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Starving Anonymous tome 2
8/10 Le côté SF déjà bien entamé dans le précédent opus explose pleinement dans celui-ci, avec cette saleté de bestiole, pas loin de la mante religieuse du point de vue anatomique, et affamée de chair humaine. Un personnage de chasseur apparaît au sein de ce « berceau » dont on en apprend désormais un peu plus grâce à cet ancien ouvrier de cette ferme où trainent des déchets radioactifs. Toujours aussi fort, crade et addictif.
01/09/2019 à 08:47 1
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Manhole tome 2
9/10 Un autre homme infecté sort d’un égout, porteur de cette filariose, qui se révèle être un ancien criminel, un kidnappeur et violeur pédophile. Toujours un graphisme remarquable, avec du gore joliment croqué, et des images fortes qui restent longtemps en tête (l’entrée des nettoyeurs dans l’appartement, ce pervers sexuel comme deuxième victime, les nuages de moustiques) tandis que cet opus se clôt sur la promesse d’une extension du complot par son instigateur, ce borgne si mystérieux. Encore un régal qui, bien subjectivement, m’a enchanté et me donne envie de foncer sur le troisième et dernier tome.
01/09/2019 à 08:46 1
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Doubt volume 2
6/10 Nos captifs poursuivent leur exploration du piège, dans une ambiance toujours aussi anxiogène et paranoïaque. Des scènes marquantes, très bien dessinées (comme cette simple main sortant des ténèbres ou cette autre tranchée) et un suspense habilement maintenu, mais je trouve les ressorts et les effets dramatiques peu originaux (sans dire qu’ils sont ordinaires ou insignifiants), prenant trop appui à mon goût sur ce que l’on a déjà pu voir au cinéma ou dans la littérature. Un petit manque d’âme, en somme.
01/09/2019 à 08:45 1
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Les Filles de Roanoke
9/10 La mère de Lane, seize ans, vient de se donner la mort en se pendant. Elle est accueillie par ses deux grands-parents, Yates et Lillian, les parents de la défunte, dans leur domaine des Roanoke. Dix ans plus tard, Allegra, la cousine de Lane, disparaît. Ce n’est pas la première fois que les « filles de Roanoke » connaissent des fins tragiques. Mais peut-être est-ce l’enquête que va mener Lane qui permettra de refermer définitivement les plaies béantes de cette propriété.
Ce deuxième roman d’Amy Engel, après The Book of Ivy, saisit littéralement à la gorge. Un ouvrage dur, éprouvant, aussi moite et irrespirable que ne l’est la canicule qui s’abat sur cette portion du Kansas. Une écriture élégante, féminine en diable, mettant habilement en valeur les sentiments de ses personnages, depuis les amours éconduites aux travers moraux, en passant par les troubles et parfois fracassantes spontanéités de l’adolescence. Le lecteur est immédiatement plongé dans ce bain délétère, avec le rappel par Allegra des diverses femmes ayant vécu une existence ayant mal fini : Jane, Sofia, Penelope, Eleanor, Camilla, Emmeline. Des trajectoires fracassées, brûlantes, dont on devine rapidement l’origine de l’horreur : Yates, le grand-père. En apparence, un bel homme, portant élégamment son âge, avec une réelle piété familiale toujours vissée aux lèvres, déclinée en belles paroles et propos presque dévots. Mais un monstre se cache sous cette enveloppe magnétique et envoûtante : un pervers sexuel, incestueux, ayant rendues enceintes ses filles et petites-filles. Dit ainsi, on touche indéniablement à l’immonde, à l’ignominie pure, d’autant que ses victimes, consentantes, étaient particulièrement jeunes au moment des actes, répétés. Et toute la force d’Amy Engel est justement de rendre cette bestialité sans la moindre surenchère, sans scène explicite. Lane, avec ses errances sexuelles avec tant d’autres hommes, retrouvera à Osage Flats Cooper, son amour de jeunesse, avec qui elle a tant partagé, et c’est en partie cette puissante inclination, presque animale, qui lui permettra de trouver la force d’affronter ses démons les plus intimes. Un récit particulièrement acide, toxique, saturé de ténèbres contagieuses, et paradoxalement peuplé de personnages humains, criants de vérité et de bonté, parmi lesquels on retiendra le portrait psychologique d’Allegra, jeune femme aux formes avantageuses, en plein désarroi, obsédée par ces mots qu’elle grave un peu partout et dont l’un d’entre eux mettra Lane sur la voie de la vérité. Car cette dernière n’est pas si évidente et prévisible que cela : un ultime rebondissement, saisissant, viendra clore ce roman sidérant de gravité.
Un opus mordant, encensé à juste titre par L. S. Hilton, et qui n’est pas sans rappeler la plume et l’univers de Gillian Flynn. Une pépite de noirceur.17/08/2019 à 18:35 3
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Projet Callidus
7/10 Le docteur Maria Martinez en vient à douter de tout, de tout le monde, et surtout d’elle-même. Captive, elle se découvre aux côtés d’une femme qu’elle ne connaît que trop bien. Le cauchemar continue. Sur elle et ses proches, plane un terrifiant complot, celui ourdi par une mystérieuse organisation appelée le « Projet ». Pour comprendre ce dont elle est victime, elle va devoir se jeter dans la gueule du loup.
Après Sujet 375, Nikki Owen livre ici le deuxième opus de sa trilogie. Pour pouvoir bénéficier de tout le sel de la saga, il est d’ailleurs préférable de lire les ouvrages dans l’ordre, même si l’auteure égrène de nombreux éléments dès le début de ce livre pour prendre correctement le fil de l’intrigue. On retrouve donc le souffle si particulier de l’écrivaine et de son œuvre, où les cartes sont abattues avant d’être rebattues dans la foulée, au gré d’un rythme qui ne faiblit pas, et ce jusque dans les ultimes chapitres, avec une belle cascade de rebondissements. Maria, en autiste – plus précisément, soumise au syndrome d’Asperger, est très bien restituée, avec ses tics, sa façon si particulière de comprendre son environnement, et sa sociabilité très relative (à cet égard, les échanges avec Chris sont désopilants). Elle en viendra à faire couler le sang, souvent poussée par les événements et les situations, et à côtoyer des individus qui sauront l’aider dans sa tâche. Maria croisera ainsi un hacker très décontracté mais efficace, son frère Ramon, sa mère, etc. Un entrelacs de rapports souvent houleux, habilement noués grâce à des va-et-vient entre les deux moments-clefs du récit, avant et après l’incarcération. Le final viendra apporter de nombreuses réponses aux lecteurs, dans une ivresse de violences et de vérités, dont notre héroïne ne sortira pas indemne.
Sans pour autant marquer durablement les esprits, renouveler le genre ou poser des personnages mémorables, Nikki Owen signe un livre très distractif, saturé d’incertitude, de paranoïa et de révélations quant au projet et au commerce dont Maria est le jouet.17/08/2019 à 18:33 2
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Les cairns rouges
Bruno Gazzotti, Fabien Vehlmann
7/10 Yvan commence à recouvrer la mémoire tandis que le maître des couteaux réapparaît, et nos jeunes héros doivent essayer de récupérer un bébé abandonné aux mains de singes virulents. Pas mal d’action, une histoire que je ne m’imaginais pas trouver dans cet opus (mais peut-être est-ce aussi, malheureusement, parce que je ne parviens pas à trouver un fil directeur à l’histoire de cette série, mais plutôt une juxtaposition d’histoires sans réelle colonne vertébrale), et un final sacrément détonant, qui donne envie aussitôt de savoir ce qu’il en est réellement.
17/08/2019 à 08:51 3
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Le clan du requin
Bruno Gazzotti, Fabien Vehlmann
7/10 Un troisième opus qui commence par l’assaut d’une meute de chiens et la rencontre avec d’autres enfants rescapés, unis dans le « clan du requin ». Des touches d’humour, certes, comme avec le coup des toilettes ou des mariages aléatoires, mais surtout des références explicites (cf. les lectures de Saul) quant au nazisme, à la dictature, et à la nécessité pour un groupe, surtout en pleine anomie, de trouver à tout prix un leader. Le caractère plutôt enfantin de ces trois premiers tomes m’a empêché de voir venir le final de celui-ci, assez dur, même si tout est dans l’implicite. Comme pour les deux précédents opus : je ne suis pas vraiment enflammé par cette série, mais c’est indéniable, je me laisse gentiment prendre au jeu.
17/08/2019 à 08:49 3
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Perfect Crime tome 6
9/10 On suit l’inspecteur Tada suite à sa confrontation avec Usobuki, le policier devant le jouet d’une vengeance à assouvir afin d’assassiner le tueur à gages, tandis que l’on s’intéresse également à une famille en apparence parfaite. Franchement réussi, ce morceau sur trois épisodes, puisqu’il vient nourrir la série tout en introduisant une autre affaire. Puis une affaire d’adultère avec un de ces rebondissements très intéressants auxquels la saga s’habitue, en plus de ménager des scènes fortes (ah, le coup de la statue…). Une histoire dans le milieu du volley, où un coach est victime de ses joueurs : toujours aussi habile. Enfin, une famille dans le père a fait une attaque cérébrale devient l’enjeu d’une lutte entre Usobuki et Tada : un excellent moment !
17/08/2019 à 08:48 1
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Prison School 003
5/10 Le plan d’évasion vient d’être contrecarré, mais l’un des prisonniers décide de devenir (en apparence) une fille afin de pouvoir s’échapper malgré tout. Si l’intrigue commence enfin à prendre ses marques à mes yeux, cela demeure beaucoup trop caca/nichons pour m’emporter ni même ne serait-ce qu’emporter le minimum de mon adhésion. Je vais continuer encore deux ou trois opus, je pense, histoire de ne rien regretter, mais pour le moment, pour moi, ce n’est vraiment pas ma came.
17/08/2019 à 08:47 1
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Graine de cimetière
6/10 … ou comment Ad Connors, écrivaillon à la dérive, en vient à tomber sur le grand amour, puis risquer sa vie et être accusé de plusieurs meurtres, tout ça parce qu’il aura voulu porter secours à la jeune et belle Eleana. Elle a un léger accrochage avec la voiture du général Esteban, et quand ce dernier se montre trop entreprenant dans une chambre d’hôtel, c’est ce brave Ad qui intervient… et tue le militaire. Puis c’est un attorney dont on lui fait porter la culpabilité de l’assassinat. Entre Ad et Eleana, une belle idylle, fiévreuse, brutale, mais éphémère, avant qu’elle ne rejoigne sa famille, à Blue Mound, Missouri, pour épouser un Lautenbach et ainsi s’assurer un confortable train de vie. Reviendra alors de plein fouet une histoire de famille, où le père d’Eleana a disparu depuis fort longtemps. Une écriture sympathique, parfois humoristique (particulièrement dans certains dialogues, ou comme dans ce clin d’œil où le shérif s’appelle… Jim Thompson), parfois ampoulée, mais on se laisse sans mal emporter par la plume de Day Keene. Ad est un personnage agréable, écrivain un peu paumé, qui a refusé d’écrire des histoires pour des magazines afin de se consacrer à une plus imposante histoire… qui ne vient pas. Eleana est pétillante, jeune et désirable, et Day Keene sait rendre palpable ce désir qu’elle suscite. S’il s’agit d’un roman plaisant à lire, l’histoire ne m’a pas beaucoup convaincu. Un peu trop capillotractée et embrouillée, avec un père démissionnaire, un départ précipité, un cirque, un adultère, un retour, trois morts, etc. Tout ça m’a semblé à la fois un peu brouillon, confus, et manquer de cohérence, voire d’harmonie. Et le final, sans grand panache, ne m’a pas plus séduit, puisque c’en était presque une conclusion de whodunit alors que le reste de l’ouvrage était du pur roman noir, sans compter le fait que cet épilogue est à la fois fort classique, sans frisson réel, et ne vient pas apporter cette note de folie ou cette poussée de tension que j’ai désespérément attendue tout au long de l’opus. Bref, un livre sympa, mais ni renversant ni très crédible non plus, où Day Keene, malgré un talent de narration indéniable, en vient à jouer une partition de façon trop scolaire et indolente.
17/08/2019 à 08:44 1
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Starving Anonymous tome 1
8/10 … ou comment des jeunes gens, pris au piège d’un car dans lequel a été diffusé un gaz soporifique, se retrouvent dans une usine où l’on traite les êtres humains de façon… très spéciale. En fait, il s’agit d’un élevage où les hommes et femmes sont gavés via des tuyaux reliés au plafond et les remplissant, comme des canards, pour être engraissés. Si je n’ai pas été happé, dès les premières pages, par un graphisme que j’ai trouvé un peu plan-plan, par la suite, ça s’améliore très nettement, avec cette ambiance anxiogène et parfois assez gore (notamment lorsque survient cette espèce de tentacule qui lacère les individus et la monstruosité qui le possède). Un mix très surprenant et efficace de « Soleil vert », de survie, et d’« Alien », avec des moments sacrément gores, notamment lorsque la bestiole s’en prend aux ouvriers. Très curieux de voir comment va évoluer cette série, mais j’adore.
17/08/2019 à 08:43 1
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Trouble passager
8/10 Rémi Hutchinson est enseignant et tente d’écrire un best-seller. Son premier ouvrage n’a guère reçu le succès attendu. Sa fille, Mélissa, a été enlevée il y a quelques années. Une tragédie qui a brisé Rémi. Et c’est une série de coïncidences et d’événements incalculés qui vont le mener entre les griffes d’une adolescente de quinze ans, Monica, bien décidée à lui faire payer les horreurs que lui ont fait subir d’autres hommes.
Voilà un roman noir d’une singulière portée. David Coulon maîtrise son récit et nous offre une sublime – et ignoble – toile d’araignée littéraire. Un entrelacs de fils invisibles et néanmoins mortels, dans lesquels tombent des victimes et bourreaux, tandis que, dans l’ombre, patiente la bestiole, redoutable et déterminée, prête à planter ses chélicères dans sa proie. Une écriture haletante, où l’on remarque sans mal cette propension chez l’auteur à user des alinéas et des phrases nominales, pour mieux faire éclater la violence des émotions, le choc des situations, l’impact des maux. Le lecteur tremblera face au sort réservé à Rémi, innocent individu lambda projeté dans les rets de cette gamine qui, de gibier, est devenue chasseuse. Des mots habiles, secs et vivaces, pour restituer l’ignominie de l’inceste, de la pédophilie, des viols collectifs, sans jamais que ces crimes ne soient décrits avec crudité, voyeurisme ou pléthore de détails : David Coulon ne fait ici que survoler la surface de ces eaux boueuses et nauséabondes, sans jamais tomber dans le travers de la surenchère dégueulasse. Et puis, il y a ces rebondissements, nombreux et déstabilisants : des passés qui émergent, des enfances souillées qui ont contrarié la trajectoire attendue des existences, et des êtres qui reproduisent les barbaries dont ils ont été les martyres, ad nauseam, s’inscrivant dans un cercle terriblement vicieux.
Un récit court et puissant, qui fore autant les tripes que les âmes, et qui continuera de hanter le lecteur bien après la dernière page tournée, avec son cortège sinistre d’hommes portant des masques vénitiens et autres voitures bleues.08/08/2019 à 13:57 3
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La mort était servie à l'heure
8/10 Rustington, West Sussex. Un village connu pour son niveau de vie relativement élevé et ses habitants dont la moyenne d’âge est plutôt haute. Peter Chapman, un voleur spécialisé dans les bibelots et autres antiquités, doit quitter son fief parce qu’il a dérobé à un mystérieux « colonel » un objet mystérieux et gagner cette petite cité. Sans le savoir, parce qu’il est toujours attiré par les biens d’autrui, il s’en va cambrioler la demeure de Maggy et de Robert Spencer, un couple âgé aux atours fort innocents. Sauf que ces gens-là participent au programme « Neighbourhood Watch », l’équivalent britannique de « Voisins vigilants » … avec zèle, au point d’avoir déjà fait passer de vie à trépas nombre de voleurs, avec gourmandise et nombre de tortures à la clef. Kate, la sœur de Peter, saura-t-elle le retrouver à temps avant qu’il ne périsse des mains de ses geôliers ?
Jack Narval exploite avec beaucoup d’intelligence et de malice le thème de l’autodéfense pour nous livrer cet opus à l’ambiance si délicieusement anglaise. Dans la mesure où l’auteur demeure outre-Manche, il connaît bien le pays, ses us et coutumes, et nous régale de détails croustillants et intéressants avec des notes de bas de page. Dans un style épuré, calme et que ne renieraient certainement pas les auteurs anglo-saxons, il nous offre le portrait à la fois enthousiasmant et dérangeant de ce duo de retraités et de leurs comparses, tout aussi âgés, qui prennent plaisir à piéger les malfaiteurs qui ont osé pénétrer dans leur demeure avant de leur faire subir de multiples tourments. A cet égard, les premières pages, où l’on voit un intrus subir la justice privée de nos deux barjos avant que ses chairs ne soient distribuées aux mouettes, sont, à leur façon, savoureuses. Dans le même temps, Kate va devoir retrouver la trace de son frère, affronter l’étrange manège de ces retraités – juges – jurés – bourreaux et essayer d’échapper aux griffes de Mike et Tony, les hommes de main de cet individu surnommé « colonel ». Une écriture sage et so british, qui met en valeur la crédibilité du récit, les interactions entre les personnages, et cette mécanique scénaristique si bien huilée qui s’apparente beaucoup à celle de Patrick S. Vast. Quatre cents pages serrées, parfaitement plausibles et efficaces, avec quelques scènes très marquantes, habilement construites et judicieusement visuelles, comme le passage des divers importuns dans le conduit spécialement construit à leur attention, ou lorsque Kate, pour se protéger de ce que ces dangereux vieillards s’apprêtent à lui faire endurer, reste au téléphone avec son amie Martha. Même si on aurait peut-être aimé davantage de densité psychologique chez ces tortionnaires déjantés (avec, par exemple, un approfondissement des raisons de leur comportement), on apprécie intégralement ce roman original et prenant, qui pousse le vice jusqu’à offrir un ultime rebondissement, particulièrement inattendu, dans l’avant-dernier paragraphe. Une réussite littéraire indéniable de la part de Jack Narval !08/08/2019 à 13:54 3
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Le Fou de Bergerac
7/10 … ou comment notre commissaire Maigret, par le plus grand des hasards, en vient à pourchasser l’inconnu avec lequel il partage un compartiment nuit dans un train, descendu au beau milieu du voyage et l’ayant blessé à l’épaule d’une balle. Notre policier va vite se rendre compte que la ville de Bergerac, en Dordogne, où il est hospitalisé puis logé à l’hôtel, connaît une vague de terreur suite à des meurtres perpétrés par un « fou ». Toujours, la magie opère. La plume de Georges Simenon est brillante, sèche, dans la retenue, et pourtant, flagrant paradoxe, cette austérité dans la forme exsude une profonde richesse dans le fond. Portraits au vitriol, fines déductions, psychologie pertinente, un véritable banquet littéraire. Pas mal d’éléments intéressants dans cette enquête, comme le rôle important de son épouse qui va grandement l’aider dans son investigation, en étant non seulement ses yeux, ses jambes et ses bras puisqu’il est alité, mais aussi par ses raisonnements et son bon sens. Jules Maigret va d’ailleurs déployer un large éventail d’attitudes, de la bonhommie à l’ironie en passant par l’exaspération voire la colère. En outre, Maigret comprendra tout en restant dans sa chambre d’hôpital puis d’hôtel, dans la tradition du « armchair detective », avec beaucoup de finesse, d’opiniâtreté et d’intelligence. Un récit daté (1932) avec quelques égarements parfois misogynes et antisémites (sur la tendresse plantaire des Juifs, même si Maigret s’en défend dans la foulée dans un ricanement allègre), mais dont le style ne m’a pas décontenancé. Une histoire complexe (un peu trop, même, à mes yeux, au point de la rendre un peu capillotractée), riche, remontant dans le passé, puisant même outre-Atlantique ses racines, avec un final très particulier quant à la démesure que peut entraîner l’amour fou. J’ai été également surpris, moi qui me souvenais de l’adaptation avec Bruno Cremer sous le titre « Le Fou de Sainte-Clothilde », parce que cette transposition télévisuelle est très lointaine du roman, au moins dans sa résolution et les motivations du tueur, mais peut-être est-ce que je me trompe, il faudra que je la revoie dès que possible afin de confirmer ou d’infirmer ce point. Au moins, comme dans « Maigret se trompe », cela m’a permis de ne pas m’attendre du tout à la solution dans la mesure où j’en avais une autre en tête. Bref, une nouvelle réussite pour Georges Simenon et son enquêteur fétiche.
08/08/2019 à 08:45 3
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Voir Venise... et crever
5/10 … ou comment le millionnaire / milliardaire américain Don Micklem en vient à essayer d’aider un ancien camarade de combat (ils se sont connus pendant un parachutage en Italie lors de la Seconde Guerre mondiale) John Tregarth par l’entremise de l’épouse de ce dernier. Sans le savoir, Micklem va devoir se rendre à Venise et affronter de dangereux sbires pour retrouver un document qui intéresse fortement les services secrets. Des ouvrages de James Hadley Chase, j’en ai lu quelques-uns, et le très bon alterne avec le médiocre. Ici, clairement, on est plutôt dans cette seconde catégorie. Factuellement, ça part plutôt bien : un héros charismatique et malin, quelques acolytes bien sympathiques (les relations avec son domestique, Cherry, sont bien amusantes), et il y a de l’action portée par une écriture simple mais éprouvée et efficace. Après, il y a pas mal de points qui me laissent perplexes. Les ennemis ne sont guère roués en plus d’être assez insignifiants au combat, au point que Micklem et les siens ont souvent trop facilement le dessus sur eux sans que ça ne soit leur métier. En outre, au vu de l’importance des documents à récupérer, les « méchants » (appelons-les ainsi, sans que ça ne soit caricatural, car leur côté malveillant n’est guère impressionnant) ne mettent que rarement en œuvre les moyens (financiers ou humains) pour parvenir à leurs fins, ce qui nuit à la crédibilité. Et puis, il y a cette cinquantaine de pages au cours desquelles Micklem et ses compagnons tentent d’échapper à la traque menée par leurs ennemis : longues, très longues, trop longues. Sans suspense, sans piment, sans frisson. J’ai autant accroché à cet interminable passage que de l’eau plate à un plafond. Bref, dans l’ensemble, indéniablement, ça se laisse lire, mais ça reste peu convaincant. C’est, en quelque sorte, une carte postale écrite et envoyée depuis Venise, mais rédigée à la va-vite histoire d’être expédiée juste avant la levée du facteur.
08/08/2019 à 08:39 1
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Perfect Crime tome 5
8/10 Usobuki semble entrer en concurrence avec Hosaka dans la première histoire qui se décline sur trois chapitres (là où l’on a habituellement affaire à des histoires plus courtes) autour de ce récit de vengeance. Ensuite, comment un couple épris l’un de l’autre, jusqu’à la naïveté la plus rose, en vient à se déliter de manière sanglante. Une amitié de lycée et une relation conjugale qui vire à l’hécatombe. La dernière histoire vient se nouer à la première, avec une histoire de match de kendo, mais moins efficace que d’autres à mon goût.
08/08/2019 à 08:36
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My Home Hero tome 3
8/10 Troisième tome de la série. Monsieur Kubo apparaît comme le véritable boss de l’association criminelle, tandis que Tetsuo intègre, bien malgré lui, l’organisation, notamment en devant découper un cadavre à la tronçonneuse et en étant filmé pendant l’acte, pour que les malfrats puissent peser sur lui. C’est également l’affrontement psychologique entre Tetsuo, le père du bourreau, et celui de Nobuto, la victime. Le subterfuge de Tetsuo pour faire croire que Nobuto est encore en vie fonctionnera-t-il ? Tout y est aussi intelligent, plausible et efficace, et je vais bien évidemment continuer cette série prenante.
08/08/2019 à 08:35 2
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City Hunter tome 1
7/10 Le dessin a un peu vieilli (ce manga date de 1986), mais je découvre avec intérêt cette série très connue, bourrée d’un humour bon enfant et d’un érotisme gentillet et coquinou, qui commence avec une tentative de chantage sur un boxeur pour fausser le résultat de son prochain match. Pour ma part, entre deux mangas sombres et violents, cela me permet de respirer, de changer d’atmosphère. Même si les sujets abordés et les criminels affrontés sont durs et sauvages (comme ce violeur en série ou ce tueur qui se sent invincible après l’injection d’une drogue), tout est fait (du point de vue esthétique comme scénaristique) pour être plaisant, lisible de tous. Je serai assurément au rendez-vous d’autres tomes de cette série décontractée et distrayante.
08/08/2019 à 08:34
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City Hall tome 2
Rémi Guérin, Guillaume Lapeyre
8/10 Un deuxième opus qui ne perd pas de temps, avec une série d’entraînements contre un pastiche de Lord Black Fowl. Toujours beaucoup d’action et de rythme (même quand Arthur Conan Doyle et Jules Verne s’en vont voir le policier en voiture, cela prend des airs de course automobile !). Harry Houdini au sommet de son art apparaît ainsi que Mary Shelley, et l’on s’intéresse davantage à la séquestration du père de Jules Verne, Pierre. Un autre combat de titans de grande qualité graphique, la perspicacité de l’écrivain, l’ingéniosité de l’ingénieur, et toujours ce charme qui m’a happé dès le premier tome et ne me lâche plus.
08/08/2019 à 08:33
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Offrande funèbre
Lincoln Child, Douglas Preston
8/10 Une série de crimes étranges secoue New York : des cœurs tout juste arrachés à des victimes sont laissés sur les tombes de femmes suicidées bien des années plus tôt, accompagnés de formules poétiques. Parce que le directeur adjoint de l’antenne new-yorkaise du FBI Walter Pickett veut se débarrasser de l’encombrant inspecteur Pendergast, il lui associe, de force, le jeune agent Coldmoon, et il espère profiter de son prochain faux pas pour le faire tomber. Pour Pendergast et son acolyte, c’est le début d’une enquête qui va les voir affronter un ennemi saturé de contradictions… et aussi lyrique que mortel.
Ce dix-huitième tome de la série consacrée à Pendergast est une nouvelle réussite. Comme on retrouve un vieil ami à un rythme régulier (un par an), cet opus nous permet de renouer avec l’inénarrable inspecteur Pendergast, stupéfiant alliage de civilité, d’intelligence, d’opiniâtreté et d’efficacité. Ici, il s’agit pour lui de mener, en quelques sortes, deux investigations distinctes : celles concernant ces récentes victimes dont les cœurs ont été prélevés, et ces femmes suicidées par pendaison il y a onze ans. Un épisode qui permettra, une fois de plus, de noter qu’il n’a rien perdu de son esprit et de son sens remarquable de l’observation. Douglas Preston et Lincoln Child font un magnifique étalage des capacités policières de ce protagoniste hors du commun, qui va ici se frotter à un assassin particulièrement malin et déterminé, mais dont le profil psychologique réserve bien des surprises. Il ne s’agit pas là d’un énième tueur en série dont on connaîtrait sur le bout des doigts, avant même de les voir dévoilés, ses traumas, ses déviances et ses maux. C’est avant tout un être brisé, en quête de rédemption, et dont l’épilogue à son égard ménage tout autant l’aversion légitime que l’on peut ressentir pour lui qu’une forme indéniable d’empathie. Tout à tour limier aussi perspicace que Sherlock Holmes (une scène en forme de clin d’œil attend les fans de ces deux enquêteurs dès le début du livre), brillant psychologue au point d’exploiter l’impact médiatique pour mener à bien sa mission, et guerrier face à des hommes résolus comme face à des alligators affamés, Pendergast s’illustre avec brio. Ce qui constitue une autre qualité de ce roman, c’est ce casting qui permet de découvrir deux nouveaux personnages : la rusée et tenace médecin légiste Charlotte Fauchet, et Coldmoon, Amérindien d’origine lakota, amateur de café bouilli, et que l’on aura plaisir à retrouver dans Crooked River (le prochain opus de la saga).
Si l’on ajoute à cela une conclusion pleine de tact qui permet de livrer les ultimes révélations quant aux mobiles du tueur et les origines de sa fracture psychique, voilà un nouveau succès pour Douglas Preston et Lincoln Child ainsi que pour leur personnage emblématique.02/08/2019 à 08:57 5