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130 votes

  • Le Démon de la Colline aux Loups

    Dimitri Rouchon-Borie

    10/10 Un énorme coup de cœur!

    Duke vit une enfance immonde, éloigné du monde par ses parents, reclus dans "le nid" de sa fratrie. Brimé. Battu. Violé.
    Duke vit dans sa prison et écrit. Il s'écrit avec une conscience innocente, lumineuse, et fragile aussi.

    Le récit nous fait pénétrer au plus profond d'un sujet qui se construit, à travers une conscience qui s'exprime, qui s'étale, même. L'écriture est aussi saisissante que les faits. Duke y cherche un exutoire, une possibilité de se débarrasser du Démon, sans doute. Quel sera le prix de sa rédemption?

    Le roman plaira assurément aux lecteurs soucieux de la qualité littéraire des romans qu'ils dévorent. Rouchon-Borie "tient" son style de bout en bout. Il laisse Duke parler, ou plutôt, écrire, s'écrire. Il y a assurément plusieurs strates et portes d'entrée: la simple succession des faits relatés, l'enfance terrible de Duke, son rapport au bien et au mal, la place du style narratif dans l'histoire des récits autobiographiques, une manière "d'expliquer" le crime... chaque porte d'entrée permettra à mon avis à un large public de s'approprier ce récit, et d'y revenir ultérieurement.

    Je ne suis pas sorti indemne de cette lecture. Elle a tendance à "renvoyer à soi-même", à fouiller les recoins de notre esprit, à interroger notre rapport à la justice, à sensibiliser à l'importance du temps long de la construction de soi, à "comprendre" une certaine violence...

    Ce premier roman de Dimitri Rouchon-Borie, connu comme chroniqueur judiciaire, fera indubitablement date. L'accueil enthousiaste qu'il a reçu dans la presse est amplement justifié selon moi!

    23/03/2021 à 17:18 10

  • Dortoir interdit

    Serge Brussolo

    3/10 Autant le confesser: j’attendais avec impatience de découvrir Brussolo. Ma déception est immense. Un livre sans saveur, aux personnages totalement insipides. L’écriture est plate, les dialogues sont d’une banalité sidérante. Je n’ai rien trouvé dans « Dortoir interdit » qui me permette de justifier l’accueil qu’il a reçu par d’autres lecteurs.
    J’attends autre chose d’un thriller que des histoires dignes d’une série télé de bas niveau. Désolé, je me rends bien compte que je risque de choquer certains par ici, mais non, là, je n’en peux plus et j’ai juste le sentiment d’avoir perdu mon temps. Au fond, nous sommes tous capables de raconter des histoires. Écrire un roman est tout de même autre chose...

    17/03/2021 à 00:34 4

  • L'Étoile jaune de l'inspecteur Sadorski

    Romain Slocombe

    9/10 J’avais adoré le premier volet. Ce deuxième volet de l’histoire de Sadorski confirme tout le bien que je pense de Slocombe. Entre le polar et le roman historique, Slocombe nous livre un récit brillant, à la documentation extrêmement maîtrisée. Il parvient une nouvelle fois à convaincre du caractère détestable de son personnage principal, tout en livrant un témoignage sensible et parfaitement balancé de la terrible réalité des Juifs de France durant la 2e Guerre Mondiale.
    La rafle du Vel d’Hiv est relatée avec réalisme, horreur et sensibilité aussi.
    Ce livre est bien « au-delà » du polar, il réveille notre conscience, titille notre rapport à l’histoire.
    Je serais heureux de remercier de vive voix ce tout grand auteur français!

    26/02/2021 à 18:37 9

  • De Cauchemar et de feu

    Nicolas Lebel

    9/10 Je compléterai cet avis lorsque j’aurai un peu plus de temps ;-) mais je dois avouer que ce 4e opus du Sieur Lebel m’a littéralement soufflé... l’auteur maîtrise parfaitement son sujet et son écriture. La documentation concernant le conflit nord-irlandais est excellente, la description de notre capitaine gagne assurément en maturité. De bout en bout, j’ai adoré cet quasi parfait polar, qui appelle énormément de questions quant à notre société, à nos démons, à la nature humaine. Un cocktail d’un rare niveau d’excellence, dont je forme le vœu qu’il soit traduit en anglais et diffusé outre-Manche... merci Nicolas Lebel, de m’avoir ainsi fait vibrer!

    26/12/2020 à 09:16 10

  • Sans pitié, ni remords

    Nicolas Lebel

    8/10 Non le bon polar à énigme n’est pas mort! Oui il y a, dans la clique des auteurs francophones, des auteurs au talent immense! Nicola Lebel est assurément de ceux-là.
    Bien que pouvant donner l’impression de ressasser pour une énième fois la recette bien connue du roman à énigme dans lequel se côtoient des flics typés, des bandits classiques, des victimes malheureuses... c’est tout de même un tour de force de la part de Lebel de ne pas nous lasser, de garder de bout en bout un rythme (et un style, et quel style!) qui maintient en haleine, qui ne tombe pas dans le burlesque, qui fait simplement honneur à ce genre littéraire que nous chérissons par ici!
    Je crois pouvoir dire que vous ne refermerez pas facilement ce bouquin et que la lessive, les courses, vos enfants voire votre conjoint.e attendront un peu ;-)

    13/12/2020 à 16:54 9

  • Né d'aucune femme

    Franck Bouysse

    10/10 Dans une époque sans doute située à la charnière des 19e et 20e siècles, dans sa petite église, le père Gabriel apprend, en confession, des informations assez troublantes quant à une femme décédée à l'asile proche. Celle qui se confesse à lui prétend avoir laissé sous la robe de la défunte les "carnets de Rose", qu'elle le supplie d'emporter lorsqu'il viendra bénir son corps. Il promet!
    L'homme d'Église, troublé, tiendra sa promesse, profitant d'un moment de solitude avec la disparue.
    Au cœur de la nuit, Gabriel se plonge dans le récit de Rose, qu'il recopie patiemment, et qu'il livre au lecteur...
    Rose, aînée d'une famille de quatre filles, vivait à la ferme, avec son père et sa mère. Ayant fait le deuil de la possibilité d'avoir un fils, ceux-ci exploitent tant bien que mal leur lopin de terre. Mais les ressources se font rares, ils subsistent à peine. Aussi, autour d'une table de bar, le père en vient-il à commettre l'innommable en allant jusqu'à vendre sa fille Rose, 14 ans, au Maître des Forges, contre une somme qui devrait permettre à sa famille d'assurer sa subsistance. Rose entame alors une nouvelle vie, au service d'un homme et d'une vieille, passant outre les mise en garde d'Edmond, jardinier des Forges, qu'elle rencontre dès son arrivée dans le domaine. Prise au piège, Rose se trouve alors rapidement sous l'emprise du Maître et de sa mère. L'innommable se trame, ne lui laissant aucune échappatoire. C'est la souffrance qui entre alors en scène...
    Il est des romans que j'ai peine à refermer après en avoir lu le dernier point. Des romans dont je voudrais qu'ils ne s'arrêtent pas, tant ils me bouleversent. Tant ils ont a dire de l'humaine condition. Tant leur écriture est travaillée, réfléchie. Tant le récit laisse entendre l'intimité des voix de ses narrateurs. Tant leurs mots peine à cesser de résonner une fois le livre refermé. Malgré leur dureté. Malgré l'horreur.
    Franck Bouysse m'a ébloui par son style. M'a touché par la sensibilité avec laquelle il est parvenu a créer chacun des personnages et à leur donner vie. À dévoiler leur plus profonde intimité, tout leur laissant aussi la grâce ou la lourdeurs de certains secrets; cela a provoqué en moi ce sentiment "d'épaisseur" envoutant, me procurant un authentique plaisir de lecture, au-delà de l'effroi.
    Le fond de l'histoire a quelque chose de sordide. Et elle serait "plate" voire "juste violente" (elle l'est "aussi"), si Franck Bouysse n'avait pas pris la peine de construire une mise en abyme qui permet de garder le souffle, de prendre distance. C'est le récit de Rose lu et recopié par le P. Gabriel que nous lisons essentiellement. D'autres narrateurs interviennent, qui mettent en perspective ce qui se trame. Je sais gré à F.Bouysse de proposer aussi de puissantes réflexions sur l'acte même d'écrire, sur la mémoire, sur ce que nous pouvons faire de notre passé et, bien, évidemment, sur la souffrance, sur son absurdité, et sur l'espérance, aussi... je demeure à présent troublé par cette phrase de Marc, citée par Gabriel: "le fils de l'homme doit beaucoup souffrir, [...] il doit être tué, s'il veut ressusciter. Il n'y a rien à ajouter".
    Un coup de cœur total!

    03/10/2019 à 07:44 10

  • Une fille comme les autres

    Jack Ketchum

    8/10 Un roman noir au sujet particulièrement délicat. Avec un grande maîtrise, Jack Ketchum nous emmène dans l’esprit tourmenté de David, qui se remémore un terrible été où il fut tout à tour témoin, acteur et victime de faits abominables.
    La violence faite à des enfants ne peut pas servir d’argument commercial pour un éditeur et on imagine les tergiversations qui durent habiter l’esprit de la maison d’édition qui prit le parti de publier ce livre, qui se lit comme un récit de vie.
    L’auteur s’y prend à la fois de manière brutale et directe, mais aussi avec une certaine retenue, épargnant au lecteur les scènes les plus violentes, les plus extrêmes, celles qu’il n’est pas besoin de décrire.
    Entre atmosphère malsaine, réflexions sur la culpabilité, sur la responsabilité, sur nos relations intra familiales, avec nos potes d’enfance... il nous bouleverse et questionne aussi certains points aveugles de nos propres parcours de vie.
    Au cœur des moments extrêmes de souffrance, la jeune Meg et sa sœur Susan m’ont aussi donné une leçon d’espoir, non pas de résignation.
    Un très bon roman noir, qui secoue, qui blesse, qui dégoûte mais qui explore avec maîtrise des questions on ne peut plus délicates.

    21/09/2019 à 14:05 9

  • Chacun sa vérité

    Sara Lövestam

    5/10 J'ai lu ce roman suite aux éloges trouvés par-ci, par-là, sur le web. Et parce que je rate rarement les ouvrages qui reçoivent le GPLP!
    L'intrigue est minimaliste, peu de détails, droit aux faits. Tout a été dit sur l'ouvrage et sur le récit, inutile de le répéter ici.
    Certes, c'est un roman qui se lit rapidement, qui accroche. Une fois de plus, toutefois, ça ne me convainc pas. Je l'ai trouvé "sympa", mais sans plus. Sans ce petit "plus" qui aurait donné du sens, à mes yeux, au statut de Kouplan. J'ai certainement "loupé" quelque chose aux yeux d'autres lecteurs. J'assume ;-) je leur sais gré de m'avoir attiré vers ce polar, un chouia atypique, qui ne m'a malheureusement ni bouleversé, ni marqué. Il faut sortir des sentiers battus! Certains apprécieront largement, bien entendu! Et c'est fort bien ainsi :-)

    13/09/2019 à 10:57 6

  • Lykaia

    DOA

    9/10 [INTERDIT AUX MOINS DE 18 ANS, non par pudibonderie, mais parce que!]
    DOA nous livre un récit, sinon digne du Divin Marquis, tout au moins digne d'une des plumes les plus excitantes de la littérature noire d'expression française.
    DOA a produit des œuvres dignes d'un géant. Pukthu reste son chef-d'œuvre actuel.
    Avec Lykaia, DOA nous "prouve" que son talent littéraire a un potentiel sans limites....
    Mêlant le sexe le plus cru et le plus explicite qui soit (on voyage entre bites, chattes, culs, vagins... et rien ne nous est épargné), l'univers du BDSM, le gore, le thriller, mais aussi les symboles, la mythologie, la passion et le conte amoureux, Lykaia n'est résolument pas un livre pornographique. Il ne vise pas une description "complaisante" d'actes sexuels en vue de provoquer le plaisir physique - la satisfaction sexuelle - du lecteur... (libre au lecteur d'en prendre, mais je passe mon tour). Que cela soit clair, sinon on passe totalement à côté du livre me semble-t-il. DOA n'est pas Dorcel en somme. Ni Woodman.
    Et Lykaia n'est pas là pour nous faire passer un moment de plaisir, même s'il faut reconnaître que les première pages invitent à un certain voyeurisme.

    [CERTAINS ELEMENTS CI-DESSOUS POURRAIENT RESSEMBLER À DU SPOIL (mais sans ça on ne dit pas grand-chose du livre)]

    On suit l'aventure romantique et parfois touchante du Loup et de la Fille, à Berlin, Prague, Venise. On entre dans l'esprit du Loup, chirurgien, et père. On découvre sa quête du plaisir, qui passe par la souffrance. On cherche à comprendre si celle-ci vise une rédemption, si elle ne poursuit qu'elle-même, si quelqu'un doit nous y accompagner, et si l'on doit y plonger seul ou en société. Résolument, pour le Loup, la Fille agit comme une voie d'accès, comme une fée qui le mène là où il semble vouloir aller. Pour libérer "sa" fille? Pour s'en libérer? Pour retrouver son "ex"? Pour la séduire? S'en défaire? Jusqu'à la mort?
    Ce roman bouscule, fait trembler, nous questionne, jusque dans nos fantasmes les plus inavouables (pour reprendre à ma sauce une idée de la chronique disponible sur Nyctalopes).

    Si vous entamez la lecture, ne vous découragez pas du simple fait de la violence - réelle et qui fut pour moi une épreuve de lecture par moments - et poursuivez jusqu'à l'ultime ligne avant de rendre votre verdict.

    Sans être "le" chef-d'œuvre, Lykaia a tout pour offrir à un public averti et majeur - et prêt à embarquer - un récit tout à fait singulier, aux strates plurielles mélangeant le conte, l'amour, le sexe et le thriller, en dehors de certains sentiers archi-battus. C'est cela qui me plaît dans la littérature noire contemporaine.




    21/06/2019 à 11:02 7

  • Passage du désir

    Dominique Sylvain

    5/10 Un duo d’enquêtrices qui a peiné à me convaincre... histoire un peu brouillonne à mes yeux. Pas mauvais mais pas terrible non plus. Moyen, quoi, voire banal. On a fait mieux dans le genre.

    15/06/2019 à 02:04 1

  • L'Île du Point Némo

    Jean-Marie Blas de Roblès

    5/10 Un roman d'aventure qui ... m'a perdu... il faudra que j'y revienne, je ne sais si ce sont mes dispositions du moments ou les qualités intrinsèques du livre (j'ai tendance à pencher pour la première option, car en lisant les commentaires de Hoel, Dodger, LeJugeW, Fredo, Fab et clemence, je me dis que je suis vraiment passé à côté! Il était dans ma PAL depuis longtemps... il restera encore dans ma bibliothèque, car c'est certain, j'y reviendrai!

    04/06/2019 à 11:52 1

  • Une Etude en rouge

    Arthur Conan Doyle

    7/10 Les débuts d'un des plus grands détectives! Ne soyons pas trop difficiles, on est aux balbutiements du "roman à énigme" (Poe et Gaboriau étaient passés par là avant néanmoins).
    Ne gâchons pas le plaisir! Malgré les errances des déductions et les syllogismes bancals, qui ne pourrait reconnaître le coup de génie de Conan Doyle?

    04/06/2019 à 11:49 1

  • La Vraie Vie

    Adeline Dieudonné

    6/10 Voilà. Vite acheté. Vite lu. Vite rangé. Et probablement vite oublié.

    Je ne vais pas ici proposer un énième commentaire sur un livre dont on sait le destin en librairie, médiatique, et dans le champ des "prix littéraires".

    Comme d'autres avant moi, je dois reconnaître que ce livre a certaines qualités, qu'il est écrit de façon fluide, qu'il embarque le lecteur et qu'il se lit quasi d'une traite (il est très court, en fait!).

    Mais ce ne sont pas des qualités suffisantes à mes yeux. Alors oui, le sujet est interpellant (mais il est mieux rendu par exemple dans un roman comme My Absolute Darling selon moi). Mais les personnages ne m'ont pas fait totalement vibrer. L'héroïne est presque caricaturale (on est loin de la figure de Lou, dans No et moi de D. de Vigan), les scènes sont rapides. L'attachement de l'ado pour le Champion existe déjà dans 1001 romans, etc.

    Bref, je m'attendais à un vrai phénomène littéraire... pour finalement tomber sur un livre trop commercial à mon goût, qui appelle tout un public à la lecture, certes. Mais qui ne m'a pas vraiment convaincu pour ses qualités. Dommage.

    Autre hypothèse: je suis totalement passé "à côté"

    13/03/2019 à 14:18 7

  • Sacrifice

    Joyce Carol Oates

    8/10 Un roman... noir! Une adolescente noire bâillonnée, après avoir été victime de sévices... une mère qui la recherche... une fois retrouvée, Sybilla accuse des policiers blancs. Toute l'intrigue se déroule alors, sur fond de suspicion de racisme, d'une quête de reconnaissance de la communauté afro-américaine, en passant par le pasteur/prêcheur avide de réputation et d'argent. C'est tout un système de co-existence de communautés qui est ici mis en exergue, voire dénoncé par JCO. Et tout cela fonctionne fort bien. On ne peut rester insensible à l'histoire de Syblla Frye, qui condense des horreurs telles que la violence intra-familiale, la réputation, les tensions dans les collèges, la cupidité, la "guerre" des religions/sectes.
    Tout est en permanence en mouvement dans ce très bon voire excellent roman de "l'éternelle" prétendante au Nobel de littérature! Vaut le détour!

    27/11/2018 à 15:19 5

  • Dirty Sexy Valley

    Olivier Bruneau

    7/10 [!!!ATTENTION LIVRE À NE PAS METTRE ENTRE TOUTES LES MAINS!!!]

    Une bande d'étudiant·e·s décide de fêter la fin de son cycle universitaire en organisant une sympathique orgie dans un chalet au milieu des bois. Dans le voisinage proche de ce chalet vit une famille de purs dégénérés, qui n'a que le sexe en tête, en main et en bouche... et qui ne lésine pas sur la violence quant il s'agit d'assouvir un instinct primaire. Rencontres explosives, jouissives mais aussi tragiques et sanguinaires au programme!

    Comme annoncé ci-dessus, j'attire l'attention sur le fait que ce bouquin est à ne pas laisser à portée du premier venu. Non pas que je sois pour une mise à l'index ni pour cacher les seins, verges, pubis et autres anus de notre environnement, mais il y a une frontière entre un érotisme bien balancé et suggestif et un récit - celui dont il s'agit ici - dont le côté pornographique totalement assumé peut en dégoûter plus d'un et laisser l'impression d'une littérature qui ne viserait qu'à satisfaire le fond le plus bestial de notre sexualité. Soit.

    Avec un peu de recul, il me semble possible de considérer différents niveaux de lecture: on est en présence d'un texte porno-trash, certes. Mais il y a aussi un côté "nanar" à l'histoire: l'auteur se plait à rendre comiques voire grotesques les situations tragiques qu'il décrit. Celles et ceux qui ont lu, par exemple, Hell.com de Senecal, ont été servi de scènes de sexe violentes. Mais dans Hell.com, point d'humour ni de "grotesque", on y nage en plein tragique. DSV a ceci de particulier que le tragique d'une sexualité brutale est "compensé" par des réactions désarmantes de "simplicité" de la part des protagonistes. On peut aussi décoder un côté "satire sociale": on rigole allègrement des gros-gras-avec un poil dans le cerveau, on voit à l'état brut ce qu'une enfant quasi séquestrée depuis la naissance a de "désarmant" dans sa sincérité. On se poile de la connerie d'étudiants universitaires qui n'ont rien d'autre à f... que de s'envoyer en l'air bestialement, ensemble, pour fêter leur diplôme. Libération des mœurs? rêve inassouvi de l'auteur? on ne le saura pas...

    Mais en même temps, doit-on vraiment voir dans DSV plus que ce qu'il nous donne à voir? Chaque lecteur en jugera et je ne serai pas là pour défendre bec et ongles ma position.

    Alors pourquoi un 7/10? Parce que l'écriture "roule", glisse et invite à ne pas lâcher le bouquin. Parce que pour un roman porno-trash, il tient le rythme et le niveau de bout en bout. Les scènes de sexe m'ont toutefois semblé un peu trop répétitives par rapport au fond de l'histoire (mais, d'une certaine manière, elles donnent aussi "sens" à celle-ci). Parce que finalement, ce n'est pas si long (220 pages en format de poche): on en sort rapidement! Parce que c'est un bouquin distrayant, on ne plie pas sous le poids de la tragédie (pourtant effective!) des faits. J'ai rarement lu un livre aussi violent qui ne me glace pas le sang, mais qui m'invite plutôt à sourire voire à rire... fallait tout de même le faire!

    27/09/2018 à 21:33 3

  • Dernière saison dans les Rocheuses

    Shannon Burke

    7/10 À la lecture de quelques chroniques très élogieuses ("coup de cœur" de Claude Le Nocher entre autres), j'attendais beaucoup de ce roman de Shannon Burke, dont j'avais particulièrement apprécié "911", ainsi que, dans une moindre mesure, "Manhattan grand angle". J'en attendais peut-être un peu trop...

    Le récit nous transporte dans l'Ouest américain (entre Saint Louis et les Rocheuses, dans de vastes étendues, accessibles notamment via de grands fleuves devenus mythiques, et par des canyons de tous les dangers), dans la première moitié du 19e siècle. À l'époque, le commerce des fourrures va bon train, et ce sont des hommes courageux voire téméraires qui s'engagent en tant que trappeurs dans des compagnies qui cherchent à mettre la mains sur des territoires riches en présence animale (castors, bisons, ours...), mais habités jusque-là par des tribus indiennes. Anglais, Canadiens, nouveaux Américains, Espagnols, Suédois... se disputent ces terres convoitées et parfois bien hostiles, au péril de leurs vies. Marchandage, domination, coopération, conflits... sont leur lot quotidien.
    C'est dans ce décor que Shannon Burke nous convie, et qu'il nous fait suivre le parcours d'une compagnie de trappeurs, à travers le regard de William Wyeth, qui n'a qu'un désir profond: venger, par son engagement, le regard destructeur de son père qui l'avait décrété "bon à rien".
    Si ce roman m'a permis d'en savoir un peu plus sur les filières de la fourrure à l'époque, c'est essentiellement parce qu'il m'a invité à me documenter quelque peu "au dehors". La traduction est extrêmement soignée, et les lecteurs en sauront gré à A.-M. Carrière. L'histoire est cependant avant tout un récit d'aventures, plaisant et distrayant, mais qui m'a laissé un brin sur ma faim tant les traits de certains personnages m'ont semblé caricaturaux. Les scènes sont "brutes" et "directes'. D'un autre côté, si l'on s'en tient au simple fait que le narrateur est Wyeth lui-même, et qu'il n'a pas le profil d'un intellectuel, la perspective critique peut être quelque peu nuancée. Il devient évident que les descriptions doivent coller au plus près du "vécu", que ce petit recul que j'apprécie est par trop absent du roman.

    Voilà à mes yeux un "assez bon" roman, qui ne me laissera sans doute pas une trace indélébile, mais dont l'essentiel mérite (pour moi!) est de nous immerger dans un pan de l'histoire des USA qu'il nous faut aujourd'hui revisiter. Si les personnages ne m'ont pas paru "nuancés", la manière somme toute assez réaliste d'établir les faits donne cependant une vision intéressante de ces éléments qui participèrent à "la conquête de l'Ouest".

    En tenant compte de cette dernière remarque, je suis d'avis qu'il s'agit là d'un "bon" roman.

    25/09/2018 à 07:41 7

  • Débâcle

    Lize Spit

    9/10 J'ai hésité entre 9 et 10...
    Une pure merveille du roman noir. Sombre à souhait.

    Servi par une écriture fine, par une intrigue bien amenée, par une traduction élégante (bravo à Emmanuelle Tardif!), ce roman, d’une noirceur presque rebutante, rend compte des émotions et du parcours d’Eva, Pim et Laurens avec patience.
    Il faut le lire, il nous éclaire sur l’adolescence, peut-être sur les adolescents que nous avons été, sur ceux que nous côtoyons ou formons.
    Un roman ne donne jamais la réponse, mais je me prends à considérer Débâcle comme une perle de l’introspection adulescente (« u » intentionnel) version 21e siècle.
    Ça questionne, ça remue, ça bouleverse, ça prend aux tripe, ça noue la gorge... être témoin de ce qui se trame ici donne quasi envie de convertir l’impulsion qui nous habite en un acte de protection ou de confrontation avec certains protagonistes.
    À découvrir, en sachant que l’écriture et le récit ne laissent pas indemnes, qu’ils écorchent, qu’ils blessent presque... et qu’ils sont habités par cette noirceur réaliste qui constitue selon moi une des essences du roman contemporain. Nécessaire et urgent!

    07/09/2018 à 15:19 10

  • Money Shot

    Christa Faust

    8/10 La (très bonne) couverture aguicheuse de l'édition de poche risque d'en attirer l'un ou l'autre (à moins que, si vous êtes un homme en couple, vous craigniez que votre partenaire tombe dessus ;-) Croyez-moi (ou pas), le côté sexy et coquin du livre s'arrête presque là...
    Christa Faust connaît le milieu du porno, elle a elle-même été stripteaseuse, actrice, réalisatrice (d'après Wikipédia, faute de mieux). C'est donc en toute connaissance de cause qu'elle dresse ici le portrait d'Angel Dare, ex-actrice, qui n'a pas vraiment lâché le milieu, étant elle-même à la tête d'un agence de sulfureux modèles.
    Derrière les scènes de baisouille, au-delà des frotti-frotta auxquels se livrent acteurs membrés et actrices aux fortes poitrines, à l'appétit sexuel apparemment insatiable, Christa Faust nous révèle un dessous des cartes de nature à dégoûter tout spectateur en rut. Quoique...
    C'est avec violence, détermination, sans manquer d'humour, que nous voici baladés du coffre d'une voiture à un réseau d'exploitation de jeunes personnes, du bureau de la très sélect agence "Daring Angels" jusqu'à une boîte de striptease puante...
    L'auteure sait y faire pour happer son lecteur, pour l'accrocher à la lecture, pour l'interpeller sur les pratiques d'un milieu qui, sous l'apparence de propreté dans ses avatars les plus célèbres, ne cache encore souvent qu'une triste réalité. Et pourtant, une femme comme Angel Dare semble bien ne pas totalement vouloir quitter ses oripeaux ni les habits de la séduction.
    Un très bon roman noir!

    25/06/2018 à 07:19 4

  • Ô dingos, ô chateaux !

    Jean-Patrick Manchette

    8/10 Un très bon roman, nerveux, rapide, qui ne laisse aucun répit au lecteur. Les scènes changent en permanence, on ne s'ennuie jamais à la lecture des 188 pages de ce petit bijou du roman noir.
    Tout est direct, pas d'introspection, on est au cœur de l'action, en permanence.
    À lire absolument! Un "classique"!

    06/06/2018 à 10:49 5

  • Hostis corpus

    Christophe Reydi-Gramond

    6/10 Le Vatican et ses intrigues. À l'heure de procéder à l'ostension du suaire de Turin, les hautes sphères de l'Église sont agitées car le précieux objet a disparu. Depuis la Russie, des agents infiltrés cherche à damer le pion à la vénérable institution, par tous les moyens.
    Une construction classique, deux intrigues qui finissent par se rejoindre, servie par une écriture qui ne manque pas de maturité.
    Le roman pèche cependant à se trouver une thèse assez solide pour convaincre les plus exigeants.
    Intéressant, mais sans plus. Si l'auteur était parvenu à mieux "tenir" ses intrigues et à les rendre plus denses, nous aurions entre les main un bon ou très bon livre.
    Il en manque donc peu, et gageons que ce roman prometteur ne soit pas le dernier de Christophe Reydi-Gramond!

    29/05/2018 à 20:56 4