Dany33

535 votes

  • Le Loup des Cordeliers

    Henri Loevenbruck

    10/10 Pour les chroniqueurs, Henri Loevenbruck est le remède absolu contre l’angoisse de la page blanche …
    Lorsque le lecteur ferme ce roman, immanquablement il se demande ce qui est le plus important dans ses 560 pages. L’histoire captivante de la chute de l’ancien régime, même si l’on connaît la fin, la prise de conscience du pouvoir du peuple sur les nantis, la devise républicaine qui découle de ces deux événements et les parallèles incontournables que nous faisons avec notre actualité qui la rendent bien fragile cette devise ou encore et surtout le tableau de la société de l’époque révolutionnaire. Nous connaissions la rigueur de l’auteur quand il écrit l’Histoire (cf la bibliographie en fin d’ouvrage), ici ce « travers » que l’on ne peut que louer est poussé à son paroxysme, le souci du détail devient un art. Il nous invite à la promenade dans le cloître des Cordeliers avec Danton, Desmoulins, personnages à part entière de l’intrigue … on a envie de s’immerger aux côtés de Gabriel, qui comme le personnage de Balzac Lucien de Rubempré, monte à la capitale pour vivre de son art et de la gloire qu’il pourrait en tirer. Nous faisons notre « initiation maçonnique » et nous chassons les méchants. Qui sont-ils ces méchants ? Des justiciers ou des voyous ? Méchants pour qui ? Jusqu’où doit aller la justice et qui peut la rendre ? Quelle légitimité à la violence ?
    Qu’a donc écrit Henri Loevenbruck ? Une fiction historique, une enquête sur un meurtrier en série, une chronique historique sur cet été 1789 et la vie parisienne de cette époque, une romance ? Ce roman est tout à la fois, rompant brutalement avec ses dernières productions, outre cette intrigue complexe et ambigüe, il restera le vocabulaire de l’époque, ces dialogues et ces descriptions d’un autre temps et cependant remarquablement maîtrisés.
    Il est bien attachant ce jeune Gabriel, le personnage central de ce roman, aspirant journaliste arrivant à Paris juste au moment de la convocation des Etats Généraux. Et surtout, il est bourré de talent, d’un talent brut et sans concession comme les grands héros romantiques. Son personnage, véritable fil rouge inspiré, a cependant de la chance dans son approche des milieux révolutionnaires, car il rencontre les bonnes personnes au bon moment, notre panthéon révolutionnaire, pour notre plus grand plaisir.
    C’est donc avec beaucoup de plaisir que j’ai accompagné Gabriel dans sa chasse au loup des Cordeliers, que j’ai fait la connaissance de Théroigne de Méricourt, admiratrice d’Olympe de Gouges, véritable amazone féministe, ne manquant pas de « googliser » pour l’iconographie disponible qui oui, confirme les descriptions de l’auteur. Un roman qui restera parmi mes coups de cœur de cette année.

    08/10/2020 à 10:44 17

  • J'irai tuer pour vous

    Henri Loevenbruck

    10/10 Après Nous rêvions juste de liberté, les lecteurs attendaient le nouveau Loevenbruck. Certes, il a fallu patienter trois ans et demi, mais il est excusé car quand on voit la masse de travail de documentation qu’a dû demander ce thriller, on comprend que la gestation a été longue et semée d’embuches. La relation des sentiments et doutes de Marc, le personnage central inspiré d’un homme que l’auteur a côtoyé pour faire de sa vie un roman, est en soi un pari réussi. Il n’est sans doute pas aisé d’approcher les secrets d’Etat, mes méandres du renseignement et d’être fidèle à l’histoire, la petite et la grande. Nous en découvrons des choses qu’il est parfois plus confortable d’ignorer. Tout ça n’en rend que plus précieux le résultat par ces 640 pages.
    Soit un triangle, une pyramide si vous voulez, … au somment les politiques, cyniques, qui ne pensent qu’à leur élection présidentielle, voire leur réélection, ils vont mener le jeu, la diplomatie qu’ils disent … Une sphère publique, dont on connaît les noms, soucieuse de l’image et de son avenir, dépendante de la haute finance qui tire les ficelles de la vente d’armes à l’international…
    Entre le sommet et la base, les services secrets qui ont pour objectifs de démanteler les réseaux et commanditaires des attentats et des prises d’otages, parce que c’est leur job. Ils observent, analysent, préparent, choisissent les cibles, déploient la logistique nécessaire mais pas toujours suffisante…
    Et enfin la base, niveau de l’exécution, qui ne doit pas se poser de questions sur le bien fondé des commandes à honorer, sans état d’âme ou presque.
    La base, c’est bien le centre de ce thriller, l’auteur nous fait approcher le cheminement d’un obscur, la construction de sa personnalité, par son carnet qui ponctue le récit actuel. Les lecteurs comprennent alors pourquoi un petit aventurier devient barbouze sans scrupule, capable de mener de front ses deux identités.
    L’action principale se situe au milieu des années 80, pendant une période d’attentats perpétrés à Paris, que les moins de 40 ans ne peuvent pas connaître … : les événements ont cependant une résonance particulière au vu de notre actualité récente. Nous allons assister au recrutement, à l’entrainement et aux actions de ce héros de l’ombre, attachant par ses questionnements et sa quête de bonheur. Au-delà des aventures qui, si elles n’étaient pas adaptées du réel, pourraient sembler improbables, la vie de Marc est donc tumultueuse et clandestine …
    Il est peu aisé d’en dire d’avantage si ce n’est qu’il faut lire absolument ce dernier Loevenbruck, bien loin de l’ésotérisme et la fantasy auxquels il nous avait habitués dans ses premiers romans, plus proche de Nous rêvions juste de liberté par sa sensibilité et ses questionnements.

    Rythmé et réaliste, précis et haletant, un style efficace, ce « témoignage » sera sans conteste un coup de cœur 2019 …

    16/02/2019 à 15:34 14

  • Le Songe de l'astronome

    Thierry Bourcy, François-Henri Soulié

    8/10 Il y a de l’Agatha Christie dans la façon dont Kassov et son neveu Mattheus vont devoir résoudre l’énigme que représentent les assassinats en cascade à la cour de l’empereur Rodolphe II de Habsbourg, dans son château de Prague : un huis clos au début du XVIIème siècle, où l’inquisiteur Bellarmin vient vérifier l’orthodoxie des thèses de l’astronome Tycho Brahé. En effet nous sommes encore au temps où la Terre est le centre de l’univers et Copernic quoique inspiré, ne fait pas encore l’unanimité : géocentrisme ou héliocentrisme … c’est la question. Les joyeuses agapes sont donc perturbées par les empoisonnements et autre défenestration, au milieu d’une « faune » bigarrée, mêlant des espions à la solde de la couronne d’Angleterre, une diva et son maître de chant, un assistant de l’inquisiteur friand de jeune lingère, un nain, un empereur libertin, un peintre proche de la déchéance et un ambassadeur douteux, ….
    Un roman dépaysant et riche de références historiques qui se lit facilement et laisse un agréable goût d’exotisme.

    24/08/2016 à 13:21 7

  • Toutes blessent, la dernière tue

    Karine Giebel

    9/10 « Vulnerant omnes, ultima necat.
    Toutes les heures m’ont blessée, la dernière me tuera. »

    Toute classification de ce thriller serait inexacte … disons qu’il s’agit d’une étonnante histoire d’amour, cruelle et haletante, en milieu hostile. Mais au-delà de cela, ces 740 pages sont surtout un manifeste contre l’esclavage moderne, qu’il soit domestique ou sexuel. Tama est à l’image de ces toutes jeunes enfants déracinées, confiées à des familles métropolitaines sans scrupules et soumises à l’exploitation la plus ignoble, celle qui frappe des faibles vendues par leurs familles, elles aussi victimes du mensonge … Ne nous leurrons pas … cet asservissement frappe à côté de chez nous et ne sommes-nous pas complices du fait de ne pas vouloir voir ?
    Quelques rares moments de répit au cours des errances de Tama peuvent laisser espérer une issue positive, c’est cependant bien une aventure humaine, cruelle et haletante que nous allons vivre avec les petits braqueurs ratés, les voitures de luxe et les trafics en tous genres.
    Karine Giébel met tout son talent de conteuse au service du suspense qui entoure cette intrigue, sur deux tableaux, deux temporalités différentes mais imbriquées qui permettent au lecteur de découvrir le passé de Tama. Avec ce récit aussi fort que Meurtres pour rédemption, sans aucun doute Tama restera au panthéon de ses personnages emblématiques, au même titre de Marianne.

    11/11/2018 à 16:21 13

  • Austerlitz 10.5

    Anne-Laure Beatrix, François-Xavier Dillard

    9/10 Une présentation originale mêle l’intrigue aux collections exposées au Louvre. Un pari pour les auteurs qui nous font ainsi parcourir les couloirs et passages secrets, découvrir les maîtres des vestiges antiques inconnus ou plus classiques et oubliés, les regarder sous un angle moins académique, leurs sujets ayant toujours un rapport significatif avec l’action du roman.
    La crue centennale de la Seine a ravagé Paris, cruellement touché sa population et engendré des trafics incroyables et souterrains, au nom de la culture et de l’ambition personnelle de ceux qui fréquentent les antichambres du pouvoir.
    Un flic malchanceux se trouve happé par cette tourmente et tente d’arrêter les agissements d’un tueur en série, par ailleurs narrateur épisodique.
    On retrouve la minutie de la construction des intrigues de François-Xavier Dillard (un vrai jeu d’enfants et Fais-le pour Maman) qui sème le doute chez le lecteur et le secoue émotionnellement tant le réalisme des situations est provocant.
    Que dire de plus sans spolier … l’exercice à quatre mains, s’il a ravi les auteurs, a sans doute ajouté de la difficulté et rendu crédible le tout, pour notre plus grand plaisir.
    Même si l’auteur assure qu’il s’agit d’un pur hasard, je ne peux m’empêcher de penser à Mallock et son « principe de parcimonie » qui lui aussi fait disparaître la Joconde et submerger Paris par une crue centennale … mais c’est bien une autre histoire, autrement traitée. Simplement disons que cette menace n’a jamais été aussi préoccupante. La version que nous en lire Austerlitz dans ses prologues (Scène de déluge et jours 3 à 8) est tout simplement grandiose mais ça c’est la patte Dillard !

    23/03/2016 à 16:09 6

  • Islanova

    Jérôme Camut, Nathalie Hug

    9/10 « Un enfant somalien, soudanais, éthiopien, mauritanien mérite autant d’attention qu’un enfant français, américain ou suédois ! » (Chapitre 133) et au titre de l’ « attention » il faut pointer l’accès à l’eau, à l’origine de (tous) nos maux.
    2025, dix ans après les attentats de Paris, Julian aime Vanda. Ils forment avec leurs enfants respectifs une famille recomposée harmonieuse jusqu’à la fugue des ados, attirés par le charisme d’un gourou de l’écologie, à l’autre bout de la France qu’ils vont traverser, pour se mettre au service d’une quasi secte aux pratiques extrêmes.
    Certes c’est la face visible de cet iceberg car ce thriller est beaucoup plus que ça … la confrontation de l’Utopie à la réalité, …
    Une intrigue dense et complexe, distillée au fil de ses 677 pages, pour la version numérique, à la lecture desquelles on ne s’ennuie pas une seule seconde. Les auteurs nous installent dans ce qui pourrait être une (presque) banale manifestation bobo pour un monde écolo, qui dérive avec ses protagonistes « ultras » voulant assurer la sécurité de leurs adeptes, vers une dictature et une apocalypse. Parabole ? Sans doute, mais peut-être malheureusement prémonitoire …
    Jusqu’où est-on prêt à aller pour défendre la vie, la nature, ses valeurs ? C’est dans ce que nous entraîne ce duo d’auteurs qui a déjà douze romans à son actif, avant ce (gros) dernier et quand on leur demande s’ils sont pour la légalité ou si la fin justifie les moyens, ils répondent qu’ils se sentent Républicains dans un monde sans sens … Leur posture se confronte donc ici avec la dure réalité … par l’imaginaire… pour le moment !
    Ce roman noir est a mon sens un incontournable de cette rentrée.

    09/10/2017 à 14:59 6

  • Le Sourire des pendus

    Jérôme Camut, Nathalie Hug

    8/10 Dans la famille Castel vous avez Sookie, fliquette adoptée par Léon altermondialiste qui héberge un débile pas si idiot que ça. Dans la famille Mendès, vous avez Lara animatrice TV séquestrée et recherchée activement par son frère Valentin, aidé par l’improbable producteur Arnault. Chez les méchants il y a l’avocat qui a mal fini, le grand délinquant obsédé, les pendus et beaucoup d’autres. Ils s’y sont mis à deux les auteurs pour séquestrer leurs lecteurs dans une énigme prenante et questionnante, des personnages fouillés et en particulier les femmes dans ce monde de brutes et de libertins pervers. Pour ma part je partage l’avis final de Laura, car tout prend sens dans les dernières pages. Une bonne nouvelle : ce sourire des pendus est le tome 1 d’une série de 3, alors pourquoi attendre pour se faire plaisir … je vais vite me procurer la suite, vous avez dit addict ?

    15/09/2016 à 15:06 6

  • Treize Marches

    Kazuaki Takano

    9/10 Ce roman est une véritable révélation : à la fois thriller très bien mené et aussi témoignage du système judiciaire Japonais où la peine de mort par pendaison est encore appliquée. Le paradoxe exposé est le suivant : un condamné à mort peut voir sa peine réduite à dix-sept ans d’incarcération s’il plaide coupable et s’il demande le pardon des familles des victimes. Mais alors, qu’advient-il si le suspect est amnésique ? Incapable de reconnaître son meurtre et de faire acte de rédemption, il devra être pendu même si quelques flashes laissent penser qu’il a été manipulé et n’a pas participé au meurtre … à moins que nos deux héros, Mikami délinquant en liberté conditionnelle et Nangô gardien de prison et défenseur d’une justice éducative (par opposition à la justice rétributive, vengeresse), ne trouvent de nouvelles preuves susceptibles de lui fournir des circonstances atténuantes, voire de l’innocenter ! Une encore plus large manipulation se révélera au lecteur qui doutera et révisera son « jugement » tout au long de cette enquête. Au-delà de cette intrigue, c’est un plaidoyer contre la peine de mort que nous livre l’auteur qui nous illustre également le calvaire vécu par les exécuteurs de ces sentences d’un autre âge, dans une ambiance baignée de traditions où le code d’honneur est encore très présent, dans un pays symbole de modernité.
    Treize marches c’est le nombre de celles qui mènent à la potence et aussi le nombre de sceaux que doit recueillir « la proposition d’exécution » avant d’aboutir au grand plongeon.
    En commençant un roman traduit du japonais, j’ai toujours quelques craintes au sujet des personnages dont les noms exotiques peuvent s’avérer difficiles à mémoriser. Ici ce n’est pas le cas car très vite on entre dans l’histoire et on sélectionne les quelques protagonistes qui vont nous tenir en haleine au long de ces 350 pages. Les quelques maladresses de traduction sont vite oubliées au bénéfice de l’action et de ses personnages très attachants, dans un monde de brutes.

    22/04/2016 à 17:04 12

  • Code 93

    Olivier Norek

    9/10 Depuis le temps que j’entends qu’il faut lire Olivier Norek … il fallait y aller avant la sortie de troisième tome des aventures de Victor Coste, le 31 mars 2016. Alors je me suis lancée sur le « code 93 » et là un vrai choc. D’une part pour le style de la narration, la fluidité du récit, les personnages, mais d’autre part surtout sur le fond de l’enquête à surprendre tout petit bobo qui se respecte. Oui il y a les clichés sur les banlieues, ces zones de non-droit etc, puis il y a la réalité qui transparaît dans ce roman car l’auteur y parle de ce qu’il connait, même si on peut penser que la fiction touche les personnages et les situations et en prime, il y a le fil rouge de la quête de Lucas Soultier dont on saisira toute l’ambigüité à la fin de livre (360 pages en format de poche) … il n’y a pas de fumée sans feu.
    Une mention particulière pour le nom d’un des protagonistes devenu célèbre (le nom) mais vérification faite sur les dates … inconnu au moment de l’écriture ! ouf ! à moins que …
    Quant au phénomène d’autocombustion, il me rappelle « un parfum de soufre » de Sylvain Forge mais ici point de rites indous.
    Victor Coste est semble-t-il de nouveau en service dans le second tome (Territoires) que je me suis empressée d’ouvrir dans la foulée. Oui il est là !

    07/02/2016 à 14:24 11

  • Entre deux mondes

    Olivier Norek

    9/10 Lorsque l’auteur a indiqué qu’il faisait une pause dans les aventures de Victor Coste, je me suis dit que le cru 2017 allait être beaucoup plus léger que les précédents. C’était sans compter sur la pudeur et l’humanité d’Olivier Norek, qui a mis tout son talent au service de ce qui est bien plus qu’un roman, une véritable enquête d’investigation dans cet « entre-deux » … pas vraiment la France et plus tout à fait de l’ailleurs d’où ils viennent ni de l’ailleurs où ils veulent aller, pour faire bref : l’enfer !
    Des personnages réalistes et convaincants vont nous faire toucher du doigt la réalité de cette micro société de la jungle, où les rivalités mondiales y sont transposées, où les maltraitances y sont reproduites avec toute la violence que l’on n’ose pas regarder en face, ainsi que les trafics et autres accommodations avec la règle. Et malgré tout ça de l’espoir grâce aux humanitaires, aux autochtones, aux flics …
    Problème majeur de notre société aujourd’hui car si nous ne sommes pas capables de fournir une réponse digne aux résidents de cet « entre-deux » que feront nous quand les désordres climatiques mettront sur les routes des familles par millions …
    Ce roman noir interpelle le lecteur au plus secret de son intimité, tout comme le très récent Islanova de Jérôme Camut et Nathalie Hug. Inoubliable et haletant car il s’agit aussi d’un roman à suspense réussi, vous n’en sortirez pas indemne.

    20/10/2017 à 16:59 11

  • Glaise

    Franck Bouysse

    10/10 Presque une chronique villageoise sauf que ça n’est pas si simple … L’action se passe au début de la première guerre mondiale, Joseph un jeune garçon de seize ans va devoir endosser le rôle de chef de clan et qu’il va révéler sa formidable énergie à l’épreuve des faits.
    Dans un village du Cantal, les jeunes hommes sont au front et il ne reste que les femmes, les enfants, les handicapés et les vieillards. Les anciennes rancœurs refont surface avec ce qu’elles amènent de cupidité, de malveillance et de manipulations. Pas vraiment une balade de santé dans ces paysages à couper le souffle, décrits par un auteur conteur et poète, au mieux de sa forme.
    Après « Nous rêvions juste de liberté » de Henri Loevenbruck en 2015, « le garçon » de Marcus Malte en 2016, assurément mon coup de cœur 2017, ce roman noir est tout simplement inclassable !

    03/12/2017 à 17:38 11

  • Ils ont voulu nous civiliser

    Marin Ledun

    9/10 Aussi noir et glauque que « en douce », dans la même forêt landaise mais cette fois la tempête de janvier 2009 ouvre une brèche … pas spatio-temporelle comme dans un roman de science fiction mais une parenthèse. Vont pouvoir alors se révéler les bas instincts des protagonistes et permettre de reposer (presque) hors du temps, l’échelle de leurs valeurs. Roman à suspense très réaliste où des anti-héros vont se croiser, s’aider, se haïr, se tuer. Outre la vie landaise profonde et actuelle, une évocation des événements d’Algérie en 1955 relativise sous un jour « décalé » les vicissitudes de petits loubards locaux, aux caractères et contradictions fouillés par l’auteur, comme dans ses précédents romans. Comme un huis-clos en plein air …
    Regrettons que ces romans soient trop courts mais sans doute est-ce un gage d’efficacité pour nous ébranler à ce point en si peu de temps ! Tout pour faire un bon scénario de film. Reste ce titre mystérieux, j’ai bien une (petite) idée … Je vais devoir questionner l’auteur pour vérifier (ou non) mon interprétation !

    21/10/2017 à 15:06 11

  • Le Mystère de la main rouge

    Henri Loevenbruck

    9/10 Pour le tome 2 des aventures du journaliste Gabriel Joly, qui se passe quelques jours après la prise de La Bastille, l’auteur prend du champ par rapport aux événements historiques, seule la nuit du 4 août et les exécutions sur la place de Grève font l’objet d’une relation précise, les autres faits rapportés sont d’avantage du domaine de la fiction, du romanesque, du pur genre « cape et d’épée », et bien plus. Nous sommes en présence d’un roman historique d’aventure avec deux grandes figures féminines que sont Terwagne qui a bien existé et Lorette. Toutes deux ont laissé une part de leur histoire intime en Corse, une histoire d’amour pour l’une, ses origines pour l’autre.
    Le jeune journaliste en est le fil rouge, celui par qui se fait la lumière, qui permet la compréhension de la traque de cette « main rouge », secte ou confrérie. De nos jours on dirait un groupe d’influence, des lobbyistes poudrés en redingote, à la solde de la finance, qui souhaitent détourner les avantages de l’abolition des privilèges au profit de la finance, la bourgeoisie, par le chantage notamment.
    Une mention particulière pour ma part à Récif, le pirate, qui arrive toujours de la façon la plus opportune possible.
    Enfin il y a le ton, le vocabulaire de cette époque qui donne à cette aventure la couleur de l’estampe et son exotisme.
    Certes la documentation a dû envahir l’espace de l’auteur, elle n’en donne que plus de valeur à cette saga alors que la quête de l’égalité est toujours d’actualité plus de deux siècles plus tard.
    L’auteur semble s’amuser en se promenant dans ce panthéon à la fois vrai et imaginaire, dans ces lieux de cartes postales, dans ses forêts pleines de brigands, même si Joly n’est pas Indiana Jones.
    Certes il s’agit ici de la suite du roman Le loup des Cordeliers mais la lecture du Loup des Cordeliers n’est pas absolument nécessaire à la compréhension, même s’il est toujours préférable de faire connaissance avec les personnages dès leur apparition dans l’intrigue. Il s’agit d’une suite du tome 1 … la recherche du trésor caché, escamoté par le huitième prisonnier de La Bastille. Un moment de lecture « hors sol », dans l’imaginaire de Henri Lœvenbruck qui a dû prendre beaucoup de plaisir à écrire cet opus (cf. les remerciements en fin de volume).
    Sans dévoiler la fin, nous pouvons dire simplement « vivement 2021 pour connaître la suite ! ». Bref vous l’aurez compris … un très bon moment de lecture !

    06/01/2021 à 09:37 11

  • Trois jours et une vie

    Pierre Lemaitre

    8/10 La vie d’Antoine va tragiquement prendre un mauvais tour en 1999. Un accident suivi d’une catastrophe naturelle puisque l’auteur nous entraine dans la grande tempête de cette fin d’année et ses conséquences en milieu rural.
    Ce que l’on pourrait, malgré la gravité de faits, qualifier d’erreur de jeunesse, va poursuivre le narrateur tout au long de sa vie, au point de perturber sa vie sociale et on le comprend. Douze années plus tard un nouvel épisode « joyeux et imbibé » va avoir de nouvelles conséquences fâcheuses pour Antoine.
    Jusqu’au dernier chapitre ce roman vous tient en haleine et l’ultime révélation confirme que l’auteur est un roi du suspense et du retournement de situation.
    J’ai lu ce nouveau livre de Pierre Lemaître avec beaucoup de plaisir. Il ne nous fait pas partager l’enquête de l’intérieur comme dans sa trilogie Verhoeven. Il se rapprocherait d’avantage de « cadres noirs » car il s’attache à la psychologie du narrateur et nous tremblons avec lui, même si sa culpabilité n’est pas à prouver. Un grand roman noir dans une ambiance grise …

    08/03/2016 à 11:27 11

  • Au revoir là-haut

    Pierre Lemaitre

    9/10 Deux destins chamboulés par « la grande guerre »
    vont être unis dans la douleur au cours de ce qu’on appellerait de nos jours leur réinsertion… de cette union contre nature va donner lieu à une vengeance hors normes, à la fois cynique, délirante de pleine de fantaisie. Et comme il n’y a que les montagnes qui ne se rencontrent pas, une suite de hasards va faire que l’un des héros va pénétrer l’univers de l’autre,  pour le plus grand plaisir des lecteurs.

    L’auteur délaisse ici les thrillers, pour ce roman que l’on peut qualifier d’historique, tant il est documenté et nous plonge dans la France des années 1918 à 1920, avec les douleurs et les deuils, malmenés par
    quelques financiers qui ont vu là le moyens de se faire encore plus d’argent. Heureusement qu’il nous rassure en citant ses sources : tout n’est pas vrai ! Ouf pour nous et merci pour la claque ! Le prix Goncourt était largement mérité. Ce roman est pour moi le coup de cœur de mes lectures de l’été, certes pas polar mais tout aussi palpitant que la trilogie Verhoeven par son suspens inattendu.

    Il semble qu’Albert Dupontel soit en train de préparer une
    adaptation cinématographique en collaboration étroite avec Pierre Lemaître… les paris sont ouverts pour le casting … Sortie annoncée pour 2016. Gros projet,
    gros budget … grosse attente !

    15/08/2015 à 16:22 10

  • Ce qu'il nous faut c'est un mort

    Hervé Commère

    8/10 Si les autres romans d’Hervé Commère mettent en scène des personnages hors du commun, ici il s’agit de voir évoluer des gens comme tout de monde ou presque, sur fond de crise sociale.
    Trois jeunes adultes vont se faire rattraper par leur erreur dix-huit ans après les faits. Dix huit ans après que l’équipe Black-Blanc-Beur ait remporté la coupe du monde de football et que les vies de Marie à Nancy, de William à Paris et de Mélie dans le sud aient été elles aussi impactées par cette nuit pas comme les autres.
    La construction de cette histoire en huit parties où l’auteur nous distille des éléments dévoilant l’intrigue à venir, peut dérouter le lecteur mais c’est aussi un des artifices utilisés pour nous emmener dans les détours de son raisonnement. Dans le fond, sous couvert d’une saga familiale et industrielle, d’une amitié qui tourne mal mais où les protagonistes restent fidèles à leur promesses, des amours contrariées, je vois dans ce roman une ode au « libre arbitre » que tout un chacun peut activer au lieu de suivre le cours d’une vie déjà toute tracée. Il peut toujours y avoir un nouveau départ et c’est l’optimisme que je retiendrai en fin de compte.
    Le style de ce jeune auteur est fluide et ses personnages bien campés ne laissent pas indifférents en nous faisant osciller pour certains entre admiration, sympathie et aversion au gré du récit, confirmant en cela qu’il est une valeur montante du thriller français. D’ailleurs est-ce bien un thriller ? Enfin à noter le beau portrait des combats ouvriers, de la vie en Normandie et de Marseille où la différence y bien vécue.

    21/02/2016 à 15:46 10

  • Couleurs de l'incendie

    Pierre Lemaitre

    9/10 Une suite de « au revoir là-haut » qui peut se lire sans connaître le premier opus.
    Dans une ambiance pesante, nous suivons la descente sociale de Madeleine, fille de banquier et épouse d’un ancien militaire condamné à la prison ferme. Elle n’était pas destinée à succéder à son père et fait l’objet de malversations aux fins de s’accaparer sa fortune. Elle ne peut faire confiance à personne et ses alliances improbables feront des miracles.
    A noter de très bons personnages de second rang, au titre desquels je relève la fantastique « castafiore ».
    Pas un polar mais une intrigue noire, réglée comme un mécanisme d’horlogerie, prenante tout au long de ces 540 pages sans aucune longueur superflue. Bien loin de la trilogie Verhoeven mais tout aussi riche et efficace.

    21/01/2018 à 14:15 10

  • Entre fauves

    Colin Niel

    9/10 L’action se déroule sur deux mois entre la Namibie et les Pyrénées. C’est dire que notre auteur, humaniste et défenseur de la planète, nous offre des horizons dignes du grand écran. Protecteur, je pense qu’il aimerait l’être mais c’est faire fi de l’ambivalence de tous prédateurs qui nous entourent et qui peuvent aussi devenir les proies au gré des circonstances.
    Dans ce thriller, la Namibie est menacée par une sècheresse atypique, comme les Pyrénées le sont par un retour du froid au printemps …un décor digne du grand écran que nous offre là l’auteur.
    Charles, notre lion solitaire... à titre individuel est victime de la sècheresse, résultat : il menace les troupeaux … dès lors les paysans souhaitent supprimer l’individu au détriment de l’espèce.
    Il va être traqué par Appoline et Kondjima pour des mobiles bien éloignés.
    Martin, garde du parc naturel régional des Pyrénées traque les chasseurs de trophées sur le net et pourquoi pas dans la vraie vie ?
    Quatre personnages vont ainsi se partager la narration à la première personne et déranger le lecteur en l’impliquant.
    J’ai éprouvé de l’empathie pour Martin, les paysans namibiens qui luttent pour leur survie, les espèces animales menacées. Je n’ai eu aucune sympathie pour les chasseurs de trophées même s’ils soutiennent l’économie des petits pays africains. Bref Colin Niel a réussi à m’entraîner dans cette aventure chaotique, très bien construite au demeurant puisque le chaos ébranle nos consciences au fil de ces 352 pages, denses, documentées, militantes et exotiques, mêlant modernisme et coutume.
    Après la série guyanaise, Colin Niel nous invite en Afrique puis dans les Pyrénées : autres ambiances, autres enjeux, autres trafics … pas de moralité sauf à dire qu’il est urgent de se réveiller !
    Un thriller cruel, édifiant, sombre mais bienveillant aussi, baigné de la lumière et de la poésie des paysages. Un excellent moment de lecture, d’évasion dans ces grands espaces à préserver.

    21/10/2020 à 10:24 10

  • Fantazmë

    Niko Tackian

    9/10 Page 242 « Il y avait d’abord cette enquête et la pénible impression d’avoir mis les pieds dans un labyrinthe de désespoir d’indifférence qui lui rappelait celui de son enfance”

    C’est le deuxième roman de cette série commencée avec « Toxique ». On y retrouve le groupe d’enquêteurs du 36 en tout début de l’année 2017. La mafia albanaise qui a main mise sur la drogue, l’esclavage sexuel et autres trafics à Paris et dans la banlieue, voit un certain nombre de ses « soldats » disparaître avec une violence maximale. Qui est donc ce justicier ? Ce Fantazsmë, ce spectre. Tomar rompu aux situations extrêmes et aux débordements aurait-il trouvé son maître ?
    Scénarisé avec efficacité, une intrigue en premier plan interpelle le lecteur sur sa peur de voir la réalité qui l’entoure, l’indifférence généralisée comme maladie du siècle et en arrière plan, une interrogation plus intime qui concerne Tomar et ses débordements. Mal en point ce héro fatigué va-t-il se nettoyer le cerveau avec l’aide d’un ami médecin et d’un psychiatre, aura-t-il confiance au point de se livrer ? Son éducation et sa culture font-elles suffisamment obstacles à sa violence pour qu’il puisse rester le flic champion de la criminelle ?
    Enfin une construction originale qui dévoile l’identité du justicier vers le milieu de l’intrigue … une vraie claque !
    Notons dans la galerie de personnages que nous offre Niko Tackian, celui de Ara, la mère de Tomar, ancienne peshmerga, humaniste et généreuse, toujours prompte à rappeler à son fils les fondamentaux de son éducation.
    L’auteur nous avait promis un vrai méchant sans circonstances atténuantes : c’est vrai, je l’ai rencontré ! Flippant !
    Excellent moment de lecture, actuel et interpellant, entre investigation et polar noir, très noir ou … rouge, très rouge !
    Pour ceux qui n’ont pas lu “Toxique”, l’auteur fait suffisamment de rappels pour que ça ne soit pas handicapant mais, si vous le pouvez, allez donc aux origines du mal avec ce thriller paru au libre de poche, vous n’en serez que plus conquis.

    07/01/2018 à 19:31 10

  • La 11e et dernière heure

    Maxine Paetro, James Patterson

    5/10 Sur la couverture « l’auteur de thrillers le plus lu au monde » semble ouvrir de bonnes perspectives. Cependant j’ai été déçue. En fait il est assez classique ce polar qui ne m’a pas fait trembler une seule minute. L’enquêtrice, Lindsay Boxer, mène de front deux investigations. D’une part, un tueur, peut-être même un policier, descend une série de dealers … planques, perquisitions, fausses pistes, etc. et d’autre part des crânes sont déterrés dans une villa cossue appartenant à une star hollywoodienne elle-même suspectée en son temps de la disparition de sa seconde épouse … planques, perquisitions, fausses pistes, etc. . Lindsay, toujours elle, pendant ses temps libres, s’adjoint ses trois copines, toutes dans l’environnement de l’enquête et qui, comme le club des cinq, vont venir à bout des méchants ! Les fausses pistes ne m’ont même pas perturbée.
    Ce roman, le onzième de la série « Women Murder Club » ne m’a donc pas convaincue d’aller plus loin avec cet auteur prolifique (66 romans au compteur).

    05/02/2016 à 16:47 5