535 votes
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Les Filles du panier
8/10 Cet homme est détestable au plus haut point. Cet homme n’est pas une fiction mais il a « bel et bien » existé. Compte tenu de la bibliographie fournie par l’auteur, les faits décrits semblent avérés, dans un contexte libertin de l’époque où le mot consentement n’avait pas encore été inventé. Une véritable œuvre d’historien de l’horreur.
A mon avis il serait dommage de dissocier ces deux volets traitant des malveillances du Marquis.
Rappel Tome 1 – L’affaire Rose Keller
Un roman féministe tellement actuel
Trois femmes se partagent l’affiche de ce premier volet : la victime, la prostituée et la complice …elles ont toutes à en vouloir à l’infâme Marquis de Sade, bien connu et déjà condamné, influent et pervers, une seule l’aime. Il attire ses proies et les humilie pour son plaisir solitaire, ou partagé avec son non moins infâme serviteur.
Les rapports ambigus avec son épouse et sa belle famille en font le personnage le plus toxique que j’ai rencontré dans mes lectures. Quand je pense que dans le processus créatif, les auteurs partagent leur vie avec leurs héros jusqu’à la publication de leurs œuvres, j’espère que Ludovic Miserole a su se préserver du divin marquis.
Tome 2 – Les filles du panier
Comme dans le tome 1, la première partie du roman décrit les exactions du marquis de Sade et le détail apporté aux descriptions met très mal à l’aise, révélant des sévices et des perversions inimaginables. La base documentaire utilisée par l’auteur et disponible en fin d’ouvrage ne laisse aucun doute sur la véracité des faits. La seconde partie est d’avantage consacrée à la quête de la vérité, menée par ses victimes et leurs familles. On y retrouve les protagonistes du tome 1 dans les mêmes rôles, une épouse encore plus amoureuse et une société marseillaise bien tolérante et néanmoins solidaire.
Malsains, édifiants, ces deux tomes sont une chronique très documentée sur l’époque prérévolutionnaire et la ville de Marseille en particulier, sur la domination des plus riches et toute ressemblance avec une époque plus actuelle n’est sans doute pas tout à fait fortuite !
Cette immersion a été pour moi la confirmation du talent de narrateur de cet auteur découvert lors de la lecture du tome 1.Le lecteur se voit parfois contraint à un rôle de voyeur plutôt dérangeant … malgré ça je lirais le tome 3 annoncé pour 2020. Attention : méfiez-vous des pastilles à l’anis !
30/01/2020 à 09:45
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L'Affaire Rose Keller
8/10 Cet homme est détestable au plus haut point. Cet homme n’est pas une fiction mais il a « bel et bien » existé. Compte tenu de la bibliographie fournie par l’auteur, les faits décrits semblent avérés, dans un contexte libertin de l’époque où le mot consentement n’avait pas encore été inventé. Une véritable œuvre d’historien de l’horreur.
Un roman féministe tellement actuel.
Trois femmes se partagent l’affiche du premier volet de cette trilogie : la victime, la prostituée et la complice …elles ont toutes à en vouloir à l’infâme Marquis de Sade, bien connu et déjà condamné, influent et pervers, une seule l’aime. Il attire ses proies et les humilie pour son plaisir solitaire, ou partagé avec son non moins infâme serviteur.
Les rapports ambigus avec son épouse et sa belle famille en font le personnage le plus toxique que j’ai rencontré dans mes lectures. Quand je pense que dans le processus créatif, les auteurs partagent leur vie avec leurs personnages jusqu’à la publication de leurs œuvres, j’espère que Ludovic Miserole a su se préserver du divin Marquis. J’ai découvert le talent d’historien de l’auteur, sachant ménager le suspense d’une histoire malheureusement connue.
30/01/2020 à 09:44
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Cinq cartes brûlées
9/10 Laurence est une victime. Sans doute son père a-t-il abusé d’elle alors qu’elle n’était qu’une petite fille. Sa mère complice la rend responsable de sa rupture conjugale. Son frère la tyrannise et l’humilie en raison de son embonpoint. Elle renaît grâce au sport de haut niveau et sombre de nouveau dans la victimisation. Une solution chirurgicale lui donne alors un nouveau souffle. Tout en ambigüité cette quête du bonheur qu’entreprend Laurence est cependant bien dangereuse.
Vous avez là la face visible de cet iceberg qui pourrait bien n’être que le leurre d’une plus grande complexité. Le lecteur se doute que le personnage n’est pas aussi lisse qu’il n’y paraît. L’auteure nous entraîne dans le noir, dans ce roman psychologique sensible et plein d’émotions, loin, très loin du « feel good » qu’il nous plairait à imaginer pour cette jeune femme en souffrance. Et si tout ça n’était causé que par les ondes électromagnétiques du poste EDF installé près de la maison familiale ?
Sophie Loubière s’éloigne de l’Amérique et ses routes mythiques en adoptant le déroulé de cette action de façon originale, en mêlant notamment les réflexions puériles de la petite Laurence, des réactions de son frère, qui précisent la psychologie des protagonistes. Ses personnages sont attachants ou haïssables, parfois les deux successivement. Une belle histoire bien noire, un très bon moment de lecture et la confirmation du talent de l’auteure à mettre en scène des faits troublants sous un titre qui revêt plusieurs significations au fil des pages.
22/01/2020 à 17:40 5
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Né d'aucune femme
10/10 Comme à son habitude, l’auteur ancre son action dans la ruralité. Pour autant les horreurs qu’il nous décrit ne sont pas l’apanage de la campagne. En effet le thème principal est proche de celui qu’évoque Karine Giébel dans Toutes blessent, la dernière tue à une époque et dans un lieu différents. La nature humaine est capable des plus grandes perversités et la domination en est une des armes les plus efficaces.
Rose est vendue par son père et devient l’esclave d’un maître de forges affublé d’une épouse malade et d’une mère intransigeante. Le lecteur vit l’effondrement moral de cette jeune fille de quatorze ans, partage ses quelques moments de répit avec une jument et sa relation salutaire avec Edmond. Tout s’emballe quand elle cherche à connaître LA vérité, elle va se confronter aux secrets de famille les plus obscurs.
L’auteur nous avait déjà convié à une quête des origines dans Grossir le ciel, une quête du père et ici il s’agit d’une quête de la mère. Il entretient la confusion sur ses personnages au point où la fin de l’intrigue, le dénouement du suspense peut paraître improbable … quoique …
Enfin on a connu l’auteur plus descriptif de la nature, plus bucolique, plus contemplatif. Ici le ton est différent puisqu’il y a avant tout, « enfermement » des êtres et des esprits, domination, asservissement, bassesse et lâcheté. Le style est tout aussi efficace qu’en pleine nature, la noirceur peut inviter à la rêverie, au cauchemar.
Si la ruralité s’avère un environnement propice à ce type d’intrigue, parce que tout le monde y connait tout le monde, on peut cependant valablement redire que ça aurait pu se passer en ville, de nos jours et pourquoi pas à côté de chez nous ? La lâcheté est une « valeur » partagée par les témoins passifs de tous temps et en tous lieux !
19/01/2020 à 11:01 7
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Le Suspect
8/10 Passer du statut de journaliste d’investigation à celui de mère de suspect, c’est la trajectoire douloureuse que va connaître Kate. Elle découvre à cette occasion les dures réalités du paradis des nouveaux routards, ces jeunes qui cherchent l’aventure en côtoyant les interdits. Mais Kate a déjà son fils qui fait dans la protection des animaux à Phuket, lui qui ne donne plus de ses nouvelles depuis plusieurs mois. Ainsi va-t-elle découvrir que l’enquête sur un incendie ayant entraîné la mort de deux jeunes filles a peut-être été commis … par son fils !
C’est l’énergie de la détresse de Kate et des familles des victimes qui va nous accompagner au long de la quête de la vérité qu’elle partagera avec les policiers. Les lecteurs de Fiona Barton connaissent Kate depuis son premier roman La Veuve, puis dans La coupure, cette fois elle devient sujet, très éprouvée par cette expérience.
Les mères de victimes sont elle-aussi à rude épreuve, coincées entre la soif de vérité et l’envie de se laisser sombrer dans la douleur….L’auteur nous propose des portraits de parents et un fil rouge aux multiples rebondissements, où le lecteur est heureux d’adhérer à une hypothèse pour être ensuite bousculé par son démantèlement, car comme dans ses précédents romans, l’auteur attend la dernière page pour révéler son inattendue vérité.
J’ai beaucoup aimé ce troisième roman, à la hauteur des deux premiers. L’auteur sait nous immerger dans les méandres du raisonnement de Kate qui ne peut se défaire de ses réflexes professionnels, de ses amitiés et de ses convictions. Un très bon moment de lecture avec sa touche d’exotisme pas très racoleur il est vrai.
15/01/2020 à 09:43 1
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Celle qui pleurait sous l'eau
9/10 Niko Tackian, c’est celui qui frappe à votre porte le 2 janvier, rabat les volets mais vous laisse ouvrir les fenêtres… il vous interpelle et vous engage à aller plus loin une fois la lecture de son roman terminée. Oui, vous vous dites 250 pages c’est court mais ces pages ont un effet retard, comme ces médicaments, ces gélules « à libération prolongée ». Vous y repensez forcément pendant plusieurs jours.
Certes l’auteur nous avait déjà présenté un criminel toxique dans le tome 1 des aventures de Tomar Khan, cette fois compte tenu d’un contexte compliqué c’est son ajointe qui va s’y coller pendant que celui-ci va essayer le se défaire de ses casseroles …Rhonda y va avec pugnacité et intuition, convaincue que le suicide de Clara a été « provoqué ». Les deux protagonistes vont devoir faire enquête « à part »: Tomar se fera accompagner clandestinement par Berthier son mentor, en immersion chez les dealers, pendant que Rhonda endossera les habits de chef de groupe de la crim.
Dans la famille Khan, j’ai un faible pour Ara, la mère. Elle ne me déçoit aucunement dans cet épisode. Mention particulière pour son courage.
Le roman est résolument centré sur les violences faites aux femmes et les difficultés qu’elles peuvent avoir à produire des preuves et à faire qualifier le suicide « forcé » en homicide. Les textes évoluent et c’est tant mieux.
Alors, comme dit le capitaine s’adressant au brigadier sur la scène de crime « On a quoi ? » Un très bon polar, tout en pudeur et retenue, avec deux enquêtes : l’une, en premier plan, menée par Rhonda sur le suicide de Clara et en second plan, en sous marin, la quête de Tomar sur un passé qui lui échappe du fait de son épilepsie cérébrale, sous la coordination de l’ambitieuse et ambiguë Ovidie Metzger, substitue du Procureur. Le tout est servi par des dialogues d’une efficacité rare, on voit bien la patte du scénariste-dialoguiste.
Et dire qu’il faudra attendre maintenant deux années pour retrouver notre flic Kurde car en 2021, c’est l’auteur qui le dit, ça sera un thriller « one-shot ».
07/01/2020 à 09:16 3
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R.E.S.E.T
8/10 Ca commence comme un huis clos … mais ça n’est pas un huis clos …
Ca se passe à la montagne sous la neige mais rien à voir avec Avalanche Hôtel de Niko Tackian ou Puzzle de Franck Thilliez…mais on ne peut ignorer la référence à Shining, le film de Stanley Kubrick adapté de Stephen King, mais pas que…
Ca se poursuit par une quête de la vérité où Agathe (ne pas confondre avec Agatha) va s’allier contre nature, jusqu’à tenter l’ultime remède de la séance de récession comme dans … Passé simple d’Olivier Descosse ou Même le scorpion pleure de Guy Rechenmann … mais pas que.
C’est bourré de citations et de références au monde enchanté des thrillers et toute ressemblance avec des auteurs et lecteurs existants n’est sans doute pas fortuite…L’auteur confirme ici ses goûts littéraires.
C’est le premier roman que je lis de Jean-Sébastien Pouchard alors que je croise cet auteur sympathique dans les salons depuis un petit moment, Girondins que nous sommes tous les deux.
Il réussit très bien à nous embrouiller avec ses revirements de situation étonnants et un dénouement inattendu. Ses personnages sont haïssables ou attachants, bien campés et actuels. Mention particulière en ce qui me concerne pour Iris !
Le titre ? … Oubliez vite vos connaissances en informatique et laissez-vous porter par le suspense. Le style est efficace, et l’intrigue fort bien menée, ce qui ne manquera pas de me faire remonter dans la biographie de cet auteur pour combler les manques.
Très bon moment de lecture monsieur le mordu ! Une belle découverte.
28/12/2019 à 15:11 4
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Oublier nos promesses
8/10 Parce qu’en matière criminelle, le principal suspect est souvent le compagnon de la victime, Marsac flic à la dérive applique ce postulat après la découverte du corps d’ Emma, journaliste d’investigation, impliquée dans une enquête sur la prostitution. Il va donc entamer la traque du compagnon encore plus suspect au point de prendre la fuite. Les soupçons s’installent, les fausses pistes ainsi que les faux amis sont les compagnons d’Amaury, héro récurrent, qui n’a toujours pas fait le deuil de Solène, sa petite sœur. Le lecteur va accompagner cette traque, s’immerger dans le monde de la prostitution de rue, aux côtés de l’équipe de Marsac. La profession d’Elsa Roch lui permet de créer des personnages très fouillés, aux traumatismes multiples, tous très attachants où l’on ne peut se résoudre à en vouloir au mauvais garçon.
C’est le deuxième roman d’Elsa Roch et le deuxième que je lis également. On a vraiment envie que Marsac connaisse le repos et retrouve son amie d’enfance. Ils se sont retrouvés au début de Ce qui se dit la nuit, il la cherche dans ce roman, il va falloir que je regarde de près le tome 3 pour avoir les réponses à mes questions …
Merci Elsa Roch pour ce thriller psychologique et un peu polar aussi. Un très bon moment de lecture, noir et profond.
22/12/2019 à 16:22 2
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Le Bourreau des coeurs
8/10 C’est l’histoire de trois mecs qui se cherchent … Dès le début de ce roman très noir, le lecteur connaît Tom, le méchant sans ambigüité et le condamne sans états d’âme, sans circonstances atténuantes. Puis c’est l’histoire d’une fascination de la part de Ben, l’animateur de radio qui voit dans la relation malsaine qu’il peut faire des événements, le vecteur d’une reconnaissance professionnelle. Enfin il y a Verne, le flic, multirécidiviste du divorce à la paternité non assumée, qui plonge dans l’alcool et la traque 24h/24. Des alliances contre nature vont même se tisser entre nos trois protagonistes et de fait ajouter du piment à l’intrigue. Tout n’est en fait que mise en scène, mais mise en scène artistique !
Que dire de plus sans spolier le lecteur : un suspense très prenant et bien mené, bien flippant, des retournements dignes de meilleures signatures du genre et une fin … même si elle confirme le pressentiment du lecteur coutumier du noir, du plus bel effet !
J’ai beaucoup aimé de premier polar de Simon Boutreux et ne regrette pas d’avoir répondu à son invitation à le lire. Merci l’auteur pour cette belle découverte, merci de cette confiance !
J’attends les tomes suivants de cette trilogie annoncée …
22/12/2019 à 15:26
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La Piste aux étoiles
8/10 Je connais bien Mehrlicht depuis plusieurs années, je demande régulièrement des nouvelles de sa santé à Nicolas Lebel et je viens de faire connaissance avec Luc Mandoline. Je m’attendais à du morbide, du glauque, du froid puisqu’il est embaumeur. J’ai tout de même été surprise par le résultat !
L’auteur s’emploie à faire vivre le personnage de la série que French Pulp a eu la bonne idée de reprendre. Fort de son expérience dans la Légion Etrangère, le héros est approché par Interpol pour répondre favorablement à une offre qu’il avait refusée au nom de l’éthique. En contrepartie il lui est assuré qu’il pourra honorer la promesse faite à son frère d’arme en fâcheuse posture. Le voici embarqué en Turquie, puisque la France a interdit la plastination(1) et les expositions qui ont recours à cette technique. Embarqué donc par un artiste macabre Madsen, nostalgique de l’émission de télévision, disciple de Gunther von Hagens, secondé par une armée de trafiquants qui « rendent service » et ainsi justifient leurs gains … Le lecteur retrouvera le Nicolas Lebel prompt a dégainer des situations improbables et alerter sur des scandales malheureusement bien quotidiens avec une petite romance en prime pour les âmes sensibles.
Une pause salutaire pour reprendre le souffle entre deux thrillers intenses.
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(1) Plastination : technique de conservation des corps …
10/12/2019 à 10:26 6
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SAIA
8/10 Lecteurs de polars technologiques soyez rassurés, le successeur de Tom Clancy existe, j’ai lu son premier roman et il est Français.
Oui, je suis frappée par cette agréable ressemblance avec les romans du grand maître du suspense hight-tech des années 1988-2012. Point de Jack Ryan mais une femme, Sophie Bessac, va tenter de sauver le monde et de retrouver les assassins de son père …
Nous baignons déjà dans l’assistance vocale quotidienne, et si l’IA prenant le pouvoir, avec un mauvais dessein bien sûr, endossait les habits du « méchant » ? Nous l’avons vu dans Tension extrême de Sylvain Forge, M, le bord de l’abime de Bernard Minier, la liste Alpha de Phil Smans et Luca de Franck Thilliez, ceux qui se permettent de penser à notre place ne sont pas pleins que de bonnes intentions. Pour l’auteur de SAIA, Guillaume Madelpuech, la démonstration toute technologique est pleine de mots que je n’ai pas compris (je n’ai pas fait geek en seconde langue, ni économie d’ailleurs), cependant l’histoire est assez claire … L’essentiel est que l’enjeu est bien mondial et que des leurres propres à nous aveugler, peuvent être lâchés pour satisfaire les angoisses internationales de certains et en légitimer les ripostes.
Ainsi peut-on imaginer l’Iran seul contre une coalition mondiale ?
Si l’IA prend son indépendance par rapport à ses concepteurs, l’élève dépassant le maître, de fait elle réduit notre vision de ce que nous voulons voir, sans envisager de quelconques alternatives, anéantit notre libre arbitre ou plus simplement notre liberté de pensée.
Une intrigue dense, géopolitique et technologique, éthique aussi, qui se passe au Moyen-Orient qui mène à l’angoisse, sans aucun temps mort. Un premier roman exaltant et … dérangeant, qui se lit d’une traite.
06/12/2019 à 15:35 1
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Congés mortels
8/10 Après Artifices, c’est ici le deuxième roman que je lis de Didier Fossey. (Il aurait dû être publié avant Artifices, ce qui doit expliquer la chronologie et la composition des équipes). Comme dans Artifices, il alterne les intrigues, mêlant le passé (1936-1945) à une enquête presque contemporaine se déroulant en 2006. Rien n’étant gratuit dans le monde du polar, le lecteur se doute que le passé va rattraper le présent mais l’auteur arrive allègrement à le berner jusqu’au dénouement surprenant.
On y rencontre donc Boris Le Guenn flanqué de seconds (qui auront disparu du paysage en 2013 dans Artifices) et surtout d’Antoine le rigoureux et de Fred la flamboyante. Tout cela parce qu’un fils à papa parisien se fait tuer avec sa copine alors qu’ils séjournent dans la Nièvre. Le décédé, bon journaliste mais un homme pas très sympa en fait ! Vengeance d’un(e) ex, d’un(e) « mis(e) en cause » dans un article ? Le père, fort de son influence va faire que les limiers du 36 (oui en 2006 on ne parle pas encore du Bastion) vont devoir se « coordonner » avec la gendarmerie nivernaise … les cultures après une tentative d’apprivoisement, vont entrer en compétition. La question de l’indépendance de la justice se pose elle aussi clairement.
Etrangement des meurtres en série contemporains, ressemblent à ceux commis avant la dernière guerre mondiale. A-t-on à faire à un « copy cat » ?
Le rappel historique est très réaliste, il narre les péripéties des prisonniers de guerre, envoyés en Allemagne pour couvrir le déficit en bras. Cependant nous avons à faire à un vrai méchant, antipathique à souhait, qui ne peut bénéficier d’aucunes circonstances atténuantes.
La police scientifique sera-t-elle l’avenir de la police d’investigation ? Vous le saurez en lisant ces presque 300 pages avec le même plaisir que moi.
02/12/2019 à 17:19 1
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Du poison dans la tête
8/10 Il m’avait laissée KO après Enfermé.e. en 2018, il a emprunté les pas de Nestor Burma au printemps avec plus de légèreté et là je savais que nous allions retrouver Lisa et Daniel … mais dans quel état !
Jacques Saussey nous transporte cette fois encore au cœur de ses tourments, avec les six femmes, personnages majeurs de son cru de l’automne 2019. Le début de ce 8ème opus de la saga Magne-Heslin ne laisse aucune ambigüité sur le propos : chez nous, près de 220.000 femmes subissent des violences physiques ou sexuelles de leur partenaire.
Magne prend de l’âge et il va être rattrapé par la tragédie de son premier amour, un « cold-case » nommé Fanny, mais il va le cacher à Lisa.
Lisa, toute à son rôle de mère auprès d’Oscar et sa complicité avec Sham, va être conviée à une reconversion professionnelle, mais elle n’en parlera pas à Daniel.
Dès lors le couple va mal …
Fred, hacker inspiré, va aider, pour rechercher la vérité sur le « faux » suicide de sa sœur Myriam, son binôme Ludo au sein du groupe Magne à la Crim’. Ils seront accompagnés par Ophélie, jeune recrue à la financière, qui voit là le ticket d’entrée dans le groupe convoité de Daniel. Leur histoire les fera côtoyer un pervers et sa victime Elodie.
Et que dire d’Alexandra, prostituée, à qui le fils a été enlevé et qui arrive démunie de Bucarest pour le récupérer… je n’en dirai rien de plus au risque de spolier.
Cela ressemble à un roman « chorale » et l’alternance des situations y met plus de proximité pour les lecteurs que pour les protagonistes. Le rythme doit aussi beaucoup à cette alternance qui fait que le suspense est soutenu et va crescendo jusqu’aux dernières pages qui apporteront les réponses, bonnes ou mauvaises…
Oui, on souffre avec ces femmes victimes, on aimerait se faire justicier dans de telles situations et donc on comprend les conflits de conscience des personnages. Tous les moyens sont bons pour punir les déviances, les sévices … les meurtres ! Toujours fidèle à sa « ligne éditoriale », avec pudeur et sans voyeurisme, l’auteur mets son talent au service de ce plaidoyer. Au-delà, il nous alerte aussi sur les dangers de l’internet, allié des justes, complice des pervers … en résumé à utiliser avec prudence et modération ainsi que sur le manque de communication dans un monde hyper connecté.
J’ai enfin eu la réponse à la question que je lui posais à chacune de nos rencontres … mais la fin m’en pose de nouvelles … implacable ce Jacques !
A lire absolument, que vous connaissiez Magne et Heslin ou pas, vous serez conquis !
21/11/2019 à 09:34 2
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Corrompu
8/10 Difficile de dire plus que la 4ème de couverture … Arnaud a tout de même tendance à tout foirer à l’approche de la retraite et il se laisse manipuler par son unique ami. Plus que le ratage de son coup du siècle, c’est la trahison de l’amitié qui guidera ses émotions et ses actes.
Une belle intrigue sur fond d’actualité récente, bien plus importante qu’un simple fait divers. De la « nuit » bordelaise au bordel de Tataouine, les intérêts convergent-ils ? C’est ce que le lecteur va découvrir au fil de ces pages et de cette arnaque où le banditisme côtoie les manœuvres internationales après la chute de Kadhafi. L’auteur nous fait partager son expérience en matière de traque, planques et les conflits entre services, sans polémique, dans la sobriété.
L’alternance des situations donne le rythme soutenu à cette enquête bien documentée, avec sa part d’exotisme.
C’est le premier de ses trois romans que je lis de Patrick Nieto, ce policier tombé dans l’écriture d’une bien belle manière.
16/11/2019 à 09:47 1
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Bill dangereuse innocence
8/10 Ambiance malsaine pour un (presque) huis clos ou comment un clou change le destin du monde ?
Un pédophile veut gagner les élections et tous les souvenirs d’une enfance maltraitée reviennent en surface à la « faveur » d’une actualité télévisée !
Ou … comment la maltraitance des adultes et des enfants peut détruire la victime et la rendre inhumaine et coupable !
C’est bien à une plongée malsaine dans l’esprit de Bill que nous convie Chris Loseus. Puis tour à tour, il va nous inviter dans la tête de chaque protagoniste, avec ses perversités, ses moments de doutes, ses questionnements et ses rancœurs. Même les plus chanceux, les moins suspects, ont des secrets et des angoisses réprimées, les innocents des ambitions dénuées d’éthique. Quand ils décident le laisser libre cours à leurs pulsions alors, c’est le chaos. Chaos que les lecteurs vont vivre au centre de l’action, improbable au début et de plus en plus plausible au fil des pages. Et que dire des dégâts collatéraux ?
Une angoisse grandissante au long de ces 256 pages délocalisées aux USA que l’auteur affectionne particulièrement et au cours desquelles le lecteur ne peut pas en vouloir totalement à Bill. Merci Chris Loseus pour ce bon moment de lecture, déstabilisant comme on aime … c’est bien le problème !
12/11/2019 à 11:32 1
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Cyber games
8/10 « Le hacktivisme est une forme de militantisme utilisant des compétences du piratage informatique dans le but de favoriser des changements politiques ou sociétaux »
Qu’y a-t-il de commun entre le déraillement d’un train au Canada, une panne électrique paralysant la ville d’Oxford, le crash d’un avion russe en cours d’essai en présence de Poutine, un avion américain ratant son appontement sur un sous-marin … ?
A qui profite le crime … ? Une réponse unique est impossible et c’est bien là le problème ! Et si tout cela était le résultat de cyber-attaques, commises par des officines privées, travaillant pour le plus offrant ? La tentation est grande d’accuser l’ennemi de toujours … Y a-t-il un troisième larron dans ces duels ? Jusqu’où peut aller la mise en danger des populations, des gouvernements ?
Toutes ces questions sont au cœur du thriller de Mark Zellweger. Il réactive à bon escient le réseau Ambassador de ses romans précédents, qui sera lui aussi pris pour cible et devra réagir avec toute la complexité de son organisation secrète. Si vous n’avez pas encore rencontré les membres du réseau, ce n’est pas grave, vous remonterez à coup sûr à la source en fermant cet épisode palpitant et inquiétant en vous disant « nous vivons une époque formidable ! » … ou presque.
Un très bon moment de lecture, dépaysant pour ceux qui comme moi sont bien éloignés de ces manœuvres diaboliques !
08/11/2019 à 09:23 2
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Les Ombres d'Oakland
7/10 Le French coach, déjà apparu dans le meurtre d’O’Doul Bridge, reprend du service, et semble-t-il, le cœur toujours aussi écorché. Quelques références à son passé peuvent suggérer au lecteur que le premier tome de ses aventures serait le bienvenu pour la totale compréhension des personnages, cependant la fin lève quelques voiles sur leurs obscurs passés.
C’est l’ambiance de la périphérie de la ville, le cloaque nauséabond où l’exploitation des plus pauvres est la loi, les jeunes filles n’ont aucune alternative, c’est le trottoir ou l’escorte. C’est donc la prostitution qui déploie ses ombres sur cette banlieue de San Francisco, Oakland où l’activité portuaire offre des débouchés insoupçonnés aux trafiquants.
Une enfant disparaît, sa mère conseillée par un obscur correspondant demande l’aide de Michaël Ballanger. Le « coach français » va s’immerger dans l’empire des non-dits, se faire tabasser à maintes reprises. Une intrigue somme toute assez classique où Michaël va avoir recours à des « has been » - belle palette au demeurant - qui vont valablement l’introduire dans le « milieu » local et lui prêter main forte au sens propre comme au sens figuré.
Lecture agréable, récit dynamique dans un environnement glauque avec quelques longueurs cependant qui peuvent nuire au suspense un peu dilué.
03/11/2019 à 14:51 2
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L'Homme qui Voulait devenir psychopathe
8/10 Victor est ordinaire, mène une vie ordinaire, marié et père de deux ados en crise … un chien et un perroquet …normal quoi ! Il rêve cependant d’être reconnu, d’être célèbre, quitte à se faire conspuer par une foule revancharde. Il est prêt à tuer pour retenir un peu de l’attention du journal de Jean-Pierre Pernault par exemple. Alors il va tuer et ça ne va pas vraiment se passer comme prévu puisque personne ne le croira capable de …il met toutes les chances de son côté pourtant et vraiment … son égo n’a pas de chance. Que fait la police ? Elle ne le croit pas, tout simplement.
Cet homme est pathétique, en quête du regard de sa femme, de ses enfants … rien !
C’est le premier roman que je lis de Laurent Malot et en regardant sa bibliographie j’étais tentée et je me dis que j’étais bien inspirée de répondre à l’invitation de French Pulp éditions, que je remercie, pour découvrir un ton original et une approche toute en profondeur.
Que dire du manque de communication qui nous mine tous, des jugements à l’emporte-pièce qui font loi … notre quotidien à tous. C’est bien de tout cela que nous parle l’auteur derrière ce qui pourrait paraître comme un fait divers.
Victor n’aura plus de secret pour personne, ni sa famille, ni la police ni vous lecteurs, mais en plus, vous aurez le privilège d’être les seuls à le comprendre vraiment !
Un roman satirique plaisant, qui donne envie de faire plus ample connaissance avec cet auteur !
#Lhommequivoulaitdevenirpsychopathe #NetGalleyFrance
21/10/2019 à 09:53 2
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Au bout de la nuit
7/10 Damien, fils d’immigré, aurait bien aimé prendre son nouveau poste tranquillement à la crim’ de Bordeaux, en poursuivant sa relation amoureuse avec Véronique. C’était sans compter avec ce qui ressemble fort à une série de meurtres ritualisés. Et s’il était au centre de l’énigme ? Passer du statut d’enquêteur à celui de suspect n’est pas à son goût ! Ses secrets d’adolescence, partagés avec Fred en sont-ils l’origine ? Sa mémoire refuse de lui montrer la voie.
On se perd dans les couloirs de Casteja, l’historique commissariat central d’avant l’invasion des téléphones portables, on s’attend même à y croiser Le flic de papier de Guy Rechenmann.
Avec ce premier roman, Bruno Bouzounie nous invite dans une intrigue aux multiples rebondissements, un thriller bien mené, au cœur de Bordeaux qu’il se plaît à nous dépeindre de façon détaillée et documentée, mêlant secte, drogue et « milieu » local.
Premier roman donc, les lecteurs ne manqueront pas le suivant … en cours d’écriture parait-il !
15/10/2019 à 11:26 3
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Le Rêve d'un fou
8/10 Avec son imagination débridée et bienveillante, Nadine Monfils aurait pu créer le personnage de cet architecte « fêlé » mais, Ferdinand Cheval est bien réel. Ce personnage hors norme a inspiré une fiction à notre auteure. Une fiction certes, mais aussi une fable avec sa morale humaniste et sa réflexion sur l’art, les enjeux de la vie, les mensonges et deuils insurmontables.
128 pages seulement ! 128 pages pour accompagner le rêve de Ferdinand, lui le rural taiseux qui devrait tous nous inspirer : une certaine idée de la plénitude et du respect.
Je m’attendais d’avantage à une nouvelle biographie de Ferdinand Cheval, remaniée à la sauce Monfils et j’ai découvert une certaine vision de la quête de la vérité, toute en pudeur et retenue. Pas très métaphysique quoique quelques réflexions existentielles émaillent le récit, mais bien ce que peut être la quête du bonheur quand le malheur a frappé.
Une nouvelle facette de cette auteure, la plus Belge de nos Normandes, le sourire personnifié, qui avec son Nestor Burma est bien présente dans notre actualité littéraire de l’été 2019, sans hésiter à sortir de sa zone de confort. Beau moment de lecture.
10/10/2019 à 09:06 2