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9/10 … ou comment l’arrivée impromptue d’un étranger dans le village perdu de Black Rock en vient à bouleverser la monotonie de ses habitants et mettre à jour un tragique fait divers. Tout commence dans une ambiance délicieusement surannée (l’ouvrage datant de 1954), et qui fait immanquablement penser à celles de nombreux westerns, ne seraient ces quelques marques de modernité comme la présence de voitures. Le dénommé Macreedy, vétéran de la Seconde Guerre mondiale, en vient à provoquer la stupeur des habitants de Black Rock en s’arrêtant du train passant par leur village, puisque jamais personne ne s’arrête ici. Les regards s’impatientent, les esprits moulinent, les questions se multiplient : qui est cet inconnu et que veut-il ? On apprendra que Macreedy souhaite rencontrer un vieil Américain d’origine japonaise, Mishu Komako, mais on ignore encore pourquoi. Mais la ville est sous la coupe de Reno Smith, propriétaire terrien (notamment de l’immense ranche le Triple Bar), et il est fort probable que ce dernier a des choses à cacher, ainsi que certains autochtones. La langue de Michael Niall est admirable, et certains passages, notamment dans les premiers chapitres, se boit plus qu’elle ne se lit : c’est sombre, c’est froid (aussi froid que le décor n’est brûlant dans ce patelin isolé en plein désert), et en même temps, agrémenté de belles formules. Un passage résume bien le côté pesant et immobile de ce village : « Oh !... On vient toujours chercher quelque chose dans nos parages. Pour l’historien, c’est le « Far West ». Pour les écrivains, c’est l’ « Ouest sauvage ». Pour les hommes d’affaires, c’est l’ « Ouest inexploité ». Mais pour nous, ce pays c’est notre Ouest à nous : nous l’aimons comme il est. Et tout ce qu’on demande, c’est qu’on nous laisse tranquilles ». Lentement, par petites touches, Macreedy, trouvant quelques bonnes âmes, va finir par affronter psychologiquement puis physiquement Reno et ses sbires (la confrontation entre le héros et Coley Trimble dans le neuvième chapitre est en soi un délice), avant que la lumière ne finisse progressivement par apparaître. Une intrigue remarquable, qui brille par sa vraisemblance et sa simplicité, et qui, dès les années 1950, donnait une belle leçon d’humanité et de lutte contre le racisme, sans jamais tomber dans la diatribe ampoulée. Macreedy saura certes trouver des compagnons mais aussi des traîtres, des petits marquis locaux perclus d’hypocrisie et trop attachés à ces privilèges pécuniaires octroyés par Reno et sa manne. A mes yeux, un petit bijou qui condense ce qui se fait de mieux en la matière : une plume riche et, paradoxalement, toujours sur la retenue, une histoire mémorable, des personnages denses, et, au-delà de l’aspect purement policier, une enquête qui fait mouche, toujours dans cette fausse ambiance de Far West. Ce roman a été adapté en 1955, je vais tâcher de me le voir.
17/11/2019 à 18:47 El Marco (3456 votes, 7.2/10 de moyenne) 2