Le Salon de beauté

(El Salon de Belleza)

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  • 7/10 Bogota. « La Maison de beauté » est un établissement sélect où l’on prend soin de riches clientes. Parmi les petites mains, Karen, une jeune maman qui déploie bien des efforts pour mettre de l’argent de côté et ainsi permettre à son fils de la rejoindre. Mais c’est un jour Sabrina, une adolescente, qui demande des soins à l’institut, avant d’être retrouvée morte le lendemain, officiellement d’un problème cardiaque. Et si sa mort n’était en réalité pas naturelle ?

    Ce seul ouvrage traduit en français de Melba Escobar séduit d’entrée de jeu. La plume de l’écrivaine est enchanteresse, gracile et élégante, donnant à voir de beaux portraits de femmes. Il y a bien évidemment Karen, principale protagoniste du roman, confrontée de plein fouet à la misère de la Colombie, prête à tout pour permettre à son enfant de quitter Carthagène et de lui offrir une jeunesse correcte. Mais est-ce encore possible quand il faut accumuler les heures de travail auprès de clientes parfois brutales, dédaigneuses, aux caprices incroyables, et avec une monnaie dévaluée, où il faut des milliers et des milliers de pesos pour s’offrir trois fois rien ? De même, son jeune âge et ses atours attirent l’attention de mâles prêts à troquer le désir charnel qu’elle provoque contre cet argent qui lui fait tant défaut. Dans le même temps, le lecteur sera marqué par d’autres beaux portraits de femmes, comme Consuelo Paredes, la mère de Sabrina, ou encore Lucia, devenue écrivaine de l’ombre pour son mari, bien plus jeune qu’elle, qui ne la conçoit que comme sa plume et non sa chérie, au point de ne plus la considérer avec la décence qu’elle mérite. Melba Escobar décrit donc avec beaucoup de tact et de justesse la condition féminine colombienne, avec une large palette de dames, toutes conditions sociales confondues, qui ne peut que faire écho au sort, plus global, de ces malheureuses, dévalorisées, réduites à des ventres, soumises au bon vouloir de prédateurs sexuels ou politiques. L’intrigue passe d’ailleurs au second plan, ce qui décevra probablement certains lecteurs.

    Même si l’aspect purement policier ne constitue pas sa plus flagrante qualité, voilà un roman original et très humain, sans effet lacrymal de mauvais aloi ni pathos étalé à la truelle. De belles nuances féminines éclairent ce texte subtil, et c’est en soi une grande vertu.

    05/11/2019 à 20:07 El Marco (3180 votes, 7.2/10 de moyenne) 2

  • 8/10 Bogota possède une attraction que Carthagène n’a pas. Centre névralgique de la Colombie, elle étincelle pour bon nombre, cherchant émancipation, reconnaissance ou évolution indépendante. Cette expérience et cette équation se jouent au sein d’un salon d’esthétique. Lui aussi semble être l’épicentre d’illusions, le carrefour de luttes des classes, le théâtre des cloisonnements ancrant un déterminisme violent, sans concessions. La narratrice du récit voit les actes de l’intérieur, en dirigeant les projecteurs vers cette esthéticienne symbolisant les pratiques d’un pays et ses dérives, elle nous décrira avec acuité et sens une critique acide de son monde.

    09/05/2018 à 11:09 chouchou (595 votes, 7.6/10 de moyenne) 5