El Marco Modérateur

3484 votes

  • La Foire aux serpents

    Harry Crews

    8/10 Mystic, Géorgie. Dans cette petite ville des Etats-Unis, on s'apprête à organiser l'immanquable foire aux Crotales. Le programme des réjouissances : combats de chiens, chasses aux serpents et élection de Miss Mystic à Sonnette. Il s'agit de la douzième édition de la fête. Sera-t-elle semblable aux précédentes ? Non. Un point est certain : les participants à cette bringue n'oublieront pas cette session.

    Harry Crews, l'auteur du troublant et fiévreux Chanteur de Gospel, n'a pas son pareil pour décrire des individus en marge, déboussolés, à la fois pathétiques et inquiétants. Un shérif obsédé sexuel à la patte de bois, un entraîneur de molosses de combat un peu trop instable, des haltérophiles prêts à tout pour rigoler, des majorettes à la langue bien pendue... Et bien évidemment, des serpents. Par dizaines, par centaines. D'apparat, constrictors, venimeux. Colonisant les collines, bringuebalés dans les camions des touristes venus exhiber leurs chers animaux de compagnie. Le récit prend lentement forme, plantant le décor et les protagonistes, avec la langueur d'une reptation. Certes, le roman prend son temps, insiste sur des points qui pourront paraître à certains lecteurs bien négligeables, mais la langue d'Harry Crews est un véritable régal, mélangeant poésie et argot, finesse et stupre, délicatesse et férocité. Et puis il y a les ultimes pages. Choquantes. Aussi subites que la détente d'un serpent qui passe à l'action. Un final en deux temps, cruel, sanguinaire. Un pur paradoxe : on pouvait s'attendre à cet épilogue, mais sa brutalité le rend presque inattendu.

    La foire aux serpents est donc un roman noir de très grande qualité. Il louvoie, hypnotise par son apparent engourdissement, avant d'attaquer. Le livre est métaphorique à bien des égards, et sa structure l'est autant. Vous aurez été prévenus.

    02/11/2010 à 10:20 6

  • Drôles de frères

    Donald Westlake

    7/10 Le monastère des membres de l'Ordre Crépinite du Novum Mondum est installé dans un quartier huppé de New York. Mais des promoteurs ont décidé de racheter les lieux pour les raser avant d'ériger de nouveaux immeubles. Seul hic : ces Frères ont souvent vécu des existences peu reluisantes avant de prononcer leurs vœux, et l'idée de devoir quitter leur retraite les hérisse au plus haut point. Et comme si la situation n'était pas déjà assez compliquée, l'un des leurs, frère Benedict, tombe amoureux de la fille du promoteur. Autant dire qu'il va y avoir du rififi dans la Grosse Pomme...

    Publiée en 1975 par le prolifique Donald Westlake, cette comédie policière est typique de l'écrivain. Prenant appui sur une idée de départ originale et caustique, l'auteur du Couperet déploie tout son talent de conteur pour narrer une histoire déjantée qui n'engendre pas la mélancolie. Le ton, à la fois tendre pour ses personnages et cocasse dans les situations, est un véritable régal ; parmi les scènes marquantes, on notera, d'entrée de jeu, la confession désopilante de frère Benedict pour un vol de stylo, ou encore la manière peu banale dont il se porte à la rescousse de la femme pour laquelle il a le béguin. Par ailleurs, l'ordre monacal que Donald Westlake a inventé de toutes pièces est très crédible, avec ses codes et lois, et les tourments de frère Benedict, tiraillé par le désir de la chair et déchiré entre ses vœux et sa passion naissante pour Eileen, bien restitués. On regrette juste que les autres Frères, avec leurs passés troubles, n'aient pas été plus exploités et ne soient finalement pas plus présents dans l'intrigue.

    En 1975, Donald Westlake créait un roman jouissif. Sans la moindre goutte de sang ni violence, il composait une histoire à la fois décapante et atypique, de grande qualité. Un petit trésor d'humour décomplexé, idéal pour passer un bon moment.

    27/10/2010 à 18:41 1

  • 2030, l'Odyssée de la Poisse

    Antoine Chainas

    8/10 En cette année 2030, la société a souvent recours aux clones, notamment pour des expériences sexuelles pour les individus les plus âgés, et Gabriel Lecouvreur, dit le Poulpe, cède à cette tentation. Or, il se trouve qu'un tueur en série s'en prend aux clones. Georgie l'Omnimorphe est l'un d'entre eux. Puisque que Gabriel s'est servi de lui pour satisfaire les appétits de stupre de Chéryl, sa copine, il décide de voler aux secours de son espèce, honnie par les humains. Le Poulpe a soixante-dix ans ? Tout le monde le croit mort et enterré ? On n'a jamais que l'âge de ses artères, et celles qui parcourent les tentacules du Poulpe ont encore beaucoup de jus libertaire à charrier.

    Deux-cent-soixante-neuvième enquête du Poulpe signée par Antoine Chainas, cet épisode ne déroge pas à la règle. On y retrouve Gabriel Lecouvreur, enquêteur au grand cœur et au goût prononcé pour la justice, avec de belles diatribes contre la société de consommation. Croisant son univers avec celui de l'anticipation, assez proche de Frères de chair de Michael Marshall Smith, Antoine Chainas réussit un opus qui répond parfaitement au cahier des charges, tout en y insufflant une âme propre. On se balade avec plaisir dans cette société où règne le capitalisme et où les clones sont relégués au rang de sous-hommes. D'ailleurs, la clef de l'énigme est une véritable perle, amenant le lecteur à réfléchir à des questions particulièrement profondes comme l'esclavage, quelle qu'en soit la forme, et la conscience de soi et des autres. Celles et ceux qui auront aimé Versus, Anaisthêsia, ou encore le très récent Une histoire d'amour radioactive, retrouveront avec joie la plume d'Antoine Chainas, féroce et crue. Sous l'apparente badinerie de certains propos s'ancrent de très justes préceptes sur la place de l'être humain au sein de la société. Certes, on pourra reprocher à Gabriel d'être un peu plus spectateur qu'acteur, lui-même devenant le jouet d'une machination, mais le ton, l'originalité du contexte temporel choisi pour cette enquête ainsi que l'efficacité de cette dernière achève de faire de 2030, l'odyssée de la poisse une excellente cuvée.

    Au sein de la bibliographie d'Antoine Chainas, cette investigation du Poulpe ne marque pas une pause, encore moins un changement. C'est une sorte de synthèse, concise et incisive, de deux univers : celui du Poulpe et celui d'Antoine Chainas. Une alchimie très aboutie où il serait bien difficile de bouder son plaisir.

    24/10/2010 à 11:30 1

  • Mes dix règles d'écriture

    Elmore Leonard

    8/10 Elmore Leonard n'est plus à présenter. Depuis plus de trente ans, sa carrière prolifique et son talent d'écrivain ont fait de lui une figure majeure de la littérature. Du western (Gold Coast, Hombre, L'homme au bras de fer) au roman à suspense, souvent teinté d'humour (Be cool !, Killshot), en passant par la littérature de jeunesse (Un coyote à la maison !), Elmore Leonard a séduit un très large lectorat. En 2001, il passait à table pour raconter ses techniques d'écriture. Une véritable parole d'évangile.

    Ses conseils, prenant appui sur les méthodes d'illustres prédécesseurs comme Ernest Hemingway et John Steinbeck, mettent à nu ce qui a fait la forme de ses écrits : peu de descriptions, d'adverbes, de points d'exclamation. Par ailleurs, il s'oppose aux auteurs qui s'évertuent à diluer leur plume dans des passages longs, voire inutiles. Dix règles d'écriture, donc, qui permettent de mieux cerner l'art du maître, mettant en relief ses réflexions en la matière et son jugement sur ses pairs. Par ailleurs, ses avis quant aux prologues et patois, toujours sur le ton humoristique, valent nettement le détour. Les illustrations de Joe Ciardello sont très drôles et complètent à merveille les propos d'Elmore Leonard.

    A la manière d'Ecriture de Stephen King, ce livre est un jalon pour qui veut s'initier à l'art d'écrire, voire de mieux écrire. Certes très courte – au point de constituer son seul véritable défaut -, cette confession d'un auteur au sommet de son talent reste un délicieux moment de partage, de jubilation et de modestie.

    24/10/2010 à 11:24

  • Une Saison pour les morts

    David Hewson

    8/10 Un homme qui venait d'entrer armé dans la bibliothèque du Vatican est abattu par les gardes suisses avant qu'il ne fasse usage de son pistolet. Dans ses mains : une peau humaine minutieusement prélevée. Le jeune flic Nic Costa ainsi que son partenaire, tous deux membres de la police italienne, se rendent sur les lieux du crime, pourtant situés sur un sol étranger. On retrouve peu de temps après deux autres cadavres, dans une église romaine. Au centre de ce carnage, il y a la belle et énigmatique Sara Farnese, qui avait été la maîtresse des victimes. Sans le savoir, Nic Costa vient de plonger dans une affaire sordide dont les ramifications remontent bien haut dans les sphères religieuses.

    David Hewson signait en 2003 ce premier ouvrage qui allait être suivi de Villa des mystères et de L'héritage vénitien. On pense d'emblée, après avoir lu le résumé de la quatrième de couverture, à un énième roman à la Dan Brown ou Steve Berry, exploitant trame religieuse, secret millénaire et complot ésotérique ; il n'en est rien. L'auteur a choisi de développer une intrigue prenant pour cadre partiel la religiosité de l'Italie ainsi que certaines arcanes du Vatican, sans pour autant se complaire dans une reprise maladroite du Da Vinci code. S'appuyant sur de solides connaissances cultuelles et artistiques, David Hewson tisse une histoire originale, sur fond de mafia et de trafics en tous genres. L'écriture est assez lapidaire, allant à l'essentiel, mais prenant son temps quand il s'agit de décrire les personnages, leurs tourments et leurs envies. Ainsi, aucun des protagonistes n'est brossé à la va-vite, et l'on trouve chez chacun d'entre eux une épaisseur humaine bien singulière. L'histoire est très bien narrée, préservant de nombreux rebondissements, et offre d'adroites alternances entre action et émotion.

    Une saison pour les morts est donc un ouvrage très intéressant et prenant, avec sa propre âme, son propre souffle. Une lecture très agréable qui régalera tous les amateurs de thrillers.

    19/10/2010 à 18:06

  • La Lune d'Omaha

    Jean Amila

    9/10 6 juin 1944. Les forces alliées débarquent en Normandie, et nombre de soldats périssent sur les plages. Dix-neuf ans plus tard, le sergent Reilly, survivant de cette boucherie, est l'un des responsables du cimetière américain. Il doit s'assurer du bon entretien des lieux afin que tous les honneurs soient rendus à ses compatriotes sacrifiés. Dans le même temps, un paysan, Delouis, décède, laissant à son fils un héritage conséquent. Mais un couple se présente, et l'homme dit être également le fils du défunt.

    Écrit en 1964, ce roman brille par sa noirceur et sa concision. Jean Amila, qui rédigera presque vingt ans plus tard Le boucher des Hurlus, manifeste déjà son esprit antimilitariste. Les premières pages, relatant le débarquement du « D-Day », sont particulièrement poignantes, montrant de simples hommes menés à l'abattoir, terrorisés, voyant leurs camarades tomber les uns après les autres. Par la suite, l'intrigue se divise en deux parties distinctes : le sergent Reilly d'un côté, et l'héritage Delouis de l'autre. Le lecteur, dans un premier temps décontenancé car ne voyant pas le rapport entre les deux, verra progressivement un lien apparaître, et les fantômes du passé ressurgir. Car ce roman d'ébène est une réussite : émouvant, crédible, offrant la perspective de simples individus dépassés par les événements auxquels ils ont participé – ou auxquels ils ont été forcés de participer. On découvre dans ce livre, pêle-mêle, des trafics écœurants, de sombres histoires de famille, des rancœurs que l'on croyait éteintes, l'ingratitude des populations sauvées, et au final, d'émouvants fragments de vies déchirées.

    Dans cette œuvre forte, au titre et au final profondément métaphoriques, il y est question de rédemption, de souvenirs, de délivrance. Des sentiments et désirs qui sont parfaitement peints par Jean Amila, s'inspirant de l'Histoire pour créer son histoire. La perpétuelle lutte des minuscules contre les majuscules, à l'image de ce récit, tout aussi marquant que troublant.

    11/10/2010 à 20:14 1

  • Rendez-vous au blockhaus de Bihen

    Philippe Sturbelle

    6/10 Une écriture et un style attachants, qui pallie une intrigue un peu pauvre à mon goût.

    04/10/2010 à 17:38

  • Carotide Blues

    Ludovic Roubaudi

    9/10 Au cœur du vingt-et-unième siècle, la mégalopole de Ouang Shock s'est développée et est devenue une cité monstrueuse. Repaire de l'argent, du crime et de la débauche, véritable Babylone des temps futurs, cette ville est au carrefour de tous les vices et de toutes les tentations. Ashelle Vren, jeune journaliste sur Télé7, est appâtée par une macabre découverte : un grand nombre de fœtus a été découvert. Tandis qu'elle se lance sur cette enquête qui pourrait lui permettre d'accéder aux plus hautes strates de la presse télévisuelle, elle ignore encore à quel point elle vient de basculer dans un univers qui la dépasse et qui pourrait bien se servir d'elle pour assouvir des desseins insoupçonnés.

    Premier volet des chroniques de Ouang Schock, Carotide Blues, sous la plume de Ludovic Roubaudi, permettait d'inaugurer l'une des plus palpitantes et prometteuses série du genre. Prenant pied dans une cité construite de toutes pièces par l'auteur, le lecteur se surprend à être magnétisé par cette métropole bâtie sur le territoire chinois. Économie, industrie, politique, sphères financières, médecine, législation : c'est un portrait saisissant que Ludovic Roubaudi fait de Ouang Shock. Et le plus incroyable dans cette description méticuleuse, c'est son degré de réalisme : l'auteur a certainement passé beaucoup de temps à imaginer ce terreau, mélange de rêves et de cauchemars, pour y planter le décor de son œuvre. Par-delà le lieu, l'intrigue est aussi très riche, et amène le lecteur à côtoyer des trafics inavouables, des cénacles d'influence étouffants, des personnages d'un rare machiavélisme. On y découvre Ashelle Vren, à la fois fragile et combative, minée par le sort de son père qui a besoin au plus vite d'une double greffe, tandis qu'apparaît Wayne Cassidy, policier que l'on découvrira en personnage central de Diablo Corp.. Il faut attendre les dernières pages pour comprendre l'ampleur de la manipulation, à la fois brillante, diabolique et écœurante, ménageant un remarquable suspense entretenu également par des rebondissements intelligents, une écriture alerte et une ambiance ténébreuse.

    A n'en pas douter, Ludovic Roubaudi a réussi un coup de maître. Voyager dans Ouang Shock, c'est dériver lentement vers les rivages les plus sombres de l'âme humaine, où tout s'achète et tout se vend, de la dignité à la chair humaine en passant par les ultimes illusions d'une population affranchie de ses repères moraux. Étonnant, violent, glauque, les qualificatifs pour une telle œuvre ne manquent pas, mais il y en a surtout un qui s'impose : unique.

    27/09/2010 à 17:43

  • Braquages

    Christian Roux

    9/10 Sonia, Paol, Jack et Louis, tous SDF, sont approchés par un homme mystérieux, Hensley, pour un contrat : commettre plusieurs braquages. Les quatre vagabonds acceptent et sont soumis à un entraînement militaire pour devenir de véritables professionnels. Lorsqu'arrive le jour du premier de ces hold-ups, le coup d'essai tourne au désastre. C'est au commissaire Degrave et à son équipe qu'incombe la tâche de résoudre une affaire bien plus glauque et complexe qu'il n'y paraît.

    Premier roman de Christian Roux, Braquages constitue un roman noir d'une rare force de percussion. Justement récompensé par le prix du Premier Polar SNCF 2002 et du prix Polar 2003 de Saint-Quentin en Yvelines, ce livre parvient à allier plusieurs genres ainsi que leurs qualités attendues : la férocité de la dénonciation sociale et politique que ne renierait pas Jean-Bernard Pouy, la rigueur d'une intrigue policière soigneusement structurée, et le sens aigu du suspense. Les personnages sont tous habilement peints, depuis les SDF, malheureux oubliés d'une démocratie décidément amnésique, jusqu'aux divers truands, tous marquants et inquiétants. Au sein de ces individus, le commissaire Degrave se montre très attachant en policier intègre, dont le fils Petit Pierre a lentement glissé vers la mouvance d'extrême-droite et définitivement perdu ses repères. Au fil des chapitres de ce roman assez lapidaire, les protagonistes se frôlent, se croisent, s'entrechoquent, jusqu'à une destruction qui n'épargnera personne, sur le plan physique ou moral. Si le trait est parfois un peu épais, il faut reconnaître à Christian Roux plusieurs talents : il a conçu une histoire solide, réservant bien des surprises, peuplée d'individus d'une grande justesse humaine ou inhumaine.

    Braquages, au-delà de son aspect policier, est un immense roman noir. Il y est question de déchéance, de remords, de rédemption. La clef de l'histoire se situe peut-être justement dans ce pluriel attribué au titre : et s'il y avait plusieurs niveaux de braquage ? Qui, parmi tous ces personnages qui auront vécu, subi et péri dans le cercle restreint de ces deux cents quatre-vingts pages, n'aura pas été lui-même la victime d'un casse psychologique ?

    22/09/2010 à 12:51 1

  • Mort... ou presque

    Peter James

    6/10 Alors que j'avais adoré le premier opus « Comme une tombe » et fait l'impasse pour le moment sur le deuxième épisode « La mort leur va si bien », je dois dire que je suis un peu déçu par celui-ci. Points positifs : une histoire assez complexe, des enchaînements de chapitres bien huilés, des personnages bien campés, de l'humour et une grande qualité d'écriture de la part de Peter James. Néanmoins, l'intrigue m'a déçu ; je m'attendais à quelque chose de plus original et frappant, alors que Peter James sort de son chapeau un ressort un peu éprouvé de la littérature policière, que je ne peux pas citer ici pour ne rien dévoiler. Par ailleurs, j'ai trouvé que la fin arrivait de manière bien abrupte, et j'ai dû revenir en arrière pour vérifier que je n'avais pas sauté une ou plusieurs pages. Bref, une déception partielle en ce qui me concerne.

    19/09/2010 à 18:43

  • Deep Storm

    Lincoln Child

    7/10 Moi qui avais adoré Ice Limit, je suis un peu déçu par cet ouvrage. Il est certes bon, avec une écriture fluide, une intrigue habile et des rebondissements prenants, mais l'aspect fantastique m'a ici un peu dérangé, je reste dubitatif à son sujet car je le trouve un peu trop tiré par les cheveux. Par ailleurs, les personnages, quoique bien dépeints, m'ont souvent semblé caricaturaux. Il n'en reste pas moins un scénario divertissant et une plongée de plusieurs heures dans ce roman aux forts accents hollywoodiens, visuel et tonitruant.

    12/09/2010 à 11:17 2

  • La Bête du Marais

    Xavier-Marie Bonnot

    8/10 Un magnat allemand, William Steinert, disparaît mystérieusement, et son épouse fait appel au commandant Michel De Palma pour retrouver sa trace. Le policier se rend rapidement compte que Steinert n'avait pas que des amis : un projet de parc de loisirs auquel il s'était opposé, des mafieux locaux que ça contrariait, un passé trouble pendant la Seconde Guerre Mondiale... Et que dire de ces rumeurs insistantes quant à ces chants étranges proférés en pleine nature, appelant la Tarasque, ce monstre du folklore provençal ? Une chose est certaine pour De Palma : le terrain est miné, et le fait que des pontes du grand banditisme se fassent dévorer par un animal inconnu ne va pas l'aider à résoudre son enquête.

    Deuxième volet de la série consacrée au commandant De Palma alias Le Baron, La bête du marais reprend les éléments découverts dans le premier opus, La première empreinte. La Provence, Marseille et également la Camargue constituent les décors si chers au cœur de Xavier-Marie Bonnot, entraînant le lecteur dans un univers merveilleux. De Palma est toujours aussi sympathique en passionné d'opéra, flic exigeant et tenace, prêt à rudoyer les représentants du mitan pour obtenir des résultats. D'ailleurs, les autres policiers sont également bien campés, crédibles et humains, avec leurs faiblesses et leurs zones d'ombre. On retrouve avec plaisir le langage typique de la région, ensoleillé et chantant, au verbe haut, avec un glossaire en fin de roman qui aide à comprendre toutes sortes de mots et expressions. L'intrigue est quant à elle bien construite, ménageant suspense et émotion, avec de nombreux rebondissements et certaines issues inattendues. Le lecteur côtoiera les mafias locales, des sphères financières pour le moins interlopes, d'obscurs secrets de famille et aussi les traditions de la région, entre fantasmes et certitudes.

    La bête du marais est donc un très agréable roman, bien charpenté et divertissant. Même si la fin est un peu abrupte, l'ensemble mérite bien des éloges, et c'est avec plaisir que l'on retrouvera Le Baron dans La voix du loup et Les âmes sans nom.

    07/09/2010 à 12:51

  • La Cinquième femme

    Henning Mankell

    8/10 Presque aussi bon que "Le guerrier solitaire". Une intrigue intéressante et de belles densités humaines chez les personnages.

    30/08/2010 à 09:59 2

  • Le Guerrier solitaire

    Henning Mankell

    9/10 Un excellent moment de lecture en ce qui me concerne. Lu il y a bien longtemps, mais j'ai encore en tête le scénario, preuve qu'il m'avait marqué. L'un des meilleurs Mankell à mon goût.

    30/08/2010 à 09:58 2

  • Les Enfants du néant

    Olivier Descosse

    6/10 Un peu déçu par ce roman. Certes, Olivier Descosse connait parfaitement les rouages du thriller, manie les rebondissements et emploie un style vif et prenant. Cependant, j'en reste encore à ma réticence déjà exprimée pour « La liste interdite » : plus je lis du Descosse, plus j'y vois du Grangé. Le style, la fragmentation des chapitres et parties, le vocabulaire, et même l'intrigue, avec le rebondissement final que je verrais parfaitement chez l'auteur des Rivières Pourpres. Alors, effectivement, j'ai passé un bon moment de lecture, mais je n'en demeure pas moins chagriné par, selon moi, ce manque d'originalité dans le fond comme dans la forme.

    28/08/2010 à 19:01

  • Le jardin des derniers plaisirs

    Lee Jackson

    8/10 Les jardins de Cremorne constituent un lieu de divertissement très prisé dans le Londres de 1875, où l'on trouve des fêtes et des représentations burlesques ainsi que des danses et des joies débridées. Cependant, beaucoup de fervents religieux y voient une nouvelle enclave du vice et de la décadence, et leur voix est portée par l'homme d'église Featherstone. Aussi, lorsqu'un individu se met à semer la panique dans ce parc en agressant des jeunes femmes puis tue une des domestiques de Featherstone en la faisant brûler, le conflit entre partisans de l'amusement et pourfendeurs de la débauche s'embrase. Il faudra tout le flegme de l'inspecteur de Scotland Yard Decimus Webb et de son fidèle sergent Bartleby pour tirer au clair une affaire bien plus complexe qu'il n'y paraît.

    Deuxième opus consacré à Decimus Webb après Le cadavre du métropolitain, ce jardin des derniers plaisirs poursuit cette série d'enquêtes criminelles prenant pied dans le Londres du dix-neuvième siècle. On retrouve avec plaisir la plume si élégante et raffinée de Lee Jackson pour décrire les lieux, habitudes et ambiances d'une métropole que l'auteur connaît sur le bout des doigts. L'énigme a été habilement conçue et il faut attendre l'avant-dernier chapitre pour la voir se résoudre, après de nombreux rebondissements et fausses pistes. A cet égard, le personnage central qu'est Decimus Webb gagne en profondeur dans cet ouvrage : tenace et intuitif, parfois très cassant avec Bartleby même si tous les deux s'apprécient beaucoup, il va à l'encontre des stéréotypes du policier parfait dénouant rapidement les fils de son investigation. Il tâtonne, se trompe, maudit ses propres errements, mais fait preuve d'une grande pugnacité jusqu'à ce que toutes les pièces du puzzle s'imbriquent. L'intrigue mettra à jour des secrets assez inavouables, comme dans Le cadavre du métropolitain, tout en offrant une peinture particulièrement fidèle et saisissante de la capitale britannique, entre ombres et lumières.

    Le jardin des derniers plaisirs est donc un roman d'une très grande classe, racé et instructif, qui a le mérite d'allier une histoire policière de qualité à un tableau tout en nuances du Londres de la période victorienne.

    25/08/2010 à 11:53

  • Le réseau Flandres

    Philippe Declerck

    8/10 Le policier Nicolas Dantès s'est tué d'une balle dans la tête à son domicile. Les preuves sont là, indéniables. Pour son ancien collègue et ami Olivier Béjot, ça ne colle pas. Pourquoi ce flic hors du commun aurait-il sans raison dirigé le canon de son arme contre lui et appuyé sur la queue de détente ? Face à l'incompréhension, Béjot va remonter le fil des dernières enquêtes de Dantès et faire apparaître un immonde réseau de pédophilie dont les ramifications pourraient bien s'étendre jusque dans les rangs de la police.

    Deuxième ouvrage de la série consacrée à Olivier Béjot après L'écorcheur des Flandres, Le réseau Flandres fait basculer le lecteur dans l'univers glauque et irrespirable de la pédophilie. La plume de Philippe Declerck a très nettement gagné en noirceur et en efficacité, au point de livrer un thriller qui n'a strictement rien à envier aux élites de ce genre littéraire. Le style est sec et nerveux, fonctionnant par ellipses, sans la moindre fioriture ni temps mort. C'est avec plaisir que l'on retrouve les personnages du précédent opus et que l'on voit de quelle manière ils ont évolué. L'ambiance est particulièrement lourde sans jamais tomber dans le voyeurisme malsain. Les parties consacrées à la vie privée d'Olivier Béjot sont d'ailleurs les bienvenues, apportant un peu d'air frais dans ce monde ignoble et méphitique, et le noir de ces atmosphères est encore plus saisissant quand il s'écrit sur le blanc de l'existence des protagonistes, dépeints avec tendresse et humanité. Le suspense est travaillé et le dernier paragraphe livre l'ultime clef pour comprendre le suicide du policier.

    Philippe Declerck s'est bonifié dans ce roman. Tension, rebondissements, originalité : il a su exploiter toutes les facettes du thriller, le tout servi par un style impeccable. Il n'y a plus qu'à espérer d'autres investigations menées par son policier fétiche.

    23/08/2010 à 11:26

  • La Danse des obèses

    Sophie Audouin-Mamikonian

    4/10 Une très grande déception, en ce qui me concerne. Une idée de départ alléchante, et les premiers chapitres m'ont rapidement intrigué. Cependant, très rapidement, on bascule dans du déjà-vu. Une histoire d'amour à l'eau de rose trop envahissante, beaucoup de clichés – certains passages en deviennent presque parodiques selon moi, une ambiance qui tourne plus au grotesque qu'à l'effrayant, un net manque de densité chez des personnages bien ternes, et un tueur en série finalement ni original ni inquiétant. Un thriller qui ne m'a pas du tout fait trembler et qui m'a laissé... sur ma faim.

    20/08/2010 à 10:10

  • Wallflower

    William Bayer

    9/10 Alors qu'il est en vacances à Venise, Janek doit revenir précipitamment aux Etats-Unis. En effet, on vient de retrouver Jess, sa filleule, assassinée dans un parc. D'après les premières constatations, la jeune femme, escrimeuse, a été attaquée à coups de pic à glace alors qu'elle faisait son jogging. Janek reprend l'enquête de manière personnelle et découvre des indices troublants : Jess avait une sexualité extravertie, fréquentait des jeunes aux comportements presque sectaires, était suivie par une thérapeute... Et que dire du fait que son sexe a été « scellé » à la colle par son tueur... Pour appréhender le coupable, Janek va devoir, selon ses méthodes, plonger vers un esprit particulièrement retors et dangereux.

    Paru il y a presque vingt ans, ce thriller n'a pas pris la moindre ride. Deuxième ouvrage de la série consacrée au lieutenant Janek, il exploite à merveille la personnalité de son héros. Scrupuleux, attentif aux détails, fondant son analyse sur la psychologie plus que sur les preuves scientifiques, capable pendant des jours de chercher un minuscule détail qui lui a échappé, Janek est l'archétype du policier pugnace et sagace. Cette fois-ci, il plonge bien malgré lui dans une affaire sordide où la mort d'un proche le brise avec d'autant plus de violence. William Bayer a bâti une histoire forte, avec notamment un tueur en série singulièrement monstrueux, à la fois détruit et destructeur. Les enchaînements sont habilement construits, les rebondissements prenants, et la longue introspection dans le cerveau du monstre aussi réussie que troublante. Sans scène d'action tonitruante, ce roman happe l'attention de la première à la dernière page grâce à la qualité de sa psychologie et l'intensité de son intrigue.

    Méticuleux comme un Michael Connelly, vénéneux comme A cause de la nuit de James Ellroy, brûlant comme du Val McDermid, Wallflower est un véritable bijou. L'auteur des brillants Pèlerin et Tarot réussit l'exploit de synthétiser ce qui se fait de mieux dans le domaine tout en conservant son authenticité, son âme. C'est la marque des très grands dont fait indéniablement partie William Bayer.

    18/08/2010 à 18:30

  • Le Couturier de la Mort

    Brigitte Aubert

    7/10 Dans une ville de la Côte d'Azur, un tueur en série poursuit inlassablement son œuvre immonde. Sa spécialité : il coud entre eux des morceaux de corps humains, d'où son surnom de « Couturier de la mort ». Ce qui semble lui plaire, ce sont les mélanges des genres, joignant hommes et femmes, frêles et obèses, et pourquoi pas humains et animaux. La police piétine, et il faudra attendre qu'un modeste flic, Marcel Blanc, s'approche de trop près du monstre pour avoir des chances de l'appréhender.

    Auteure reconnue de romans noirs et de thrillers, Brigitte Aubert signait en 2000 cet ouvrage détonnant. On y retrouve avec plaisir son humour corrosif, son goût pour les personnages loin d'être exemplaires, les situations cocasses et les dialogues jouissifs. En à peine plus de deux cents pages, Brigitte Aubert peint sans fard une intrigue prenante, sans le moindre mot de trop, allant à l'essentiel. Si l'ensemble est d'une redoutable efficacité, il n'en demeure pas moins que l'histoire, au-delà de la particularité du tueur en série dans la mise en scène des corps, est assez classique, et les protagonistes parfois trop rapidement brossés. Par ailleurs, la manière d'écrire pourra rebuter quelques lecteurs ; en effet, là où l'on pouvait s'attendre à du glauque, du terrifiant, Brigitte Aubert s'ingénie à chercher le trait humoristique, le réjouissant. Certaines scènes, qui auraient pu être de purs instants glacés, sombrent dans la gaudriole et le comique. Cette spécificité est certes pleinement assumée par l'écrivain, mais ce ton débonnaire pourra surprendre voire exaspérer.

    Le couturier de la mort porte donc parfaitement son titre. Brigitte Aubert rallie dans ce court roman gore et fantaisie, tragique et comique, comme on raccommode entre eux deux styles a priori bien distincts. Si le roman ne souffre pas de manière indubitable de ce mélange des genres, il n'empêche que certains y trouveront à redire, voyant dans cette cuisine liant le salé et le sucré une recette qui n'est pas pour eux.

    16/08/2010 à 11:32 1