535 votes
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Internato
8/10 Gustave est sous la coupe de son père qui le juge incapable. Il ne pourra lui succéder à la tête de ses affaires sauf à suivre des études en Argentine, dans un internat au programme un peu « spécial », qui enseigne la dictature et les sévices. L’Argentine, terre d’exil des tortionnaires nazis n’en a pas fini avec son histoire sulfureuse. Les pensionnaires auraient-ils des origines douteuses ? C’est en mettant en commun leurs connaissances qu’ils vont découvrir les objectifs, les finalités de cet enseignement hors du commun. La suite … lecteurs, vous l’apprendrez au fil des pages de ce thriller percutant et efficace, basé sur des faits historiques au-delà de l’imaginable, aux références incontestables qui rendent le récit plus poignant qu’un simple fait divers.
C’est le premier roman de Céline Servat après qu’elle s’est essayée avec brio à la nouvelle et je ne regrette pas du tout cette opportunité que m’a offerte la maison d’édition Mplus. J’avais rencontré cette auteure aux T(h)ermes noirs, première édition en 2021 de ce salon dont elle est l’une des initiatrices. Le rythme y est soutenu, le récit parallèle dont on se doute qu’il va rejoindre l’intrigue principale est très documenté et malheureusement réaliste.
Si vous êtes intéressés par cette période récente de notre histoire, vous lirez aussi avec grand intérêt L’affaire Jane de Boy de Simone Gélin ou encore Les carnets secrets de l’ange de la mort de Raphaël Grangier.
Une bien belle découverte du tome 1 annoncé d’une trilogie, dont on attend la suite avec intérêt !
11/11/2021 à 09:43 3
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Inestimable
10/10 Zofia, nous l’avons rencontrée dans le précédent roman de Zygmunt Miloszewski Inavouable. En difficulté professionnelle, cette experte de l’art doit trouver les ressources financières pour soigner son mari atteint de pertes de mémoires. Pour ce faire, elle accepte d’aider un scientifique en l’accompagnant sur l’île de Sakhaline et en tenter de dérober un artéfact shamanique susceptible de soigner la maladie d’Alzheimer.
Fin du premier épisode … ensuite ça se complique !
Pourra-t-elle atteindre son objectif, sauver son couple, sa famille de l’effacement des bons souvenirs qu’elle y partage ? A quel prix ?
Au-delà de ce roman d’aventure, haletant et scénarisé comme un « Indiana Jones », l’auteur, tout en bousculant les clichés, nous pose des questions existentielles, au-delà d’une réflexion sur les religions …
Que faire pour résister aux changements climatiques ? Changer nos habitudes de consommation ou réduire la population mondiale ? Les deux ?
Que faire pour vieillir en toute conscience, en toute autonomie ?
Deux factions vont s’affronter autour de Zofia qui prendra cher dans ce conflit ! Deux factions dont il est difficile de dire si les uns sont plus vertueux que les autres, confrontés que nous sommes à nos valeurs : humanité contre humanisme ? L’auteur élève le débat depuis son dernier roman, il secoue les consciences. Il provoque l’empathie douloureuse. Ces personnages sont d’un réalisme tragique et les situations souvent cocasses.
Pour tout vous dire lecteurs, j’ai beaucoup aimé ce livre car il m’a touchée au plus près de mes phobies. Oui, car à titre personnel je crains par-dessus tout la perte de la mémoire, de la pleine conscience, mais aussi moins égoïstement, je redoute l’incapacité de notre humanité à réagir au désastre climatique qui n’est plus une vision futuriste mais bien une actualité.
Roman noir, sociétal, thriller, tout à la fois, ce dernier opus est en outre remarquablement traduit. La complicité entre l’auteur et son traducteur est une valeur inestimable aussi !
Clin d’œil de l’auteur à Olivier Norek himself, au chapitre 11 … il a lu Impact, assurément.
03/11/2021 à 08:45 1
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Transaction
9/10 C’est avec une construction originale que l’auteur nous convie à suivre Manal, Johan et Alphonse, trois jeunes adultes, amis à la vie, à la mort ! Ils vont sombrer à trop vouloir se rendre service. Si le dénouement s’invite au début du roman, c’est pour éveiller notre curiosité : pourquoi en être arrivé là ? Pour un préjudice de trois cents euros, trois vies voire quatre, vont basculer sous nos yeux. L’horreur de la vengeance aveugle pour une arnaque puérile n’a d’égal que la précision et le sang-froid avec laquelle elle est menée dans ce monde où il n’y a pas de « petite arnaque » et où les répliques sont disproportionnées.
Ce roman est un véritable puzzle auquel on aurait retiré la photo de référence, celle qui permet de trier les pièces en fonction des couleurs. Toutes les pièces sont imbriquées … Un très bon suspense parsemé de drames, questionnements …
J’ai beaucoup aimé cette histoire de franche amitié qui déroule son fil vers une fatalité annoncée, suspendue le temps du roman.
31/10/2021 à 11:58 1
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Les Eaux noires
8/10 Chronique d’une disparition au bout du monde … cependant bien en France, dans une partie du littoral délaissée par les touristes et les autorités compétentes comme on dit. Seules quelques cabanes de plages égaient le paysage où se situe le drame de Jo. Suzy, sa jeune fille, ado et presque femme, disparait et son corps est retrouvé quelques jours plus tard. Nous assistons à la descente de Jo, aux enfers du désarroi. Elle aurait pu recueillir le soutien de ses quelques voisins, mais tous sont des bons clients pour alimenter la liste des suspects. Alors il lui reste la traque, d’abord accompagnée de ses anciennes amours, de ses anciens amis puis seule car les policiers locaux ne font pas preuve de zèle mais plutôt de solidarité masculine … ou pas, jusqu’à ce que la mutation du responsable de l’enquête lui ouvre de nouveaux horizons.
Un roman très noir, psychologique à souhait, où le lecteur est immergé d’une façon radicalement différente de celle utilisée dans le précédent roman d’Estelle Tharreau. Cette fois, elle ne bouscule pas nos consciences mais alerte de façon efficace sur les dangers qui entourent les jeunes filles, les jeunes femmes et sur le repli sur soi de ceux qui font de l’isolement un mode de vie. Les copines de Suzy lâchent vite prise, les voisins de Jo se replient, elle est alors seule pour quérir la vérité, aidée par un corbeau bienvenu.
Un huis clos en plein air, fouetté par le vent et les idées reçues, confronté à l’immobilisme des suspects plus troublants les uns que les autres. Une angoisse qui monte au long de ces 252 pages. Un fait divers ? Non, un roman bien actuel sur l’indifférence et la perversité sur fond de contexte économique précaire. Un très bon moment de lecture.
31/10/2021 à 11:53 3
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Les Passagers
9/10 Un fait de société : nous donnons procuration à des algorithmes pour gérer notre vie ; les objets connectés envahissent notre quotidien. De là à leur confier notre vie il n’y a qu’un pas. Bientôt les véhicules totalement autonomes envahiront nos routes.
C’est le point de départ de ce thriller, en Angleterre, dans un futur proche où les véhicules simples avec chauffeur ne sont plus autorisés au prétexte que les robots peuvent éviter les accidents … et si un être malveillant prenait la main sur ces véhicules ?
C’est une vaste réflexion sur notre société à laquelle nous convie John Marrs en partant de ce qui pourrait apparaître comme un simple fait divers, mais qui va se révéler une énorme affaire de terrorisme. Huit véhicules autonomes ont embarqué leurs passagers, tous détenant on s’en doute un lourd secret. Ils vont être détournés pour donner lieu à une affaire médiatisée au niveau de la planète. Au-delà des prises d’otages, ce sont nos convictions, notre éthique qui vont être questionnées car plus que spectateur, chaque humain connecté va pouvoir choisir qui doit survivre à ce vaste complot. La politique, la finance, la corruption, les plus bas instincts, s’invitent dans le débat et vous lecteur … qu’auriez-vous fait dans cette situation ?
Une intrigue complexe, réaliste et angoissante, pleine de rebondissements tous plus inattendus les uns que les autres et un final déroutant (sans jeu de mots). Notons des personnages tout en demi-teinte, ni noir ni blanc : gris …C’est bien la richesse de ce roman que de provoquer l’empathie aléatoire et alternative du lecteur. Une énorme baffe sur la conscience, une très belle découverte !
31/10/2021 à 11:47 2
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Le Dernier procès de Victor Melki
9/10 La commissaire Max Tellier est bien connue des lecteurs de Sandrine Destombes. Elle va chercher auprès du profileur et capitaine de gendarmerie Antoine Brémont (rencontré dans Ils étaient cinq) un allié, alors qu’elle se trouve en disponibilité mais néanmoins ciblée par un corbeau. Le duo sera renforcé par Nguyen, futé et geek.
L’ordalie : secte ou gang de justiciers ? (NDLR Ordalie, ou « jugement de Dieu », était une forme de procès à caractère religieux qui consistait à soumettre un suspect à une épreuve, douloureuse…source Wikipédia). Ses membres traquent les personnes ayant commis des meurtres mais disculpés du fait leur état psychologique, leurs altérations psychiatriques : innocentées parce que déclarées mentalement incapables et remises en liberté. Dès lors leurs traqueurs collectionnent les meurtres en série, car plus que le crime, c’est l’impunité qui est l’objet de leur courroux. L’équipe de policiers, sous la houlette de Brémont va mettre ses complémentarités au service des victimes car il semble très probable e l’une d’entre elles soit en train d’expier, de subir, de mourir … Nos supers-flics doivent reconstituer le puzzle de meurtres punis certes mais mal punis aux yeux des membres de l’ordalie, en sillonnant la France sur les traces du corbeau et des tueurs.
Une intrigue complexe et superbement huilée, sur plusieurs lieux et qui explore des cerveaux dérangés. Plus qu’une vengeance, une quête ultime de justice, hors des cadres et des normes. Le titre révèle toutes ses dimensions au fil des pages, par une approche originale, un vrai suspense, qui surprend, comme je les aime !
31/10/2021 à 11:43 5
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Mourir ne suffit pas
Danielle Thiéry, Marc Welinski
8/10 Que peuvent donc avoir en commun un homme de télévision, philosophe et manager et une ancienne commissaire divisionnaire ? L’envie de nous raconter une histoire bien ficelée et instructive. La rencontre de ces deux auteurs s’est faite chez leur éditeur et ma foi, le résultat est efficace. La fiction du philosophe confrontée à la réalité de la femme de terrain, offrent un suspense prenant et impliquant, instructif !
Instructif car le lecteur est plongé au cœur d’une prise d’otages et va voir se dérouler toute la procédure, toutes les tentatives d’y mettre fin, parasitées par les médias qui visent l’audience. Instructif aussi car il va s’immerger dans les méandres de la réflexion de la psychologue et de son interlocutrice …
Julia psychologue, anime une émission radio nocturne où elle dialogue avec des égarés. Elle reçoit l’appel d’une femme qui s’est cachée lors de ce qui se révèle être un acte de terrorisme … du moins toutes les apparences militent pour cette interprétation et dès lors la grosse artillerie des forces d’interventions spécialisées est déployée, mettant en présence des approches différentes. Des options, des conceptions, des théories vont alors s’affronter, toutes légitimes, argumentées et le lecteur prendra tantôt position pour la manière forte, tantôt pour la négociation. Quelle place doivent prendre les médias lors de telles crises ? Les citoyens doivent-ils tout savoir en direct au risque de faire échouer les tentatives de sauvetage ? Cette question récurrente nous interpelle tous.
De nombreux retournements, des révélations inattendues, vont faire croître l’angoisse à la manière des suspenses psychologiques hollywoodiens jusqu’à un épilogue surprenant. Le réalisme est au rendez-vous, provoquant l’empathie avec les personnages, les seconds rôles n’étant pas en reste.
J’ai beaucoup aimé ce thriller, j’en ai discuté avec Danielle Thiery qui m’a confirmé la rigueur appliquée à l’intrigue. Je n’en doutais pas, c’est la marque de fabrique de celle qui par ailleurs a publié en 2011 BRI : histoire d’une unité d’élite, un document où déjà le lecteur pouvait découvrir les dessous des interventions ultimes.
https://collectifpolar.wordpress.com/2019/03/27/bri-histoire-dune-unite-delite-de-danielle-thiery/
Visuel aussi, peut-être ce roman aura-t-il un jour une seconde vie en images ? Je nous le souhaite à tous !
03/10/2021 à 09:51 3
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Reikiller
8/10 Laurent Philipparie délaisse la banlieue bordelaise et son personnage récurrent pour nous inviter en Périgord. Sarlat ! Rappelez-moi quelle est sa ville natale ?
Il n’abandonne pas pour autant les sujets qu’il affectionne : les sectes, le paranormal si toutefois le reiki entre dans cette classification.
Selon Wikipédia, « Le reiki est une méthode de soins non conventionnelle, d'origine japonaise, fondée sur des soins dits « énergétiques » par imposition des mains. Elle a été fondée par le Japonais Mikao Usui à la suite d’une révélation mystique qui l’aurait conduit à la fin du XIXe siècle à recevoir les « clefs de la guérison ». »
C’est parce que Virginie, la patronne de Jenny, en est une adepte et que la fille de celle-ci est en danger, que le reiki devient un personnage à part entière de ce thriller.
D’une part, une micro-société sous influence dans une boîte de nuit et d’autre part, la rationalité de la Gendarmerie vont s’affronter au chevet de Luna. Parallèlement une hécatombe chez de jeunes touristes allemandes va attirer l’attention des enquêteurs sur le mythe du Lébérou, version locale du loup-garou.
Lecteurs, laissez donc faire l’auteur, lui seul sait où vous emmener, avec précision, un style efficace, percutant et l’assurance d’une fin rationnelle … ou pas ! A lire donc sans modération ce roman palpitant, truffé de références locales et historiques qui devraient vous attirer agréablement dans les alentours de Sarlat.
22/09/2021 à 10:17 5
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Nom d'une pipe !
9/10 Si Magritte disait « Ceci n’est pas une pipe » Nadine Monfils pourrait dire « Ceci n’est pas un polar ». Elle ose tout Nadine Monfils, elle revisite la vie du célèbre peintre dans cette ode à Bruxelles, aux Marolles et à Brel qu’elle aime tant.
René, oui tout de même Magritte, le peintre et son épouse Georgette, sa muse, tous deux auxiliaires bénévoles de la police bruxelloise, se lancent à la poursuite un tueur en série, dans une enquête déjantée au langage exotique, toutes en références aux illustres personnages et lieux qui peuplent le panthéon de l’auteure. Nadine Monfils avait déjà utilisé le facteur Cheval dans Le rêve d’un fou en imaginant une fiction autour du bâtisseur de l’impossible dans le pur respect de la folie du personnage. Ici c’est la peinture qui l’inspire, en s’appuyant néanmoins sur des références biographiques incontestables et une iconographie riche. Elle ne quitte pas le registre loufoque pour autant, pour notre plus grand plaisir.
Vous l’aurez compris, j’aime le ton décalé de la plus normande des auteures belges, sa gouaille et ses amitiés inspirantes, son imagination débordante. Une série annoncée avec ce duo d’enquêteurs attachants accompagné de son chien, nous nous la souhaitons longue ! Le tome 2 est déjà dans ma PAL … Nom d’une pipe !
17/09/2021 à 08:41 5
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Noir
8/10 Un événement redouté se produit sur la région parisienne : un attentat touche simultanément tous les transformateurs électriques et plonge l’agglomération dans le noir, dans le chaos, les pillages, les naufrages sur la route, toutes formes d’exactions provoquant des centaines de morts.
L’action se déroule sur quelques heures mais les délits ont pris les jours, voire des mois de préparation… Les cibles sont multiples et les plus flagrantes servent de leurres. Dès lors les policiers en charge de l’enquête se posent la question de savoir quel est l’objectif ultime.
C’est bien ce que vous allez chercher à comprendre en suivant Hugo, flic borderline, talonné par Anne qui veut lui ravir la lumière. Sauront-t-ils unir leurs forces pour le bien public ? Et si le principal suspect ne cherchait qu’à sauver la vie de Mathys ? Hugo hanté par la mort de son fils éprouve une certaine compassion vis-à-vis de Mallard et cette faiblesse peut troubler son jugement et lui faire prendre des risques déraisonnables.
Un suspense haletant et une intrigue plus réaliste que nature, dont on peut craindre qu’elle ne se réalise un jour dans la vraie vie, confrontés quotidiennement que nous sommes aux risques de la haute technologie.
Lecteurs, si vous êtes comme moi, si vous avez commencé par Rouge vous allez dévorer cet épisode apocalyptique. Si vous n’avez pas lu Rouge faites chauffer la CB pour ne pas être en manque à la fin de cette lecture. De plus, sadisme ultime, l’auteur nous donne une clef en fin d’ouvrages qui délie les nœuds de nos neurones.
Bref, vous l’aurez compris ces épisodes sont étroitement liés. Vous pouvez commencer par l’un ou l’autre mais la lecture des deux volumes est incontournable pour apprécier le fond de ces intrigues et la psychologie des personnages.
J’avais beaucoup aimé Rouge, à mon sens plus écologique, j’ai aussi beaucoup aimé Noir, d’une approche plus sociologique. Tous deux se complètent admirablement pour interroger le lecteur sur ses comportements, ses acceptations et ses limites.
14/08/2021 à 10:46 5
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Le Cercle des mensonges
8/10 Par petites touches Céline Denjean nous présente des faits qui semble-t-il n’ont rien en commun. C’est sans compter sur son diabolique sens de l’intrigue bien sordide et bien huilée qui nous emporte dans un suspense sanglant, sur plusieurs enquêtes simultanément, à la narration très visuelle.
Ici le lecteur est observateur, il ne s’immisce pas dans la tête des méchants et ne risque pas l’empathie : il voit les policiers se débattre avec les faibles indices dont ils disposent, emprunter de fausses pistes, suivre de faux espoirs. Leur hiérarchie est trop sure du verdict et la proximité d’une victime avec les hautes sphères politiques trouble sa vision et en réduit le prisme. Ce qui donne un roman où les briefings peuvent paraître parfois redondants, mais sont néanmoins nécessaires à la compréhension en raison du choix narratif de l’auteure, pour servir une intrigue complexe aux multiples ramifications.
Lecteurs, vous avez entre les mains la suite de Cheptel. Certes il est dit que cet opus est indépendant et qu’il peut se lire sans avoir préalablement fait connaissance d’Eloïse. Pendant un long moment j’en ai douté, j’ai compris cependant l’intrigue. Néanmoins, je pense, pour comprendre tous les rouages de l’enquête en toile de fond, qu’il faut avoir lu Cheptel.
Notons que l’auteure toulousaine fait « d’adorables clins d’œil » à ses potes d’écriture, les fait souffrir, et que cet artifice est bienvenu, tant les sujets abordés sont pesants.
08/08/2021 à 11:35 5
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Tempête Yonna
9/10 Un huis clos provoqué par une tempête, sur fond de conflit social bloquant les espoirs de secours, alors on pense notamment à La Vallée de Bernard Minier ou à Neige écarlate de Anne Waddington. Ajoutez ici que la micro-société ainsi constituée va devoir mettre en œuvre les préceptes du survivalisme pour tenter de passer outre cet épisode. Beaucoup de morts, violentes le plus souvent. Les touristes égarés dans ce monde rustre et qui regrettent leur smartphone, se trouvent bien décalés. Une certaine surenchère entretenue par les ragots et autres bassesses, ne sont cependant pas l’apanage de la campagne. Deux « leaders charismatiques » ou pas, respectables jusqu’à un certain point vont prendre la tête des opérations de sauvetage. Une ambiguïté du fait que le nom de la tempête est aussi celui d’un personnage important du roman. Ainsi, toute une galerie de personnages, reflétant à merveille notre société va se livrer à ses excès.
Nous avons entre les mains un roman noir, avec les codes du genre et l’ambiance lourde. Une intrigue finement éprouvante, psychologique et sanglante, mais aussi une réflexion métaphorique sur l’humanité et ses limites à se surpasser au profit du collectif, dans l’adversité. Aura-t-elle la force de surmonter ses difficultés existentielles pour survivre aux catastrophes climatiques qui se profilent ?
L’auteur est sans nul doute inspiré de son mode de vie pour l’intrigue et les personnages et pour l’écriture, de ses (presque) voisins Franck Bouysse ou Sébastien Vidal. Si vous aimez leurs évocations bucoliques, vous aimerez la plume de Cyril Herry. Un bon moment de lecture mais n’y cherchez pas le divertissement car vous y trouverez la réflexion
05/08/2021 à 09:44 3
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Pour quelques millions
8/10 Nous sommes loin de Nantes cette fois avec le 4ème roman de Carl Pineau. Il nous fait voyager entre Paris et Cuba. Le personnage central, Conrad a tout du suspect, alors que son enfance a été bouleversée par la mort tragique de sa mère. S’est-t-elle réellement suicidée ? Les faits portent à le croire alors que cette responsable d’une ONG venant en aide aux jeunes filles victimes du trafic d’êtres humains emporte dans sa mort, le code secret représentant une véritable fortune à faire rougir l’épargnant lambda. L’entourage de cette mère disparue va confronter son influence, user de la corruption, de l’influence, de la manipulation et du meurtre et se résoudre à une traque de l’autre côté de l’océan. De son côté Conrad fera la connaissance de milieux peu recommandables, de la débrouille et du trafic en tous genres de Cuba, et rencontrera Dalhia qui partage sa misère avec son frère à La Havane.
Roman d’ambiance plus que d’action sans toutefois en être dépourvue, Carl Pineau nous dresse un portrait sans concession du trafic d’êtres humains, du blanchiment d’argent et des expédients indispensables à la survie en milieu démuni, le tout coloré et parfumé de rhum.
Un nouvel environnement pour ce roman noir et social mâtiné de géopolitique pas du tout correcte. Une lecture instructive et dépaysante, un bon suspense au dénouement surprenant. J’ai aimé.
30/07/2021 à 09:20 2
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Chasseurs d'esprit
8/10 Il est surprenant à plus d’un titre ce premier roman d’Isabelle Bourdial. Cette journaliste scientifique n’a pas son pareil pour nous donner l’impression d’avoir tout compris. Tant sur le plan des neurosciences que sur la faune amazonienne, elle nous balade gentiment (ou presque) au fil de ses 488 pages et nous fait envisager moultes pistes sur ce qui va se révéler être une belle arnaque internationale. C’est bien par cette précision de l’écriture que j’ai été séduite car l’intrigue policière est assez simple au départ : une disparition et la traque des auteurs de l’enlèvement à travers l’Espagne dans un tout premier temps, au Venezuela puis enfin en Amazonie. A ceci ajoutons les nouvelles techniques d’investigation, l’observation comportementaliste et les plongées dans les cerveaux, bien éloignées de mes apprentissages de la PNL dans les années 90 qui ressemblaient déjà à de la magie … On n’arrête pas le progrès mais espérons qu’il sera utilisé par des personnes bien intentionnées ! La manipulation est tentante dans ce domaine et les enquêteurs de la toute nouvelle brigade madrilène sont parfois tentés de franchir la ligne blanche ou du moins de s’accommoder de la législation.
Mention spéciale pour la découverte des peuples amérindiens confrontés aux orpailleurs en notant que ce thème a été traité par Colin Niel dans ses romans guyanais et notamment Sur le ciel effondré.
Un roman plein de découvertes et très documenté, des personnages surprenants et ambigus, des familles soudées, des amérindiens menacés et la moiteur qui suinte de ces pages … à lire !
11/07/2021 à 09:06 1
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Ceux qui boivent pour oublier sont priés de payer d'avance
9/10 C’est le 16ème roman de Nick Gardel et sans doute à ce jour, le plus abouti. Une intrigue au cordeau qui s’appuie sur des références sociologiques et médicales très documentées, des personnages certes encore barrés (chassez le naturel …) mais à la psychologie sans doute plus fouillée que par le passé et cerise sur le gâteau des dialogues d’une précision haut de gamme, où chaque mot se révèle un élément incontournable de compréhension pour le trip et l’ambiance dans lesquels l’auteur nous emmène. J’ai souri du facétieux duo d’enquêteurs Mondragon-Guérineau mais j’ai tout autant été intéressée par l’enquête et son environnement. L’auteur nous immerge dans un milieu professionnel qu’il connaît bien, fait de progrès à petits pas pour rendre la confiance à des jeunes qui n’ont souvent connu que l’échec et l’humiliation et dont le désarroi est immense, derrière une façade de petit caïd… touchants. C’est sans doute la première fois que dans ses écrits l’auteur se dévoile et avec lui, partageons ses doutes, ses valeurs.
Ceux qui boivent sont bien présents autour du comptoir et les brèves fusent. La palanquée d’alcoolos n’en finit pas d’avoir un avis sur tous les problèmes de notre société, mettant le lecteur face à ses contradictions ou ses ignorances.
La narration alternée, tantôt à la première ou à la troisième personne selon le rôle des personnages (suspect ou enquêteur) donne le rythme à l’action et en conforte la fluidité. Un petit bijou a lire sans modération et à relire pour ne rien laisser passer.
NDLR : Ce roman risque de ne pas rencontrer de distributeur, vous ne pourrez donc probablement pas vous le procurer auprès de votre libraire de proximité préféré. Essayez cependant de le lire, l’absurde et la dérision sont de bons remèdes à la morosité et si en plus vous découvrez un monde inconnu, votre quête d’exotisme sera comblée et vous pourrez ainsi mieux comprendre notre société
http://nickgardel.e-monsite.com/boutique/romans/ceux-qui-boivent-pour-oublier-sont-pries-de-payer-d-avance.html
14/06/2021 à 19:03 2
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La Dernière prophétie des Andes
8/10 Un vrai roman d’aventure où l’on s’attend à rencontrer Indiana Jones, à chaque page, à moins que vous n’y croisiez aussi Marty McFly, ou les deux ...
Une intrigue qui exploite le mystère du temps qui s’écoule et la fascination du chercheur. Ici Chloé Meyer, la journaliste, se met en quête de la vérité sur un érudit, séducteur, Louis-Henri Marcillac, dont le mystère est intact, soupçonné de collusion avec les nazis et dont la mémoire est souillée. La vérité sera-t-elle au bout du chemin empruntée par Chloé, qui devra plonger dans les vestiges de la fin de l’empire des Incas.
Trois époques, trois intrigues dont le lecteur imagine bien qu’elles se trouveront imbriquées, Dominique Faget abandonne l’antiquité égyptienne et le moyen-âge aquitain pour explorer les méfaits de l’arrivée des conquistadors au Pérou, qui ont accéléré la fin de l’Empire Inca par leur avidité pour l’or, en exacerbant des luttes fratricides pour l’accès au trône.
Non pas de science-fiction, juste une dose d’imaginaire, un pari narratif que le lecteur même rationnel et cartésien approuvera au cours de ces presque 450 pages d’aventures palpitantes en compagnie de héros attachants.
Très bon moment de lecture qui tient les promesses des romans précédents. Dépaysement assuré et immersion très documentée dans l’histoire du « nouveau monde ».
Je remercie les éditions @bodfrance et l’auteure pour leur confiance
11/06/2021 à 08:54 2
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Pasakukoo
9/10 Loin du polar de gare, Braverman nous offre un millefeuille … une intrigue certes, exotique puisqu’elle se situe à Rhode Island, non loin de la ville de Providence, avec une galerie de personnages pour certains « classiques » pour d’autres « inattendus ». Cependant, comme il le dit lui-même, il se sert d’un artifice : ces petits paragraphes en tête de chapitre où un de ses personnages, de façon anonyme, fait part de ses réflexions intimes sur la place des personnages de fiction à côté de leurs auteurs et plus largement la mort, notamment dans l’aspect qui affecte les vivants, la disparition.
Avec une réelle richesse de niveaux de lecture, Braverman nous embarque, pendant dix-neuf jours, dans une folle enquête où deux auteurs à succès, séducteurs et fiers de l’être, affichent tour à tour leur animosité ou leur connivence, où les shérifs corrompus ou intègres se battent pour leur pré carré, où les amours sont contrariées ou incestueuses, où les avocats valent à eux-seuls le détour. Le lieu cependant est magique, il confine le lecteur dans la sérénité malgré les méchants qui s’y côtoient.
Ce roman m’a parfois fait pensé à La mort et la belle vie de Richard F.Hugo qui lui aussi « délocalisait » les travers de la ville, à la campagne. En fait ce sont bien des travers humains et universels dont nous parle Roy Braverman, peu importe la localisation. La cupidité, l’avidité et la bêtise n’ont pas de patrie et la fin sera la même pour tout le monde !
Un coup de cœur et un moment de lecture divertissant, terriblement bien écrit.
06/06/2021 à 19:19 3
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Justin
8/10 Cette saga familiale se déroule dans un paysage hors du temps, hors de la vie trépidante, dans un milieu épargné par les soucis domestiques et de subsistance. Tout pourrait être parfait mais …une évasion de prison va mettre à mal le petit monde de Justin.
L’auteure avec brio, joue sur l’ambiguïté des personnages et le trouble des situations, le lecteur étant de fait en proie au doute tout au long de cet épisode, comme d’ailleurs il l’a été lors de sa première rencontre avec Justine.
Il s’agit du tome 2 d’une trilogie et malgré l’arbre généalogique figurant bien à propos en début de volume, il est nécessaire d’avoir lu le tome 1 pour en profiter au mieux. Le lecteur habite les différents protagonistes à tour de rôle. Je n’y ai pas trouvé matière à empathie comme dans Justine. Cet épisode nous confronte à la perte de mémoire de Justin, à la suite d’un coma prolongé. Il réapprend son histoire, douloureuse s’il en est et se pose des questions sur son hypothétique capacité à endosser le rôle du meurtrier : la succession de son père est lourde à porter. Que dire des visions douloureuses de Justine, des relations familiales, de la bienveillance des parents adoptifs ? Autant d’ingrédients troubles pour un bon moment de lecture qui à n’en pas douter nous fera enchainer sur le tome 3 !
06/06/2021 à 19:17 1
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De Cendres et de larmes
8/10 Lorsque l’on est pompier sous la plume de Sophie Loubière, on ne fait pas que déverser l’eau sur les flammes.
Lorsqu’on est gardien de cimetière sous la plume de Sophie Loubière, on ne fait pas qu’accompagner les inhumations.
Lorsque Sophie Loubière créé des personnages, ils sont attachants et cabossés, ils évoluent et montrent leurs failles, frôlent le drame et parfois …Ils baignent surtout dans une ambiance angoissante, stressante comme aime à nous les construire l’auteure. Les murs chez elle sont des personnages à part entière, ils modèlent les comportements, influencent les relations sociales. Je me souviens d’un transformateur électrique dans son précédent roman.
La nouvelle demeure de la famille Mara répondra—t-elle à ses attentes ?
Elle n’est pas la seule à bouleverser leur vie. Dans cette entreprise de déconstruction, elle peut compter sur l’emprise du métier de pompier de Madeline, sur la découverte de sa vocation d’artiste peintre de Christian, sur l’envie d’espace personnel de Michael ... Et une étrange infection pulmonaire pour Anna.
Un suspense hitchcockien nous est ainsi présenté par Sophie Loubière, dont la plume élégante nous fait (parfois) oublier les horreurs qu’elle nous susurre.
En raison d’un contexte personnel particulièrement douloureux, j’ai eu cependant quelques difficultés avec les pratiques professionnelles des fossoyeurs car disons que l’auteur ne fait pas dans la suggestion …reconnaissons-lui cette aptitude à objectiver les détails.
Une lecture à la hauteur de mes attentes, dérangeante !
Je remercie les éditions Fleuve noir pour leur confiance
03/06/2021 à 08:32 3
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La Traque
8/10 Bernard Petit connait bien les rouages des services de police et nous offre une certaine dose d’exotisme en nous embarquant en … Belgique. La procédure est sans doute très voisine de celle en vigueur en France et ne déroutera pas le lecteur qui a choisi ce titre au vu du CV de l’auteur.
L’ancien chef du 36 ne nous parle pas du « quai » et c’est principalement dans la région de Bruxelles et que se déroule l’intrigue. La narration est chronologique et nous voici à la suite d’une bande de « fourgonniers » qui vont diversifier leurs activités.
Comment les voyous font-ils diversion ? D’un braquage classique à une moins classique prise d’otage d’un ancien ministre belge, ils vont nous leurrer comme ils leurrent la police ou plutôt les polices. Une narration qui s’attache à la chronologie et au factuel, peu de sentiments et parfois une once de psychologie, une bande de malfrats va donc opérer sous nos yeux pendant 432 pages et ça ne sera pas vraiment du tourisme.
L’auteur a choisi un ton professionnel et un souci de précision pour mettre à jour les rouages de cette affaire qui fera la part belle à l’étude des mécanismes du grand banditisme, à l’importance des seconds rôles dans les processus et à la nécessaire collaboration transfrontalière. Une lecture immergée et documentée, passionnante ! Bon voyage en Belgique !
30/05/2021 à 09:19 8