régissent nos sociétés, le bien/le mal etc... le tout sur fond de manipulation machiavélique. Une BD puzzle dont les pièces s'emboîtent à merveille.
Une oeuvre singulière qui mérite le détour.15/04/2019 à 22:03 2
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Orphelines
6/10 Franck Bouysse maîtrise parfaitement les codes du thriller dans ce Noire porcelaine : des meurtres tordus, des indices laissés à l'intention du duo d'enquêteurs (chacun avec ses fêlures comme dit dans le précédent commentaire), une traque qui va crescendo, des fausses pistes, tout y est. Mais c'est justement peut-être trop classique, trop sage, avec cette impression de "déjà-vu" qui fait que le roman, sans se lire avec déplaisir, ne laisse pas une trace particulière au cœur de la production importante de thrillers des 20 dernières années.
Sympathique donc, avec une qualité d'écriture qui laisse présager de bonnes choses (confirmées avec grand talent par la suite) mais pas inoubliable.15/04/2019 à 11:35 6
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My Absolute Darling
7/10 Avec My Absolute Darling, Gabriel Tallent a écrit une oeuvre profondément dérangeante et assurément marquante.
Deux personnages hors du commun : le père, Martin, tout d'abord. Un monstre pervers, manipulateur, incestueux, un ogre des temps modernes. Un homme complexe, érudit, lecteur d'ouvrages philosophiques, misanthrope et misogyne, un authentique croque-mitaine dont le but n'est pas de rendre sage sa fille, Turtle/Croquette, mais bien de la terroriser, d'osciller sans cesse entre violence physique, viol et mots cajoleurs.
Et il y a donc Turtle. Une adolescente totalement paumée, à mi-chemin entre la bête et la femme, dont "l'éducation" pervertie du père a rendu totalement désorientée. Entraînée au maniement des armes, bercée par des discours pseudos-philosophique sur la fin du monde et son après, frappée de temps en temps, "visitée" la nuit par son ogre de père, en retard sur le plan scolaire, sans amis, sans vie sociale autre que celle se résumant à quelques échanges avec son grand-père, Turtle nous émeut autant qu'elle nous questionne et nous désoriente à son tour : pourquoi ne pas partir, pourquoi ne pas assassiner son monstre de père ?
Un roman perturbant dont il est impossible, pour ma part, d'en ressortir en disant "j'ai aimé ce livre". En revanche, oui, c'est un bon roman car il nous questionne sans cesse et la cruauté qui y est à l’œuvre nous marque au fer rouge.31/03/2019 à 11:53 5
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La Fête infernale
7/10 Brandon, adolescent cruel, terrorise sa petite soeur, les enfants du quartier et jusqu'aux petits dont il a la garde dans le cadre de soirées babysitting.
Une cruauté "pour rire" qu'il prolonge au collège, aidé de son ami Cal, une brute épaisse.
Tous deux préparent Halloween avec avidité, pressés de mettre en oeuvre leur "talent", en s'en prenant notamment à leur professeur d'EPS, "coupable" d'une remontrance à Brandon, ce qui n'a pas du tout plu à ce dernier.
Oui mais voilà, à force de trop tirer sur la corde, elle finit par casser.
Ou comment R.L. Stine illustre l'expression "l'arroseur arrosé" dans un Chair de Poule de bonne facture.31/03/2019 à 11:35 1
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Du bruit sous le silence
7/10 Un roman en terre rugbystique, avec Toulouse comme épicentre, voilà qui s'annonce bien !
Une star du "Racing Club de Toulouse" (les couleurs rouges et noires ne trompent pas, il s'agit bien d'un succédané du Stade Toulousain) est assassiné en se rendant à l'entraînement. Deux flics à la manœuvre pour résoudre cette affaire retentissante : Elie Verlande, commissaire venu du Nord et dont l'acclimatation n'est pas des plus réussies et Benoît Terrancle, un local ou presque. Deux flics que tout oppose. Par ailleurs le premier est persuadé que le coupable est un rugbyman, le second était certain que ce ne peut être le cas. Ce dernier n'en sait-il pas d'ailleurs plus que ce qu'il affirme ?
Que les novices de ce "sport de brutes joué par des gentlemen" ne s'inquiètent pas. L'auteur, via les questions posées et les réponses obtenues par son personnage Elie Verlande, permet à n'importe qui de saisir les règles, l'ambiance, les valeurs de ce sport. On sent d'ailleurs que Pascal Dessaint, originaire du Nord mais arrivée dans la région toulousaine à l'âge de 20 ans, aime le rugby et parvient avec réussite à transmettre cet amour.
L'intrigue n'est pas révolutionnaire et ne restera probablement pas longtemps en mémoire mais c'est bien l'originalité du thème, le milieu du rugby, adossé à cette belle ville rose, capitale française de l'ovalie, qui mérite le détour.13/03/2019 à 21:49 7
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Le mystère ô combien mystérieux du hold-up du 36 janvier
8/10 Un polar jeunesse très drôle, l'auteur s'amuse avec les mots et joue avec ses personnages, à commencer par le brigadier Pito, à l'origine d'un quiproquo qui fera beaucoup rire les jeunes lecteurs (dès 6/7 ans). Je n'ai lu que 3 livres de la série sur 6 mais celui-ci est vraiment réussi.
13/03/2019 à 13:46 2
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La Première Enquête de Maigret
8/10 Voilà un Maigret très particulier : la première enquête du plus célèbre des commissaires littéraires de la police française.
Nous sommes en avril 1913 : jeune marié, âgé de 26 ans, Jules Maigret, alors simple secrétaire du commissariat du quartier Saint-Georges (Paris, IXe arrondissement) et aspirant à la carrière d'inspecteur, voit venir en pleine nuit un jeune homme qui dit avoir été témoin d'une drôle de scène, à deux pas de là : dans un hôtel particulier, une femme a passé sa tête par une des fenêtres, hurlé, puis est revenue à l'intérieur de la pièce, la fenêtre vivement fermée avant que n'éclate un coup de feu.
Dès le départ, Maigret s'intéresse à cette affaire qui s'avère cependant très délicate car l'hôtel particulier appartient à la grande famille bourgeoise des Balthazar, fondatrice des fameux cafés du même nom.
Il faudra toute la persévérance de Maigret pour venir à bout d'une enquête durant laquelle la bourgeoisie serrera les rangs pour éviter à la "grande famille Balthazar" un immense scandale. C'est un roman où la conscience de classe (ici la bourgeoisie) est exposée d'une manière peu complaisante et même si elle triomphe, elle en prend quand même pour son grade. Maigret en ressort marqué, presque dégoûté mais aussi, dans la foulée, promu inspecteur au 36 Quai des Orfèvres...
C'est justement ce Maigret en devenir qui est intéressant car déjà les caractéristiques que l'on retrouvera dans les enquêtes à venir (en fait beaucoup ont déjà été écrites car ce roman paraît en 1949, quand les premiers Maigrets datent de 1931) sont présentes : Jules est un homme droit, fin observateur, obstiné, soucieux de bien faire, sûr de son bon droit et déterminé à faire éclater la vérité, sans juger, même si cette vérité dérange. Bref, un être doté d'une belle humanité. J'ai aimé aussi la personnalité de Mme Maigret qui, si elle ne joue pas un rôle de premier plan, est un soutien indéfectible au futur commissaire.
Un Maigret différent donc, aux balbutiements de sa carrière policière et en même temps, un passage obligé pour tout "Maigretophile" et plus généralement pour toutes celles et ceux qui veulent mieux comprendre, à travers ses débuts, la personnalité d'une figure incontournable du roman policier.08/03/2019 à 19:14 5
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Mangez-le si vous voulez
6/10 Pas toujours facile de romancer un fait divers historique, de tenter de reconstituer les mots des protagonistes (victime comprise). Jean Teulé s'est pour cela appuyé sur une bibliographie d'une douzaine d'ouvrages, dont ceux de Georges Marbeck (que je n'ai pas lus) et l'excellente étude de l'historien des sensibilités Alain Corbin, Le Village des "cannibales" (lu et relu après coup).
Quelques remarques, en vrac : le format très court (une centaine de pages en poche) diminue un peu l'immersion dans le contexte au profit d'une description des actes de cruauté dont fut victime Alain de Monéys et sur lesquels je reviendrai plus tard.
Le contexte justement : celui local, immédiat comme récent, avec une sécheresse persistante qui fait tant de mal aux cultivateurs, une chaleur étouffante ce 16 août 1870, le vin servi pendant cette frairie dédiée à Saint-Roch et qui fait tourner les têtes et chauffent les crânes... Cette fête qui rassemble des gens venus des communes alentours, jusqu'à 20 km de cette bourgade du nord-ouest de la Dordogne.
Le contexte international, la guerre franco-prussienne, une guerre mal engagée, là où pourtant on annonçait des victoires rapides et où au contraire les défaites qui se succèdent effraient les gens d'Hautefaye. On craint l'invasion, on se méfie des "Prussiens de l'intérieur", dont on pense qu'ils se trouvent en masse chez les nobles. Certains enfants des protagonistes sont au front, certains remplaçant les plus riches grâce au système de rachat des "numéros"... Les Prussiens, les nobles, les riches... voilà les ennemis, voilà les destructeurs de l'Empire, l'Empire de Napoléon III qui jouit d'une si bonne réputation au sein des masses paysannes.
Et Alain de Monéys est là, lui. De petite noblesse, un trentenaire avenant, généreux, proche des gens d'Hautefaye. Il a un cousin, Camille de Maillard, un légitimiste qui, par ses mots, met le feu aux poudres, embrasant la foule présente. Il s'enfuit. Alain de Monéys prend sa défense, maladroitement. La foule en colère va alors se déchaîner, pendant plusieurs heures sur ce malheureux, qu'ils brûleront finalement. Car c'est un noble donc un traître donc un Prussien...
Fait divers tragique, surgissement de bestialité, déchaînement de violence inouïe, "dernier des massacres nés de la fureur paysanne" (Alain Corbin).
Des reproches ? Quelques-uns. On peut toujours gloser sur des inexactitudes, des anachronismes (comme l'allusion à un isoloir qui n'existait pas encore). En revanche, difficile de comprendre pourquoi Alain Teulé en a rajouté dans l'horreur avec des scènes non prouvées, inventées. Quel besoin alors que le fait divers est suffisamment horrible ? Quant aux prétendus actes de cannibalisme, ils n'ont jamais été prouvés (noter les guillemets à "cannibales" dans le titre de l'ouvrage d'Alain Corbin).
Autre reproche, l'absence de références au prétendu républicanisme de de Monéys, alors qu'Alain Corbin montre bien l'importance de cette accusation dans la psychologie des bourreaux qui agissent pour défendre avant tout Napoléon III. Alain de Monéys est noble, prétendument contre l'Empire, "Prussien" mais aussi "républicain" dans la tête des tortionnaires.
Au final, un court roman (ou plutôt une novella) basé sur un fait réel, au style vif et agréable mais qui souffre à mes yeux de quelques défauts, au premier desquels l'ajout de violences nées de l'imagination de l'auteur là où l'horreur des faits réels se suffit à elle-même.03/03/2019 à 20:21 6
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Le Prix de la liberté
8/10 Ce tome 2 de "Forçats" est davantage centré sur Albert Londres que sur Eugène Dieudonné qui, malgré le succès retentissant des articles du grand reporter (voir tome précédent), croupi toujours au bagne. Albert Londres va alors tout mettre en œuvre pour innocenter Dieudonné des faits qui lui sont reprochés, sa participation à la bande à Bonnot.
Un style et des dessins toujours aussi agréables à l’œil et une histoire une nouvelle fois très intéressante, basée sur des faits réels.
Le texte rédigé par l'historienne Danielle Donet-Vincent en fin d'ouvrage, à savoir une biographie d'Albert Londres, complète parfaitement cette très bonne BD.
03/03/2019 à 19:46 2
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Idaho
4/10 130 pages pour commencer à apprécier (un peu) ce roman dont j'ai, à plusieurs reprises, eu l'envie de ne pas le terminer tant l'ennui dominait.
Pourquoi ? Parce que l'auteure a en a trop fait. Il y a trop de choses dans ce roman, trop d'évènements mélangés avec des allers-retours dans une chronologie déjà confuse, rendue encore plus confuse par l'Alzheimer d'un des personnages, sans compter l'imagination débordante d'Ann, obsédée par le dramatique passé de son mari ou encore tous les passages où l'auteure décrit le quotidien de Jenny.
C'est voulu, bien sûr, mais les digressions sont si nombreuses que l'on si perd et surtout, j'ai cherché l'intérêt de tout cela.
En refermant le livre, une fois la dernière page tournée (car oui, je suis allé au bout), le sentiment dominant était : "tout ça pour ça" !
Idaho, qui promettait tant, fut au final un récit lourd, dans tous les sens du terme, qu'il m'a été très pénible de lire.
Il y a une qualité de plume indéniable chez Emily Ruskovich mais cette qualité est diluée dans une construction tortueuse, aussi tortueuse que l'est la psychologie de ses personnages.
Dommage.01/03/2019 à 12:28 9
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Neiges d'antan
8/10 Pete et Joe tiennent un chalet de montagne où ils accueillent des touristes venus chasser et pêcher. Une affaire qui marche bien.
Alors qu'une tempête de neige se prépare, Ed Kent, un homme richissime et client du duo, annonce son arrivée. Il vient avec sa femme, Marty.
Mais Marty n'est pas une inconnue pour Pete : c'est son ex-femme, qui l'a quitté il y a une dizaine d'années.
Voilà non pas un trio, mais un quatuor infernal qui se forme : le riche mari jaloux, l'ex-mari rancunier, la femme fatale, vénale et manipulatrice et enfin l'ami, Joe, très intéressé par cette dernière. Une situation explosive dont la tempête de neige qui sévit au-dehors empêche toute sortie.
Publié en 1937, ce court roman se lit très bien. L'auteur a su planter un décor et des personnages propices à une tension psychologique qui va aller crescendo. Un regret, cependant : la traduction de Max Morise de 1947 (n°5 de la Série noire) aurait besoin d'un sérieux rajeunissement. J'ai par ailleurs eu le sentiment que le texte souffrait d'ellipses, sans savoir si elles sont le fait de Don Tracy ou le résultat de coupes de la part de la Série noire que l'on sait peu regardante à l'époque sur ce genre de pratiques... Là encore, une nouvelle traduction, du texte intégral bien sûr, serait la bienvenue.
Car ce texte est d'une étonnante modernité et sans les quelques références au contexte de l'époque (la crise de 29 et ses effets principalement) l'on pourrait aisément imaginer qu'il se passe de nos jours.
Cela faisait longtemps que je voulais lire ce roman et il a été à la hauteur de mes espérances. Neiges d'antan fait partie des premiers suspenses psychologiques où le huis clos n'est pas imaginé comme un endroit duquel l'on doit résoudre une énigme (de type chambre close) mais comme un lieu où sentiments et émotions sont exacerbés. Une bien belle réussite.01/03/2019 à 12:12 5
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Évasion
9/10 Fab, le premier à commenter ce roman sur Polars Pourpres, a écrit ceci : "L'essentiel est dans la sublime écriture de Benjamin Whitmer pour capturer l'essence d'Old Lonesome ville pénitentiaire où de plusieurs manières tout le monde est prisonnier que l'on soit détenu, gardien ou habitant. Une sensation renforcée par le blizzard qui surgit au cours de cette échappée belle."
Complètement d'accord avec cela (sauf peut-être pour "l'échappée belle") : j'ai trouvé l'écriture de Whitmer absolument magnifique alors même que ce qu'il (ra)conte est moche, franchement moche, que ce soit dans l'attitude, les gestes, les mots des différents protagonistes. On sent un gros travail dans la recherche du mot juste, de l'expression qui claque, de la métaphore qui frappe (et elles sont nombreuses et souvent excellentes). J'ai rarement lu aussi belle plume.
J'ai aimé aussi l'alternance des points de vue qui, grâce à une construction ciselée à la perfection, nous permet de suivre la cavale et la traque dans la peau de différents personnages, traqueurs comme traqués, ou simples personnages placés par le destin sur la route des fuyards.
Et je me suis malgré tout attaché à certains acteurs du roman car ce n'est évidemment ni tout blanc ni tout noir mais souvent avec une large nuance de gris du côté des protagonistes, dans ce blanc neigeux où souffle la colère des hommes.
Ce fut un coup de cœur, merci aux éditions Gallmeister et merci à Polars Pourpres d'avoir pu organiser un passe-livre qui m'a permis de découvrir ce bijou noir, que je me procurerai pour qu'il rejoigne ma bibliothèque perso.
24/02/2019 à 23:15 7
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Coma
6/10 Étudiante en 3e année, Susan Wheeler, une très belle jeune femme, vient au Boston Memorial Hospital pour y faire un stage, avec d'autres étudiants. Sur place, l'interne qui chaperonne le groupe, Mark Bellows, tombe sous le charme de Susan. Cette dernière, au caractère bien trempé est très vite interpellée par le grave incident qui a frappé Nancy Greenly, une jeune femme du même âge qui est venue pour une opération bénigne et qui se retrouve de manière incompréhensible dans le coma après l'opération. Quant c'est au tour de l'architecte Sean Breman (avec qui Susan venait tout juste de sympathiser), Susan commence à avoir de sérieux doutes sur le côté accidentel de ces comas. Et lorsqu'elle plonge dans les archives de l’hôpital, force est de constater qu'il y a bien une "épidémie" de comas dans celui-ci. Susan met alors toute son énergie pour percer ce mystère, aidée notamment par l'interne Bellows.
Oui mais voilà, son toupet, sa jeunesse et surtout cette manie de fouiller partout ne plaisent pas aux pontes de l’hôpital, trop attachées à ce que la réputation de "leur" hôpital reste immaculée... à moins qu'ils ne cachent quelque chose de bien plus grave...
Publié en 1977, Coma ("Morts suspectes" lorsqu'il est sorti en France l'année suivante) est le premier grand succès de celui qui est considéré comme le maître du thriller médical. Si le rythme de l'enquête est assez lent malgré un temps du récit ramassé sur seulement 4 jours, avec beaucoup de descriptions (notamment des pratiques médicales, mais rien de rédhibitoire), elle reste plaisante à suivre, notamment parce que Susan Wheeler est attachante, par sa pugnacité, par son franc-parler.
Rien de bien transcendant mais j'ai passé près de 9 heures de lecture agréables (livre audio) et le léger accent québécois du lecteur de la version audio que j'ai écoutée (disponible sur Youtube) ne fut pas pour me déplaire.
A noter que le roman a été adapté dès 1978 par Michael Crichton (oui oui, celui de Jurassic Park !) avec, entre autres, Michael Douglas dans le rôle de Mark Bellows et Geneviève Bujold qui joue Susan (je n'ai pas encore vu cette adaptation).24/02/2019 à 22:17 4