El Marco Modérateur

3492 votes

  • Gereksiz tome 1

    Minoru Furuya

    5/10 Tatsumi Ônishi, célibataire endurci, pâtissier, ne vit que pour sa passion : les baumkuchen, des pâtisseries d’origine allemande. Io est aidé de Yûko Kurauchi, son adjoint de vingt-trois ans. Tatsumi a d’ailleurs quarante ans aurjoud’hui, et il avoue à sa collègue qu’il est secrètement amoureux, mais son physique disgracieux ne le porte pas à avouer ses sentiments. Le problème, c’est qu’il semble être le seul à voir cette femme… jusqu’à ce qu’il la touche et que son visage devienne monstrueux. Un manga au graphisme sympa, mais je suis resté totalement hermétique à l’univers de l’auteur. Ce n’est pas vraiment kafkaïen, pas vraiment drôle, pas vraiment plein de sens. En fait, j’ai beaucoup de mal à comprendre les intentions de Minoru Furuya, et peut-être que le tome suivant apportera un éclairage plus précis. Toujours est-il qu’à ce stade du diptyque, je n’ai pas spécialement envie d’en connaître la suite et, paradoxalement, je suis curieux de comprendre le dessein global de l’auteur.

    02/05/2020 à 08:28

  • La Boue et le sang

    Yves H., Hermann

    7/10 Ogden, ville du Colorado, en 1866. Une mère et sa fille, abattues parce que leur époux et père avait dérobé quelques pépites d’or dans la mine de Mullins. Duke, le séhrif adjoint, ne peut pas laisser la situation s’envenimer. Un western que j’ai vraiment aimé, où l’on évite le côté lisse du héros (« Je suis né des ténèbres et je mourrai dans la boue et le sang » dit-il) ainsi que du côté du graphisme (où les planches en teintes plutôt vives alternent avec de bien beaux dégradés sombres, sans couleurs véritables). J’essaierai de me trouver le tome suivant.

    02/05/2020 à 08:25 1

  • Apprenti criminel tome 2

    Gosho Aoyama, Mayuko Kanba

    6/10 … où l’on retrouve la cité de Beika-Chô, vouée au crime organisé, ainsi que ce curieux personnage uniquement croqué dans sa silhouette, Kris Minel (…), qui entame cet opus avec de sérieux problèmes d’argent. Pas mal d’humour d’entrée de jeu, notamment avec une expérience mettant en scène un personnage bien connu de la série des Détective Conan, et de la malice également (notamment dans la parodie des déductions du premier crime) pour cet individu qui se rêve criminel mais n’est qu’au mieux un spectateur, au pire une victime. Mais c’est un tel pastiche des Conan que je pense qu’il faut vraiment être un fan absolu pour vraiment apprécier cet univers si décalé, si burlesque. De mon côté, à part le côté farce, j’ai un peu de mal à accrocher.

    30/04/2020 à 16:06

  • Ichi The Killer tome 5

    Hideo Yamamoto

    8/10 J’ai retrouvé avec plaisir le personnage d’Ichi, tueur à gages si atypique, capable de monstrueuses violences à l’aide de ses pieds et jambes (d’autant qu’il est toujours doté de cette espèce d’armure qui s’achève sur des lames aiguisées) tout en demeurant un être complexe et heurté comme le prouvent ses propensions au lacrymal. Ici, d’entrée de jeu, il massacre trois gangsters à l’appartement 1007. Toujours un sacré cocktail de sang et de sexe (avec des scènes marquantes, comme cette boîte remplie de doigts tranchés, de la part des membres du Kakiharagumi), et l’arrivée de ces deux tarés (doux euphémismes) que sont ces jumeaux qui doivent servir à attirer Ichi, mais dont les derniers instants les mettant en scène (scabreux) font ressortir le fait qu’ils ne sont pas que de simples proies. Encore une fois, c’est très violent et porté sur le sexe, donc hautement inconvenant, et c’est la raison pour laquelle ça m’a plu et ça continue de me plaire.

    30/04/2020 à 16:05

  • Billion Dogs tome 1

    Muneyuki Kaneshiro, Naoki Serizawa

    8/10 Ichiru Mizunuma est un lycéen, également président de l’association des élèves, plein de ferveur et engagé contre la corruption, dans la ville d’Ichimatsu, tellement engagé qu’il vient de se faire poignarder. Son père n’est autre que le maire d’Ichimatsu, un corrompu de première. Égocentré et sensible à l’image qu’il renvoie, Ichiru ne supporte plus les collusions et manigances de son père, et va faire appel à un autre lycéen, Kyôsuke, pour l’aider… ce même adolescent qui vient de le poignarder. « Deux chiens enragés » prêts à se partager un énigmatique butin de trois milliards de yens. Un graphisme très réussi, qui saisit dès les premières pages, une histoire qui ménage de bons rebondissements (cf. la rixe entre nos deux lycéens), et commence à exploiter le plan qu’ils comptent mettre en place, notamment en rapport avec les yakuzas et la famille Taketori. Les dernières pages mettent en place un sacré suspense quant à la nature du/des objets pouvant coûter ces fameux trois milliards de yens (l’histoire des armures et des figurines). Voilà une série qui commence sur les chapeaux de roues et me plaît déjà beaucoup !

    30/04/2020 à 16:05

  • Vacances sur la route

    Thierry Dubois

    6/10 Une BD agréable, imprégnée de nostalgie, présentant grâce à diverses saynètes (presque des sketchs) l’ambiance liée à la mythique Nationale 7, et entrecoupée d’articles et photos de l’époque sur un sujet donné. Même si je connais bien cette route, du fait de mon âge je n’ai pas été particulièrement sensible à la (tout à fait légitime) sympathie pour cet axe routier. A mon avis, il faut l’avoir empruntée souvent lors de son âge d’or et/ou apprécier les voitures de l’époque pour complètement adhérer.

    30/04/2020 à 16:04

  • RIP Ric

    Simon Van Liemt, Zidrou

    7/10 Parce qu’il lui voue une haine sans pareil, Philippe Manière alias Philippe Volcan, également connu sous le surnom du « Caméléon », qui a poussé le vice jusqu’à se faire opérer pour lui ressembler physiquement, attend patiemment que Ric Hochet ne rentre dans son appartement… puis l’abat. Il va alors prendre sa place. Moi qui ne connais malheureusement cette série que de (re)nom (je suis du coup resté insensible aux rappels en bas de page quant aux références à de précédentes aventures), je serais bien mal placé pour donner un avis à propos de ces nouvelles aventures dans le contexte global. Néanmoins, j’ai apprécié l’entame, vraiment originale, les dessins, et l’entrain global de cette BD. De l’humour (la course-poursuite en sous-vêtements dans le centre commercial), de l’ironie également (« Pourquoi pas Bill Boquet ? »), et une histoire de substitution qui se suit de bout en bout avec plaisir. J’essaierai, à l’occasion, de lire d’autres opus de cette série.

    30/04/2020 à 16:03 2

  • Olena

    Christophe Alliel, Aurélien Ducoudray

    7/10 Une BD qui a un cadre et un sujet originaux, voilà de quoi me plaire. Un graphisme agréable et un traitement intéressant avec quelques scènes inattendues (la séquestration chez le néonazi et sa famille), pour un « héros », Bogdan, qui va prendre une envergure toute particulière, et bien à son corps défendant, lors de ces émeutes. Un opus qui s’achève en pleine action et qui donne vraiment envie d’en connaître la suite.

    30/04/2020 à 16:02 1

  • Moon River

    André Taymans

    7/10 Frank White, ancien astronaute, décide de s’en aller de chez lui. C’est aussitôt le branle-bas de combat chez Kristal Corporation qui avait signé un contrat avec lui pour redorer son blason et devait sou peu signer avec une firme japonaise. L’entreprise engage alors Caroline Baldwin pour lui remettre la main dessus. Une héroïne dotée d’un sacré tempérament, à la sexualité libre et n’hésitant pas à heurter la gent masculine. L’intrigue est agréable, misant plus sur l’émotion (assez poignante, d’ailleurs) que sur les véritables ficelles policières (faibles à mes yeux, presque téléphonées, avec des raccourcis nombreux).

    29/04/2020 à 14:32

  • Mille Miglia

    Michel Constant, Denis Lapière

    7/10 Février 1956, dans les alentours de Brescia, en Italie. Mauro Caldi, garagiste et pilote, est abordé par un inconnu qui lui demande de convoyer la maîtresse d’un industriel, Don Rossellini. Mais la jeune femme est abattue et Mauro blessé. Mais ce n’était qu’une machination orchestrée pour un dénommé Papone pour nuire à Don Rossellini. Ce dernier demande alors à Mauro de se grimer et prendre sa place dans une course automobile pendant qu’il ira se venger du responsable de la mort de sa maîtresse. Des traits légers mais efficaces, avec juste ce qu’il faut de caractère désuet pour coller à l’époque et au ton de la BD. Mauro est tout sauf un véritable « héros » (très bon au volant, mais pas particulièrement costaud ni courageux, il est simplement très fort à bord d’une voiture de course). Un scénario simple et qui m’a d’autant plus séduit qu’il est volontairement simple, c’est-à-dire sans effet facile, sans bouffonnerie, sans artifice. Rien d’extraordinaire selon moi, mais amplement de quoi se distraire.

    29/04/2020 à 14:32

  • L'infini tome 1, La citadelle du vide

    Chuck Austen, Matt Cossin

    7/10 Parce que son connecteur universel est endommagé, un ex-flic, Fontine, a bien du mal à s’insérer dans la vie quotidienne que lui impose cette société futuriste. Il a d’ailleurs à peine le temps d’engueuler un commerçant en ligne que deux hommes armés tenant en joue un gamin défoncent le mur de son appartement, par erreur. La suite de cette BD, je l’ai trouvée assez efficace. Esthétiquement, c’est prenant, très coloré, presque trop sucré, et c’est assez jouissif de se laisser emporter dans ce futur, sur cette « sphère de Dyson » (cela m’a également permis d’apprendre ce que c’était), avec de nombreuses références cinématographiques (au « Blade Runner » relevé par Hoel, j’ajoute volontiers « Total Recall » et « Le Cinquième Elément »). Pas mal de scènes d’action (par exemple, avec le gros exosquelette) et d’humour (quelques réparties qui font mouche), et une situation finale suspendue (c’est le cas de le dire) qui donne bien envie de connaître la suite.

    29/04/2020 à 14:31 1

  • Kilomètre 666

    Mathieu Masmondet, Zhang Xiaoyu

    8/10 Une BD qui commence par un assaut sur l’île de Porquerolles puis donne à voir, trois mois plus tard, à 666 kilomètres de Paris, toujours dans le Sud de la France, dans un décor postapocalyptique. Hélène est secourue par un mastard mutique, Mo, quand débarque un dénommé Jin. Persuadée que sa sœur est encore en vie – les femmes semblent toutes emmenées du côté de Paris, Hélène décide de s’y rendre. Des dessins particulièrement léchés et agréables pour un scénario plutôt classique (du genre fin du monde, sans que l’on sache vraiment pourquoi), mais ce qui l’a emporté, c’est cet impact esthétique. Des personnages cabossés (Hélène qui a vécu mille horreurs, Mo énigmatique) sans compter les autres individus, notamment ce gourou pénétré de religion. Un cliffhanger à la fin de ce tome qui donne aussitôt envie de se ruer sur l’opus suivant.

    29/04/2020 à 14:30

  • Innocent Rouge tome 1

    Shinichi Sakamoto

    7/10 Cela commence par le supplice de la roue auquel Henri Sanson, de la dynastie des bourreaux parisiens, est forcé d’être le témoin. Marie-Josèphe, de sa famille, est bourrelle, avec un goût consommé pour les exécutions et le renversement de l’ordre établi. Mais c’est également une famille de guérisseurs et d’obstétriciens, capables de faire venir des substances rares et novatrices (par exemple, le datura). Des dessins toujours aussi sublimes, mais j’ai trouvé l’intrigue un peu trop touffue par rapport à l’autre série (« Innocent »), même si je garderai longtemps en tête des moments mémorables (le sort de Mme de Villeneuve, très poignant).

    29/04/2020 à 14:29

  • Pandémie

    Jérôme Hamon, David Tako

    7/10 Alors qu’ils rentrent à peine d’une excursion de deux semaines en classe verte, une bande d’ado, accompagnés de leur professeur M. Denis, découvrent qu’une pandémie s’est répandue aux alentours. Cette BD, dont j’ai beaucoup apprécié l’esthétique, brasse habilement les attendus du genre (les interrogations, l’intervention armée, la survie, la violence de la foule et des masses face aux infectés, ces derniers dont les capacités physiques sont décuplées, etc.). Mais je ne saurais dire exactement quoi, malgré la vélocité des scènes et l’action bien présente, il manque un petit quelque chose pour devenir définitivement mémorable : peut-être un soupçon d’originalité.

    29/04/2020 à 14:28 3

  • Deathco tome 1

    Atsushi Kaneko

    7/10 Il est question d’une « guilde » lorsque dialoguent deux malfrats, regroupant des individus particulièrement malins et redoutables, capables de tuer leurs cibles (qu’ils appellent des « trophées ») avec une certaine facilité. Après un règlement de comptes entre ces deux bandits, apparaît une silhouette étrange puis une gamine, et le chaos se libèrent sur les malfrats. L’entame, au graphisme particulièrement épuré, ressemble à s’y méprendre au début du film « Leon », et l’on apprend à connaître ces « Reapers », ces assassins regroupés en équipes (celles des lapins, des pom-pom girls, etc.), et plus particulièrement Deathko (je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi le titre est différent, le « k » étant devenu un « c »). Elle ressemble à une ado gothique dépressive, mais ses jouets sont pour le moins explosifs et elle rejoint, sa « moisson » réalisée une dame dans un château isolé. Un premier opus plutôt efficace et intriguant, d’autant que les dernières pages (avec ces deux passeurs peu scrupuleux) semblent tisser un lien avec le passé de la tueuse. J’essaierai de lire d’autres tomes de la série.

    29/04/2020 à 14:27 1

  • Assassination Classroom tome 4

    Yusei Matsui

    6/10 Les préparatifs s’organisent entre nos deux tueurs à gages (Irina et Karasuma) pour savoir qui parviendra le premier à anéantir Koro, au point que c’est entre eux deux que le combat s’engage. Koro ne réapparaît que plus tard dans le manga. Un opus un peu plus faiblard que les précédents, j’ai trouvé, avec une intrigue qui patine. Des moments amusants (comme le fait que Koro emmène des élèves voir le film « Sonic Ninja » en avant-première à Hawaï), l’apparition d’un nouveau personnage tout de blanc vêtu (Shiro) et d’un nouvel élève assez particulier ont un peu relancé mon intérêt pour ce tome, mais je le trouve globalement un cran en-dessous des autres.

    29/04/2020 à 14:27 1

  • Kurosagi - Livraison de cadavres tome 4

    Ôtsuka Eiji, Yamazaki Hôsui

    8/10 Des cercles de culture (mieux connus sous leur appellation anglo-saxonne de « crop circles ») que nos experts de l’étrange sont chargés de formés dans un champ près d’un village qui doit sa réputation à tout ce qui touche à l’occulte et aux extraterrestres. Sympathique, mais pas extraordinaire non plus. Son réel intérêt est plutôt la transition que cette histoire permet d’opérer avec la suivante, avec une jeune femme qui se réveille entourée d’inconnus dans un cabanon et se poursuit sur la terrible unité 731 (véridique) japonaise qui avait sévi en Chine durant la Seconde Guerre mondiale : classique mais toujours aussi effrayant, de même qu’il n’est jamais accessoire de rappeler ces horreurs parfois méconnues. Une histoire de bébé abandonné et sa mère : correcte à mes yeux, sans plus. Puis un corps retrouvé en haut d’un arbre, et l’on part sur une histoire très efficace autour des animaux et du parasitisme : excellent. En résumé, encore une belle moisson d’histoires pour cet opus !

    29/04/2020 à 14:26

  • Le Detection club

    Jean Harambat

    7/10 Alors que John Dickson Carr vient tout juste d’être élu membre du club, il rejoint donc des rangs qui comptent déjà Agatha Christie, G. K. Chesterton, Dorothy L. Sayers, A. E. W. Mason, Emma Orczy et Ronald Knox, d’autres écrivains prestigieux. Ils sont alors invités à la Villa Briarcliff, sur une île perdue des Cornouailles, par Roderick Ghyll. La présentation d’un automate soi-disant capable de résoudre des énigmes est aussitôt suivie de la défenestration de l’hôte des lieux. J’ai été au départ un peu décontenancé par le graphisme, assez étrange (simple voire simpliste à mon goût de non-dessinateur), mais je me suis laissé happer par le récit et les (un peu trop nombreuses à mon avis, pas assez resserrées sur l’intrigue principale) pages de cette BD. De la gouaille, de l’humour, et pas mal de références à des univers littéraires policiers viennent égayer cet opus, charmant et décontracté, même si je suis un peu doublement déçu par la résolution de l’énigme : elle n’est pas suffisamment valorisée par l’accumulation des brillants cerveaux présents dans cette bande dessinée, et elle n’est pas non plus si difficile à résoudre soi-même. Bref, ça reste charmant et prenant, mais ça manque à mon avis d’un chouïa d’originalité dans l’intrigue elle-même.

    29/04/2020 à 14:25 3

  • Enfermé.e

    Jacques Saussey

    9/10 Virginie naît garçon. Un trauma pour cet être qui ne parvient pas à s’assumer avec son pénis et ce que sa famille attend de lui. Alors elle va tout faire pour faire refluer cette identité sexuelle qu’elle n’a jamais désirée, quitte à devenir le jouet de monstres qui ne peuvent supporter un individu si différent d’eux.

    Voilà un roman monstrueux, boulet de canon littéraire qui ne ressemble à aucun autre et qui broie les tripes. Le postulat de départ est, en soi, déconcertant : ou comment un jeune garçon, ébranlé par un sexe défini arbitrairement par la Nature, en vient à choisir, selon son libre arbitre, de s’orienter vers une enveloppe charnelle féminine. Sur trois époques, ce livre sidère d’un bout à l’autre. L’enfance du môme, déjà brutalisée par les jugements péremptoires d’un père peu compréhensif, et surtout démuni face à la spécificité de son fils, et surtout par ses camarades de classe, véritable meute sauvage. Puis vient la prison suite à un cambriolage qui tourne mal, et les horreurs que va subir Virginie dans sa geôle : les moqueries, les viols, individuels ou collectifs, les actes de violences, les humiliations, à la limite de l’indicible. Et enfin ce poste au sein du Centre, auprès de personnes âgées, plus un mouroir où, là encore, son corps fera autant fantasmer que provoquer le dégoût. Des scènes puissantes, enragées, où le glacial alterne avec le magmatique, à ne pas mettre entre toutes les mains. Jacques Saussey ne verse pas dans la férocité gratuite, ni dans le voyeurisme de mauvais aloi : il lâche juste sa protagoniste, inspirée de l’histoire véridique de sa nièce Aurore comme il l’explique dans sa postface, dans la jungle humaine. Celle qui observe, juge et punit, dès lors que la proie, le bouc-émissaire, l’être atypique ou discordant, au sein d’une soi-disant communauté homogène des âmes, en vient à dérouter les défenseurs zélés d’une morale douteuse. Des mots forts, acides, épinglant des maux insondables, puisque Virginie se trouve verrouillée dans un corps et une identité sexuelle qu’elle n’a jamais désirés. Et il y a ces ultimes chapitres, ardents, bestiaux, où la victime devient prédatrice pour venger le calvaire et la mort d’une amie, elle aussi victime des souillures humaines.

    Un roman farouche, indéniablement original, et clivant, tout autant en raison du sujet choisi que de son traitement, sidérant de cruauté. Et si des lecteurs, légitimement, n’adhéreront pas à son contenu, nul ne pourra contester à Jacques Saussey son engagement humain, sa plume explosive et sa radicalité littéraire. Certains peineront à achever cet opus brûlant, d’autres le fermeront à regret : inutile de vous dire que nous faisons incontestablement partie de ces derniers.

    26/04/2020 à 08:26 8

  • L'Auberge rouge

    Michel Peyramaure

    7/10 La terrible affaire criminelle de l’auberge de Peyrebeille, historique, portée deux fois à l’écran, et cette fois-ci (je dis bien « cette fois-ci » car elle a donné lieu à de nombreux ouvrages) étudiée par Michel Peyramaure. Un documentaire assez concis (à peine plus de deux cents soixante pages), qui permet de revivre les zones d’ombre autour des trois personnages qu’étaient Pierre Martin, son épouse Marie Martin née Breysse, et leur domestique Jean Rochette. L’ambiance lugubre, les faits, les pistes sont tous bien remis en scène par l’auteur, et l’on vit avec une forme de fièvre ce drame même si on en connaît déjà l’épilogue, du moins officiel. Les mentalités sont également bien rendues, avec la paranoïa, la peur, la joie partielle lors de la triple exécution, les sentiments contradictoires lors du procès, et même cette curieuse suspicion autour de cette phrase énigmatique prononcée par Rochette, « Maudits maîtres, que ne m'avez-vous pas fait faire ! ». Cependant, même si je ne boude absolument pas mon plaisir de lecture, j’ai toute fois deux bémols vis-à-vis de ce livre datant de 1976. D’une part, Michel Peyramaure se fonde trop, à mon goût, sur les livres d’autres écrivains plutôt que sur les archives : du coup, pas mal d’éléments et d’informations me font plus penser à du ouï-dire ou du « ouï-lu » plutôt qu’à une réelle et profonde enquête historique. Nous n’en sommes pas au stade de la simple dilution / digestion d’autres opus, mais je regrette un peu ce manque d’investissement. Autre hic : l’auteur ne prend pas réellement position. Était-ce une erreur judiciaire ? Nos trois aubergistes étaient-ils réellement des criminels ? Une autre piste, peut-être ? Rien. Quand M. Peyramaure semble commencer à prendre position, c’est pour signaler celle d’un autre écrivain. Du coup, c’est un bel exposé des faits, parfois magnifié par une langue agréable et littéraire, à mille lieues du compte-rendu sans âme, mais il me manque ce jugement, cette « intime conviction », qui aurait individualisé et distingué ce documentaire au milieu de la pléthore d’autres déjà écrits.

    25/04/2020 à 16:51 1