LeJugeW

1777 votes

  • Brutale

    Jacques-Olivier Bosco

    8/10 Prenez tout d'abord un personnage hyper-violent, bestial, à la sauvagerie innée.
    Enracinez cette violence au plus profond de son être, assimilée à de la méchanceté pure (cf les violences faites à son petit frère, enfant).
    Canalisez-la avec des sorties nocturnes sanglantes et/ou de la drogue.
    Protégez-la avec un papa-poule super flic (tiens ça me rappelle le clan Morvan de Lontano/Congo Requiem chez Grangé) qui fait trafiquer votre dossier psychologique pour vous permettre de poursuivre votre parcours dans la police.
    Introduisez de façon paradoxale une dose non négligeable d'humanité et de détestation de l'injustice, faisant de vous un flic plus que borderline mais attachant (tiens, ça me rappelle Mako de Laurent Guillaume).
    Secouez le tout avec une intrigue qui mêlera trafic de vierges, fusillade sur l'autoroute, la Tchétchénie, la France, la Corse, la banlieue parisienne, combats à mains nues (tiens, j'ai pensé à Paola Barbato...) etc... et vous obtenez une version 2017 survitaminée du Nikita de Luc Besson.
    Les amateurs de thriller pur et dur seront sans nul doute conquis. Ceux, comme moi, n'appréciant pas/plus particulièrement ce genre le seront aussi, tant cette Lisa Lartéguy alias la Bête, le Monstre, "Brutale" est un personnage de roman hyper charismatique.

    24/01/2017 à 12:03 11

  • Comme si nous étions des fantômes

    Philip Gray

    9/10 Début 1919. La Première Guerre mondiale s'est terminée trois mois plus tôt. Les champs de bataille sont des tombeaux à ciel ouvert, le danger est encore très présent (engins explosifs, gaz...). C'est pourtant là, dans la Somme, que se rend Amy Vanneck, une jeune Anglaise, sur les traces de l'homme qu'elle aime, Edward Haslam. Ce dernier a disparu au mois d'août 1918 dans des circonstances pour le moins intrigantes : est-il mort ? Est-il un fugitif ? Cherche-t-elle un homme ou un cadavre ?
    Dans ce roman historique (et dont le côté "polar" ne saute pas aux yeux dans les dizaines de premières pages), Philip Gray nous plonge dans ce monde d'une infinité de gris, sa plume, son style servant à merveille une intrigue poisseuse, de boues et de brume, de fantômes réels ou supposés. La quête d'Amy nous touche tout en nous permettant de saisir (par des analepses) toute l'horreur de cette guerre. Le roman emprunte des chemins peu abordés du conflit, tels le travail des coolies chinois ou encore l'accoutumance des soldats à la drogue (l'opium ici). L'immédiat après-guerre, ses paysages en lambeaux, ses villages en morceaux et les esprits et corps traumatisés (comme les gueules cassées), tout cela est formidablement bien décrit. Philip Gray n'a, pour autant, pas délaissé son intrigue au profit du cadre historique. Il mène son récit à bien, jusqu'à une chute dans les ultimes lignes que l'on peut voir venir mais qui en surprendra plus d'un.e.
    Comme si nous étions des fantômes est un premier roman historico-militaro-policier (!) remarquable, une très belle découverte pour ma part et j'émets le souhait de voir Philip Gray se saisir à nouveau de sa plume pour nous raconter d'autres histoires...

    17/01/2024 à 09:19 11

  • De Cauchemar et de feu

    Nicolas Lebel

    9/10 Pas mal de choses ont déjà été abordés dans les précédents commentaires, alors je vais simplement remercier l'auteur pour l'immense plaisir que j'ai pris à la lecture de ce roman, plaisir de retrouver Mehrlicht et sa bande dans une intrigue sur fond de conflit nord-irlandais.
    C'est passionnant, c'est très bien documenté, c'est brillant et l'un n'empêchant pas l'autre, c'est dur, c'est noir (sûrement le titre le plus sombre de la série jusqu'ici), on est pleinement immergé dans l'enquête et dans le passé et d'ailleurs le ping-pong passé/présent se fait sans aucune anicroche. On ajoute à cela la dose d'humour nécessaire et toujours pertinente, avec notamment les sonneries façon questions Julien Lepers, et l'on obtient un excellent polar !
    Encore une réussite pour Nicolas Lebel qui, bordel (bim ! 5 euros...), mérite vraiment d'être plus largement lu !

    05/12/2019 à 19:15 11

  • Juste après la vague

    Sandrine Collette

    7/10 Sandrine Collette n'a plus besoin de prouver qu'elle a plusieurs cordes à son arc. Le huis-clos, le monde des vignes, le désert, une casse dans le futur et ici un raz-de-marée qui entraîne pour une famille nombreuse des choix douloureux, impossibles mais nécessaires pour ne pas tous sombrer. Les décors changent, les intrigues aussi mais reste intact "l'amour" que l'auteure porte à ses personnages.
    Si la survie semble le cœur de l'intrigue de Juste après la vague, d'autres thèmes d'actualité sont traités de façon sous-jacente, à commencer par les migrations climatiques (comme l'a souligné l'auteur de l'avis précédent), qui seront demain la préoccupation majeure de l'humanité. L'amour, la famille en sont d'autres.
    Et cette écriture, comme des coups de boutoirs qui parfois nous plongent dans un flot d'émotions (avec Lotte, par exemple...)...
    Alors pourquoi pas 9 ou 10 ? Parce qu'il manque un je-ne-sais-quoi, le truc en plus qui fait un grand roman... touché, mais pas coulé.
    N'en reste pas moins une lecture immersive, une belle écriture, un roman qui marque assurément, un conte qui nous parle d'aujourd'hui et de demain. A découvrir.

    30/12/2018 à 18:55 11

  • La Disparition de Josef Mengele

    Olivier Guez

    8/10 La Disparition de Josef Mengele retrace la tumultueuse histoire de la cavale de Josef Mengele, médecin à Auschwitz, connu entre autres pour ses expériences pseudo-médicales sur les jumeaux et coupable d’innommables horreurs au sein du plus grand camp de concentration nazi.
    Cette partie de sa vie n'est que présente par bribes dans le roman d'Olivier Guez (mais ce sont des passages suffisamment marquants pour ne pas oublier le monstre que fut le nazi en fuite). Le cœur du propos de l'auteur est de suivre, de façon chronologique, romancée mais s'appuyant sur une bibliographie assez conséquente (une centaine de titres, présents en fin d'ouvrage, comme le ferait un historien avec ses sources), le trajet de Mengele, de son arrivée sur le continent sud-américain en 1949 jusqu'à sa mort 30 ans plus tard.
    Avec une écriture élégante et agréable, Olivier Guez nous permet à la fois de suivre le monstre dans ses pérégrinations sud-américaines mais aussi de voir quelles furent ses connexions, ses accointements et toutes les personnes, de la plus insignifiante à la plus haut placée (je pense au couple Perón, entre autres) qui ont œuvré, directement ou indirectement, à protéger le nazi.
    Un nazi qui jamais n'évoquera un quelconque regret, ressassant à loisir son admiration pour Hitler, et la "noblesse" du "combat" qu'il a mené au nom de la "race aryenne".
    J'ai aimé aussi les passages mettant en scène son fils, Rolf, qui ne verra que deux fois son père dans sa vie, finalement dégoûté par ce père monstrueux.
    J'ajoute que la question de la présence de ce roman sur Polars Pourpres pourrait étonner, mais par son sens du suspense, par ses passages rivalisant avec les meilleurs romans d'espionnage (l'arrestation d'Eichmann par le Mossad, les tractations de ce dernier pour trouver Mengele etc...), il n'est finalement pas incongru de le trouver sur PP.
    Un très bon roman que je recommande.

    03/06/2018 à 10:17 11

  • Le Dernier Lapon

    Olivier Truc

    7/10 Je rejoins l'avis de Taylor ci-dessous : ce premier roman d'Olivier Truc vaut avant tout pour le duo Klemet Nango le Lapon (qui a quelques problèmes avec ses origines) et Nina Nansen. Cette police des rennes est originale, comme l'est le sujet choisi par l'auteur dans les décors glacials de Laponie.
    Polar ethnologique qui vaut aussi le détour pour l'histoire récente des Lapons, et leur rapport avec les peuples européens qui ont conquis cette partie septentrionale de l'Europe (les Norvégiens notamment). Cette partie du roman est vraiment très intéressante, tout comme les traditions laponnes (l'histoire des tambours, le joik etc...).
    Mais, car il y a un mais, le livre souffre de longueurs (j'ai décroché à plusieurs reprises), le rythme est trop inégal et retombe trop souvent à mon goût. Enfin, j'ai trouvé certains passages redondants.
    J'ai écouté ce roman et je dois dire que l'excellente lecture, je dirais même interprétation de Jean-Marie Galey, m'a permis d'aller au bout de l'aventure laponne avec un certain plaisir.

    11/11/2017 à 11:07 11

  • Le Silence des agneaux

    Thomas Harris

    9/10 Lu dans la foulée de Dragon Rouge, j'ai enfin découvert ce monument du thriller adapté dans un film mémorable avec Anthony Hopkins en Hannibal Lecter psychopathe à souhait et une Jodie Foster admirable en Clarice Starling. Difficile d'oublier le film (que j'ai en plus revu tout récemment) lors de ma lecture mais cela ne m'a pas empêché d'apprécier le roman, un cran au-dessus du pourtant très réussi Dragon Rouge.
    C'est un Thomas Harris au sommet de son art qui nous distille une intrigue effroyable avec un tueur en série qui se coud une robe avec des morceaux de peau de ses victimes. Une tension permanente, une traque addictive avec une Clarice Starling très intéressante et j'ai par ailleurs bien aimé l'évolution de Jack Crawford (je n'ai pu m'enlever de la tête le visage de Scott Glen et la voix qui le double) et qui fait preuve de davantage d'humanité que dans Dragon Rouge avec une épaisseur que l'on ne retrouve pas dans le film (cf son épouse mourante). Le Dr Chilton est égal à lui-même, plein de suffisance (qui donne lieu dans le film à une scène finale d'anthologie).
    En bref, un jalon du thriller mondial fut posé en 1988 par Thomas Harris avec Le Silence des agneaux, adapté au cinéma avec bonheur, si j'ose dire, en 1991 dans un film mémorable. Désormais un classique incontournable pour tout amateur de thrillers.

    17/06/2020 à 10:43 11

  • Les Dames blanches

    Pierre Bordage

    9/10 Rarement un livre m'aura autant remué. Par ses thématiques, par certains de ses passages particulièrement bouleversants, par ses questions posées sur l'avenir de l'humanité... un livre qui m'a mis une claque et que je garderai, à coup sûr, longtemps dans ma mémoire.
    Je lis rarement de SF (en fait pour ainsi dire jamais...) mais lorsqu'il s'agit d'auteurs de la trempe de Pierre Bordage (dont j'avais particulièrement apprécié la trilogie "Ceux"), alors il est fort probable que j'en lise davantage ! Je trouve qu'un livre d'anticipation réussi est un livre qui nous en apprend autant sur ce que nous sommes aujourd'hui que ce que nous serons peut-être demain. Et dans les Dames blanches, c'est très réussi.
    Par contre le livre est sombre, souvent désespéré, tragique, ce qui m'a poussé à le poser plusieurs fois, pour "souffler".
    Sûr que les "pédokazes", la "loi d'Isaac" et tous ces personnages qui résistent ou qui cèdent (j'ai beaucoup aimé Basile et Camille notamment) me resteront longtemps en tête.
    Un roman d'anticipation à découvrir, un coup de cœur pour ma part.

    17/09/2017 à 12:06 11

  • Les Somnambules

    Chuck Wendig

    10/10 Ce livre est excellent. Je sais, ce n'est pas une surprise, tous les avis sur PP et ailleurs l'ont déjà précisé. Mais quand même. Chuck Wendig croque la société américaine avec une justesse remarquable. C'est un roman qui nous raconte l'Amérique d'aujourd'hui. Et finalement, ce qu'il y a derrière les somnambules passe presque au second plan, au moins jusqu'à ce que l'on apprenne ce qui se trame derrière tout cela.
    La place de la religion et son instrumentalisation, la place des médias, l'extrême-droite, les fake news, les réseaux sociaux et les excès liés, les nouvelles technologies (les nanotechnologies notamment), la tentation millénariste, l'obsession eschatologique, le suprémacisme blanc, une population américaine surarmée... Tout cela est formidablement dépeint. Oui les Etats-Unis d'Amérique sont bien malades. Et choisir le prisme des somnambules pour mettre en lumière tous ces maux est une idée fabuleuse.
    En outre Chuck Wendig a créé des personnages auxquels on s'attache (Shana, son père, Benji, Sadie, Marcy, Arav, le vieux rockeur Pete et même, finalement, le révérend Matthew) ou qu'on déteste comme Ed Creel, Ozark Stover (véritable croquemitaine) et sa sinistre bande... Il réussit donc à tisser une vaste et brillante histoire qui se déploie sur près de 1200 pages en permettant aux lecteurs de s'identifier aux différents protagonistes qui la composent.
    Enfin, Les Somnambules induit un réflexion sur l'intelligence artificielle, une réflexion aux conclusions franchement inquiétantes.
    Pendant un peu moins de trois semaines, ce roman m'a accompagné, quotidiennement. Quand je le refermais, je me repassais inconsciemment ou presque ce que je venais de lire. C'est dire ce que dégage ce roman !
    Un grand merci à toutes celles et ceux qui ont mis en lumière ce formidable titre car il est très probable que sans cela (et notamment la sélection PP), je ne l'aurais jamais lu. Vraiment, merci !

    29/01/2022 à 10:00 11

  • Train perdu wagon mort

    Jean-Bernard Pouy

    9/10 Mais quel plaisir de lecture ! Happé dès le début dans ce wagon dans la peau de François (roman à la première personne), dans un huis clos des plus intrigants, avec une ambiance lourde, une atmosphère étouffante et qui nous enserre crescendo, un mélange de suspense, d'anticipation, d'horreur, de post-apocalyptique, toujours porté par l'humour de l'auteur mais sans que l'on se marre franchement, non, on sourit de temps en temps mais on replonge, quasi en apnée, dans le wagon perdu au milieu de nulle part.
    Nulle part ? Non, car nous sommes en Zoldavie, un pays imaginaire qui m'a fait penser à la Bordurie/Sylvanie d'Hergé (quel plaisir d'ailleurs de voir la référence directe p. 99 de mon édition à Tintin !). Soit dit en passant, quelle pertinence d'avoir choisi un pays imaginaire, sensé se trouver entre Europe centrale et Europe de l'Est, car on y perd nos repères, tout en admettant qu'après tout cette histoire est crédible.
    Page après page, je criais au chef-d'oeuvre, me délectant de mettre un futur 10/10 à un roman qui serait dans mon panthéon des romans lus, à lire, relire et re-relire et puis... et puis cette fin.
    Alors deux hypothèses : soit elle est trop facile, soit elle est hyper tordue et nous demande de relire tout le bouquin en guettant les indices.

    Mais au final, peu importe. J'ai tellement apprécié cette lecture, véritable coup de coeur.

    Sûr que de nombreux passages me resteront longtemps en tête (certain[e]s vont peut-être sourire à cette référence, mais j'ai plusieurs fois pensé au roman de Scott Smith, Les Ruines) et j'installe Train perdu wagon mort dans ma short-list des meilleurs romans que j'ai lus, que je vais partager autour de moi et que je vais offrir à loisir.
    Le roman est paru chez Points Seuil : alors aucune excuse, foncez découvrir cet excellent roman du décidément très talentueux Jean-Bernard Pouy !

    03/05/2018 à 20:28 11

  • Ce qu'il nous faut c'est un mort

    Hervé Commère

    7/10 Un roman plaisant à lire, qui traite d'une problématique très actuelle, la délocalisation d'usines françaises à l'étranger.
    La force du roman réside dans ses personnages, tous (ou presque) attachants et que l'on suit avec plaisir à travers les décennies. L'intrigue est bien ficelée mais peut-être un peu trop "claire" pour des lecteurs aguerris : j'ai malheureusement un peu trop vite découvert le "pot aux roses", j'aurais aimé être cueilli par la fin, c'est raté.
    Il n'en demeure pas moins que les ateliers Cybelle, ses ouvrières et son histoire presque centenaire m'ont beaucoup plu. Les remerciements en fin d'ouvrage tendent à montrer que l'auteur souhaite s'inscrire dans le prolongement d'autres œuvres et d'autres combats qui l'ont inspiré pour l'écriture de ce roman.
    Un roman réussi donc, que j'aurais aimé cependant encore plus percutant.

    30/04/2017 à 12:35 9

  • De Profundis

    Emmanuelle Pirotte

    8/10 De profundis est un roman incomparable, je n'ai jamais lu un "truc" pareil, ni de près, ni de loin !
    Si l'auteure utilise la dystopie pour conter un futur peu reluisant (même sacrément déprimant et glauque !), c'est avant tout pour nous parler de notre présent car, sans entrer dans les détails, c'est bien de notre époque et des futurs possibles qu'elle traite, d'une façon qui va du global (extrémisme religieux, pandémie, communautarisme, repli sur soi...) au régional/local (conflit entre Wallons/Flamands...) jusqu'à la famille et à l'intime.
    Et cette touche de fantastique qui nous amène quelques siècles en arrière, dans une campagne faussement préservée.
    Les personnages sont intrigants, qu'on aime, qu'on n'aime plus, qu'on aime à nouveau... Les deux héroïnes, Roxanne et Stella vont, je pense, rester longtemps dans ma mémoire, leur caractérisation est très réussie.
    Franchement le roman est déstabilisant à bien des égards mais force est de constater que je l'ai lu avec avidité mais aussi mélancolie car ce livre est très sombre malgré quelques touches d'espoir.
    Emmanuelle Pirotte, un nom à retenir.

    01/06/2017 à 22:19 10

  • Delicious Foods

    James Hannaham

    9/10 Premières pages glaçantes dans lesquelles un adolescent de 17 ans, Eddie Hardison, est en pleine fuite, les mains amputées, à bord d'une voiture qu'il conduit les deux bras coincés dans les "branches" du volant. Eddie va se réfugier chez sa tante Bethella dans le Minnesota. Puis, par sa débrouillardise exceptionnelle il devient "le manchot pas manchot". Il a laissé derrière lui sa mère, Darlène, en Louisiane, travaillant pour "Delicious Foods".
    L'écriture est belle, précise, travaillée, la curiosité du lecteur est piquée, on a envie de poursuivre, on a envie de savoir : que s'est-il passé en Louisiane ? Pourquoi sa mère n'est pas avec lui ? Et c'est quoi, Delicious Foods ?
    C'est parti pour le chapitre 1, on suit Darlene sur le trottoir, flashback et l'écriture désormais très familière, argotique, change du tout au tout : c'est un certain Scotty qui parle...

    Pfiou... que dire de ce roman ?
    Allez, disons-le d'emblée, on frise le chef-d’œuvre. Ce roman est un bijou, d'une pierre sombre et rare.
    On ne dévore pas ce roman, non. Car le texte est dense, les faits décrits sont durs et il n'y a pas un rebondissement toutes les trois pages. Non, rien de "delicious" dans cette histoire où beaucoup vont déguster. En revanche l'écriture est de celles qui transportent, marquent et émeuvent.
    Dans Delicious Foods, l'auteur mêle avec maestria et poésie la misère, la drogue, l'esclavage moderne, l'avilissement mais aussi le racisme... au sein d'une exploitation agricole du fin fond de la Louisiane. On suit Darlene, sa jeunesse, ses espoirs, son amour et sa descente aux enfers. On assiste à sa déchéance, sa rencontre avec Scotty et la vie terrible qui se profile pour Eddie, son fils. On souffre avec les exploités de Delicious Foods, entre asservissement, captivité et dépendance...

    Bon, je m'arrête là car je ne veux pas en dévoiler trop, ni être trop long. Je terminerai en remerciant l'auteur, James Hannaham, pour ce texte, beau, fort, poétique, qui m'a beaucoup touché et remué ; en remerciant aussi la traductrice, Céline Deniard, pour sa traduction réussie (notamment les passages de Scotty !), l'auteur de la remarquable couverture du roman, Gabriel Gay et les éditions Globe pour nous avoir fait parvenir, en France, ce titre.
    Merci enfin à Emil de m'avoir fait l'amitié d'envoyer son exemplaire direction ma boîte aux lettres, je ne suis pas prêt d'oublier Delicious Foods !

    26/02/2021 à 20:05 10

  • Derrière les panneaux il y a des hommes

    Joseph Incardona

    8/10 Original par son décor, plus courant par ses thèmes (la vengeance d'un père, la psychopathie...), Derrière les panneaux, il y a des hommes est un roman très noir qui bouscule.
    Le décor ? Les aires d'autoroute, ici vases clos paradoxaux en marge des flux continus, pauses salutaires ou meurtrières, à l'ambiance étouffante dans la moiteur des habitacles surchauffés. L'intrigue ? Des destins qui se télescopent, ou quand le dangereux chauffard croise la route de l'automobiliste lambda, carambolage aux séquelles nombreuses et indélébiles.
    Le tout servi par une belle écriture, tellement belle que l'on a parfois (souvent) envie de prendre le stylo et de recopier des passages pour les garder comme des citations précieuses, faisant sens. Le ton, les mots heurtent. Le texte est très violent, cruel et désespérément lucide (ne pas le lire déprimé !).
    Roman réussi chaudement recommandé par Michaël Mention (j'ai d'ailleurs trouvé des similitudes entre son écriture et celle d'Incardona, phrases courtes, syncopées, presque télégraphiques), je n'en regrette pas sa lecture franchement marquante.

    27/06/2018 à 14:33 10

  • Germania

    Harald Gilbers

    8/10 Harald Gilbers nous entraîne dans une enquête fort prenante, avec pour décor une Germania inachevée et même en voie de décomposition avancée, écrasée par les bombardements alliés.
    Voilà la grande force de ce premier roman : l'immersion dans le Berlin de 1944, à la veille d'un débarquement allié en Normandie qui fera du bruit...
    La documentation amassée par l'auteur est conséquente, juste et utilisée avec pertinence, de telle sorte que l'on n'a jamais l'impression que l'intrigue sert de prétexte à raconter une époque mais bien que cette dernière est très justement au service de la première. C'est remarquablement réussi.
    J'ajoute que le héros, Richard Oppenheimer, ex-commissaire juif marié à une "aryenne", est un atout non négligeable tant le personnage est attachant, rappelant un certain Bernie Gunther. D'ailleurs Harald Gilbers n'a pas à rougir de la comparaison avec son illustre "prédécesseur" (quoique toujours actif) Philip Kerr, car avec ce Germania, l’Écossais a désormais un autre auteur de talent qui joue sur la même scène que lui. Bravo !

    21/05/2017 à 22:59 10

  • L'Homme au balcon

    Maj Sjöwall, Per Wahlöö

    8/10 Troisième enquête de Martin Beck et troisième très bon roman dans la chaleur de l'été suédois, au cœur d'un Stockholm déboussolé par un tueur de fillettes.
    J'ai trouvé ce 3e opus encore meilleur que les deux premiers, avec davantage de rythme et une équipe que l'on commence à bien connaître ce qui rend les personnages de plus en plus attachants. On est toujours dans l'hyper réalisme, à la limite du naturalisme. J'ajoute que la préface de Jo Nesbø est intéressante et pertinente, celle d'Andrew Taylor est aussi intéressante mais bien trop bavarde, attention à ne pas en lire les trois dernières pages dans lesquelles le Britannique nous raconte tout le livre !
    Bref, un roman d'une étonnante modernité, une vision lucide de nos sociétés occidentales. Je me suis régalé !

    16/04/2016 à 15:01 5

  • L'Homme au complet marron

    Mohamed El Baïri, Hughot

    3/10 Au bout de quinze pages, je me suis dit : "mais qu'est-ce que c'est que cette histoire, c'est incompréhensible !". J'ai alors regardé sur Internet, Babelio notamment, les avis d'autres lecteurs pour savoir si c'était moi qui n'était pas assez attentif ou s'il y avait un réel souci avec le scénario. Les avis lus m'ont rassuré, non pas sur la qualité de l'intrigue, mais sur ma perception de celle-ci : c'est effectivement très difficilement compréhensible si l'on n'a pas lu le roman, ce qui est mon cas.
    Les dessins de Mohamed El Baïri sont plutôt réussis mais ne sauvent pas une BD où l'on a l'impression qu'il manque des pages tant les ellipses sont nombreuses.

    10/06/2017 à 11:18 5

  • La Bête et la Belle

    Thierry Jonquet

    8/10 Je dois reconnaître que j'ai eu du mal à suivre au début, l'impression de prendre un train en marche qui file un peu trop vite. J'ai donc mis du temps à me repérer, perdant au passage, probablement, plusieurs indices qui m'auraient permis de pouvoir anticiper une fin juste... whouahou. Car je me suis complètement fait avoir, je n'ai pas une seule fois imaginé ce qui m'attendait dans le dernier chapitre !
    Au-delà de ce dernier coup bluffant, Thierry Jonquet narre l'histoire d'un coin de banlieue parisienne qui change, à vitesse grand V, passant de la campagne à la ville en quelques années, des fermes aux barres et aux tours. J'ai apprécié ce portrait en mouvement.
    Bon, il faudra quand même que je réécoute (livre audio, très bonne lecture avec le ton qu'il faut de Lionel Epaillard) ou lise le roman maintenant que je connais le dénouement.

    04/04/2020 à 09:54 10

  • La cellule de Zarkane

    Patrick Sebastien

    9/10 Complètement d'accord avec l'avis de Jackbauer, ce roman est une réussite tant au niveau de l'intrigue très habilement construite que du style de l'auteur qui possède une très belle écriture. L'histoire est sombre, violente, parsemée d'espoirs éphémères. Le personnage de Zarkane est un "héros" de papier qui marque ! Plus qu'une agréable surprise, c'est un excellent roman que cette Cellule de Zarkane ! Mon seul bémol : l'épilogue, dans laquelle Joseph Lubsky "parle", je l'ai trouvé en trop. Mais à part ce détail, ce roman m'a épaté ! J'ajoute que la lecture (livre audio) de José Heuzé (que j'avais déjà beaucoup apprécié dans sa lecture de La malédiction des louves de Gilbert Bordes) colle parfaitement au ton du livre et à ce fabuleux personnage qu'est Zarkane.
    A découvrir !

    30/07/2016 à 11:02 10

  • La Disparition de Stéphanie Mailer

    Joël Dicker

    9/10 Thriller addictif à l'intrigue tortueuse et aux nombreux personnages, La Disparition de Stéphanie Mailer m'a fait passé un excellent moment d'écoute (livre audio, lecture très réussie de Philippe Sollier, au diapason du texte). On navigue avec bonheur entre deux époques, à vingt ans d'écart, grâce à de multiples flash-backs, on rit beaucoup grâce à l'humour mordant (et ce jusqu'au dernier chapitre) de l'auteur et de certains de ses personnages aussi improbables que risibles (la palme à Kirk Harvey !). Alors oui, Dicker fait parfois fi de toute crédibilité mais sans pour autant brader son intrigue. Pour moi l'auteur suisse ne cesse de renouveler le genre du "whodunit" et c'est une franche réussite.

    05/03/2022 à 10:06 10