El Marco Modérateur

3355 votes

  • Bicycle 3000

    O Se Hyung

    8/10 Un interrogatoire au cours duquel un ado potelé et un peu stupide, Seo Yeong-won, répond aux interrogations du policier au sujet du possible enlèvement de Hui-ju, âgée de 15 ans. A priori, tout semble simple, presque réglé d’avance. Mais la vérité est plus complexe.
    Un récit très intéressant, souligné par un graphisme très particulier, épuré et où les silences sont rois. Le long flashback permet de discerner une amitié directe entre le suspect, apprenti poissonnier et qualifié par son patron de « gros balourd », et sa présumée victime, autour d’un vélo qui donne son titre au manga. Une histoire singulièrement crédible, où passé et présent s’entrecroisent pour mieux décrire l’accès de violence d’un pauvre type à qui on a volé tout espoir de bonheur. C’est tragiquement simple et, paradoxalement, fort.

    hier à 08:12

  • Avant qu'il ne tue

    Blake Pierce

    7/10 Mackenzie White, détective de vingt-cinq ans à peine, fait déjà bien des jaloux au sein du service de police auquel elle appartient : jeune, belle, rebelle, elle a déjà un très solide palmarès professionnel et doit se mesurer au machisme ambiant. C’est alors qu’une stripteaseuse est retrouvée morte dans un champ, attachée à un poteau de bois et massacrée au fouet. Certainement le début de la croisade sanglante d’un tueur en série, et c’est à Mackenzie que l’on confie l’affaire.
    La touche si typique de Blake Pierce (ou plutôt des écrivains ou de l’IA qui se dissimulent sous ce prête-nom) : une femme enquêtrice de talent, avec un passé trouble (ici, la mort de son père), face à un redoutable prédateur. Elle va ici travailler avec Porter, son collègue policier, avant de se brouiller avec lui et de se voir adjoindre un agent du FBI, Jared Ellington, et mener son investigation. Les références à sa vie privée, chaotique en raison de la personnalité de son ouvrier de compagnon, n’apportent pas grand-chose mais permettent d’amplifier la profondeur du personnage. Le récit est assez court et énergique, sans temps mort, avec le lot de fausses pistes attendues, et globalement, ce roman est bon. L’idée du tueur hanté par un épisode de la Bible n’a rien de très original, d’accord, mais le biais choisi (bien vu, le coup des villes refuges) est intéressant, même si j’aurais apprécié que l’auteur creuse davantage ce sillon psychologique et les motifs intimes de l’assassin. Bref, rien de supérieur, mais un bon livre policier, bien imaginé et maîtrisé.

    avant hier à 08:04 1

  • Black & white

    Igor Kordey, Darko Macan

    7/10 Un western âpre et violent, au graphisme assez particulier, qui a le mérite de mettre en lumière des protagonistes noirs (même si tous ne sont vraiment pas sympathiques). Des cris, du sang et du plomb au cours de cette chevauchée sauvage dans l’Ouest sauvage des Etats-Unis où tous les protagonistes n’étaient évidemment pas des Blancs. Original et efficace.

    23/07/2024 à 07:41

  • Meurtre (et baklava)

    Blake Pierce

    4/10 Pour échapper à son quotidien routinier ainsi qu’à une proposition de « fusion » (comprenez par-là de « mariage ») de son soupirant, London Rose accepte le poste de chargée d’animation sur le Nachtmusik, un bateau de croisière fluviale. Mais ce métier réserve des surprises, dont des mauvaises, comme la mort d’une femme outrancière et revêche à Györ, en Hongrie. London va alors devoir s’improviser détective.
    J’ai déjà lu pas mal de romans de Blake Pierce, et celui-ci sort vraiment du lot tant la volonté de l’auteur – ou de l’écurie d’auteurs ou de l’IA qui génère ces textes – de s’extraire de sa zone de confort est patente : pas de tueur en série, pas de courses-poursuites, pas de fièvre ni de frisson. C’est un livre à mi-chemin entre le suspense et le récit à énigme, avec un peu d’humour, mais l’ensemble n’est guère convaincant. L’ensemble est assez mièvre et tiède, le meurtre n’intervient qu’à la moitié de l’ouvrage, les personnages sont plutôt fadasses, le style n’est guère flambant, et l’ensemble est à la fois perclus de stéréotypes (l’enquêtrice improvisée qui s’avère être une as de l’observation et de l’analyse psychologique) comme de faiblesses (les cartes postales envoyées depuis la Hongrie ne sont pas vraiment passionnantes, le rôle du chien Sir Reginald Taft est minime, et la découverte de l’identité du tueur comme de son mobile est presque sans intérêt). Bref, un effort louable de la part de Blake Pierce de proposer un livre hors de son registre habituel, mais cet opus est vraiment très faible à mon goût.

    22/07/2024 à 08:02 2

  • Le Gardien de la nuit

    Jean Dufaux, Renaud

    7/10 Deux évadés se font étriper par un personnage qui se prend un peu pour Predator. Ce sont ensuite la femme et la fille de Santiag qui tombent sur un pendu. Une ambiance de western pour ce deuxième tome aussi nerveux et tendu que le précédent, avec encore davantage de pièges dans lesquels tombent les sales types les uns après les autres. Toujours une réussite.

    21/07/2024 à 08:19 1

  • RIP, tome 2 : Maurice - Les mouches suivent toujours les charognes

    Gaet's, Julien Monier

    8/10 Marcello Camperetti, alias « Maurice » est au centre de ce deuxième tome de la série. Comme le dit gamille67, on revit certaines scènes du précédent tome mais sous un jour différent. L’intro et la conclusion – avec le type entravé dans la baignoire – papotent intelligemment, mais peut-être à cause du fait que l’effet de surprise de la série s’est légèrement éventé, j’ai préféré le premier tome dont l’intrigue m’a aussi semblé plus limpide.

    20/07/2024 à 08:15 1

  • RIP, tome 1 : Derrick - Je ne survivrai pas à la mort

    Gaet's, Julien Monier

    9/10 L’histoire d’une équipe de gars qui travaillent à nettoyer les scènes de crime. Des existences pourries, des horreurs quotidiennes, pas beaucoup d’argent à la clef, juste le droit de récupérer sur place des objets sans valeur. Mais quand c’est un bijou que Derrick découvre et que la tentation de le dérober est trop forte, ça change la donne.
    Un premier tome détonant : graphismes au top, dialogues et réflexions au cordeau, pitch original, une belle succession d’engrenages avec la suspicion et le racisme, un final percutant et hautement symbolique. Un petit bonheur de noirceur.

    18/07/2024 à 08:08 2

  • Le Club des cinq et le Secret du vieux puits

    Enid Blyton

    6/10 Un petit roman très simple destiné à la jeunesse, à l'écriture congrue et bien adaptée au lectorat visé, et qui contient suffisamment de rebondissements gentillets pour tenir en haleine. L'ensemble a un peu vieilli et ne présente guère de frissons ni de réelle fièvre - seulement un petit opus humble mais sans grand éclat pour faire passer quelques agréables instants de lecture à nos jeunes.

    17/07/2024 à 08:24

  • Le Chef de Nobunaga tome 2

    Takuro Kajikawa, Nishimura Mitsuru

    7/10 … où l’on retrouve notre cuisinier, Ken, ayant effectué un voyage temporel jusqu’à l’époque Sengoku, au XVIe siècle, exploitant à plein ses connaissances gastronomiques pour proposer à ses nouveaux contemporains des plats qu’ils ne peuvent pas encore connaître. Les mets jouent même un rôle diplomatique prépondérant dès l’entame de ce deuxième tome. L’effet de surprise s’est peut-être en partie estompé, mais je demeure admirateur de l’idée, de l’esthétique et de l’originalité globale de cette série.

    17/07/2024 à 07:41 1

  • Toxique

    Niko Tackian

    7/10 Fontenay-sous-Bois. Clémence Seydoux, directrice d’une école maternelle, est découverte assassinée, étranglée. Pour le commandant Tomar Khan et son équipe, c’est un cas d’école, ils pensent que tout sera vite bouclé : « Dans vingt-quatre heures, l’affaire est pliée, c’est statistique ! ». Sauf que Tomar comprend que ça ne sera pas le cas, et la mort de leur principal suspect, happé par une rame de métro, tend vite à le démontrer.
    Le premier ouvrage de la série consacrée à Tomar Khan, et j’ai passé un bon moment de lecture. Une écriture simple et on ne peut guère plus accessible, un décor qui est planté pour présenter ce limier (le coup du violeur en série auquel il s’en prend de manière officieuse, le retour de celui qui se présente comme son père, son frère Goran qui s’est tourné vers la religion, ses amours avec Rhonda, sa mère et les origines kurdes de sa famille, etc.). Ici, rien de très original ni de mémorable, mais ça permet au moins de mieux cerner le personnage. Dans le même temps, voilà un roman court (environ 300 pages), sans véritable frisson ni coups de tension, mais plaisant, où l’on découvre aussi ses collaborateurs dont Berthier qui n’a pas peur des coups de force illégaux mais au moins en partie légitimes. L’intrigue est cependant un poil plus réussie que ces éléments, avec la découverte d’une sociopathe/psychopathe efficace et inquiétante, au portrait saisissant et plutôt originale, à la fin presque poignante. Bref, à mes yeux, rien de véritablement révolutionnaire tant au niveau des protagonistes, de l’histoire ou de l’écriture, mais un livre réussi néanmoins.

    15/07/2024 à 22:03

  • Les Anges noirs

    Christian Lanza

    5/10 22 juin 1997 : le juge Dreyer, sa femme et leur fille sont massacrés, et seul Vincent, alors âgé de douze ans, survit au carnage. Il va alors nourrir une puissante envie de vengeance envers ce commando sans connaître les mobiles du massacre. Devenu policier, Vincent va découvrir, dans le meuble qu’utilisait son père, un document qui va le mettre sur la piste de sordides personnages.

    Ce premier ouvrage de la trilogie consacrée aux Anges noirs est signé Christian Lanza. D’entrée de jeu, le lecteur est mis dans l’ambiance avec l’inimaginable tuerie et la lente genèse de Vincent Dreyer qui va se voir en justicier implacable. Travaillant conjointement avec son collègue et ami Gilles, il va suivre les traces sanglantes laissées par d’ignobles individus, faisant beaucoup voyager ce héros saturé de colère. Le scénario est somme toute classique et le déroulé l’est également : si Christian Lanza maîtrise son histoire ainsi que les rouages de celle-ci, il faut néanmoins relever de nombreux écueils. Le style est parfois fragile, avec des formules éculées et des dialogues qui sonnent faux, et de multiples ellipses viennent dégrader la crédibilité de l’ouvrage. Parallèlement, malgré une solide documentation venant étayer son récit, l’auteur surprend avec son héros, pourtant policier, qui demande ce que sont les diatomées ou interroge un collègue pour savoir si la pédopornographie peut également concerner de très jeunes enfants. Le final réserve un beau rebondissement quant à l’identité du donneur d’ordre, mais le lecteur aura dû en passer par des poncifs trop nombreux, depuis l’adoption de bébés à d’hypothétiques greffes sauvages en passant par la pédophilie et la secte sataniste.

    Un roman plutôt décevant, accumulant les stéréotypes et dont l’écriture n’est guère réjouissante. Souhaitons que le deuxième tome, Trois petits cailloux noirs, soit davantage réussi et pertinent.

    15/07/2024 à 07:49 1

  • Le Berceau des esprits tome 1

    Kei Sanbe

    4/10 Un manga où de grands adolescents bataillent avec des zombies. Un premier tome assez bourrin et sanglant, mais sans la moindre originalité scénaristique ni esthétique et à la violence inutilement excessive (je ne compte même plus le nombre de membres tranchés). L’ensemble paraît au final assez stérile et vain, et même le cadre de ce paquebot renversé n’offre rien de transcendant.

    14/07/2024 à 18:07 1

  • Le Cavalier du septième jour

    Serge Brussolo

    7/10 200 hectares dédiés à l’élevage de chevaux, dans le sud des Etats-Unis, dans une bourgade appelée Pueblo Quito. Là, règne « Le Maître d’écurie », de son vrai nom Manito Calderon y Barcas. Il s’y murmure, selon une vieille rumeur amérindienne, que des mustangs sauvages viendront balayer les habitants, menés par le Cavalier du Septième Jour. Le hic, c’est que derrière ce paravent d’élevages d’étalons, c’est le domaine du « Consortium », un gang de narcotrafiquants qui se servent de ces animaux comme de mules. La prophétise se réalisera-t-elle ?
    Ici, on est chez Serge Brussolo, et l’on s’en rend compte dès les premières pages, avec cette orgie inventive, ce récit touffu, cette incroyable faconde littéraire. Rien ne peut y être simple, en surface, banal. Les personnages, déjà, donnent le ton. Daryl, jeune beau gosse, qui aurait un don de détection et dont compte se servir une agence américaine. Maggie, ancienne sculptrice de totems, persuadée d’être poursuivie par un esprit pyromane qui a déjà passé sa famille ainsi qu’elle-même à la rôtissoire. Ichika, jeune femme indienne qui joue un rôle trouble. Manito, élevé par un catcheur dévot qui donnait une grande partie de ses revenus sportifs à l’Eglise. Le Prof’, qui crée de faux fœtus et les insère dans les chevaux, et qui sont en réalité de la drogue. Vous en voulez davantage ? Ça tombe bien, il y a du rab. Difficile de résumer la complexité des protagonistes, et surtout leurs interactions et les faux-semblants. Soyons clairs : j’adore Serge Brussolo, et je pense d’ailleurs être le lecteur de Polars Pourpres qui a le plus voté pour ses œuvres, et je ne compte pas m’arrêter en si bon chemin, et avec cet opus, même si je ne boude pas mon plaisir de lecture, je dois reconnaître qu’il y a deux écueils. D’abord, certains rebondissements sont assez capillotractés, et si c’est un peu le sceau de ce type de littérature, là, j’ai parfois eu l’impression que l’auteur se forçait un peu à en trouver, au point que ça fiche le vertige. Des interrelations complexes, des identités doubles voire triples, qui risquent de perdre quelques lecteurs d’autant que le livre est assez court (à peine 240 pages). Également, un final qui tourne plutôt en roue libre, assez longuet, comme si Serge Brussolo avait du mal à mettre un point final à ce livre.
    Au final, un ouvrage particulièrement distractif, riche et époumonant tant il est mené à cadence rapide, mais, même moi qui suis fan de l’auteur, je trouve qu’il aurait pu, voire, très humblement, dû, resserrer son histoire, la nettoyer d’éléments pas nécessaires, et l’achever de manière plus rapide et nette. Comme quoi, en littérature comme partout ailleurs, « Le mieux est l’ennemi du bien », ou encore « Less is more ».

    14/07/2024 à 08:05 1

  • Le Chasseur et son ombre

    Arnaud Le Gouëfflec, Steven Lejeune

    8/10 Suite et fin de ce diptyque qui commence dans un pavillon de chasse en Prusse orientale. Un parallèle saisissant et méconnu entre Albert, sauveur, et Hermann, pilier du nazisme. L’ultime citation de Maître Eckhart prend une envergure stupéfiante ainsi accolée au récit. Une série courte mais d’une grande justesse, en plus d’explorer un sujet autant que la vie d’un homme injustement ignoré.

    13/07/2024 à 08:12 1

  • L'Ogre et le chevalier

    Arnaud Le Gouëfflec, Steven Lejeune

    7/10 9 mai 1945, Salzburg : un homme vient se constituer prisonnier, et son nom de famille est loin d’être inconnu. Il s’agit d’Albert Göring, le frère du sinistre Reichsmarschall, et l’interrogatoire qui commence quelques jours plus tard permet d’en savoir plus sur cet homme qui n’a strictement rien eu à voir avec son aîné.
    Une BD très intéressante, portant un coup de projecteur salutaire sur un être assez complexe, peu connu des médias comme de la mémoire collective, qui va confier avoir sauvé au moins 34 personnes. Pas spécialement fan de l’esthétique, mais le sujet est vraiment prenant.

    13/07/2024 à 08:12 1

  • Promenade des solitudes

    André-Paul Duchâteau, Daniel Hulet

    7/10 Anchorage, Alaska : Pharaon est envoyé sur place afin d’enquêter, après infiltration sous une fausse identité, sur des procédés destinés à contrecarrer l’exploitation pétrolifère locale, avec des icebergs se détachant des glaciers et menaçant les navires de transport.
    Un quatrième tome plaisant mais au début moins percutant en raison d’une entame longuette (le flashback n’intervient que plus tard). Climat polaire, esquimaux, présence menaçante des ours, des cartes postales attendues, mais paradoxalement, même si cet opus peut sembler moins tonitruant que les précédents, il est aussi plus « vrai », avec une fin plutôt poignante et une intrigue qui s’articule assez bien avec des considérations écologiques avant-gardistes.

    12/07/2024 à 08:27 1

  • La Mère patrie

    Frédéric Genêt

    6/10 Les dessins sont toujours aussi beaux, mais gamille67 l’a justement remarqué : les bavardages prolifèrent, les longueurs également, et l’action y est à peu près aussi présente que des entrecôtes dans le réfrigérateur d’un végan. Une défenestration pour clore ce tome bien moins sémillant que les précédents, en espérant que le quatrième sera plus dynamique.

    12/07/2024 à 08:25 1

  • L'Île du docteur Moreau volume 2

    Joël Legars, Stéphane Tamaillon

    6/10 Pendrick continue de revenir sur les événements passés sur cette île si inquiétante. Le propos est un peu daté et le graphisme ne m’a pas du tout plu, mais l’ensemble me paraît fidèle à l’œuvre d’H. G. Wells, rendant ainsi un hommage agréable à ce roman. La fin du scientifique est marquante.

    11/07/2024 à 08:02

  • L'Île du docteur Moreau volume 1

    Joël Legars, Stéphane Tamaillon

    6/10 Février 1869 : naufragé au beau milieu du Pacifique, Edward Prendick est recueilli par Montgomery, et au vu des individus présents dans le bateau, Prendick comprend vite que l’île où travaille le maître de son sauveur, un dénommé Moreau, présente déjà des aspects inquiétants.
    Une relecture plutôt agréable du classique de H. G. Wells, où l’angoisse naît progressivement, et même si on connaît déjà l’histoire originelle, ça passe tout de même assez bien. Cependant, je ne suis vraiment pas fan des dessins et de leur style.

    11/07/2024 à 08:02

  • Le Silence

    Dennis Lehane

    9/10 1974. Dans le quartier irlandais de Boston, les autorités s’apprêtent à mettre en œuvre le procédé du busing, à savoir promouvoir artificiellement la mixité sociale et raciale en envoyant des enfants dans une autre école que la leur à l’aide des transports en commun. Les tensions gagnent la population, et l’on apprend la mort d’un jeune Afro-Américain, Augustus Williamson, visiblement percuté par une rame de métro. Au même moment, Jules, la fille de Mary Pat Fennessy, disparaît dans des circonstances inquiétantes. Pour Mary Pat, c’est le début d’une enquête mouvementée autant que la destruction de ses dernières illusions.

    Dennis Lehane a signé des ouvrages majeurs comme Gone, Baby, Gone, Mystic River ou Shutter Island pour ne citer qu’eux, et on ne pouvait que se réjouir de la parution d’un autre de ses ouvrages. Six ans après Après la chute, voilà notre attente enfin satisfaite, et de la plus belle des manières. Le Silence est un roman noir de toute beauté, ciselé et d’une incroyable force de percussion humaine, avec des personnages travaillés et d’une immense densité. Mary Pat compose ainsi une protagoniste exceptionnelle, féroce quand on s’en prend aux siens, et qui a déjà connu la mort de son fils Noel, revenu hanté de la Guerre du Vietnam et ayant succombé à une overdose. Dans le même temps, l’inspecteur Michael « Bobby » Coyne est un policier très sympathique, vétéran du Vietnam et ayant réussi à se défaire de son addiction à la drogue. Finalement, l’un des protagonistes emblématiques de ce récit, c’est la ville de Boston, et plus particulièrement le quartier de South Boston, surnommé « Southie », avec une forte communauté d’origine irlandaise. Les habitants s’y connaissent tous, les générations des mêmes familles s’y sont succédées, et si certains combats sociétaux les fédèrent, les convulsions au sein de cette microsociété pourraient bien fragiliser cette belle entente. L’auteur emploie une langue délicieuse, avec des portraits émotionnels remarquables et des répliques qui font mouche, et les plus de quatre cents pages du livre passent à toute allure. Quelques portraits au vitriol des hippies et autres bobos surgissent, pour notre plus grand plaisir, au milieu de ce décor si sombre, comme des notes bienvenues de lumière dans cette nuit opaque. L’intrigue policière y est maîtrisée, et l’on retiendra de nombreux passages marquants, comme l’interrogatoire de Rum mené par Coyne et Pritchard, ou encore le final, poignant à souhait.

    Un magnifique roman, à la fois désenchanté et porteur des belles espérances auxquelles le titre original – Small Mercies, à savoir « Petites miséricordes » – fait écho. C’est aussi un éclairage particulier, teinté de nostalgie, sur des valeurs humaines cardinales qui s’éclipsent et un monde qui s’éteint. Un authentique bonheur de littérature.

    10/07/2024 à 07:50 5