El Marco Modérateur

3260 votes

  • Le Coffret maléfique

    Paul C. Doherty

    8/10 1381. Frère Athelstan, dominicain, est appelé pour enquêter sur une série de mystères. Deux hommes de foi assassinés dans une église, le cercueil vidé de la dépouille de la mère d’un inquiétant bandit, et un coffre soulagé de son contenu. Et quel est le lien avec ces deux cadavres, embaumés, découverts non loin de là ? Une intrigue sinistre qui obligera notre limier à remonter jusqu’à un drame qui a eu lieu dix-huit ans plus tôt.

    Ce dix-huitième opus de la série consacrée à Frère Athelstan est un véritable délice. Avec une plume saisissante, Paul Doherty nous dépeint avec un réalisme extraordinaire l’atmosphère londonienne de cette fin du quatorzième siècle. Même si la phrase du Publishers Weekly retranscrite sur la quatrième de couverture insiste sur le « contexte politique de l’époque », force est de reconnaître que c’est davantage une représentation particulièrement sombre des bas-fonds et de la criminalité. Petit peuple des égorgeurs, des prostituées, des estaminets interlopes, au premier rang desquels on trouve Simon Makepeace, dit « Le Boucher », la plus terrible des brutes et des truands de la ville. Un être ignoble et patibulaire, vivant dans une habitation aux allures de camp retranché et protégé par une meute de chiens monstrueux. Il faudra à notre dominicain toute sa sagacité et son calme pour pouvoir, dans le chaos ambiant, résoudre cette suite d’énigmes, toutes liées au mystérieux naufrage d’une barge royale presque deux décennies auparavant.

    Paul Doherty livre ici une réussite littéraire plurielle : érudite tout en étant distractive, elle offre également une solide enquête policière, uniquement résolue dans les ultimes instants du roman. De la première à la dernière page, un ravissement.

    08/04/2020 à 08:31 2

  • Le Colis

    Sebastian Fitzek

    8/10 Emma Stein, psychiatre, a bien des raisons de croire qu’elle sombre dans la démence. Elle a vécu auprès d’un père dysfonctionnel, s’est inventé un ami imaginaire, Arthur, plus vrai que nature, puis a été la victime d'une terrible agression due au tueur en série surnommé « Le Coiffeur ». Depuis, elle vit recluse chez elle, jusqu’à ce qu’elle accepte de rendre service au facteur en prenant en charge un colis qui ne lui est pas destiné. Et le chaos éclate de nouveau.

    On doit à Sebastian Fitzek de nombreux thrillers, comme Thérapie, Le Briseur d’âmes, Le Somnambule ou Passager 23. Cet écrivain a toujours su secouer son lectorat grâce à des romans tonitruants, à la cadence échevelée, où les rebondissements abondent jusqu’au vertige, et celui-ci ne déroge pas à la règle. Ces trois cents pages sont un condensé de ce qui se fait de mieux dans le genre : style sec, personnages ambigus, chapitres courts et denses, twists multiples. On se plait à lire la déchéance psychique et morale d’Emma, qui va suivre un véritable chemin de croix mental : est-elle la proie d’une sinistre persécution, ou devient-elle tout simplement folle à lier ? Des situations explosives, des scènes fortes et marquantes (comme la première apparition d’Arthur, ou la découverte du contenu peu ragoûtant de la benne chez l’un des suspects), et un fil scénaristique parfois distendu par la surabondance de révélations et autres fausses pistes, mais jamais rompu.

    Et c’est le souffle saccadé, époumoné, avec un rythme cardiaque à tout rompre, que l’on arrive à l’épilogue. Sebastian Fitzek fait décidément partie des virtuoses du genre, même si le foisonnement des effets peut nuire, aux yeux de certains, à la crédibilité de l’ouvrage. Mais l’auteur est en soi une signature, presque la promesse d’étourdissements : il est peut-être alors inutile de vouloir fouler ses terres littéraires, en toute connaissance de cause, qui serait comme pour un diabétique de pénétrer dans une pâtisserie.

    08/01/2020 à 17:11 7

  • Le Collier rouge

    Jean-Christophe Rufin

    7/10 Une belle histoire où se mêlent Première Guerre mondiale, amour et une amitié si particulière entre un soldat et un chien. L'ensemble est vraiment bien écrit et le ressort concernant l'animal est joliment trouvé.

    04/01/2016 à 18:18

  • Le Coma des Mortels

    Maxime Chattam

    7/10 … ou comment le pauvre Pierre, visiblement frappé à la fois par la crise du trentenaire ainsi qu’une étrange malédiction qui massacre, les uns après les autres, ses proches, en vient à nous narrer ses malheurs. Une histoire vraiment singulière, où je n’ai pas retrouvé le style habituel de Maxime Chattam (ce qui est bien évidemment voulu), et qui, dans un premier temps, m’a très agréablement surpris : que l’auteur cherche ainsi, même momentanément, une nouvelle voix (voire une nouvelle voie) littéraire, ne peut être que louée. Pas mal d’humour, notamment dans certaines réparties qui claquent, d’autres bien absurdes (dans l’appel téléphonique à double sens avec le pizzaiolo, par exemple), et dans les situations (dans le zoo, évidemment). Dans le même temps, pas mal d’ingéniosité et d’inventivité dans les « activités » des divers protagonistes (je ne saurais expliquer pourquoi, je trouve du Boris Vian chez Antoine avec sa spécialité de retrouver les propriétaires d’objets perdus, ou chez Pierre avec ses déboires amoureux et ses « pêches téléphoniques »). Parallèlement, j’avais deviné son « code » disséminé dans son récit (mais je n’ai pas essayé de le décrypter au fur et à mesure histoire de me conserver la surprise finale), beaucoup trop flagrant à mon avis. De même, l’histoire est sympa à lire mais ne révolutionne pas fondamentalement les codes du genre. Autant j’avais adoré son « Que ta volonté soit faite », autant cet opus m’a semblé un petit cran en dessous du point de vue de l’inventivité comme de la narration. Et puis, au final, quand je vais dans une brasserie, ce n’est pas trop pour déguster de la gastronomie moléculaire, de même que je ne vais pas choisir une traditionnelle blanquette de veau si je me rends dans un grand restaurant : tout ça pour dire que j’apprécie Maxime Chattam quand il verse dans le thriller hollywoodien, mais en définitive moins quand il s’écarte du sillon qu’il a su (avec le talent qu’on lui reconnaît) tracer.

    24/04/2021 à 08:06 6

  • Le Combat des géants

    Edouard Aidans

    5/10 De l’aventure plus classique où il est question d’une horde d’individus réunis dans ce que l’on appellerait aujourd’hui une secte, et son lot de péripéties attendues dans ce type de littérature, avec exfiltration, cavale, traque, animaux sauvages, etc. Rien de très novateur ni d’extraordinaire, cependant, seulement un (à peine) sympathique moment de lecture aussitôt oubliée.

    30/08/2022 à 18:46 1

  • Le complot de la dernière aube

    Michel Honaker

    8/10 Alors qu’il traque des membres de la Brigade Pâle, Neil Galore ainsi que ses camarades parviennent à rattraper leur proie. Malheureusement, l’un de leurs amis disparaît lors de la traque alors qu’une autre chasse s’amorce : la Brigade Pâle semble tramer un infâme complot à Chicago.

    Troisième opus de la série consacrée à l’Agence Pinkerton après Le Châtiment des Hommes-Tonnerre et Le Rituel de l'ogre rouge, ce Complot de la dernière aube continuera de fasciner les lecteurs. Le style de Michel Honaker est toujours aussi envoûtant, mélangeant avec bonheur plusieurs genres littéraires, du western au fantastique en passant par l’aventure. Les personnages demeurent bien campés, faits de zones d’ombres qui, au gré des épisodes, s’éclaircissent lentement d’informations distillées avec goût et parcimonie. Les chapitres sont courts et s’enchaînent avec brio, et l’on se sent naturellement porté vers le suivant tant le suspense est prenant. L’intrigue, à l’instar des autres ouvrages, est de haute tenue, et la nature de la cabale est d’autant plus saisissante qu’elle fait écho à un événement ayant réellement eu lieu au XIXe siècle.
    Ce qui frappe également dans ce roman, au-delà des qualités mentionnées précédemment, c’est la manière dont, telle la pièce d’un puzzle, il vient s’insérer avec intelligence dans le flux de cette série. Des réponses vont apparaître, comme à propos des origines de Neil, et des péripéties intervenir, comme la confrontation tant attendue avec Angus Dulles. Dans le même temps, d’autres questions vont ressurgir, voir naître, et le lecteur ne pourra qu’attendre avec fébrilité les prochaines chevauchées de nos héros et espérer des réponses.

    Décidément, cette série est assurément l’une des plus audacieuses et réussies du moment pour la jeunesse. Effrénée, atypique, chaque aventure répond largement aux attentes du lectorat en proposant un divertissement de très grande qualité. D’ailleurs, le récit s’achève sur l’annonce de ce par quoi débutera la future équipée, dans les décors enneigés du Canada, auprès d’un lac inquiétant. On en trépigne d’avance !

    14/05/2012 à 17:33 1

  • Le Complot Sweetman

    Graham Masterton

    8/10 A Los Angeles, un tueur en série surnommé « Le dingue de l’autoroute » élimine des automobilistes qui ne semblent avoir aucun lien entre eux. Alors que John Cullen, modeste homme à tout faire pour vieilles dames, va chercher à l’aéroport son père, ce dernier se fait abattre sur le chemin du retour. Persuadé qu’il s’agit de l’œuvre du serial killer qui en est déjà à sa douzième victime, John, aidé par sa compagne et un camarade, va mener sa propre enquête. Au même moment, Carl X. Chapman, sénateur républicain très lié à des lobbys pétroliers, est obnubilé par sa candidature au poste de Président des Etats-Unis. Quel est le rapport entre ces deux affaires ? John Cullen l’apprendra à ses dépens, et bien chèrement.

    Roman écrit par l’un des auteurs majeurs de l’horreur et du fantastique, Graham Masterton, Le complot Sweetman est un franc succès. L’intrigue est bien élaborée, exploitant une idée à la fois brillante et angoissante de réalisme, celle selon laquelle le politique peut faire assassiner sans le moindre remords, avec la réussite personnelle comme seul objectif. L’auteur a peint une belle galerie de personnages, tantôt attachants, tantôt révoltants, dont les actes et pensées alternent avec ingéniosité au gré des chapitres. L’ensemble se lit avec une très grande facilité tant la plume de l’écrivain est percutante et efficace, même si on peut lui reprocher une surenchère dans les scènes de sexe et une fin un peu abrupte.

    26/10/2008 à 10:41

  • Le Concile de Pierre

    Jean-Christophe Grangé

    7/10

    27/02/2006 à 12:42 1

  • Le contour de toutes les peurs

    Guillaume Guéraud

    8/10 Un livre qui, pour un roman jeunesse, présente de nombreux aspects dérangeants : crudité, violence..., ce qui fait qu'il peut être lu par des adultes. Le style est brut, non dénué de qualité, et l'ensemble se lit en moins d'une heure. Il marque les esprits par certaines scènes ainsi que par un scénario original pour ce type de lectorat. Une belle réussite, mais qu'il ne faut pas mettre entre toutes les mains.

    19/10/2011 à 12:44

  • Le Corbeau

    Romain Slocombe

    7/10 Une intrigue prenante, avec une écriture enthousiasmante. C'est assez noir et bien mené.

    08/03/2015 à 18:19 1

  • Le Corbeau

    Edgar Allan Poe

    9/10 Un poème que j’avais beaucoup apprécié quand j’étais adolescent et que je viens de retrouver avec enchantement. Ou comment un individu, brisé par le deuil avec sa chère Lénore, en vient à faire la sinistre rencontre avec un corbeau, dont les seuls mots qu’il sait prononcer (« Jamais plus » en français, « Nevermore » en anglais) le feront passer par un enchaînement d’émotions contradictoires, jusqu’au final. Une plume superbe, traduite magnifiquement par Charles Baudelaire, menant vers des rivages très imagés où se côtoient mélancolie, souvenir, désespérance et folie. Quelle beauté !

    09/06/2020 à 18:12 1

  • Le Corps noir

    Dominique Manotti

    9/10 Paris, 6 juin 1944. Les Alliés débarquent sur les plages normandes. Il faudra environ deux mois et demi avant la libération de Paris. Entre ces deux moments, la population va hésiter : les Allemands peuvent-ils encore gagner la guerre ? Qui seront les vainqueurs lorsque s'achèveront les batailles ? C'est tout un microcosme parisien qui s'en trouve ainsi ébranlé, en proie au doute. Banquiers, artistes, prostituées, stars du cinéma, policiers... Dans ce tourbillon de passions accentuées par les rancœurs, les rivalités et les volontés de ne pas être du côté des perdants, chacun devra choisir son camp.

    Dominique Manotti, c'est une plume. Sèche, allant à l'essentiel, avec des phrases saccadées, parfois nominales, avec des verbes sans sujet. L'écriture est alerte, sans concession, aussi effrénée que l'époque dépeinte. Durant cette période très équivoque, emplie de cynisme et de calculs immoraux, l'auteur décrit avec une étonnante crédibilité les échanges entre les divers personnages, nombreux et variés. Le fil conducteur du livre : des trafics, des jeux d'influence. Du sang également, beaucoup, versé pour nettoyer les honneurs impurs et tenter de faire bonne figure quand le vent tourne. Dominique Manotti ne se fait pas juge des attitudes des individus qu'elle décrit : elle présente, en toute objectivité, les situations auxquelles ils sont confrontés, les choix dont ils disposent, les décisions qui sont les leurs. A cet égard, il faut mettre en relief son talent pour brosser le tableau d'une époque plus que troublée et donner vie avec simplicité et humilité aux protagonistes, immergés dans un contexte vacillant qui les dépasse, mettant à nu leurs contradictions et leur sens – parfois très approximatif – de la dignité.

    Le corps noir est donc un ouvrage remarquable, au style trépidant et à l'intrigue très originale. Quiconque s'intéressant à la Seconde Guerre mondiale, à la peinture des mœurs ou à l'âme humaine y trouvera de quoi nourrir sa réflexion. Un opus à la croisée des genres, quelque part entre le thriller, la littérature historique et le roman noir, qui se pose également comme un livre émérite sur la Résistance et l'épuration.

    06/06/2010 à 19:57 3

  • Le Cottage Landor

    Edgar Allan Poe

    3/10 … ou la description, presque de bout en bout, d’un paysage et d’une nature idylliques par un narrateur, accompagné du dénommé Ponto, jusqu’à ce qu’ils parviennent au cottage Landor, du nom de ses deux occupants, une magnifique jeune femme et un homme. Mais là s’arrête ma description de la nouvelle, parce que nombre de lecteurs ne comprendront pas l’intérêt de cette histoire (qui se veut, c’est indiqué dès le début, le « pendant au « Domaine d’Arnheim » »), qu’après avoir lu cette dernière, ce qui est mon cas. Mais malgré cela (je crois avoir compris la visée d’Edgar Allan Poe, avec cette vision minimaliste de la demeure par rapport à celle de l’autre histoire), sincèrement, et malgré mon inclination pour les écrits de l’auteur et son indéniable talent, je me suis profondément ennuyé lors de cette lecture, et mon intérêt n’a survécu qu’en attendant une révélation, une chute, une relecture possible du « Domaine d’Arnheim », ce qui n’a jamais été le cas. Un exercice de style, d’accord, mais qui m’a paru profondément stérile malgré la qualité indubitable de l’écriture.

    25/08/2020 à 08:08 1

  • Le Couloir de la Pieuvre

    Olivier Descosse

    8/10 Les débuts prometteurs de Paul Cabrera. Très intéressant à lire, malgré une fin qui m'a un peu déçu.

    21/07/2009 à 15:55

  • Le Coup du lapin

    R. L. Stine

    7/10 Une histoire mêlant magie et illusionnisme, assez bien troussée et prenante jusqu’aux dernières pages. Une ambiance qui mêle habilement humour et suspense, jusqu’à un final inattendu, qui n’est pas trop de mon goût, mais que les jeunes lecteurs aspirant à des situations abracadabrantes sauront apprécier mieux que moi.

    11/01/2017 à 17:29 1

  • Le Couturier de la Mort

    Brigitte Aubert

    7/10 Dans une ville de la Côte d'Azur, un tueur en série poursuit inlassablement son œuvre immonde. Sa spécialité : il coud entre eux des morceaux de corps humains, d'où son surnom de « Couturier de la mort ». Ce qui semble lui plaire, ce sont les mélanges des genres, joignant hommes et femmes, frêles et obèses, et pourquoi pas humains et animaux. La police piétine, et il faudra attendre qu'un modeste flic, Marcel Blanc, s'approche de trop près du monstre pour avoir des chances de l'appréhender.

    Auteure reconnue de romans noirs et de thrillers, Brigitte Aubert signait en 2000 cet ouvrage détonnant. On y retrouve avec plaisir son humour corrosif, son goût pour les personnages loin d'être exemplaires, les situations cocasses et les dialogues jouissifs. En à peine plus de deux cents pages, Brigitte Aubert peint sans fard une intrigue prenante, sans le moindre mot de trop, allant à l'essentiel. Si l'ensemble est d'une redoutable efficacité, il n'en demeure pas moins que l'histoire, au-delà de la particularité du tueur en série dans la mise en scène des corps, est assez classique, et les protagonistes parfois trop rapidement brossés. Par ailleurs, la manière d'écrire pourra rebuter quelques lecteurs ; en effet, là où l'on pouvait s'attendre à du glauque, du terrifiant, Brigitte Aubert s'ingénie à chercher le trait humoristique, le réjouissant. Certaines scènes, qui auraient pu être de purs instants glacés, sombrent dans la gaudriole et le comique. Cette spécificité est certes pleinement assumée par l'écrivain, mais ce ton débonnaire pourra surprendre voire exaspérer.

    Le couturier de la mort porte donc parfaitement son titre. Brigitte Aubert rallie dans ce court roman gore et fantaisie, tragique et comique, comme on raccommode entre eux deux styles a priori bien distincts. Si le roman ne souffre pas de manière indubitable de ce mélange des genres, il n'empêche que certains y trouveront à redire, voyant dans cette cuisine liant le salé et le sucré une recette qui n'est pas pour eux.

    16/08/2010 à 11:32 1

  • Le crépuscule des guignols

    Chrysostome Gourio

    8/10 Une bande de partisans d’Heidegger vient massacrer la famille d’Arthur. Il n’en faut pas moins pour cet homme, retiré dans les vignes, pour revenir vers les chemins de la philosophie appliquée à coups de flingues. Car avant de devenir un individu rangé, il avait mis hors d’état de nuire des êtres pour qui une certaine vision de la sagesse rime avec exécution des opposants. Avec un petit gang de compères, Arthur va revenir à Paris pour régler des comptes et en finir une bonne fois pour toutes avec ces parias.

    Après Le Dolmen des dieux, Chrysostome Gourio signe un nouvel opus enthousiasmant chez l’éditeur Baleine. Le ton est immédiatement donné : les phrases sont hachées, à peu près autant que les corps percutés par les rafales d’armes automatiques qui tombent en grand nombre dans ce roman, et des alinéas entêtants viennent appuyer ce rythme cadencé. L’humour est omniprésent, dans les situations comme dans les répliques, et des clins d’œil à Marin Ledun ainsi qu’à la série du Poulpe, à travers l’intervention de Pedro, célèbre comparse de l’enquêteur libertaire, ne pourront qu’amuser les lecteurs. Les scènes d’action pétaradantes émaillent presque chaque chapitre, à faire passer la série des Rambo pour des avatars édulcorés de Bonne nuit les petits.
    Ce qui est le plus frappant, au-delà de cette énergie narrative, c’est le postulat de départ, dont Chrysostome Gourio ne se dépare jamais : faire entrer la philosophie dans un roman de ce type. Les théories se confrontent, toujours amplifiées par le prisme de la débauche de déflagrations, et chaque protagoniste possède ainsi sa propre résonance idéologique. C’était sacrément gonflé, et l’auteur maintient la barre jusqu’à la fin, au gré d’un jeu de massacre jubilatoire, invoquant au passage des doctrines qu’il met en relief sans pour autant rendre l’exercice pesant ou trop démonstratif.

    Ce Crépuscule des guignols, qui fait probablement écho au titre premier du film Les Tontons flingueurs, à savoir Le Terminus des prétentieux, s’apparente à une sorte de défi : mêler la rigueur de l’exposé philosophique à l’apparente décontraction d’un livre où les armes parlent presque autant que les personnages. Pari osé, mais pari gagné. On ressort de cet opus à la fois enchanté par les talents de l’écrivain, son audace scénaristique, et dans le même temps, son impertinence et sa désinvolture. Voilà un crépuscule tel que l’on aimerait en voir plus souvent dans le panorama littéraire.

    21/03/2012 à 19:32 1

  • Le Crépuscule des vieux

    Guillaume Darnaud

    7/10 Une jeune fille est découverte violée et tuée dans le cimetière de Sang-Dragon, un pas si paisible village que cela proche de La Rochelle. Apprenant les faits, Gabriel Lecouvreur se rend sur place et se frotte à une étrange congrégation de vieillards, réunis dans un bastion appelé la Forteresse, où se trament de sombres cérémonies.

    Soixante-sixième enquête du Poulpe signée par Guillaume Darnaud, cet opus est un véritable régal. L’ambiance devient rapidement trouble, chargée de terribles desseins, et cette atmosphère oppressante ne se relâche jamais. Gabriel Lecouvreur, alias le Poulpe, est un personnage inénarrable, et l’auteur respecte parfaitement le cahier des charges qui lui était confié. À la fois rusé, instruit, prêt à donner du coup de tentacules face aux vilains, et tombant sous le charme d’une douce demoiselle, il sait, dans cet ouvrage, plaire aux afficionados de la saga créée par Jean-Bernard Pouy. Les ennemis sont ici d’anciens soldats allemands, dont le terrible passé n’est pas si loin, et ayant formé un cercle au centre duquel Gabriel va vite se trouver enfermé. Autre ingéniosité de Guillaume Darnaud : le personnage de Viktor, reprenant les répliques du film Blade Runner, lui-même adapté d’un roman de Philip K. Dick.

    Haletante, bien menée, mêlant à la fois des éléments très attendus et de petites trouvailles bien sympathiques, cette enquête est un petit délice, à savourer que l’on soit fan ou non de la série.

    14/04/2014 à 18:49 1

  • Le Cri

    Marc Falvo

    8/10 Paul et Sam viennent d’emménager dans leur nouvel appartement. Lui est un chômeur, autrefois pigiste, et elle travaille dans l’événementiel. Un couple sans histoire, heureux de vivre. C’est une nuit d’insomnie qui conduit Paul à entreprendre un rapide travail de plomberie dans l’habitation, au cours duquel il découvre, soigneusement emballé, un texte. Une nouvelle intitulée Faux contact. C’est alors le début d’une descente aux enfers, au fur et à mesure des découvertes d’autres récits, écrits de la main d’on ne sait qui…

    Si ce roman de Marc Falvo a, entre autres, une citation de Philip K. Dick en guise d’épigraphe, et que Paul lit souvent du Stephen King, ce n’est pas anecdotique. L’auteur a bâti une intrigue complexe et qui surprend d’entrée de jeu. Des mystères en cascade dans l’immeuble, des locataires étranges, des disparitions : la toile est habile. Le récit évite également la linéarité, avec des extraits de quotidiens, d’interviews télévisées, de journal intime, sans compter, bien évidemment, ces étranges histoires qui ont été cachées dans l’appartement. Tant dans le fond que dans la forme, Marc Falvo truffe son ouvrage de faux-semblants, de pièges, d’informations à double sens. Les changements de cap, les renseignements contradictoires, les bouleversements de points de vue sont même si nombreux, l’ambiance si fantasque, que l’on en vient à se demander si l’auteur n’a pas perdu ses propres repères en cours de route. Et, lentement, dans la dernière partie du roman, les pièces du puzzle s’assemblent. Quelques pages suffisent à achever cette intrigue anxiogène et paranoïaque, sacrément déconcertante. Une œuvre qui ne cherche pas à séduire, mais plutôt à désorienter, ce en quoi elle réussit à merveille.

    21/05/2017 à 17:43 6

  • Le Cri

    Nicolas Beuglet

    7/10 Un thriller qui commence vite et fort, avec le mystère de ce patient 488 découvert mort au terme de ce qui ressemble à une autostrangulation. Je découvre l’œuvre de Nicolas Beuglet avec ce roman, et j’ai passé un agréable moment en sa compagnie. Un style fluide et une écriture qui ne s’embarrasse pas d’envolées lyriques ou de beaux mots (dommage, j’aime bien quand les auteurs nous prouvent que de belles tournures de phrases et un vocabulaire enrichi ne sont pas antinomiques à une lecture limpide), un scénario apte à tailler des croupières à ce que font les auteurs américains, et des ressorts presque cinématographiques. Dans le même temps, comme souvent avec ce type de littérature, j’ai eu du mal avec certains clichés et personnages (ces derniers étant souvent, à mon goût, d’une épaisseur psychologique proche de celle de l’hippocampe), sauf peut-être pour Mark Davisburry qui m’a étonnamment plu dans son rôle de méchant désarçonné par la révélation finale. Je ne compte pas les coups du sort, où notre duo tombe au bon endroit au bon moment sur la bonne personne et s’en tire de la presque meilleure des façons. Beaucoup de moments et de scènes invraisemblables, ou comment deux individus, presque lambdas, en viennent à enquêter sur un complot à l’échelon mondial, datant de la Guerre froide, impliquant notamment la CIA, et capable de bouleverser notre vision de l’univers, de la mort, de la religion, etc. Indéniablement, le style immédiat et sans fioriture de Nicolas Beuglet aide à faire défiler les quelque 550 pages de ce thriller ultra calibré, et je n’ai pas perdu mon temps ni regretté cette lecture prenante et efficace. Néanmoins, je persiste à penser que le talent de l’écrivain lui aurait permis de sortir de certains chemins déjà trop empruntés et balisés, renouveler cette sempiternelle valse des psychologies si banales des protagonistes, et nous éviter des instants tellement téléphonés qu’on a envie de décrocher avant leur arrivée. En revanche, comme je le disais précédemment, une mention particulière pour l’épilogue entre Davisburry et le confesseur, qui m’a très agréablement surpris et séduit, en finalement peu de pages, et qui apporte un éclairage intéressant et novateur à l’ensemble de l’ouvrage.

    14/06/2020 à 16:35 5