El Marco Modérateur

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  • Le Jour de ma mort

    Jacques Expert

    3/10 Charlotte Charron, bientôt vingt-neuf ans, vit à Paris. Elle aime Jérôme Verdier. Son chat Grichka est un amour de félidé. Un bonheur sans tache ? Pas du tout. Nous sommes le 28 octobre et, trois ans plus tôt, un voyant marocain lui a prédit sa mort aujourd’hui. Que va-t-il se passer ? La prophétie va-t-elle se concrétiser ? Même en déployant tous les efforts de protection du monde, Charlotte va-t-elle être à même d’échapper à son destin ? Surtout que, depuis quelque temps, un tueur en série rôde dans Paris, ne s’en prenant qu’aux belles blondes ayant un chat.
    J'ai beau être bon public, je n’ai pas aimé. Le pitch est pourtant fort intéressant, alléchant même, laissant augurer un récit haletant, cadencé, avec un twist final inattendu, apte à rebattre les cartes. Malheureusement, je suis resté complètement hermétique à ce roman. Le style est très plat, enfilant les gentils clichés comme des perles à un collier : la gentille héroïne, son amoureux très amoureux, ses copines très copines… Je sais, c’est être de mauvaise foi que de dire ça, mais sincèrement, leur profondeur psychologique ne dépasse guère selon moi celle d’une flaque d’eau. Les dialogues sont éprouvants tant ils sont téléphonés, mal calibrés, envoyés sans conviction. En outre, le suspense ne m’a jamais happé : une sorte de long huis clos, insipide, où l’on a envie de secouer cette brave – mais fort couillonne – Charlotte pour lui décoller la pulpe tant elle aligne les maladresses (les clefs oubliées sur la serrure intérieure de l’appartement, le couteau qui lui échappe des mains, le portable qu’elle égare, la cheville qu’elle se foule…). C’est bien simple : plus d’une fois, j’ai pensé au film « La Cité de la peur », me retenant de pouffer tant tout ceci était exagéré, mal joué, stérile. En y repensant, ça m’a également remémoré « Peur sur la ville », son début du moins, mais ici étiré à n’en plus finir. Le tueur psychopathe ? Ah, il y avait largement moyen d’en faire une véritable terreur, celui-là. Bah non. Il a beau être un beau mastard, il fait presque pitié tant sa psyché est caricaturale, exsangue de la moindre originalité, presque parodique (franchement, quand j’ai lu son histoire avec les chats, je le confesse, j’ai rigolé). Et je ne parle même pas de ses grotesques tentatives d’humour, sa maman-méchante-qui-va-faire-de-lui-un-détraqué, ou encore sa chère mamie qui aligne les soi-disant mantras qui ne sont en réalité que des banalités. Les moments de tension dans l’immeuble m’ont autant effrayé que des pets de teckel : au début, on se laisse prendre, on se dit « Pourquoi pas ? », mais leur côté surnuméraire, enquillant à chaque fois sur des moments d’une éclatante platitude, m’ont rapidement lassé. Je suis méchant, là ? Attendez, je n’ai encore rien dit du final. Parce qu’avec si peu de personnages et une thématique comme celle-ci, on devine un peu comment ça va se terminer. Peut-on échapper à son destin ? Les Anciens ont beaucoup écrit sur le sujet, avec brio. Il fallait une idée lumineuse pour tirer son épingle du jeu, mais Jacques Expert ne l’a pas trouvée. Aucun rebondissement bien senti pour nous éviter ça, et surtout, pour renverser la table et m’obliger à reconnaître que finalement, malgré cette purge, la conclusion vaut le détour. Je veux bien que l’on déterre un sujet éternel, mais la moindre des choses, c’est d’être correct avec le cadavre, ou de faire au mieux pour le présenter décemment. Là, à mes yeux, c’est raté. Alors, c’est vrai, ce qui apparaît au début du chapitre 57 est sympa, mais c’est bien la seule circonstance atténuante que je trouve à cet épilogue.
    Je suis en général assez indulgent, mais pour le coup, c’est selon moi un ratage.

    hier à 18:37 1

  • Le Mystère du château de Mainville

    H. R. Woestyn

    6/10 Pinson se rend au château de Mainville à la demande de son propriétaire. Ce dernier ne l’a pax invité à propos du récent cambriolage qui y a eu lieu mais concernant une fête à venir. Le châtelain attire son attention sur un objet, une coupe rarissime qui pourrait être dérobée à son tour au cours de cette cérémonie. Pinson s’intéresse alors à la liste des invités.
    C’est vraiment agréable de deviner, bien avant la fameuse fête, ce qui va probablement se dérouler par la suite. Un récit qui, à défaut de réinventer le genre, se laisse lire avec plaisir, d’autant que, même si l’identité du criminel n’est guère intéressante en soi, le coup final lié à la musique est à mon goût bien trouvée.

    avant hier à 18:19

  • Le fils du Kaiser échappe à la mort

    H. R. Woestyn

    4/10 C’est par un pur hasard que le policier Pinson surprend une conversation entre deux Allemands où il est question du prince Aldabert d’Allemagne, le propre fils du Kaiser, qui viendra visiter la pension Pascal. Et c’est également un hasard (sa montre qui ne fonctionne plus) qui lui fait rencontrer un horloger d’origine allemande et aussi aimable qu’une mâchoire de crocodile.
    Une histoire assez simple, presque simpliste vu les raccourcis empruntés par l’auteur dès l’entame de son récit, et qui ne m’a pas provoqué de sentiments particuliers. Ce fut agréable à lire, c’est sûr, mais cette nouvelle manque à mon sens d’originalité, de tension. Et que dire de ce titre comme de l’image d’illustration qui fusillent littéralement le suspense ! Seul point amusant : la mention anecdotique de cette pension Pascal, évoquée également dans « La Vengeance du Persan » du même auteur.

    avant hier à 18:17

  • Steak machine

    Geoffrey Le Guilcher

    8/10 Sur une demande de son éditrice, Geoffrey Le Guilcher accepte de s’infiltrer sous une fausse identité dans un abattoir. De ce milieu, il ne connaît pas grand-chose, et c’est avec un œil neuf et presque innocent qu’il se fait embaucher dans cette entreprise qui compte deux mille « damnés de la viande ». Une plongée, lente, graduelle, presque infernale, dans les tourments de cette usine à débiter, cette « Steak Machine ». On y apprend beaucoup d’informations, notamment parce que l’auteur s’est bien documenté sur le sujet (peut-être après-coup), a vu pas mal de documentaires (notamment de L214), s’est entretenu avec des gens versés dans le domaine (dont le député Olivier Falorni), et a consulté une belle quantité de rapports. Mais le plus intéressant, c’est le vécu. Les traumas physiques, avec les douleurs articulaires, tendineuses, osseuses, cette fabrique engendrant beaucoup (trop) de personnes handicapées. Ce sont également les épreuves, dès des heures indues du matin, voire de la nuit pas encore achevée, à tailler à la chaîne des bestioles dont certaines sont encore en vie (cf. les rapports de cette spécialiste de la souffrance animale ou encore les expériences de ces « hélicoptères » où les vaches encore vivantes et suspendues par une pattes peuvent salement blesser des débiteurs de bidoche). Pour l’écrivain, c’est aussi l’expérience des petits caporaux autant que de l’amitié qui se forge sur les nacelles de découpe, les cadences infernales, le fordisme qui s’est inspiré des pratiques des abattoirs de Chicago, les cauchemars de sang et de viande, les corps meurtris (autant ceux des bovins que des êtres humains), jusqu’au final où il va enfin pénétrer la partie réservée à la mise à mort des bovidés. Un témoignage fort, un coup de poing à l’estomac, saturé d’émotions contraires, faisant amplement réfléchir à la condition des animaux, à leur rang au sein de l’humanité, à notre rôle en tant qu’omnivores. Il y a peut-être quelques passages un peu plus mous dans le dernier tiers, des lacunes d’émotions dans les rapports entretenus avec les autres ouvriers de la viande, et, comme j’aurais apprécié, le point de vue de celles et ceux qui défendent ce fordisme de la découpe, mais dans le fond, ça n’est pas l’essentiel : voilà une expérimentation sombre, un coup de projecteur sur l’envers du décor de la boucherie, bien en amont dans ce que l’on a dans nos assiettes.

    26/06/2025 à 05:51

  • Commando Rouge

    Jean-Luc Sala, Ronan Toulhoat

    7/10 Janvier 1946 : une aviatrice soviétique – le lieutenant Tania Yakvolev – sauve un commissaire politique. Décorée, elle rejoint une destination secrète tandis que les nazis construisent des Mekapanzers. La mission destinée à Tania et à ses camarades : utiliser des robots bien plus petits que les machines nazies pour aller dérober un joyau de l’armement allemand – le Gustloff, un véritable monstre mécanique.
    Un scénario uchronique pas particulièrement magistral mais le dessin est remarquable, l’action hollywoodienne et hautement pyrotechnique, et l’ensemble à la fois distractif et gentiment régressif. Le final, avec un sacré déluge nucléaire et la résolution de l’héroïne, expédie directement le lecteur amateur d’action scénarisée au niveau minimal vers le deuxième tome.

    24/06/2025 à 20:16 1

  • Sourire de sable

    Serge Brussolo

    7/10 Il n’aura fallu que quelques instants : en un quasi-claquement de doigts, Las Vegas s’est vidée de ses joueurs et habitants, et ces derniers ont rejoint le désert comme des zombies. Certains sont morts desséchés comme des momies, d’autres sont (partiellement) amnésiques. Le pays envoie sur place Ana pour comprendre ce qui s’est passé.
    Indéniablement, on y retrouve la patte de cet auteur que j’adore, même si plusieurs de ses dernières œuvres m’ont déçu : une héroïne jeune et solide au passé trouble, des phénomènes inexpliqués, une société américaine gentiment caricaturée, des rebondissements forts et inattendus… Bref, on est dans du Brussolo pur jus. Néanmoins, ce roman est émaillé de défauts que l'on retrouve assez souvent chez cet écrivain. L’auteur a parfois le don de vouloir trop en faire et de filer le tournis aux lecteurs (lapidations avec des livres… empoisonnés, bâtiments faits avec du mortier issu des cadavres flétris, amnésies un peu trop appuyées voire mécaniques pour être crédibles, enfance beaucoup trop hollywoodienne avec ce sobriquet « Celle qui éventre les loups avec les dents », etc.). Pour résumer, un ouvrage court et dense, parfois trop échevelé et qui se perd à de multiples occasions dans des délires (là, pour une fois, c’est à mes yeux un défaut). Mais ça reste du Brussolo typique, et malgré les écueils indiqués, perso, je reste fan de son inventivité et de son univers littéraire.

    23/06/2025 à 17:49 3

  • Mission Mars

    Philippe Nessmann

    7/10 Vous incarnez la « doublure » de Paul Nash qui vient justement de se casser la jambe, et vous rejoignez ainsi un équipage qui va s’envoler vers une station orbitale, destination Mars. Une belle arborescence d’énigmes, de devinettes et de mises en application de ce que vous avez appris auparavant sur l’espace, le fonctionnement des modules spatiaux, de la planète, du fonctionnement de la navette, etc. Philippe Nessmann a signé un bel espace game, prenant et divertissant, agrémenté de quelques touches d’un savoir scientifique intéressant et que le lecteur-acteur (ici adolescent, plutôt) doit mettre en application s’il veut survivre dans l’espace, sur Mars, et espérer pouvoir quitter la planète rouge pour rejoindre la bleue. Un très agréable ouvrage qui (moi qui n’y connais pas grand-chose en astronomie) propose un sympathique divertissement autant que des notions et des éléments pédagogiques habilement amenés (comme les trois techniques de freinage, le fonctionnement d’un rover, d’une station spatiale, etc.). De la belle ouvrage, distractive sans oublier d’être instructive.

    20/06/2025 à 19:54 1

  • Un autre jour

    Valentin Musso

    8/10 Adam Chapman, architecte, voit sa vie exploser en plein vol quand un policier lui annonce une tragique nouvelle : sa femme, Claire, a été agressée, violée et assassinée. Fou de douleur, il sent que tout s’écroule quand un événement improbable se produit : il a l’impression d’être pris dans une boucle temporelle, avec la possibilité de pouvoir sauver Claire. Mais il n’est pas au bout de ses surprises, et le lecteur non plus.
    Mon premier Valentin Musso, et je dois dire que cet essai a été pour moi un chouette bonheur. Si le prologue a sonné particulièrement bateau et que je n’ai pas été embarqué plus que ça par la qualité de l’écriture, je dois dire que j’ai été rapidement happé par la mécanique de l’ouvrage. C’est sérieux, solide, rapidement addictif. La série de rebondissements est bien trouvée, et je dois dire que la résolution de l’énigme me marquera durablement. C’est à la fois original, fin et d’une belle puissance d’évocation, posant de légitimes questions sur des thèmes épineux que je ne saurais expliquer ici afin de ne rien dévoiler. Comme je le disais, le côté resucée de « Un Jour sans fin » après ces premières pages déjà lues ou vues des centaines de fois m’a un peu refroidi avant de me rendre compte que ce roman méritait plus d’attention et que l’énigme allait à la fois s’étoffer et se singulariser de la plus belle des manières. Chapeau, monsieur Valentin Musso, on se donne très probablement rendez-vous dans peu de temps !

    19/06/2025 à 20:27 1

  • Schwarz

    Antoine Ozanam, Sébastien Vastra

    7/10 L’intrusion inattendue d’un monstre (qui tient à la fois de l’Alien et du Predator) dans le vaisseau pour amorcer ce troisième et dernier tome. D’autres références plastiques à des icônes de la BD (comme ce costume ressemblant énormément à celui d’Iron Man, ou cette reprise d’une formule archiconnue du cinéma fantastique) pour cette histoire de nouveau bien menée, avec quête spatiale, combats dans une arène et droïdes surnuméraires, pour un dernier tome dont le final laisse pourtant augurer une ou des suites possibles.

    17/06/2025 à 18:53 1

  • Défaite

    Blake Pierce

    4/10 Cora Shields, trente-et-un ans, est une très solide agente du FBI. Ancienne membre des Navy SEAL, elle est très douée pour l’action (cf. sa dernière intervention contre un psychopathe milliardaire) mais elle ne laisse guère indifférent : l’un de ses directeurs vient de la piéger en la photographiant en train de subvenir à ses addictions à l’alcool et aux médocs. Renvoyée, elle apprend le suicide d’une vieille amie ainsi que la disparition suspecte de la fille de celle-ci, Caitlin. Et voilà Cora obligée de revenir à l’action.
    Blake Pierce, je vais finir par connaître, et ce roman se distingue justement de ses ouvrages : pas de tueur en série, mais plutôt un bloc d’action, quelque part entre les « Taken » et autres Jack Reacher. Malgré d’évidentes qualités, comme un rythme cadencé, une écriture qui sert assez bien le dynamisme de l’ensemble et l’absence de temps morts, j’ai vraiment été déçu par cet opus. Il recycle un scénario déjà fort éculé autant que des scènes que l’on a déjà pu lire ou voir mille fois auparavant. Cora est bien sympathique mais elle n’en demeure pas moins sacrément lisse, avec comme d’habitude dans ce type de littérature, une invulnérabilité invraisemblable : elle a à peine défoncé les policiers ripoux de Westville qu’elle dézingue dans un entrepôt avant de faire la même chose sur le yacht du « Marchand » et de conclure son périple sur un îlot colombien avec un ancien partenaire pour une ultime pétarade. Bref, beaucoup trop de clichés qui viennent surcharger cette frêle embarcation, et Blake Pierce, là, se laisse progressivement submerger par les flots : un naufrage plutôt sympathique, certes, mais un naufrage malgré tout.

    16/06/2025 à 18:18 1

  • 1937, l'héritier

    Simon Second, Lender Shell

    9/10 Île d’Islay, Ecosse, avril 1937 : Walter Ferguson préfère se jeter du haut d’une falaise que de coopérer avec ses poursuivants. Son fils revient sur les terres familiales et apprend que son père travaillait sur un alliage révolutionnaire capable de résister à de très fortes pressions ainsi que sur un projet de train sous-marin. Ces deux idées deviennent plus qu’alléchantes avec Hitler devenu chancelier et la possibilité de relier ainsi l’Amérique à l’Europe, et ça va aiguiser les envies de diverses nations.
    Un scénario intelligent, un graphisme exemplaire, un rythme soutenu et ce qu’il faut d’ingrédients d’un bout à l’autre (même si la scène quasi finale avec le requin géant, peut-être un mégalodon, est probablement de trop). Bref, une petite merveille d’ingéniosité comme esthétique.

    15/06/2025 à 08:00 2

  • Avant le déluge

    Jason Aaron, R.M. Guera

    3/10 Une BD très curieuse, où l’on suit Caïn, le frère d’Abel, qui commence à arpenter le monde dans un déluge de violences et de grossièretés. Ça oscille entre « Mad Max », « Le Livre d’Eli », « Ken le survivant », « La Guerre du feu » et aussi un brin de fantasy. Dit comme ça, ça peut sembler éventuellement attrayant, mais je dois bien avouer que ça ne m’a pas du tout séduit. C’est dynamique et bien dessiné, d’accord, mais je n’ai pas accroché à cette histoire, j’y suis même resté hermétique d’un bout à l’autre. Inutile de dire que je ne serai pas au rendez-vous du second tome.

    14/06/2025 à 07:59 1

  • Styx

    Philippe Deparis

    8/10 Le policier Éric Miera vient d’être condamné à perpétuité, avec une peine de sûreté de trente ans. Qu’est-ce qui l’a mené du commissariat au procès puis à la prison ? Récemment affecté à Paris, il intègre une brigade menée par Alain, flic de terrain. Éric côtoie alors les petits trafics, les dealers de banlieue, et lutte au quotidien contre des maux ordinaires avec ses coéquipiers. Quand Alain se suicide après avoir montré les symptômes d’une dépression, ses camarades sont sous le choc. Un carnet consciencieusement noirci par la victime et découvert par Éric va lui montrer l’envers du décor et l’amener graduellement vers le chemin de la perdition.

    Philippe Deparis signe ici un roman percutant, et même si l’étiquette présente sur la première de couverture le qualifie de thriller, il tient davantage du roman noir. L’auteur, policier expérimenté, connaît bien le milieu qu’il décrit, les procédures, les tensions internes des services, les chroniques de ce métier, et tout nous est restitué avec tact et intelligence. Éric compose un personnage intéressant, mais c’est après la découverte de ce fameux carnet secret que l’on prend toute la mesure de la déchéance qui va s’imposer à lui. Il va prendre conscience des petits arrangements, des corruptions et des collusions qui vont aboutir à bien des collisions. Progressivement, par paliers successifs comme on s’enfonce dans des eaux troubles, le héros va céder à tous les péchés capitaux aux côtés d’Hassan, dealer notoire, et de quelques-uns de ses coéquipiers. Sourdes addictions aux drogues, au sexe pas nécessairement tarifé, à la violence, à l’appât du gain : Éric va tout dévorer avant d’être consumé par ses propres démons. Son couple et sa famille explose en plein vol, ses principes moraux sont dévastés et laissés à l’état de ruines fumantes, et plus rien ne semble empêcher ni même ralentir sa chute. Malgré quelques passages peu crédibles et un nombre rédhibitoire de coquilles, Philippe Deparis nous offre un ouvrage saisissant, très sombre, ponctué de fusillades et de morts violentes. Cependant, il ne jette pas en pâture la profession de policier : sa préface rappelle la douloureuse question du suicide dans cette fonction lourdement impactée, et l’on sent clairement un net attachement de la part de l’auteur malgré l’acidité de certains propos.

    Un ouvrage âpre et enténébré, montrant la dérive d’un individu tout ce qu’il y a finalement de plus humain, et donc nécessairement soumis aux mirages de l’argent facile, des plaisirs de la chair et des dépendances toxiques. Pas de jugement péremptoire ni de bien-pensance, seulement la description certes fictive et littéraire d’un homme qui pourrait être n’importe lequel d’entre nous après avoir, au choix, franchi le Styx ou le Rubicon.

    11/06/2025 à 07:01 3

  • Quand le chat n'est pas là...

    M. J. Arlidge

    8/10 Martha White a été la première victime : cette femme a été agressée chez elle par un cambrioleur qui l’a massacrée avec une hache. Rapidement, La commandant Helen Grace et son équipe en viennent à identifier un suspect, un homme avec qui la victime avait eu une brève liaison et qui la harcelait depuis. Mais le tortionnaire tue une nouvelle fois et l’investigation en cours va connaître bien des rebondissements.

    M. J. Arlidge nous fascine encore une fois avec ce onzième tome des enquêtes d’Helen Grace. On retrouve instantanément ce qui marque si significativement le style de cet auteur anglais : des chapitres très courts et dynamiques (il y en a 151 dans cet ouvrage), un tempo trépidant, une alternance entre les divers protagonistes et un rythme si imprenable qu’il est difficile de reposer le livre avant de l’avoir terminé. Ici, Helen est confrontée à un tueur particulièrement brutal, mû par un mobile original que l’on ne découvre que dans les ultimes chapitres. Parallèlement, elle va devoir lutter contre des agressions orchestrées par Alex Blythe, le sinistre personnage psychopathe qui a juré sa perte, tout en essayant de préserver sa place au sein du service de police. C’est également l’occasion de retrouver Emilia Garanita, la journaliste si manipulatrice du Southampton Evening News, qui va ici se présenter sous un jour assez nouveau : elle dispose encore de son pouvoir de nuisance et compte bien s’en servir, mais il se pourrait également que sa malveillance fléchisse tandis qu’elle cède à l’amour. Comme d’habitude chez M. J. Arlidge, l’histoire est donc réussie, énergique et très intéressante, sans le moindre temps mort, et l’épilogue – pluriel – met autant l’accent sur le côté policier qu’émotionnel.

    Une nouvelle réussite de la part de M. J. Arlidge, qui maintient la haute qualité littéraire des enquêtes menées par Helen Grace tout en se renouvelant.

    10/06/2025 à 06:53 3

  • Les Sables de Sinkis

    Luc Brahy, Tristan Roulot

    9/10 Sumatra, Indonésie : la région a été durement touchée en 2004 par les tsunamis, et l’ingénieur Jack Irons est envoyé sur place afin de comprendre d’où viennent les retards sur la construction d’un pont dont le « chantier n’a pas avancé depuis dix ans ». Sur place, il se rend compte que rien ne va, et un individu coupe même la corde à laquelle il était attaché pendant une de ses inspections.
    Encore un très bon tome qui se lit comme un polar, avec une belle – et très originale – histoire de trafic et de détournement, mais je ne dirai pas de quoi. Il faudra nécessairement attaquer le troisième – et dernier – tome pour avoir le fin mot de l’histoire. Vraiment bon, bien mené et original. Je vous recommande chaudement cette série !

    09/06/2025 à 18:24 2

  • Pierrot le fou

    Rodolphe, Gaël Séjourné

    7/10 11 novembre 1946 : des urgentistes viennent chercher un dénommé Paul Chaplain à l’hôpital. En réalité, il s’agit de Pierre Loutrel, alias Pierrot le fou, et il meurt peu de temps après être arrivé chez ses compagnons. L’occasion de revenir sur sa « carrière » et sa trajectoire, des bat’d’af aux braquages, de racketteur au nom des FFI et membre du réseau de résistance Morhange – morale à géométrie variable et liée aux événements – après avoir bossé pour la Gestapo, etc. Une BD assez réussie, avec des dessins sympathiques et une histoire intéressante à suivre.

    09/06/2025 à 18:23 1

  • Les Désarmés - Tome 2

    Mezzo, Michel Pirus

    8/10 Dernier tome de ce diptyque : l’accident automobile dans le véhicule avec un mort que les deux rescapés enferment avec des pierres dans l’habitacle. Des personnages toujours aussi croustillants qui s’illustrent notamment lors du second braquage qui tourne littéralement au bain de sang. Un final très typé western, aussi dur et sombre que certains aspects de l’intrigue qui, même si elle est finalement classique, porte un second tome à mon avis supérieur au premier.

    09/06/2025 à 07:57 1

  • Petits contes macabres

    Becky Cloonan, James Harren, Mike Mignola, Eric Powell

    6/10 Une salve de contes déclinés dans une maison londonienne du XIXe siècle : un voyage dans l’espace à l’intérieur d’un aérostat, le fantôme du Kelpie et de son cavalier qui sortent des eaux pour s’en prendre à une jeune femme, une interprétation du « Jabberwock » de Lewis Carroll, une apparition liée à une malédiction. Des récits très classiques et composites mais c’est l’épilogue que je retiendrai, finalement : inattendu et plutôt réjouissant.

    07/06/2025 à 17:25 1

  • La Fille du batelier

    Andy Davidson

    9/10 Alors âgée de onze ans, Miranda a vu son père s’enfoncer dans les bayous de l’Arkansas. Depuis cette nuit tragique, elle a bien grandi et vit à présent avec Littlefish et la vieille Iskra. Habituée à vivre à la dure, chassant régulièrement avec arc et flèches, elle trempe dans un trafic de drogue dans lesquels sont également impliqués un pasteur aliéné et deux policiers véreux. L’équilibre de ce territoire va rapidement basculer dans la démence et le sang.

    Qui a déjà lu l’incroyable Dans la vallée du soleil sait qu’Andy Davidson n’est pas un auteur comme un autre et que ses récits sont hallucinés. On retrouve instantanément sa plume si caractéristique (longues descriptions, dialogues plutôt rares, tirets cadratins inclus dans une syntaxe réinventée) ainsi que son univers atypique. Les personnages étranges voire complètement barrés qui peuplent ce roman sont, une fois de plus, particulièrement marquants, rôdant autour de la propriété de Sabbath House. Il y a Iskra Krupin, la vieille sorcière qui s’y connaît en maléfices ; le nain John Avery ; Littlefish, ce gamin bizarre né de la forêt et doté d’écailles et de doigts palmés ; Miranda, chasseuse émérite qui n’a jamais retrouvé le cadavre de son père ; Billy Cotton, pasteur illuminé qui pleure encore la disparition de son épouse Lena ; le policier Riddle, qui a perdu un œil quand il a essayé de violer Miranda alors qu’elle était encore une gamine. La Nature compose également un protagoniste important dans ce livre, et Andy Davidson livre de magnifiques descriptions des lieux, de la faune et de la flore, avec toujours ces nuances si particulières de noirceur et d’occultisme. D’ailleurs, ce texte est on ne peut plus infernal : on y croise quelques créatures jaillies des replis des bois et de la nuit – l’auteur indique dans ses remerciements s’être inspiré du folklore russe – et l’histoire est absolument fantastique, à tous les sens du terme. De nombreux passages sont mémorables (la confrontation avec les bikers, le final de Cotton, le mot final de cet opus qui apporte une lueur d’espoir) et l’ensemble est tout bonnement fascinant. On ressort de cette lecture désarçonné, essoré, foré par tant de coups de boutoir des ténèbres, captivé par les multiples sortilèges qui cannibalisent ce bayou.

    Un roman singulier, peuplé d’âmes égarées, de démons à peine humains et de malheureux pécheurs cherchant la rédemption. Une œuvre redoutable et qui, à défaut de séduire la plupart des lecteurs, saura envoûter les plus exigeants d’entre eux.

    06/06/2025 à 06:45 3

  • L'Evangile de la colère

    Ghislain Gilberti

    8/10 Seth Kohl a été réintégré au sein de la police et une sordide affaire fait surface : une série d’atroces homicides ensanglante la région parisienne. Une piste apparaît : le tueur s’inspire des danses macabres. L’équipe de Kohl et de la capitaine Céline Fauvel vont tout mettre en œuvre pour stopper ce monstre.

    Ghislain Gilberti compte marquer les esprits avec ce thriller sous testostérone, et cela se sent dès le prologue au cours duquel Kohl, encore surnommé « le Zombie », porte secours à deux enquêteurs en bien mauvaise posture. On se doute dès cette entame qu’il y aura du sang, des tripes et de la violence. Tout au long des pages de ce roman, l’écrivain déploie son imagination et laisse libre cours à sa fécondité littéraire, avec force moments de haute tension, de sauvagerie et de profilage. Les divers policiers sont bien sentis, de Kohl – qui a connu une longue traversée du désert avec des addictions toxicologiques suite à l’assassinat de son frère, de son épouse et de sa fille, lui qui est un vétéran qui n’a rien oublié de ses réflexes de mort – à Céline Fauvel – habile profileuse – en passant par les divers membres de la famille Baptista. L’ensemble est extrêmement nerveux, bien écrit, et les amateurs de pics d’adrénaline seront ravis. En tout, de l’aveu même du criminel, ce sont « vingt-neuf personnes » qui tomberont au gré de la croisade saturée de mysticisme et de religiosité extrémiste. Ghislain Gilberti inclut quelques – rares – moments d’humour dans les dialogues ou dans des clins d’œil (notamment un à l’égard de Jean-Marc Souvira, et un autre à propos de son propre ouvrage Dynamique du chaos), mais c’est bien le sombre des ténèbres et l’écarlate du sang qui prédominent amplement dans ce livre. D’ailleurs, si on peut reprocher à l’écrivain quelques longueurs superflues et un déluge d’homicides, force est de reconnaître son indéniable talent de narrateur.

    Une partition certes classique pour ce thriller, mais les notes qui y sont épinglées sont rythmées, noires et accrocheuses – amplement aptes à contenter les fans du genre.

    05/06/2025 à 06:48 2