JohnSteed

631 votes

  • Les Rancoeurs et la Terre

    Kimi Cunningham Grant

    9/10 Teresa vient signaler la disparition de son fiancé, Transom Shultz au shérif de Fallen Mountains, surnommé Red. Après 22 ans de presque bons et loyaux services, alors qu’il s’apprêtait à faire valoir ses droits à la retraite, Red décide de mener sa petite enquête, histoire de voir ce que les gens du coin pensent de ce qui pourrait être advenu à Transom. Ce dernier était dernièrement revenu sur ses terres natales, après 17 ans passés à faire fortune sur d’autres terres. Transom aimait partir sans données de nouvelles pendant quelques jours. Mais la présence de son téléphone dans son véhicule interroge Red sur un simple départ volontaire.
    Le shérif interroge Chase, l’ami d’enfance de Transom et, dès lors, les regards soupçonneux se tournent vers Possum, un ancien camarade de classe dont Transom aimait beaucoup se moquer au lycée.

    Ce polar attachant nous entraîne dans le tumulte de l’enquête, alternant le passé (l’histoire de Transom) et le présent (l’enquête menée par Red).
    J’avais découvert Kimi Cunningham Grant avec Le silence des repentis que j’avais adoré. Celui-ci était son second livre mais sa première édition en France. Ici, l’autrice américaine confirme la beauté de son écriture, la profondeur de ses personnages et la sensibilité de ses intrigues, qui lui avait valu le Prix Découverte Polars Pourpres décerné au Silence des repentis en 2022. En effet, Les Rancoeurs de la terre n’a rien à envier à son successeur. Liens familiaux, les ombres du passé, la puissance de la nature,… sont les thèmes récurrents qui se dévoilent à la lecture de son œuvre. Avec seulement 2 romans, Kimi Cunningham Grant montre que, désormais, elle ne doit plus être cataloguée comme espoir du polar mais comme une autrice à part entière et dont je vais suivre avec intérêt et impatience ses prochaines parutions.

    13/02/2024 à 14:52 5

  • Comédia infantil

    Henning Mankell

    9/10 José Antonio Maria Vaz, seul sur son toit, sous le ciel étoilé des Tropiques, nous raconte une histoire. Celle d’un enfant dont il ne restait que quelques jours à vivre, qu’il a recueilli et protégé sur le toit de la boulangerie où il travaillait. Cet enfant s’appellait Nelio et avait une douzaine d’années. Blessé par balles, il ne souhaitait pas être soigné tant qu’il n’avait pas achevé son histoire, celle d’un enfant devenu trop vite adulte, en tuant pour sauver sa vie et son honneur, en fuyant son village et en errant pour survivre.

    Durant 9 nuits, Nelio, souffrant, agonisant, a raconté, à José, son périple et ses rencontres avec des personnages tantôt étranges, tantôt fascinants. Il a rapporté son arrivée dans cette ville et ces enfants de rue dont il était devenu le chef.

    Mankell est surtout connu pour ses polars et notamment sa série avec Wallander. Mais l’auteur suédois a développé une passion pour l’Afrique qui constitue des sujets de quelques romans. Comedia Infantil prend pour trame la jeunesse désabusée des pays africains confrontés aux guerres civiles. Ce livre est d’une sensibilité et d’une beauté magnifiques. Le premier tiers du livre m’a fait penser au Petit Prince de Saint Exépury tant il compte de tendresse, de phrases bienveillantes et de poésie. Mais ne nous trompons pas : Comedia Infantil comporte son lot de malheur et de cruauté envers les enfants. Il n’en est que plus bouleversant et touchant.

    12/02/2024 à 13:48 3

  • Handsome Harry

    James Carlos Blake

    8/10 Comme écrit en prélude, on a tous une attirance malsaine pour les gangsters, ceux qui détroussent les banques. Existe-t-il un syndrome Robin des Bois, comme il existe celui de Peter Pan ? J’avoue que je ne le sais pas, et que je n’ai pas cherché à le savoir non plus. C’est un fait : on possède en nous cette appétence pour les malfrats qui volent ceux qui nous volent. Une sorte de justice, un bon retour des choses. On peut aussi et en plus être admiratif de la méthode et des stratégies déployés par les voleurs pour arriver à leur fin. Et que dire de la cavale qui s’en suit ? L’admiration est proportionnelle à la durée qu’elle dure.

    James Carlos Blake nous propose ici une histoire de voleurs. Une vraie, aux Etats-Unis, en 1934. Harry Pierpont, alias Handsome Harry, est dans le couloir de la mort. Alors qu’il attend son exécution via la chaise électrique, il raconte son histoire, ses premiers délits et casses, ses premiers séjours en prison, ses évasions et la constitution de la bande Dillinger.

    Ce livre est passionnant, d’autant que le gang Dillinger a réellement existé. Cette histoire romancée permet de découvrir les différents protagonistes, avec ce personnage central, Harry, ses déboires, ses idylles,… On ne s’ennuie pas une seconde et la plume de James Carlos Blake sied bien à cette histoire attachante de gangsters.

    07/02/2024 à 14:19 4

  • La Disparition de Josef Mengele

    Olivier Guez

    8/10 Josef Mengele – l’ange de la mort, Herr Doktor – est un criminel nazi qui réalisa différentes expérimentations médicales sur la population juive internée dans le camp d’extermination d’Auschwitz. Ce médecin sélectionnait ses prisonniers en fonction de critères physiques attrayants (il avait une prédilection pour les cas de gémellité dont il cherchait une explication scientifique) et les condamnait soit aux travaux forcés soit aux chambres à gaz.
    Lors de la capitulation de l’Allemagne nazie, Josef Mengele a pu se fondre dans la population polonaise et via différents réseaux et « bienveillances » de certains pays, s’enfuir en Argentine.

    Olivier Guez prend comme point de départ de son roman l’arrivée en 1949 de Mengele dans ce pays où le gouvernement populaire de Peron arrive au pouvoir et ferme les yeux sur l’arrivée de différents personnages en fuite. L’auteur français raconte la cavale de Mengele, utilisant différents noms d’emprunts, qui, curieusement, semble, être bien accompagné et aidé dans sa quête à se faire oublier et vivre comme un citoyen lambda.
    Ce terme « raconte » est somme toute important car, bien que très documenté, ce livre est un roman voire un docu-fiction. Le lecteur ne n’a pas entre les mains un documentaire. Alors comment faire la part entre les faits réels et la part romancé ?

    C’est le reproche essentiel que j’adresse à ce livre qui retrace, de manière assez neutre voire froide, le contexte politique bienveillant des pays d’Amérique du Sud, les failles administratives, la volonté (sauf celle du Mossad et des dirigeants israéliens) en demi-teinte de la communauté internationale de traquer les criminels nazis,… On y découvre surtout un misérable et détestable personnage ancré dans son idéologie nazie et ses convictions du bien.

    05/02/2024 à 14:22 2

  • Tous les membres de ma famille ont déjà tué quelqu'un

    Benjamin Stevenson

    5/10 Quand tous les membres d’une même famille souhaitent « fêter » la libération du fils aîné, emprisonné depuis 3 ans pour meurtre, ils décident de se réunir dans une station de ski. L’idée alliant l’utile à l’agréable est sympathique. Sauf qu’il n’y aura pas vraiment de moments plaisants, sauf si on considère charmant et attrayant le fait de découvrir un cadavre dans la neige, sa bouche remplie de cendre.

    Pour la famille Cunningham, dont chacun des membres a des cadavres dans le tiroir, cette découverte n’augure rien de bon. Aussi, Ernest (dit Ernie ou Ern), le cadet, décide de mener l’enquête. Il rapporte ici son histoire sous forme d’une enquête policière digne d’Agatha Christie, en suivant les 10 règles d’or. Ern s’y connaît sur la manière d’écrire des romans policiers, car il écrit des livres sur la manière d’écrire les histoires policières.

    Présenté comme cela, le pitch du livre a l’air très alléchant. Mais c’est peu dire que je me suis ennuyé. Benjamin Stevenson respecte les codes des romans policiers classiques, mais je n’ai ni accroché à son style, ni aux personnages ni à l’histoire. Trop de divagation, trop de digression dans les propos du narrateur qui aime « parler » à son lecteur. Il manquait de profondeur ou d’un ton plus décalé, peut-être, pour me captiver.

    Ma lecture achevée (avec soulagement), je tombe sur les propos de l’auteur qui, à destination de quelques personnes de son entourage, les « remercie de l’avoir supporté ». Moi aussi, j’ai supporté l’auteur, mais pas dans le sens qu’il l’entend.

    30/01/2024 à 13:44 8

  • Le Frisson

    Mick Bertilorenzi, Jason Starr

    7/10 Jason Starr fait partie de mes auteurs new-yorkais préférés. Associé au dessinateur Bertilorenzi, Starr propose une BD tout en N&B ayant pour thème central des meurtres commis suivant un rite druidique. Un agréable moment de lecture rythmé, prenant et percutant. Malgré ses 180 pages, cette BD aurait mérité de développer un peu plus certains passages ou personnages.

    29/01/2024 à 12:17 1

  • L'un des nôtres

    Larry Watson

    9/10 Ce matin, de bonne heure, Margaret demande à son mari, George, s’il a réfléchi et décidé de venir avec elle. La voiture est prête, remplie du stricte nécessaire pour camper quelques jours. Ancien shérif, George, aux sentiments amoureux intacts pour sa femme, prend ses dispositions et préparent ses affaires. Direction le Montana, à la quête de leur petit-fils, Jimmy. Depuis le décès accidentel de leur fils, leur bru a quitté la ville et a refait sa vie, privant les grands-parents de leur petit-fils.

    Ce périple va être l’occasion de tester la solidité de leur couple, de se remémorer leur histoire, et d’affronter le clan Weboy avec qui leur bru s’est entichée. Une rivalité entre les 2 matriarches va s’instaurer.

    Ce roman est emprunt de poésie, de mélancolie et de tristesse. Il possède une douceur et une sonorité délicate. J’ai pris plaisir à me laisser bercer par ces phrases remplies de volupté et de délicatesse, découvrant la vie de ce couple dont l’amour a su affronter les années et les drames et qui une dernière fois va s’armer de courage pour réunir leur famille.

    J’avais laissé Larry Watson, découvert grâce aux éditions 10-18 dans les années 90. J’ai redécouvert la beauté de son écriture, grâce à cette belle et triste histoire. Loin du roman noir (même si des passages violents sont présents), L’un des nôtres offre une part d’hormone du bonheur au lecteur en quête de beauté, le temps d’un périple dans les Etats-Unis des années 50, en compagnie de grands-parents résolus mais attachants et bienveillants.

    25/01/2024 à 14:21 6

  • Adieu demain

    Michaël Mention

    9/10 20 ans après l’Affaire de l’éventreur du Yorkshire, la police de Leeds est confrontée à un autre tueur en série de prostituées qui s’inspire de Witcliffe. Une sorte de copy cat mais avec une arbalète.

    Mark Burstyne et son coéquipier Clarence Cooper concentrent leurs efforts sur un seul suspect : Peter. Ce sympathisant de Wittcliffe l’a côtoyé en hôpital psychiatrique et a fait une thèse sur lui. Le suspect idéal, donc. Mais pour avoir des preuves accablantes, Clarence est sommé de s’infiltrer sous une fausse identité dans le groupe de patients suivi par un troublant docteur. Et que dire des autres membres du groupe qui deviennent les uns après les autres d’idéaux suspects également ?

    Si Michaël Mention continue de disséquer la société anglaise pour se concentrer désormais aux années 90, Adieu demain se pose comme un cran au-dessus de son prédécesseur. Moins de personnages et leur approche psychologique est beaucoup plus approfondie. Avec une mention spéciale pour les passages sur le développement de l’arachnophobie de Clarence. En résumé, j’ai vraiment beaucoup aimé ce 2ème volet de la Trilogie anglaise. Un roman qui méritait amplement son Prix Polars Pourpres 2014.

    17/01/2024 à 16:53 7

  • Par un matin d'automne

    Robert Goddard

    9/10 Un plaid, une tasse de thé fumante, assis confortablement dans un fauteuil club : telles seraient les conditions idéales pour plonger dans la lecture de Par un matin d’automne. Ambiance so british que nous propose Robert Goddard avec cette Angleterre de la Première Guerre mondiale, et ses secrets de famille mâtinés de romantisme et de drames familiaux.

    Tout d’abord, j’ai été captivé par cette ambiance qui se dégage de ce livre, entre Un long dimanche de fiançailles pour la trame de l’histoire et Rebecca de Daphné du Maurier pour l’atmosphère sombre planant sur Moongate, cette demeure bourgeoise où le malheur s’abat sur la famille Hallows.

    Les personnages sont captivants (y compris la terrifiante Olivia, remplie de haine pour sa belle-fille) et la quête de l’histoire familiale de Penelope est envoûtante.
    Robert Goddard se pose comme un digne héritier des belles lettres anglaise qui par la voix de plusieurs protagonistes nous raconte les vies d’un lieutenant anglais disparu en guerre, d’une jeune fille abandonnée à la naissance et persécutée par sa diablesse de belle-mère et l’assassinat d’un méprisable courtisan américain. Présenté comme cela, ce livre pourrait apparaître fade et dénué d’intérêt ou d’attrait.

    Or l’auteur anglais possède le don de nous faire dévorer ses livres denses, à la manière de Wilkie Collins dont il se pose comme un digne héritier.

    16/01/2024 à 13:57 8

  • Les Gentils

    Michaël Mention

    7/10 Michaël Mention nous propose un road-trip où la vengeance d’un père en est le leitmotiv. Franck disquaire à Paris, a perdu sa fille de 6 ans, tuée lors d’un braquage d’une boulangerie. Et son couple n’a pu survivre à ce drame. Tous les jours, Franck appelle le commissariat pour connaître l’avancée de l’enquête. Mais face à l’impuissance des policiers, il décide de mener lui-même les investigations. Avec le peu d’éléments qu’il arrive à glaner, il découvre que le tueur de sa fille, un toxico avec un tatouage Anarchie sur une épaule, se prénomme Yannick.

    Le lecteur accompagne ainsi Franck dans sa quête obsessionnelle de tuer ce Yannick. On le suit à bord de sa R5 dans cette France giscardienne, où les crises économiques succèdent aux affaires politiques.

    J’ai retrouvé avec plaisir la plume hallucinée et rock’n rollienne de Michaël Mention (et sa bande son musicale aussi variée que mythique) qui ne ménage pas son héros. Toutefois, j’ai moindrement accroché au dernier tiers du livre qui, d’un coup, change de thème en même temps que de territoire géographique. Du coup, ce fut un plaisir mitigé.

    15/01/2024 à 13:33 5

  • Sale temps pour le pays

    Michaël Mention

    8/10 1976. Dans le nord de l’Angleterre sévit un tueur de prostituées que la presse va nommer « l’Eventreur du Yorkshire ». La police s’organise pour mener à bien l’enquête qui va s’avérer longue et fastidieuse. Parmi ses membres George Knox, enquêteur aussi sombre qu’intègre et entièrement engagé dans la quête de ce monstre ; Mark Burstyn, enquêteur ambitieux…

    Le sujet a fait l’objet d’autres polars mais Michaël Mention rend cette enquête très addictive avec son rythme effréné et ses personnages attachants. Il dépeint l’évolution de cette Angleterre qui vit sa révolution culturelle, sociale et économique. J’ai beaucoup apprécié le ton de Michaël Mention (qui n’hésite pas à se mettre en scène comme journaliste du Monde), et ses références pop-culturelles. Un livre qu’on dévore et qui entame de manière magistrale sa Trilogie anglaise. A peine lu la dernière ligne du livre que j’entame le second volet.

    29/12/2023 à 11:26 9

  • Crépuscule

    Philippe Claudel

    8/10 Attiré par un nouveau roman de l’illustre Philippe Claudel, alléché par sa couverture sombre, mystérieuse et énigmatique, charmé par son titre aussi mélancolique que décadent, j’ai plongé dans cette histoire et découvert ces personnages durant quelques nuits d’hiver noires et tristes seyantes à l’atmosphère ambiante.

    Roman ou plutôt conte que nous offre l’auteur qui aurait pu commencer son histoire par « Il était une fois, dans un pays fort lointain et à une époque non moins reculée et inconnue… ». Philippe Claudel transporte son lecteur dans un univers et une contrée énigmatiques.

    Dans un village à la frontière d’un Empire, le curé est découvert dans la rue, mort, assassiné, la tête fracassée par une pierre. Le Policier, Nourio, et son Adjoint, Baraj, vont mener l’enquête ou, devrais-je dire, un semblant d’enquête. Car ce qui obsède Nourio, ce n’est pas la recherche de la vérité, la quête de la lumière sur cette affaire. Non, ce qui l’obsède, guidé par les pulsions qui le démangent en dessous de la ceinture, c’est la témoin de l’affaire, la très jeune Lémia. Et oui, vous l’avez bien compris, de la vérité Nourio s’en branle carrément, et dans tous les sens du terme. Car outre ses excès incontrôlés de libido, Nourio s’accommode de toute explication que les autorités locales voient comme vraie et véritable. Car dans cette contrée, la tension entre musulmans et chrétiens est palpable. Car qui d’autres que des non-chrétiens peuvent s’en prendre à l’autorité cléricale ? Et la fuite du médecin musulman ne fait que confirmer cette théorie. Et d’ailleurs, toute tension n’est que prémices à la violence.

    Un roman que j’ai réellement aimé même avec ses longueurs, ses personnages aux comportements déviants, immoraux, opportunistes,… avec sa fin bien amenée. Crépuscule c’est un avant-goût de la fin d’une période de lumière, de vie : dans ce livre règne une atmosphère de fin de civilisation, où plus rien n’est conforme aux attentes du monde, où le monde n’attend plus rien que le retour impossible du jour et de la vie. Une allégorie de notre temps.

    27/12/2023 à 13:35 3

  • Chambres noires

    Karine Giebel

    8/10 L’exercice de la nouvelle est délicat et périlleux. Ecrire en quelques pages une intrigue est difficile, surtout si, comme on s’appelle Karine Giebel, on aime développer son histoire, proposer des rebondissements surprenants toutes les 20 pages, construire ses personnages à la psychologie complexe. Mais autant le dire de suite, l’autrice a su remporter haut la main sa composition.

    Chambres noires c’est 4 nouvelles inédites dont les titres font référence à des films qui ont marqué l’auteur (Le vieux fusil, L’armée des ombres, Un monde parfait, Au revoir les enfants). En bonus trois autres nouvelles écrits au profit des Restos du cœur et insérés dans les séries Treize à table, et une dernière parue dans Des Mots par la Fenêtre au profit de Fondation Hôpitaux de Paris. Soit au total, 8 nouvelles.

    Même si elles m’étaient totalement inconnues, ce sont les 4 nouvelles inédites qui m’ont le plus touché. Reprenant les mêmes thèmes chers de l’auteur, on se complait à se laisser embarquer dans ces histoires sombres, tortueuses, et malheureuses. Il faut avouer que même en peu de pages, Karine Giebel a su jouer du lecteur en lui tirant les larmes, en l’estomaquant mais chaque fois en le clouant de stupeur ou d’effroi. Nouvelles ou pas, l’autrice démontre son aisance quelque soit la longueur de ses histoires. Fallait-il encore une preuve de l’étendue et de la qualité de son talent ?

    19/12/2023 à 17:19 8

  • Matrices

    Céline Denjean

    8/10 Je reviens toujours vers les livres de Céline Denjean, comme vers ceux de Michael Connelly, car je suis toujours assuré de lire un polar de bonne facture. Ce n’est pas innocent que j’associe les deux auteurs car je trouve des similitudes dans leur façon très chirurgicale de traiter les enquêtes : on suit pas à pas l’investigation, avec moults précisions et décortications, et la vie des personnages principaux est un élément à part entière dans les livres. Bref, on rentre dans l’intimité de l’enquête comme des personnages.

    Avec Matrices, l’autrice bigourdane nous offre un roman sombre avec pour trame l’exploitation des femmes d’Afrique, et l’organisation d’une filière clandestine mettant en place la GPA. Un trafic bien huilé sauf qu’un jour, une des filles enceintes s’enfuit, se fait percuter par une fourgonnette et meurt quasiment sur le coup. L’enquête est confiée à Louise Caumont et son équipe de gendarmes qui piétinent. Même si rien n’est laissé au hasard, la morte est inconnue et les langues se délient peu dans ce trafic aussi fermé que bien organisé. La vie personnelle et torturée de Louise, les incidences de cet accident sur la « livraison » dans une famille très conservatrice et sur les aspirations politiques du patriarche ajoutent du piment à cette lecture très prenante. Vivement le prochain livre de Céline Denjean !!!

    18/12/2023 à 11:40 8

  • Devant Dieu et les hommes

    Paul Colize

    7/10 Toute jeune journaliste, Katazyrna voit son rêve professionnel se réaliser. Son rédacteur en chef lui demande de couvrir le procès pour meurtre de Donato Renzini et Francescco Ercoli. Ces deux immigrés italiens sont venus travailler dans cette Belgique d’après-guerre comme mineurs de fond à la mine au Bois du Cazier.

    Mais en ce 6 août 1956, un incendie embrase la mine et fait plus de 250 morts. Parmi eux, Gustave Fonck, un contremaître, dont le décès par suffocation est suspect. La victime aurait passé ses derniers instants avec Renzini et Ercoli, survivants à la catastrophe, et qui en voulaient à mort à ce contremaître qui volaient le salaire des ouvriers et leur pourrissait la vie au fond de cette mine inhospitalière.

    Dans cette époque où les Italiens sont traités pires que des chiens, de fainéants, de voleurs,… la justice peut être expéditive. Katazyrna est face à un double défi majeur : imposer sa vision personnelle du journalisme dans ce milieu machiste et suivre son instinct féminin pour faire la lumière sur ce drame.

    Le féminisme et le sort des immigrés mis en lumière dans cette Belgique des années 1950 par l’auteur belge via un fait divers marquant trouve encore et malheureusement écho à notre époque. Devant Dieu et les hommes est un livre attachant et plaisant mais souffre cependant de sa lente élaboration et de ses multiples évolutions. En effet, Paul Colize confie en postface que cette histoire a été d’abord conçue comme une pièce de théâtre jouée à Quai du Polar en 2021 avant de devenir livre en incorporant la jeune journaliste. Ainsi, j’ai trouvé un manque de profondeur dans l’histoire et les personnages qui ne sont qu’esquissés par l’auteur.

    11/12/2023 à 14:21 5

  • Je suis le fils de ma peine

    Thomas Sands

    9/10 Jeune écrivain français, peu connu et médiatisé, Thomas Sands possède une écriture directe et brute. Dans Je suis le fils de ma peine, l’auteur distille à chaque phrase des uppercuts qui font mal. Ce livre, son troisième, est très sombre et noir. Un livre qui transpire la douleur.

    Car Vincent Chamaleilles, capitaine de police à Paris, est aussi désabusé que meurtri. Désabusé par ses enquêtes qui n’aboutissent pas, investigations sur des meurtres qu’il trouve de plus en plus sordides. Meurtri par la perte de son père. Non pas touché par son décès, mais blessé par tant de souffrances qui ressurgissent. Ce père n’était pas qu’absent, il était violent envers Vincent. C’est la raison pour laquelle Vincent utilise le nom de famille de sa mère, comme un reniement voire un rejet du paternel.

    Mais l’histoire du père va lui revenir en pleine face lorsqu’il découvre une photo d’Algérie. L’histoire des origines de son père et de son implication dans cette guerre qui ne porte pas son nom vont bouleverser Vincent et le plonger dans un combat intérieur des plus violents.

    Je suis le fils de ma peine est un livre qui ne laisse pas insensible et qui remuera indubitablement le.a lecteur.rice. Vous voilà prévenu.e.

    04/12/2023 à 14:58 2

  • L'Anomalie

    Hervé Le Tellier

    8/10 C’est toujours une expérience particulière de lire un Goncourt, un livre qui a obtenu des « Sages de la littérature française » le Sacro-saint Prix, le Graal des distinctions françaises pour les écrivains. Car pour le lecteur que je suis, cela s’apparente à un exercice pervers (et j’assume) à vouloir descendre ce jugement, en sortant les armes (en l’espèce une plume acérée), en démontant ce prix, en dénonçant cette « anomalie ».

    Ne connaissant pas depuis lors l’auteur, je dois reconnaître que Le Tellier possède une écriture subtile posée et délicate, et une magnifique prose. Le livre est remplie de belles phrases, douces, sonnantes et scintillantes. Par moments, j’ai eu le sentiment d’avoir entre les mains un poème de 300 pages à moins qu’il s’agisse d’une œuvre philosophique.

    Il faut dire que l’historie de L’Anomalie s’y prête. Des passagers d’un vol Paris-New-York voient leur vie basculer dans l’extraordinaire et l’incompréhensible. Le Tellier n’oriente pas trop son histoire vers une explication rationnelle et scientifique mais plonge le lecteur dans les incidences psychologiques, ses répercutions identitaires, familiales et sociétales.

    Ce roman aurait pu contenir 2 voire 3 fois plus de pages et développer plus longuement ces thèmes et personnages sans que le lecteur ait eu à se plaindre d’une quelconque longueur. Mais savourons ce plaisir, car même si L’Anomalie ne développe pas un thème exceptionnel, le style éblouissant voire hypnotique de l’auteur procure un très beau moment de lecture.

    04/12/2023 à 14:33 5

  • Il pleut bergère...

    Georges Simenon

    7/10 Jérôme se rappelle d’un souvenir d’enfance assez marquant : la venue de Tante Valérie. Hébergée chez ses parents le temps de régler des questions de succession, cette vieille tante a su développer tout son sale caractère. D’ailleurs, Jérôme l’a détestée plus que tout. Certes ses parents lui ont demandé de taire tout ce qu’ils ont pû dire de désagréable sur elle, histoire d’être bien couchés dans le testament, bien évidemment. Mais Jérôme ne peut vraiment pas supporter celle qui a écrasé ses animaux en bois et à cause de qui il partage la chambre de ses parents.
    Mais Jérôme se rappelle aussi que la venue de Tante Valérie coïncidait avec un étonnant fait divers : le père de son voisin d’en face, son « ami » Albert, qu’il ne côtoyait que par fenêtres interposées, était recherché pour attentat.

    Un Simenon de « seconde division » mais attachant grâce à cette peinture d’une petite ville normande, la vie de ces commerçants et la description de cette vindicte populaire.

    15/11/2023 à 13:47 1

  • L'Outlaw

    Georges Simenon

    8/10 Stan et Noutchi arpentent les rues de Paris à la recherche d’un toit pour dormir. Sans le sou, ils fuient surtout les ennuis. Alors Stan a une idée pour se faire facilement de l’argent : proposer à l’inspecteur Mizeri un marché. Contre 5 000 francs, Stan lui fournit les noms de la Bande des Polonais. Ces truands qui attaquent les fermes du Nord. Stan les connaît pour les avoir côtoyés aux Etats-Unis, et notamment la cheffe, Frida, quand il était adolescent à Wilno, en Lituanie, son pays d’origine.
    Mais l’inspecteur Mizeri ignore Stan, qui désespère d’avoir les poches et l’estomac vides. Et les Polonais n’ont qu’une envie : faire la peau à ce traître.

    Dans L’outlaw, Simenon nous fait partager l’angoisse montante de Stan, un truand à la petite semaine qui craint les représailles des Polonais. Roman noir sous tension avec un final inattendu et bien mené. Un bon roman noir de Simenon.

    15/11/2023 à 12:27 3

  • Les Terres animales

    Laurent Petitmangin

    7/10 Fred, Sarah, Marc, Lorna et Alessandro ont décidé de rester dans leur contrée. Bien que ravagée par l’accident nucléaire, cette terre constitue leurs racines, leur raison d’être depuis que la fille de Fred et Sarah, Vic, y est enterrée. Et les autres ont également leur raison de rester. Alors peu importe qu’il faille vivre sous des masques de protection, s’alimenter des boîtes de conserves abandonnées et périmées.

    La vie s’organise et est presque rôdée. Chacun vit de ses précieuses habitudes, de petits plaisirs et de rares nouvelles découvertes dans cette vie sociale restreinte et cloîtrée dans une région dangereuse. Mais la grossesse de Sarah va bouleverser cet équilibre précaire. A cause du père de l’enfant, en l’occurrence Marc ? Non, plus parce que ce prochain bébé synonyme de vie et d’espoir doit être sauvé et fuir cette terre. Mais, les avis divergent toutefois…

    Un court roman post-apocalyptique qui interrogent l’humain sur les raisons de vivre. Un roman plaisant mais qui ne dépasse pas la qualité de Ce qu’il faut de nuit de l’auteur.

    14/11/2023 à 12:08 1