3708 votes
-
Dead Zone
8/10 Cinquante-cinq mois : c’est le temps que John Smith a passé dans le coma après l’accident subi alors qu’il était à bord d’un taxi. Il en revient sonné physiquement mais surtout doué de visions : l’alliance de son ancienne copine, le sort de la mère de l’un de ses chirurgiens (le docteur Weizak), l’incendie en cours chez sa kiné. Il peut donc voir l’avenir, et ce don – autant qu’une malédiction – va s’avérer crucial avec Greg Stillson, politicien populiste et détraqué qui ouvrira certainement une guerre mondiale une fois qu’il aura été élu.
Un livre majeur de Stephen King, remarquable dans son écriture, sa clairvoyance scénaristique (d’autant qu’il date tout de même de 1979). Une bien belle mécanique, une idée lumineuse à sa base, et un déroulé imprenable. Je regrette certaines longueurs (notamment lors de la loterie, au début), et d’autres éléments trop vite abordés (la traque de l’étrangleur de Castle Rock, qui en est à son sixième crime), mais l’ensemble est vraiment fort. Et l’auteur, malicieux, glisse une référence espiègle à la p. 422 de l’édition poche : « Il a mis le feu par la seule force de sa volonté ! Comme dans le livre Carrie ! ». Bref, une réussite.avant hier à 19:22 4
-
La Dent du serpent
8/10 Un ouvrage dont le titre est issu d’une citation de William Shakespeare, et un plaisir intact de retrouver Walt Longmire et les siens. Une intrigue intéressante, mêlant religion, personnages farfelus ou retors, et toujours ces répliques qui font mouche. J’ai été particulièrement sensible à Rockwell, protagoniste qui prend dans l’histoire bien plus de place que Cord, contrairement à ce que laisse penser le résumé de la quatrième de couverture, dont le phrasé, les facéties, le passé étrange et sa totale inadéquation avec les mœurs de ses contemporains (tordante, cette obsession pour le film « Mon amie Flicka »). L’histoire est prenante, le scénario travaillé, et le rebondissement autour des réelles préoccupations de cette Eglise apostolique de l’Agneau de Dieu vraiment chouette. Mais c’est surtout la joie de retrouver la plume de Craig Johnson, mêlant humour, fort attachement au Wyoming, émotion et une pincée d’action : le final, au chevet de Vic, l’illustre brillamment.
06/10/2025 à 20:17 4
-
La Mer et la nuit
Nicolas Delestret, Jean-David Morvan
5/10 Un enfant qui arrive en pleine neige avec un nourrisson dans les bras dans un refuge et qui satisfait sa faim, et on comprend vite, comme indiqué au début de ce premier tome de la série, que c’est « d’après » Victor Hugo et non « de », avec l’arrivée cocasse de samouraïs dans l’histoire et autres éléments typés steampunk. J’aime bien les idées ainsi que les lectures audacieuses, mais là, je n’ai pas vraiment accroché, voire vraiment pas accroché, à ce mélange des genres et à cette histoire qui partait d’après moi dans tous les sens. Pas certain d’être du voyage pour les tomes suivants.
04/10/2025 à 08:03 1
-
Les Ephémères tome 1
8/10 Un village envahi par des nuées d’éphémères. Un homme blessé, Lee David Simard, recherché par les forces de police, qui se réveille au beau milieu d’un champ et qui s’évanouit en atteignant un corps de ferme avant de rencontrer la jeune Fran Fox. Le criminel va se transformer en insecte dans le silo où il se croyait à l’abri.
Un récit étrange, souligné par un graphisme épuré, d’où émerge une amitié singulière entre la gamine et le malfrat en cavale devenu un éphémère géant. Ça rappelle le film « La Mouche » mais également « Un Monde parfait ». Une chouette histoire pour ce premier tome, attendrissante et parfois poignante.02/10/2025 à 05:46 2
-
The X-Files Archives tome 1
Charlie Adlard, Stefan Petrucha
6/10 A New-York, un homme blessé fait une étonnante confession avant de se défenestrer. Mulder et Scully enquêtent sur cette histoire car l’inconnu prétend avoir volé le dernier secret de Fatima au Vatican.
La première de plusieurs nouvelles, fidèles à l’esprit de la série, qui nous font passer par le Kansas avec un phénomène ufologique, Toungouska et le Nouveau-Mexique, avec ce qu’il faut de surnaturel, de complotisme et de mystères. Ça ne vaut probablement pas les épisodes télévisés originels mais ça se laisse agréablement lire.28/09/2025 à 20:01 1
-
La Comtesse Volodine
6/10 Tony Corso est détective privé à Saint-Tropez et il vient juste de calmer les ardeurs d’un paparazzi ayant pris en photo un couple probablement adultère sur la plage. La Comtesse Héléna Volodine, l’engage pour retrouver « un ami très cher », Ricci Caponi. Mais l’affaire est un peu plus complexe…
Un privé gouailleur qui se trimballe en chemise hawaïenne parmi la jet set tropézienne et multiplie les punchlines (plutôt bien trouvées, d’ailleurs) au gré d’une esthétique correcte et d’un scénario plutôt attendu : c’est détendant à défaut d’être franchement original. Distractif, sans plus.28/09/2025 à 19:59 1
-
L'Evangile du Serpent
9/10 Un roman ambitieux, fort et singulier, qui repose sur une sorte de réinterprétation de la Bible, avec le retour d'un Messie atypique qui va profondément modifier les perceptions morales et existentielles des personnages qui le côtoient. Une écriture remarquable qui sert un récit intelligent et audacieux, pour ainsi dire choral, et qui pose des questions nombreuses et pertinentes sur notre société, notre civilisation ainsi que l'avenir du monde. Un ouvrage difficilement classable, mais pour ma part, je le range dans la catégorie des œuvres majeures, tout simplement.
25/09/2025 à 07:03 1
-
Les Derniers hommes
8/10 Un sacré pavé (671 pages dans l’édition que j’ai eue) pour cette œuvre de science-fiction très dense et prenante. Le portrait saisissant et particulièrement bien écrit d’une humanité postapocalyptique où Solman, sorte de médium boiteux, est en charge de l’une des plus précieuses ressources pour l’espèce humaine, à savoir l’eau. Comme pour « Les Guerriers du silence », je ne suis pas spécialement un fan ni un expert en SF et surtout, je ne maîtrise pas suffisamment son univers et ses codes pour apprécier à sa juste valeur ce roman. Néanmoins, beaucoup de qualités sautent aux yeux, même à ceux du béotien en la matière que je suis : une écriture forte, un décor magnifiquement planté, une belle combinaison entre anéantissement et espérance, et surtout le magnifique portrait de Solman, Aquariote, à la fois meurtri par son don vécu comme un anathème et qui a pourtant sur ses épaules voûtées par le poids de la responsabilité qui est désormais la sienne un rôle majeur pour l’humanité. Une œuvre grandiose, sublimement écrite et menée, que j’ai dégustée par petites lectures afin d’en apprécier tout le sel, sans que ce fractionnement ne vienne gâter le plaisir global que j’ai ressenti. Vraiment très bon.
25/09/2025 à 06:03 1
-
Le Passager du Polarlys
7/10 Le capitaine Petersen, à bord de son « Polarlys », un bateau dit « mixte » (pouvant transporter des voyageurs comme des marchandises), va connaître une équipée comme il n’en a jamais vue : un corps que l’on croît jetée à l’eau, un policier qui le rejoint dans un canot en toute discrétion, un passé remontant à Montparnasse quand une jeune femme, Marie Baron, est décédée d’une overdose, une jeune femme attirante, Katia Storm, qui échauffe le sang des mâles, et celui plus particulièrement du jeune Cornélius Vriens, le second de Petersen… Car c’est bien à bord du bateau que tout va se jouer et se démêler…
Un ouvrage qui surprend dans l’immense bibliographie du non moins immense Georges Simenon, puisque, s’il l’on met de côté la langue et l’ambiance, on a davantage affaire à un bon vieux whodunit à l’anglaise. Peu de passagers, donc peu de coupables possibles, donc un suspense qui n’est pas si brûlant que cela, mais ça n’est indéniablement pas le propos de l’auteur : on vit véritablement à bord de ce navire, avec ses odeurs, ses balancements, sa hiérarchie, etc. Dans le même temps, l’écriture de l’écrivain ne surprendra pas ses fans : minimaliste mais adéquate, parfois tranchante dans les descriptions (a)morales et psychologiques. A mes yeux, une agréable surprise que ce Cluedo en milieu marin, loin d’être un polar lisse, où Petersen cherche « le rapport avec Sternberg, qui était mort, avec le petit corps nu de Marie Baron trouvé dans un atelier de la rue Delambre, le rapport avec l’assassin », même si ça ne restera pas mon ouvrage préféré de cet auteur.23/09/2025 à 05:55 2
-
Polonium 210
1/10 Simon Gourevitch provoque la colère du chef du Kremlin en annonçant qu’il va « utiliser la moitié de [sa] fortune pour fomenter un coup d’Etat en Russie » : c’est le point de départ d’un carrousel qui emporte les services secrets, la politique, et bien entendu, le Polonium 210 qui donne son nom à ce tome.
Un opus assez faiblard qui multiplie les passages pornos trash (ça n’est pas que je sois spécialement prude, mais quand c’est du cul pur qui n’ajoute strictement rien, je n’en vois strictement pas l’intérêt), au gré d’une intrigue qui s’inspire ouvertement de l’affaire Alexandre Litvinenko (la photo ultraconnue de l’opposant sur son lit d’hôpital est reprise à plusieurs moments) – donc sans la moindre originalité ni inventivité. Il y a presque autant de bavardages que de scènes de fellation – ce qui n’est pas peu dire. Bref, j’ai trouvé ça vulgaire, presque dégueulasse, soporifique et de très mauvais goût, en plus d’exhumer le cadavre d’Alexandre Litvinenko pour mieux s’en servir et proposer cette soupe imbuvable. Ignoble.20/09/2025 à 07:45 1
-
Celle qui en savait trop
7/10 Keisha Ceylon a un don de médium : en tant que « chercheuse d’âmes perdues », c’est-à-dire médium, elle vient au secours de familles éplorées qui ont perdu l’un des leurs. C’est du moins ce qu’elle parvient à leur faire croire : en réalité, c’est une gentille escroc, et son dernier coup, monté grâce à la participation du fils soi-disant disparu, Justin Taggart, en est un bel exemple. Aussi, quand Ellie Wendell disparaît à son tour, Keisha se propose d’aider le mari et la fille enceinte de celle-ci, elle croit avoir dégoté de nouveaux pigeons. Sauf que sous le plumage de la palombe, se trouve peut-être le pennage de l’oiseau de proie.
Linwood Barclay, j’adore. Je n’ai pas lu beaucoup de ses ouvrages mais ceux que j’ai eu la chance de consulter ont été de petits bonheurs. Ici, dès le début, je me suis régalé, notamment grâce aux nombreux rebondissements qui éclatent dès le premier tiers du bouquin, tordant habilement le cou des codes du genre et proposant une lecture cadencée, d’autant plus que le style enlevé s’y prête parfaitement et que le livre est plutôt lapidaire. Pas mal d’humour, des personnages parfois stéréotypés mais qui collent bien à ce que l’on attend de ce type de littérature, des twists bien amenés et des engrenages subtilement construits. En revanche, je suis assez déçu par les deux derniers chapitres (l’avant-dernier, en réalité) : un peu trop capillotracté, pas assez vraisemblable selon moi, et si l’ensemble de l’ouvrage est cynique et bien huilé, ces quelques pages trop inconcevables et presque attendues viennent presque contredire tout ce que l’auteur avait construit précédemment. Bref, un roman à suspense original, adroitement construit et rapidement lu, mais dont le final m’a un dépité. Je serai néanmoins au rendez-vous d’autres livres de Linwood Barclay. Je ne verrai pas de sitôt une aiguille à tricoter ou des jantes de voitures de la même manière.17/09/2025 à 05:51 1
-
Le Fantôme de l'auditorium
8/10 Mary Rogers et son ami Patrick Milton vont jouer dans une pièce de théâtre de fin d’année, mais le lieu où elle sera jouée – un auditorium – jouit d’une sinistre réputation : depuis soixante-douze ans, l’endroit serait le jouet d’une malédiction depuis la disparition d’un enfant de leur âge. En outre, les sabotages s’accumulent, les messages menaçants également : et si un véritable fantôme était à l’œuvre ?
Un ouvrage « Chair de poule » franchement réussi R. L. Stine maîtrise clairement son récit comme les ingrédients qui le constituent. L’ensemble est sans temps mort, les rebondissements sont nombreux – entre la présence de cet énigmatique gardien et celle de la professeure en passant par ce prétendu spectre – et il y a là largement de quoi satisfaire l’attention du jeune lectorat qui est visé. En outre, comme l’a souligné mamboo, le suspense est total jusqu’au final, et c’est littéralement le dernier mot – plus exactement le prénom cité – qui vient en définitive lever le voile sur l’identité de l’instigateur. Une belle réussite.16/09/2025 à 05:55 2
-
Le Jour des cendres
8/10 « Samuel Wending a été tué dans la chapelle et je le démontrerai », pense Ivana Bogdanovitch, policière infiltrée au sein d’une communauté anabaptiste alsacienne, tandis que son collègue et mentor, le commandant Pierre Niémans, officie à l’extérieur de l’isolat. L’effondrement de la chapelle a tué la victime mais il semblerait que les apparences ne soient pas aussi claires que ça. Avec, au bout d’un long chemin de sang et de cendres, la révélation d’une sinistre pratique.
J’ai retrouvé avec un immense plaisir Jean-Christophe Grangé dans ce roman plutôt court et très intéressant, où l’on retrouve immédiatement la patte et l’univers de l’écrivain : phrases sèches et travaillées, tirets quadratins exploités comme une ponctuation qui claque, personnages parcourus de lézardes, intrigue sordide, etc. J’avais vu le téléfilm mais je ne suis pas d’accord avec celles et ceux qui ont vu dans cet ouvrage une simple novellisation : il y a au contraire un rythme, un effort d’écriture, des psychologies creusées bien supérieures à ce que l’on sous-entend habituellement par la qualification de « novellisation » au sens péjoratif du terme. Des chapitres nombreux (76) et lapidaires, un suspense qui va crescendo, et pas mal de révélations détonantes dans la dernière vingtaine de pages (du labo à la justification des meurtres, de la révélation biblique des peintures à la découverte de l’identité du criminel). OK, qui a vu le téléfilm (moi y compris, évidemment) ne sera pas surpris outre mesure, de même que l’auteur réexploite un sujet qu’il avait déjà traité par le passé, mais ici, tout se tient et fait froid dans le dos, avec un véritable socle de documentation (l’écrivain est très à son aise dans les domaines de la religion et des arts, par exemple : je resterai longtemps marqué par le cliché qu’il évoque et que je ne connaissais pas, « Tomoko Uemura in Her Bath »), pour cette histoire forte et ramassée qui s’avère, au final, sacrément atroce. Et en plus, la fin tient la route. Un très bon moment de lecture pour moi.15/09/2025 à 05:52 1
-
Un jour dans la vie d'Eduardo Chavez
7/10 Los Angeles, 9 août 1969 : deux individus découvrent un massacre dans une villa, avant que la bonne ne prévienne la police. Progressivement, on découvre Charles Manson et sa « famille », avec les écarts sexuels, les relations avec certaines personnalités – ici, Steve McQueen –, etc.
Un premier tome à l’esthétique plutôt sage et qui pose le décor ainsi que les personnages, où l’on s’étonne presque de la sérénité qu’affichent les proches du gourou tandis qu’ils bousillent au couteau leurs victimes. Une série intéressante – les auteurs indiquent qu’il y a du véridique comme du fictif – que je poursuivrai avec plaisir.14/09/2025 à 08:44 1
-
Colombie
Luc Brahy, Eric Corbeyran, Vanessa Postec
6/10 Paris, 2012 : Agnès Desroches, aromatologue, a l’impression de stagner dans l’entreprise qui l’emploie. Quand on lui propose de rejoindre Ethic Café, elle accepte. On la retrouve l’année suivante en Colombie pour créer des cafés uniques.
Un premier tome original qui panache pas mal d’éléments (culture du café, oiseaux jacus étrangement décédés, manipulations financières, Antonio Alvarez qui cogne Agnès, incendie criminel) … Et c’est justement ce patchwork trop hétéroclite qui m’a un peu déçu, à moins que les épisodes suivants ne proposent une belle réunification. Mais au moins, le sujet est intéressant même si son traitement, à ce stade, me semble manquer de saveur.14/09/2025 à 08:42 1
-
Le sabre de Bin-Laden
4/10 Trois mois après les attentats du 11 septembre, un conseiller du Président demande à Malko de mener l’enquête sur un Américain qui a participé à cette attaque et qui compte bien remettre le couvert. Il s’agit de John Turner qui avait travaillé pendant trente ans pour la CIA et aussi fait ses armes avec Ben Laden pendant la guerre contre la Russie.
Une intrigue plutôt honnête sans pour autant renverser le genre, qui a cependant le mauvais goût de multiplier inutilement les scènes de sexe, sans compter son lot de passages hautement invraisemblables (l’attentat déjoué dans l’avion, l’homme bardé d’explosifs dans la dernière planche qui explose à moins de deux mètres du héros sans faire plus de dégâts qu’un gros pétard). Bref, pas folichon, tout ça.13/09/2025 à 20:16 1
-
Wendigo
7/10 « Ceux des arbres ont commis l’irréparable » en invoquant le Wendigo. Même le monstre serpent appelé par le peuple de l’eau n’est pas parvenu à avoir le dessus sur cette créature, et la bestiole aquatique s’en est prise à Thorgal et aux siens, blessant et empoisonnant Aaricia au passage. La prophétie voulant que le Wendigo sera tué par une flèche va-t-elle se concrétiser ?
Un opus bien mené, offrant une relecture du mythe du Wendigo : ça n’a donc foncièrement rien de très atypique, avec une ambiance très amérindienne, des moments dignes de « Prey » et de chouettes moments d’action, mais davantage d’originalité et de concision n’aurait rien eu pour me déplaire.12/09/2025 à 16:03 1
-
Le manoir des sortilèges
8/10 Le chevalier Thibault d’Estriviers vient de mourir lors d’un tournoi. Son écuyer, Gilles, doit désormais servir le champion, un mystérieux cavalier nommé Foulques de Braz. Mais cet homme que l’on surnomme "l'ogre de Bretagne » a été victime d’une malédiction qui le rend fou durant certaines nuits au point de dévorer des enfants. Avec l’aide de Tara, une jeune Egyptienne, ce trio hétéroclite va devoir retrouver une sorcière qui aurait laissé un grimoire susceptible de guérir Foulques de Braz.
On est dans du Brussolo pur et dur. Une imagination remarquable, échevelée, servie par une plume aiguisée au gré de ce récit se déroulant dans un Moyen Âge particulièrement sombre. L’auteur multiplie les références mythologiques (de la tunique de Nessus à la Toison d’or), tout en alignant les péripéties démentielles dont lui seul a le secret : des moutons féroces dont la laine servirait à habiller un colosse caché sous le manoir, des pièges dans la bibliothèque, une armure qui a conservé en elle le souvenir des exploits et méfaits de son porteur, des livres enduits de phosphore à ne lire que sous l’eau, un message secret que l’on ne peut reconstituer qu’en retissant la pelote laissée par la nécromancienne, etc. J’ai vraiment pris mon pied avec ce roman de 2014 même si, comme assez souvent avec Serge Brussolo, il a tendance à se laisser déborder par sa propre imagination, partir dans des délires littéraires qui nuisent un peu à la concision de son opus (ici, quelques dizaines de pages vers le final m’ont semblé superflues). Mais je ne boude absolument pas mon plaisir !11/09/2025 à 20:12 2
-
La cavale de Jaxie Clackton
9/10 Jaxie Clackton fuit. L’adolescent n’a emporté que le minimum vital ainsi que des armes pour mettre le maximum de distance avec Monkton. La raison ? Il a retrouvé son père écrasé sous son véhicule – probablement à cause d’un cric mal fixé – et il craint qu’on ne l’accuse de ce meurtre maquillé. Après avoir survécu à la nature aride, il finit par tomber sur la cabane de Fintan MacGillis, un ancien prêtre. Une rencontre imprévue et une cohabitation d’abord difficile : Jaxie trouvera-t-il la rédemption auprès de ce compagnon d’infortune ?
Ce roman de Tim Winton surprend autant qu’il séduit. Le lecteur ne peut que se réjouir de faire la connaissance de cet adolescent si atypique. Avec ce récit à la première personne, on comprend rapidement que ce pauvre gosse a salement dérouillé : une mère trop tôt disparue, un père alcoolique et violent (les circonstances durant lesquelles il est devenu borgne sont mémorables), et un village paumé où tout le monde le croira coupable de l’accident stupide qui a eu raison de son géniteur. Et c’est après un pénible périple qu’il parviendra chez Fintan, ce pauvre bougre, ancien prêtre, défroqué pour des raisons obscures, avec lequel il tissera progressivement une relation de confiance, d’amitié, voire de filiation de substitution. Tim Winton nous emmène dans le bush stérile, sans approvisionnement d’eau ni d’électricité, au gré d’un vocabulaire âpre, parfaitement adapté à la psyché de notre protagoniste si meurtri, et aux rares dialogues présentant la spécificité de n’être précédés d’aucun tiret cadratin. Le final, très marquant et brutal, avec ces voisins inattendus qui vont réorienter l’histoire dans une direction violente, marque l’épilogue d’un ouvrage fort et puissant, sombre et vorace.
« Parce que maintenant, je sais qui je suis. Et la paix est en chemin. Y a intérêt, bordel », est-il écrit : un livre où intervient une quête de rédemption qui essaie de restructurer une enfance dysfonctionnelle et poignante. Une œuvre aussi noire que lumineuse.08/09/2025 à 06:55 5
-
Art nouveau
Yannick Corboz, Wilfrid Lupano
7/10 Vienne, 1900 : deux hommes, débauchés et cyniques, font le pari de pouvoir « créer de toutes pièces un ennemi de la société à partir d’un être innocent » en se fondant sur leur expérience de l’art, et ils jettent pour cela leur dévolu sur Victor, un jeune gars turbulent et naïf dont le père est violent et très autoritaire. Le goût du luxe et du sexe le mènera progressivement vers la violence.
Des dessins très réussis pour souligner ce scénario habile et crédible, ou comment des cruels marionnettistes manœuvrent un individu lambda pour le faire céder aux appels de plus en plus pressants de la facilité, du vice et du crime. Une course poursuite inachevée vient clore ce premier tome prenant, je vais tâcher de mettre la main sur la suite.07/09/2025 à 15:37 1