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La Colère
9/10 Ike Randolph, solide Noir au passé tourmenté et ex-prisonnier, et Buddy Lee Jenkins, phasme blanc du même âge, toussant du sang et jouant du couteau, viennent d’enterrer leurs enfants respectifs qui ont froidement été abattus et qui s’aimaient – leur couple avait également la petite Arianna, obtenue par mère porteuse. Les deux grands-pères vont s’associer pour comprendre qui a pu s’en prendre à leurs fils, surtout une fois que leur pierre tombale a été vandalisée – et ainsi remonter jusqu’à une énigmatique Tangerine.
Un thriller très bien troussé, avec des dialogues au cordeau, des scènes qui claquent et marquent les esprits (les réparties entre les deux aînés m’ont parfois rappelé celles issue de la plume de John Connolly, quand Angel et Louis discutent). Une histoire originale par son pitch, qui bat en brèche les clichés quant au racisme et l’homophobie, avec des arguments percutants. Si on ajoute à ça des passages très pyrotechniques et visuelles (le final explosif, notamment, et toutes les scènes où nos deux héros affrontent les bikers des Sang pur), effectivement, on comprend que le cinéma ait pris une option sur ce livre. On pardonne d’autant les quelques poncifs que je vois davantage comme des concessions au genre hollywoodien (des moments de bagarre peu crédibles à mon goût, l’identité du donneur d’ordres très stéréotypée, ou le final un peu abrupt). Ah, tant que j’y pense, pour Franck 28 : s’il décide un jour de commettre un commentaire sur cet ouvrage sans l’avoir lu – sa manie –, je lui précise que le titre originel fait référence à la toute dernière phrase du roman, ça pourra toujours lui servir.aujourd'hui à 05:42
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L'Affaire de l'île Barbe
Michel Montheillet, Stanislas Petrosky
8/10 Janvier 1881 : on ramène sur la morgue flottante de Lyon le cadavre d’une noyée dont seule la partie supérieure du tronc a été retrouvée. Le professeur Alexandre Lacassagne, professeur de médecine et habitué des autopsies, ainsi que son aide Ange-Clément Huin, vont tâcher de faire parler cette dépouille grâce aux techniques de médecine légale de l’époque.
Ce court roman de Stanislas Petrosky séduit dès les premiers chapitres. Au gré des quelque cent-cinquante pages de ce roman, l’auteur nous donne à voir une belle reconstitution de Lyon, de l’histoire locale, des protocoles policiers mais surtout des procédés de la science forensique. L’histoire de ce corps tranché en deux a véritablement existé, les personnages principaux – mis à part Ange-Clément – également, et l’écrivain nous plonge avec une aisance inouïe dans cette investigation. Le lecteur en apprendra beaucoup sur les méthodes scientifiques de la fin du dix-neuvième siècle en France, et quelques apartés – sur les premiers espoirs apportés par l’étude des empreintes digitales ou de la phrénologie – montrent à quel point les connaissances en la matière ont beaucoup progressé depuis. La relation entre Lacassagne et Huin est formidable, eux qui se sont connus lorsque le docteur était agressé et à qui l’ancien Apache – comprenez un membre d’une bande criminelle – a sauvé la vie. C’est une habile connexion de mentor à élève, le médecin se commuant presque en père de substitution, instruisant son protégé et jouissant dans le même temps de son œil avisé et de son esprit si vif. L’enquête est également bien menée, avec toute la vraisemblance que l’on pouvait attendre d’une telle reconstitution, et même si le final pourra décevoir, il n’est jamais que l’écho authentique d’une affaire qui n’a jamais connu de dénouement avéré. La quarantaine de pages qui conclut cet ouvrage, avec de beaux passages sur les protagonistes de cette histoire ainsi que des clichés de la victime, achève avec brio cet opus très enthousiasmant.
Stanislas Petrosky signe un livre à la fois érudit et divertissant, où la petite histoire se mêle à celle qui s’écrit avec une majuscule. Un plaisir de la première à la dernière page – très noir, ce régal.hier à 06:37
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Les Prisonniers du temps
Christophe Bec, Eric Corbeyran, Paolo Grella
4/10 Alors qu’il se repose de sa précédente aventure, Bob Morane voit débouler des créatures préhistoriques dans son manoir de Dordogne. Accompagné de Sophia et de soldats, Bob franchit la porte spatiotemporelle et arrive en pleine préhistoire. Pendant ce temps, Ballantine cherche une autre voie mais durant l’époque contemporaine.
Esthétiquement, c’est irréprochable, mais du point de vue du scénario, je n’ai pas du tout accroché. Astéroïde, séismes, animaux d’un autre temps, espace : malheureusement pour moi, j’ai saisi l’ensemble comme un vaste brouet sans réelle saveur. Dommage.avant hier à 19:50
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Les 100 Démons de l'Ombre Jaune
Christophe Bec, Eric Corbeyran, Paolo Grella
7/10 Indochine, 1954 : Bob Morane et Bill Ballantine sont parachutés afin d’aider les troupes françaises, mais deux heures plus tard, les douze soldats qui les accompagnaient sont massacrés par trois tueuses expertes en armes blanches.
Une bonne idée que de ressusciter Bob Morane, ici avec un scénario prenant et une esthétique volontairement surannée. Ici, le fait de faire apparaître Hô Chi Minh et un terrible adversaire (qui ressemble méchamment à Yul Brynner) apportent un peu d’épices à ce récit endiablé qui ne souffre d’aucun temps mort (même si à titre personnel, le croisement avec « Alien » n’est pas particulièrement heureux).avant hier à 19:49
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Captif de l'oubli
Alexandro Jodorowsky, Gabriel Rodriguez
7/10 An 20582, Zoart, galaxie centrale : Xar-Cero, combattant comme un gladiateur, est enlevé par un vaisseau spatial. Considéré comme le meilleur assassin de la galaxie, il est « convié » à un entretien où on lui propose cent dix milliards d’aquadollars. Il s’agit de châtier la planète Samppa qui n’a pas honoré ses dettes.
Une BD de science-fiction et de space opera, à l’esthétique léchée et au scénario travaillé. Je ne suis pourtant vraiment pas fan du genre mais cet opus m’a séduit par son rythme, sa densité et son imagination. « Magnobankiers, votre heure et venue ! » constitue l’ultime tirade prononcée au beau milieu d’un carnage : j’espère que le tome suivant du même acabit.avant hier à 16:14
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Wonderland - Le Monde d'après tome 1
5/10 Le premier tome de ce diptyque succède à une BD que je n’ai pas lue, mais ça n’est pas bien grave car, si les références sont rapidement expliquées, l’intérêt est ailleurs, et on est rapidement plongés dans le bain : un gamin possédé par l’esprit du Chapelier qui utilise un rasoir, des miroirs à briser impérativement, des hallucinations, etc. Un graphisme typiquement comics à l’américaine, des références multiples aux œuvres de Lewis Carroll, mais j’ai trouvé que le côté fantasy et superpouvoirs vient annihiler toute horreur ainsi que le suspense attendu dans ce type de productions. Du coup, ça m’a semblé être une BD assez bancale, aux genres trop mélangés, et aucun des aspects ne l’emporte franchement sur l’autre. Je pense que je vais m’arrêter là.
18/01/2025 à 11:29 1
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Rapaces I
8/10 Un meurtre dans une pièce fermée de l’intérieur, au 123ème étage d’un gratte-ciel new-yorkais. Un acteur vidé de son sang, avec une aiguille plantée derrière l’oreille et un message laissé sur le mur par le tueur qui en est à sa troisième victime, toutes ayant la particularité d’avoir un kyste derrière l’oreille.
Un premier tome très intéressant, avec un graphisme très particulier (personnages expressifs, des couleurs magnifiques et lissées avec de beaux dégradés) qui vient souligner une enquête prenante avec quelques scènes marquantes (l’attaque au lance-flamme près du fleuve, la crémation en plein air). Une ambiance lourde, presque gothique et occulte, avec la belle découverte d’une nécropole souterraine pour clore cette BD. Vraiment très bon même si les ressorts semblent pour le moment assez classiques.17/01/2025 à 18:11 2
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Trek mortel
7/10 Quatre adolescents – Anna, Baptiste, Clément et Diane –, membres du même club d’escalade, décident de se lancer du côté du Pic de Barrosa, dans les Pyrénées. Rapidement, les événements inquiétants se succèdent : toiles de tente déchirées, passé douloureux qui revient à la charge, refuge présumé maudit, présence de drogue dans le chalet. Vous allez incarner Anna et tâcher de prendre les bonnes décisions.
Après Urbex mortel, Betty Piccioli nous revient, toujours chez l’éditeur Rageot, avec ce nouveau livre-jeu. Il s’agit, comme le veut le concept désormais connu de tous, de faire des choix lorsque cela est proposé, et à chaque aiguillage présenté, poursuivre l’histoire. Le récit est intéressant, le cadre à la fois vertigineux et oppressant, et suffisamment de rebondissements viennent émailler le récit. L’écrivaine propose d’ailleurs sa propre version de l’escape game : on oscille ici entre livre-jeu et littérature. En effet, l’arborescence est assez ténue, et même s’il existe assez de fins différentes pour inviter le jeune lectorat à retenter sa chance et ainsi tester toutes les solutions possibles, on pourrait presque lire cet ouvrage indépendamment des bifurcations indiquées, presque dans l’ordre des chapitres. L’idée peut surprendre mais elle est finalement intéressante et originale : dès lors, cet opus peut tout à la fois séduire les lecteurs adolescents en quête de sensations fortes – certains passages sont sanglants – ainsi que ceux désireux de s’orienter vers une littérature plus interactive.
Encore un ouvrage intéressant de la part de Betty Piccioli. Finalement, ce mélange des genres s’impose comme une résolution astucieuse et permet à son auteure de tirer son épingle du jeu.17/01/2025 à 06:40 1
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Les Refuges
8/10 Ce livre commence avec une sorte de devinette que narre François Villemin, professeur d’université, à ses étudiants, le cas d’une certaine Sandrine et de son « refuge ». Puis, on bascule dans une histoire à double narration ; d’un côté, une île isolée où ne vivent qu’une poignée habitants chargés d’accueillir, en 1949, des gamins traumatisés et marqués par la guerre, afin qu’ils reprennent goût à la vie. Mais rapidement, certains éléments vont leur échapper. De l’autre, en 1986, Sandrine, journaliste, apprend que sa grand-mère, Monique Vaudrier, vient de décéder, et se rend sur cette île afin de mettre de l’ordre dans les affaires de la défunte, mais là également, une menace plane. Dit comme ça, ça pourrait paraître relativement simple, comme scénario (quand je dis « simple », ça n’a bien évidemment rien de réprobateur), mais on comprend dès la « deuxième balise » (des sortes de parties, des charnières, autour desquelles s’articulent le roman), que ça va se corser puisque Jérôme Loubry va nous mener en bateau. Sur le principe, comme tout le monde d’ailleurs, j’imagine, j’aime être manipulé avant de me prendre dans la face un retournement inattendu, un twist fulgurant, une révélation magistrale, et eu importe laquelle. J’ai presque dévoré ce roman en une seule fois tant il est prenant, et cette somme de mystères, d’ombres et de portes ouvertes m’a mené à l’épilogue sans que je ne voie le temps passer. Cependant, si je devais lui trouver un défaut, c’est justement dans cette surenchère de rebondissements qui tiennent davantage, sans rien dévoiler, à l’interprétation des détails jalonnant les récits et des points de vue adoptés. Les chats, les prénoms, le coup de l’horloge avec 20h37, les noyades, le Roi des Aulnes, les dessins, les enfants disparus, les foires aux bestiaux, les vaches tatouées d’une croix gammées, les viols, et encore, je dois en oublier des pelletées, tout finit par s’imbriquer et trouver, plus exactement, l’éclairage adéquat après de multiples faux-semblants et autres exégèses purement temporaires. Après, selon moi, difficile de ne pas dire que l’ensemble est marquant tant il est torturé et dédaléen, dès lors que l’on s’est donné la peine de dépasser le premier quart environ se passant sur l’île, et la succession de tours de passe-passe, même si encore une fois je les trouve un peu « forcés », compose un sacré socle scénaristique que l’on est libre ou pas de valider, évidemment, mais qui sort de l’ordinaire autant qu’il éprouve le lecteur par sa complexité et certains passages féroces, voire difficilement soutenables. Bref, un thriller solide et bien élaboré, jouant habilement sur les mécanismes des apparences fallacieuses et des replis intimes de la psychologie, voire de la psychiatrie quand l’esprit de l’individu préfère « disjoncter » que d’affronter la réalité, dont je ne critique que la complication parfois inutile de certains engrenages narratifs.
16/01/2025 à 05:48 1
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The Fisherman
9/10 Un cancer et un accident de la route : voilà ce qui a réuni Abe et Dan, deux collègues de travail à IBM. Le premier a perdu son épouse à cause de la maladie, le second sa femme et ses deux enfants après un carambolage. Tous les deux passionnés de pêche, meurtris par le deuil, ils finissent par se rendre dans les bois de Woodstock, là où coule la Dutchman’s Creek. Il se dit bien des choses au sujet de cette rivière, des légendes circulent, et la plus impressionnante d’entre elles est racontée aux deux camarades par un autochtone. Une histoire tout bonnement démentielle qui va peut-être trouver des échos dans leur présent – des résonances d’abomination.
Ce roman de John Langan saisit dès les premières pages. Le style est magnifique, l’écriture travaillée, et certains passages sont de purs régals littéraires. On apprend ainsi à mieux connaître nos deux protagonistes, tous les deux mutilés par la mort – les passages relatifs à Dan et au feu tricolore où sont décédés les siens sont de toute beauté. Mais quand Howard, le patron du restaurant, commence à leur narrer l’incroyable histoire liée à la Dutchman’s Creek, le lecteur comprend rapidement que tout va basculer. C’est un récit fort, dense et puissant, très circonstancié, nourri au lait maléfique de ce qui se fait de mieux dans le domaine, quelque part à la lisière entre Stephen King, Howard Phillips Lovecraft, Edgar Allan Poe, ou Peter Straub. Ça commence par ce passé relatif à l’édification de ce lac artificiel avant de basculer sur le décès de la conjointe de Cornelius Dort et de l’arrivée d’un mystérieux « Invité » : il y sera question, sans rien vouloir divulgâcher, de déchéance autant que de rédemption, d’amour et d’épouvante, d’occultisme et de perte de la raison, avant qu’Abe et Dan ne fassent à leur tour connaissance avec la malédiction des lieux. John Langan tisse une trame remarquable, gothique et machiavélique, où le surnaturel côtoie le plausible – et c’est probablement ce qui constitue l’une des forces majeures de cet ouvrage. D’ailleurs, de nombreux moments resteront longtemps en tête, comme ces interventions méphitiques du Schwarzkünstler – « l’Artiste noir » –, le combat des villageois contre celui-ci, ou encore les sordides péripéties de nos personnages centraux, bien moins héros que victimes.
En plus d’être un objet admirable, ce livre joue adroitement sur les codes du genre tout en y apportant sa propre touche d’humanité et ses élans de férocité. En plus d’être hameçonné, le lecteur gardera longtemps à l’âme les crochets acérés de cette chronique tumultueuse.15/01/2025 à 06:58 9
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Plus fort que la nuit
8/10 Parce qu’elle a toujours vécu dans un ranch du Wyoming et qu’elle est une cavalière émérite, la jeune Lana Harpending finit par intégrer la brigade montée de la police new-yorkaise. On lui confie comme destrier Eridan, un appaloosa au comportement erratique, ainsi qu’un collègue, Paul Maryanski, qui malgré son penchant pour le MMA, semble être à la botte de son épouse Alice. Rapidement, Lana comprend que Paul dissimule un secret, et quand le policier disparaît subitement, le cours des événements s’électrise.
Voilà un roman à suspense particulièrement original que l’on doit à Frédéric Lepage. L’exploitation de la brigade montée du NYPD est singulière, d’autant que l’auteur s’est indéniablement beaucoup documenté sur le sujet – son fonctionnement, son histoire, ses pratiques. Dans le même temps, l’auteur nous écrit une carte postale de grande qualité de cette ville qui ne dort jamais, avec un luxe de descriptions et de détails intéressants sans jamais que cette débauche n’en devienne pesante. Dès lors, deux intrigues vont se nouer : l’étrange attitude d’Eridan, souvent pris de crises de panique et dont on n’explique pas pour le moment les causes ou les origines, et la disparition soudaine de Paul Maryanski que l’on va rapidement retrouver mort. En fin conteur, Frédéric Lepage use d’une plume subtile, élégante, et l’on se plaît très souvent à relire de nombreux paragraphes tant ils sont bien écrits. Le lecteur ne pourra être que touché par le sort d’Eridan, se délectant au passage de la délicatesse et de l’émotion utilisées pour décrire la relation entre ce cheval et sa cavalière. Dans le même temps, le volet purement polar est réussi, permettant de ficeler des événements aussi hétéroclites qu’un meurtre a priori rituel, un ancien immeuble qui a pris feu dans des conditions suspectes ou encore des combats illégaux de chiens.
Si la formule veut que « le cheval est la plus belle conquête de l’homme », ce Plus fort que la nuit – titre ô combien judicieux et subtil – prend ce cliché à rebours et illustre, avec un style remarquable, qui emprunte parfois davantage à la littérature blanche qu’à la noire, que cet animal est capable d’inspirer des comportements profondément vertueux aux humains. Un livre au suspense parfaitement maîtrisé qui se double d’une poignante leçon de vie.14/01/2025 à 06:48 2
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Bouche d'ombre
9/10 Ils sont trois à se retrouver à l’étude de maître Douard, trois personnes qui connaissaient bien Daniel Lestrade qui vient de décéder et dont on va procéder à l’ouverture du testament. Il y a Elvire, sa sœur, Simon Chanfreau, un SDF que le défunt avait extirpé de la rue pour en faire son chauffeur, et Julia Rosso, sa maîtresse. Tous les trois avaient une excellente raison de vouloir tuer Daniel, qui n’était qu’un monstre, et quand certains aspects du testament sont révélés, les trois sont fixés sur un point indéniable : le mort n’en a pas tout à fait fini avec les vivants.
Voilà une excellente idée de la part de François Guérif que de vouloir remettre sous les projecteurs quelques-uns de ces « iconiques » – ces ouvrages qu’il a publiés et qui l’ont marqué. Ce roman de Pascal Dessaint date de 1996 et c’est avec un plaisir intact qu’on le lit près de trois décennies plus tard. Plutôt court, ce livre est un bijou de noirceur. De façon chorale, chacun des protagonistes nous permet de comprendre les liens qui l’unissaient à Daniel Lestrade, un personnage sacrément ambivalent : castrateur, volontiers incestueux, capable de puissantes amours comme de haines tenaces, il était également un manipulateur de première, obsédé par sa dernière lubie qui consistait à vouloir tracer les grands malades par un biais informatique afin de dégager de belles sommes d’argent qui n’auraient plus à être versées à ces moribonds. Parallèlement, les autres individus de ce récit sont également torturés : Simon va tomber sous le charme d’Elvire, celle-ci nouant une curieuse connexion avec une mygale, et Julia va lentement se faire à l’idée que Daniel doit mourir. Des spécimens humains fracassés, porteurs d’autant de lézardes que de zones d’ombre, mutilés par un destin qui n’en a pas tout à fait fini avec les trajectoires heurtées de leurs petites vies. Avec un style très maîtrisé, Pascal Dessaint nous offre le tragique spectacle de ces mortels déjà consumés de tant de feux, balayés par des vents contraires et soumis à des farces sordides ourdies par le sort. Après un clin d’œil amical à Claude Mesplède dont le nom a à peine été modifié pour l’occasion afin d’incarner un policier, l’auteur livre son épilogue aux multiples rebondissements, mais qui ont comme dénominateur commun la noirceur – à faire passer la dynastie des Atrides pour une dynastie de clowns aux péripéties enjouées.
Un roman d’une rare densité humaine, à la fois féroce et meurtri. C’est la lampe glissant à l’intérieur d’un puits et inondant de sa lumière les parois enténébrées pour mieux y deviner la vermine.13/01/2025 à 06:52 6
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Les Amants effroyables
Yannick Corboz, Wilfrid Lupano
6/10 Une reconstitution toujours aussi magnifique et réussie de l’Exposition universelle de Paris (et des personnages toujours aussi expressifs) avec ce dernier tome de la série. Cependant, je regrette l’absence de nervosité dans cet opus qui aurait pu se conclure de manière plus marquante que ça : la dernière planche avec le toast porté dans un bateau ne me marquera malheureusement pas bien longtemps. Dommage.
12/01/2025 à 20:06 2
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Les attractions coupables
Yannick Corboz, Wilfrid Lupano
7/10 Une ambiance d’Egypte antique pour cette entame alors que ça se déroule en réalité dans le Paris de l’Exposition universelle. Je retrouve avec plaisir le graphisme léché (les reconstitutions sont esthétiquement magnifiques, de même que la scène du duel à l’épée) et cette intrigue originale.
12/01/2025 à 16:30 2
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La Révélation
Serge Le Tendre, Christian Rossi
7/10 Désormais Thya puisque transformé en femme, Tirésias va de nouveau croiser la route de Calypto et de Glaucon. Une existence pour le moins tourmentée pour cette évocation réussie de la mythologie grecque à travers une BD dont le dessin a néanmoins vieilli.
11/01/2025 à 15:24 2
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Le Neuvième Livre
6/10 Alex Merri et Mary Garza ont repris leurs activités, lui comme enseignant à l’université et elle comme responsable d’une agence de sécurité privée. Malheureusement pour eux, le passé n’a pas fini de les prendre en chasse : le journaliste Dashward vient trouver l’enseignant pour l’interroger sur la société secrète des Neuf Inconnus. Et voilà nos deux protagonistes contraints de se mêler à une quête bien particulière : un mystérieux livre recélant bien des mystères et que les nazis traquaient déjà.
Après La Légende de l'Empereur, Alexandre Murat revient avec ses héros fétiches pour une nouvelle épopée. L’histoire va brasser nombre de thèmes connus, de la religion à la cabale nazie en passant par le transhumanisme et l’occultisme, et beaucoup de lecteurs verront là une nette connexion avec ce qu’ont déjà exploré des auteurs illustres comme Dan Brown (le fait qu’Alex soit claustrophobe comme Robert Langdon n’est probablement pas un simple hasard), Steve Berry ou James Rollins. La plume est agréable, le tempo cadencé, et les amateurs du genre apprécieront, entre ésotérisme et scènes d’un spectacle très spectaculaire façon blockbuster hollywoodien. Alexandre Murat a eu le bon goût de préparer son récit et de le sceller sur une documentation solide, ce qui n’empêche malencontreusement pas son roman d’inclure les écueils presque inhérents à ce genre de littérature. Ainsi, certains personnages manquent clairement de nuance psychologique et tombent dans la caricature, tandis que de nombreux passages, à force de chercher à tout prix la pyrotechnie ou l’esthétique cinématographique, sont tout bonnement invraisemblables pour ne pas dire risibles (notamment ce final incendiaire dans le désert de Gobi où les héros affrontent un adversaire qui n’est qu’une blafarde copie d’Ironman). Même si, encore une fois, les aficionados aimeront cet ouvrage, on en vient presque à se demander si, en 2024, il est encore d’actualité d’évoquer le « soleil noir » du Troisième Reich, l’implication d’Heinrich Himmler ou le rôle de l’Ahnenerbe tant ces sujets ont maintes fois été abordés voire épuisés. Peut-être serait-il tout simplement bon de passer à autre chose, de chercher des thématiques moins banales, bref, de se montrer plus original.
Un livre purement distractif, qui pèche par manque de singularité et par excès de connivence avec les clichés du genre.10/01/2025 à 06:42 2
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La Secte de Nazareth
8/10 Une habile relecture de la vie de Jésus et de la Bible, où le Christ a été amnistié par Ponce Pilate, où les chrétiens (devenus ici les « Poissons ») multiplient les attentats (cf. la scène de l’amphore enflammée pour tuer le sénateur romain) en attendant l’Apocalypse. Le sujet était méchamment casse-gueule mais le scénario est bien troussé, le graphisme bien particulier, et le final, effectivement apocalyptique (je ne dis pas ce que c’est pour ne rien divulgâcher, mais c’est habile), vient clore avec intelligence le récit.
08/01/2025 à 20:25 3
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Les Frontières interdites
Christophe Bec, Stéphane Betbeder
8/10 7000 mètres d’altitude : une poignée de soldats avancent au pas cadencé et luttent pour ne pas mourir tandis que dans la montagne, une horde de personnages d’allure préhistorique s’affaire.
Un premier tome très intéressant et esthétiquement réussi (avec quelques clins d’œil, comme ce personnage qui ressemble bigrement à Robert Duval), avec l’ombre inquiétante de ce bunker 47. Une ambiance très martiale tandis que les premières créatures apparaissent à la fin de la BD.08/01/2025 à 20:24 3
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Douve
9/10 L’inspecteur Hugo Boloren découvre un journal près de chez lui qui lui apprend que Douve vient de connaître un assassinat. Celui que l’on surnommait Dédé a été tué à coups de marteau. Il se trouve que les parents d’Hugo – sa mère en tant que journaliste et écrivaine, et son père qui était policier – avaient enquêté dans ce village complètement perdu sur le cas d’un Islandais, Andrès Drengursson, qui avait tué sa femme et leurs deux enfants en les empoisonnant. Il est en outre persuadé que son père n’est pas son véritable géniteur, aussi décide-t-il, presque sur un coup de tête, de se rendre sur place. Mais le passé n’a pas fini d’essayer de dissimuler de lourds secrets.
Ce roman de Victor Guilbert est un pur enchantement. Dès les premiers paragraphes, l’auteur nous séduit par sa langue si particulière et ses personnages croustillants. Hugo Boloren compose d’ailleurs un protagoniste sacrément atypique : il a renoncé à fumer et substitué la dégustation d’un carré de chocolat à chaque fois qu’il est tenté par une cigarette. Son calme et son apparente fragilité côtoient un système de déduction très spécifique, ce qu’il appelle « la bille », où ses raisonnements s’accomplissent jusqu’à ce que cette sphère fictive vienne percuter une vérité trop longtemps recherchée. Son paternel lui a un jour indiqué qu’il « a Douve dans les veines », et puisqu’il n’a jamais véritablement compris cette formule, d’autant que son père est mort depuis et que sa mère est victime de la maladie d’Alzheimer, c’est au cœur de Douve qu’il va tâcher de comprendre le sens de cette sentence. D’ailleurs, Douve est en soi un individu : cerné de forêts et de marécages, reclus comme un animal apeuré, situé au bout d’une impasse, le patelin tient de l’authentique village fantôme, dont les habitants ne sont pas décidés à parler aussi facilement. Victor Guilbert nous ensorcelle avec un rythme volontairement apaisé, sans pyrotechnie ni scène dantesque, et les moments de tension – comme la longue chasse à l’homme dans les bois – n’en paraissent que d’autant plus explosifs. Le récit est habilement entrecoupé d’extraits de L’Evadé, le livre écrit par la mère d’Hugo, et ces alternances entre le présent et le passé sont de purs bijoux de narration. Et ce beau plaisir de littérature est amplifié par le dénouement, en plusieurs temps, très habile et crédible, avec une vérité insoupçonnée apparaissant aussi sur un quai d’embarquement.
Un subtil mélange d’ambiance poisseuse et de polar rural, sublimé par une écriture magnifique. Victor Guilbert frappe fort, et l’on se tournera avec convoitise vers les autres romans de la série consacrée à Hugo Boloren.08/01/2025 à 06:55 6
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Les Limbes
5/10 14 mai 1970, au sud-ouest du Vietnam. Le soldat James Hawkins prend une balle en pleine tête et se croit mort avant de comprendre que c’est faux. Meurtri par cette expérience, revenu à la vie civile, il est la proie de cauchemars et vivote en travaillant dans une scierie. Mais son ancien état-major se rappelle à son bon souvenir et le contraint, sous la menace du chantage, à intégrer la secrète et mystérieuse station K27, en Alaska, pour participer à des expérimentations très spéciales dans le domaine des rêves. Pour James, c’est en réalité le début d’un cauchemar.
Je ne connaissais pas Olivier Bal, et c’est via ce roman que je découvre cet auteur, sa plume et son univers littéraire, et je n’ai pas été particulièrement séduit. Au niveau des points positifs, indéniablement, l’écrivain a inventé un pitch intéressant qui m’a intrigué au point que je me suis procuré ce livre. Le style y est simple, allant à l’essentiel de l’action et des descriptions, qu’elles soient psychologiques, géographiques ou autres. C’est un livre typiquement américain à mes yeux, au sens où il sillonne ce qu’Hollywood et des auteurs anglo-saxons auraient pu tracer voire avoir déjà arpenté, quelque part entre du Stephen King et je ne sais quels autres réalisateurs. Bref, un pur opus de distraction, un page-turner à faire passer un bon moment sans pour autant être crédible. En revanche, il y a pas mal de points qui m’ont fait tiquer, voire m’ont agacé. Le style, puisque j’en parlais, à force de le dire « simple », m’est vite apparu comme « simpliste » : aucune envolée de mots, pas de passages à relire tant ils sont beaux. La langue est finalement fade, très pauvre, la syntaxe parfois incertaine, pas mal de dialogues creux, et je ne parle même pas du protagoniste qui, s’il traverse des péripéties hallucinantes, tient de l’individu sans réelle profondeur ni caractéristiques humaines. L’histoire, si elle commence bien, tourne vite au grand n’importe quoi. Autant j’ai apprécié ce scénario tournant autour des rêves et cauchemars, des manipulations, des prises de contrôles à distance, autant j’ai été désarçonné puis fort déçu par la structure du roman : un premier tiers qui intrigue, un autre où l’on bascule dans le cœur de ces expériences, mais le dernier ressemble à s’y méprendre à une énième relecture de « The Thing », à tel point que ça ressemblait selon moi à un pompage éhonté tant au niveau de l’action que de l’esprit du film. Et puis, on ne compte les lieux (« la Forêt des Âmes », « les Terres Mortes », « la Nef », « la Cité de Lumière », etc.) ou les personnages (« Les Elus », « Les Eveillés », « les Veilleurs ») qu’Olivier Bal multiplie à l’envi, comme s’il craignait de manquer d’éléments à exploiter, privilégiant la quantité plutôt que la qualité, parce que les allers-retours dans ces endroits éthérés, immatériels, m’ont laissé froid : je ne sais pas à quoi c’est dû, la langue si chiche, l’absence de densité littéraire, le caractère trop abstrait, mais jamais je n’ai vraiment cru en ces endroits qui auraient dû me dresser les poils, ce qui fait que, contrairement à nos protagonistes, je ne suis jamais vraiment rentré en ces lieux terrifiants. Au final, une belle déception pour moi que ce roman écrit à la première personne, qui m’a été en quelque sorte narré sans jamais que je ne me sente concerné.07/01/2025 à 06:04 3