471 votes
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L'Horloger
8/10 Hé ben mes aïeux, quel entrée en scène littéraire pour Jérémie Claes ! Le néo-romancier belge signe un thriller époustouflant, servi par un style joueur qui s'amuse des niveaux de langue en usant, entre des dialogues qui claquent, d'un style indirect libre qui lui permet de forger une voix et une personnalité à chaque personnage. De la gouaille pour Solane, le vieux flic revenu de tout, amateur de vin et de bonne chère, de la vulgarité crasse pour King, le trumpiste sénateur américain, une douloureuse intériorité pour Jacob, le protagoniste... Claes fait preuve d'une réjouissante gourmandise littéraire qui fait filer les pages et donne un relief de dingue à une histoire sombre, parfois déchirante, conduisant le lecteur vers des sentiers de moins en moins battus, poussé par une audace revigorante (qui risque de faire grincer les dents des plus rationalistes). Du sang neuf, rouge écarlate, capable de réveiller le lecteur de thriller le plus blasé. Coup de coeur !
11/04/2024 à 22:53 8
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Cartel
9/10 Aussi puissant, vertigineux, soufflant, intelligent et effroyable que "La Griffe du Chien" qui le précède, Cartel est un roman impitoyable, qui ne laisse aucun répit au lecteur, plaqué au mur par tant de violence et de terrifiante clairvoyance.
Ce livre a eu un impact physique sur moi durant ma lecture. Entre l’asphyxie et le combat de boxe. Suspense parfaitement maîtrisé, mené à deux cents à l’heure, appuyé sur une structure complexe en raison de ses nombreux personnages suscitant un réseau nerveux d’intrigues complémentaires, ce polar éblouissant est une raclée nécessaire à encaisser. De celles qui font réfléchir et voir plus loin.04/06/2021 à 13:19 4
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Mauvais coûts
7/10 Pas facile de résumer ce roman à l’intrigue fuyante ! L’essence de Mauvais coûts n’est pas tant dans son histoire (même si elle est prenante et parfaitement menée) que dans ses personnages, ses situations et surtout, surtout, son écriture. Jacky Schwartzmann déroule en effet un style réjouissant, pétillant d’un humour impitoyable et d’un cynisme frappé au coin du bon sens. Une sorte d’Audiard sous acide, puissamment énervé, en somme.
Le résultat est un cocktail à haute tension, violemment drôle, politiquement incorrect au dernier degré, et pourtant capable d’une belle humanité au détour de pages d’autant plus saisissantes qu’elles sont inattendues.04/06/2021 à 13:15 8
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Zone 52
6/10 Partie étudier à Chicago, loin de chez ses parents, Melissa Stacker travaille comme serveuse pour subvenir à ses besoins. Une nuit en sortant du boulot, elle est agressée par deux hommes dans un couloir glauque de la gare. En tentant de s’échapper, elle tombe sous les rails – et voit le train engagé sur la voie dérailler brutalement juste devant elle, alors qu’elle s’attend horrifiée à mourir écrasée.
Un miracle ? Si l’on croit les hommes, apparemment mandatés par le gouvernement, qui surgissent soudain dans sa vie et tentent de l’enlever, ce qui s’est passé ne doit rien au hasard. Sans le savoir, Melissa est porteuse d’un secret extraordinaire – le genre de secret pour lequel des individus déterminés seraient prêts à tuer n’importe qui…
En dépit de quelques fragilités stylistiques, le deuxième polar de Suzanne Stock, déjà remarquée pour Ne meurs pas sans moi, est un roman qui vaut le coup d’œil. La romancière a le sens du rythme et sait parfaitement emballer le tempo pour empêcher son lecteur de lâcher prise dès les premières lignes lues.
L’efficacité est le maître-mot de Zone 52, qui s’appuie par ailleurs sur une intrigue bien conçue (dont je n’ai pas dévoilé plus à dessein), pas forcément d’une originalité folle, mais dont Suzanne Stock a le bon sens de doser les effets et d’éviter les lourdeurs ou les démonstrations trop appuyées. Les rebondissements s’enchaînent avec fluidité, les révélations surgissent au compte-gouttes, et les personnages bien campés dans l’ensemble (même si certains, comme l’agent du FBI Jessie O’Malley, auraient mérité plus d’épaisseur) achèvent de dynamiser le récit.
Sans pouvoir vous en dire plus, et pour cause, j’ai surtout apprécié que Suzanne Stock aille au bout de son histoire sans facilité ni concession au polardement correct. Elle fait preuve en l’occurrence d’une audace à saluer – qui me pousse en outre à lui « pardonner » des dialogues parfois naïfs (elle use et abuse des points de suspension) et quelques séquences d’émotion à bon marché, notamment avec le personnage de Jay, petit garçon très mignon et un peu trop superficiellement tire-larmes à mon goût.
Un thriller prenant et de bonne facture.04/06/2021 à 12:18 2
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Kabukicho
7/10 Ce roman cache bien son jeu, c’est le moins que l’on puisse dire. J’avoue pourtant que j’avais pressenti une partie de la solution – mais à aucun moment que Dominique Sylvain irait si loin dans la noirceur et la violence.
Il faut dire que le rythme de Kabukicho est trompeur. A la manière des beaux mensonges dont les acteurs du quartier chaud de Tokyo sont les spécialistes, la romancière prend d’abord soin d’endormir son lecteur – non pas que le livre soit ennuyeux, au contraire ; mais hormis la disparition de Kate, actée dès le début, et le débarquement tonitruant de son père à Tokyo, il ne se passe pas énormément de choses dans les premiers chapitres.
En guide experte, Dominique Sylvain prend en effet le temps d’exposer son décor si particulier, et il y a beaucoup à dire. On est éberlué par la découverte de Kabukicho, ses rites et ses figures, qui mêlent des perversions humaines universelles à des éléments culturels typiquement japonais. Le mélange est détonnant et fascine très vite, d’autant que la romancière le décrit avec précision et sobriété, affûtant encore son style déjà considérablement aiguisé dans son précédent opus, L’Archange du chaos.
Puis, petit à petit, Dominique Sylvain fait tomber les masques, tandis que le tempo s’élève inexorablement et que le ton du roman se durcit. Kabukicho confirme la tendance de son auteure à oser totalement le noir, à assumer une tournure plus cruelle à ses histoires – évolution passionnante que ses précédents livres amorçaient et que ce nouvel opus appuie avec maestria, grâce notamment à une fin effarante (et réjouissante !)04/06/2021 à 12:12 2
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La Voix secrète
8/10 Faire de Lacenaire, figure naturellement haute en couleurs, l’un des personnages principaux de la Voix secrète, est également une belle idée, dont Mention exploite la verve, la culture et l’élégance, sans dissimuler sa folie criminelle pour autant. Les autres acteurs du roman, qu’ils soient réels ou fictifs, sont à la hauteur de cette démesure.
Pour le reste, Michaël Mention mène son récit tambour battant, s’amuse à l’occasion avec la forme du texte (voir l’enchaînement choc entre la fin du prologue et le premier chapitre !), restitue parfaitement l’atmosphère du Paris d’alors, et tient bon la barre du suspense sans jamais faillir. Petit bonus mais non des moindres, il tisse régulièrement quelques liens discrets avec notre époque, un art de la mise en perspective qui donne toujours une intelligence et une profondeur bienvenues aux romans historiques.
Comme quoi, il est possible, dans ce genre codifié et toujours menacé de paraître poussiéreux ou empesé, d'être furieusement moderne.04/06/2021 à 12:09 6
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Seules les bêtes
8/10 Un livre superbement construit, avec une audace dans l’élaboration de l’histoire qui a emporté mon adhésion. Je n’aime rien tant qu’être étonné, surtout en polar, et là Colin Niel m’a parfaitement cueilli, aussi bien par les ramifications du récit que par son écriture, dont les changements de registre sont remarquables et permettent de faire exister avec force les cinq narrateurs successifs. Une superbe réussite à tous points de vue.
04/06/2021 à 11:21 9
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Piste noire
8/10 Première enquête du sous-préfet Rocco Schiavone, Piste noire donne clairement envie de poursuivre la série. Antonio Manzini ne bouleverse pas le genre, mais il y ajoute une gueule, une vraie. Un personnage entier, drôle, joyeusement furibard et plein de surprises inattendues à mesure que l’on avance dans la lecture et que l’on en apprend plus sur lui.
En dépit de quelques clichés qui ne font aucun bien aux stéréotypes sur les Italiens, et de personnages féminins pas toujours bien servis, l'intrigue est bien menée, poussée en avant par les déductions habiles de Schiavone, ainsi que par l’humour énergique qui préside à l’ensemble du récit.
Une bonne première descente pour se mettre en jambe, avant d'attaquer la suite.04/06/2021 à 11:19 4
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Entre deux mondes
9/10 Avec la trilogie Coste ancrée dans le 93, où il a longuement fait ses armes de policier, Olivier Norek a su imposer un univers et un style, tout en s'entourant d'une zone de confort familière. Avec ce quatrième roman, il prend le risque d'en sortir, et son pari est largement payant.
Il s’impose clairement comme un auteur incontournable, créateur de suspense virtuose qu’il met au service d’un regard plein d’acuité sur la frénésie, la violence et la cruauté de notre monde, tout en se défendant de ces dernières par une empathie dingue pour des personnages profondément attachants. Un alliage imparable qui tout à la fois cogne et enthousiasme le lecteur, pour le laisser K.O. de bonheur polardesque, et peut-être un peu plus concerné par ce qui l’entoure.
04/06/2021 à 11:14 9
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Le vrai Michael Swann
8/10 Confrontant la violence dévastatrice d'un acte inhumain (ici, un attentat terroriste) à la profonde humanité de ses personnages, Bryan Reardon tout à la fois captive et bouleverse. Le rythme implacable et la justesse des sentiments s'entremêlent, dans un ballet d'émotions fortes qui laissent pantelant.
Après Jake, son sublime premier livre, le romancier américain confirme son immense talent.04/06/2021 à 11:08 3
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La Disparition d'Annie Thorne
7/10 En lisant les avis précédents, je suis assez surpris de voir plusieurs références à Simetierre, de Stephen King. Avec le recul, je peux comprendre pourquoi ; mais sur le coup, pendant la lecture, je n'y ai pas pensé. Il est vrai que depuis L'Homme-Craie, la référence à King est déjà devenu un passage obligé lorsque l'on parle de C.J. Tudor (à tort ou à raison), mais pour le coup, elle est loin de m'avoir sauté aux yeux à la lecture de La Disparition d'Annie Thorne.
Certes, la jeune romancière anglaise se régale à instaurer des atmosphères inquiétantes, nimbées de mystère qui titillent les frontières du surnaturel pour mieux, au final, parler des ombres de l'âme. Elle reprend le principe ici pour scruter les sombres secrets des petites villes anglaises, mais avec un peu moins d'intensité et de fluidité à mon goût, en dépit d'un narrateur formidable et d'une intrigue bien élaborée, quoique plus classique.
Un deuxième roman solide sans être épatant, qui réclame une légitime patience pour une auteure qui construit peu à peu son style et son univers. À suivre, donc.04/06/2021 à 11:06 6
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La Note américaine
10/10 Pour reprendre un cliché vieux comme le crime, ce livre se dévore comme le meilleur des polars. Sauf que tout est vrai, bien entendu.
Ce qui rend le récit encore plus fort, plus glaçant ; ce qui permet à David Grann de toucher au plus juste et au plus profond des âmes, que ce soit pour restituer la terreur des victimes ou l’horrifiante noirceur des meurtriers ou de leurs commanditaires.
Le journaliste maîtrise l’art du romancier pour mener son histoire à un rythme implacable qui brise toute tentation de lâcher prise. J’insiste sur ce point, car la nature seule du récit suffit à justifier de s’y plonger ; mais la virtuosité littéraire mise en œuvre par Grann, restituée par la traduction puissante de Cyril Gay, participe largement de l’enthousiasme qui naît au fil des pages.
La Note américaine est d’une rigueur et d’une richesse documentaire formidables. Fouillant dans toutes les archives disponibles, suivant sur le terrain la piste des descendants des victimes comme des coupables, Grann s’attache à dresser le tableau le plus complet possible, et y parvient d’une manière magistrale. Même sans être familier avec l’Histoire américaine, on comprend tout, on saisit tout, et on apprend énormément de choses, en commençant par le parcours singulier de la tribu indienne Osage qu’il faut bien maîtriser pour capter la suite de l’affaire.
David Grann du reste ne s’en tient pas à la seule restitution du drame, il va plus loin en intervenant dans le récit, pour ouvrir de nouvelles portes, élargir les perspectives de son histoire, et interroger la nature même de son pays, dont il est toujours utile de rappeler que ses racines baignent abondamment dans le sang.
Une enquête journalistique de très haute volée, rehaussée d'une plume littéraire éblouissante. Truman Capote, l'inventeur du genre, peut être fier de David Grann, l'un de ses plus brillants héritiers.04/06/2021 à 10:44 2
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L'Appât
9/10 Pour moi qui peine désormais avec les thrillers purs et durs, avoir beaucoup aimé Ragdoll, le premier opus de la série, constituait déjà une énorme surprise. Je m'attendais donc à être déçu par cette suite - pas deux fois le même coup, quand même !
Et puis non. Au contraire. Je crois que j'ai encore plus apprécié celui-ci, alors qu'il est encore plus dingue, plus improbable, plus violent que le premier. Daniel Cole est follement doué, tout simplement. Maître du rythme, distillateur de rebondissements insoutenables, concepteur de scènes hallucinantes, extrêmement visuelles, le jeune romancier m’a baladé dans tous les coins de son intrigue sans que je trouve seulement le temps de me poser pour protester.
En ce qui me concerne, c'est tout simplement imparable.04/06/2021 à 10:33 4
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Le Loup des Cordeliers
7/10 Mon enthousiasme initial (Loevenbruck s'attaquant à la Révolution Française, je pouvais difficilement rêver mieux) a en effet quelque peu fondu au fil des pages de ce gros roman, dont plusieurs passages tirent en longueur (en dépit de l’enchaînement de chapitres assez courts), tandis que l’ensemble souffre d’un manque d’intensité, un peu regrettable au regard des événements qui s’y jouent.
Acharné à se montrer à la hauteur du sujet, Loevenbruck se perd un peu dans un travail de reconstitution historique fastidieux, au détriment de la passion qui aurait dû embraser le texte à l'évocation des journées entourant la chute de la Bastille. L'épisode du 14 juillet est certes bien rendu, à la différence d'autres (le Serment du Jeu de Paume, les États Généraux) qui m'ont semblé trop scolaires.
Le suspense autour du Loup des Cordeliers se dilue également dans la reconstitution historique et s'avère au final assez maigrichon, alors que le héros imaginé par le romancier, Gabriel Joly, journaliste se faisant enquêteur minutieux, entre Rouletabille et Sherlock Holmes, mériterait d'être davantage mis en valeur.
Bel hommage au roman-feuilleton, Le Loup des Cordeliers fait néanmoins office d'introduction respectable à une série qui, je l'espère, saura trouver plus de souffle et de suspense dans les prochains tomes. À suivre !04/06/2021 à 10:27 8
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Fin de siècle
6/10 Fin de siècle peut être lu comme un écho de "Quelque chose pour le week-end", où des Grands Pingouins, dont l’espèce était éteinte depuis le milieu du XIXème siècle, réapparaissent subitement à notre époque et sèment la terreur dans une ville balnéaire anglaise.
Ici, point de pingouins, mais carrément des mégalodons, requins gigantesques dont la cruauté et l’acharnement à tout engloutir feraient passer le grand blanc des Dents de la Mer pour un poisson-clown. Des animaux monstrueux qui font figure de détonateur visant à faire exploser les conventions sociales, les hypocrisies en tous genres, l’égoïsme, la vénalité, bref toutes ces belles qualités humaines que le romancier, allez savoir pourquoi, semble avoir en horreur.
Exploitant une galerie de personnages complètement cintrés que l'on suit au long d'une intrigue déconstruite façon Tarantino, l'intrigue paraît un peu hétéroclite à la longue, limite foutraque, et perd en cohérence ce qu'elle gagne en pertinence. Pour assumer au final une vision sombre de l’avenir, de l’humanité, proclamant un épuisement de notre règne qu’il n’est pas idiot de craindre, au rythme où vont les choses.
Un roman original, au ton résolument singulier, distrayant mais pas que.04/06/2021 à 10:16 1
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L'Année du lion
10/10 Dans L’Année du Lion, on retrouve avec jubilation le savoir-faire de Deon Meyer en tant que maître du suspense. Les scènes d’action sont légion et mettent le feu aux pages qui défilent à toute vitesse. Le rythme reste soutenu de bout en bout. Si le cadre du récit est post-apocalyptique (on y revient dans un instant), la technique du roman reste celle d’un thriller. Avec des mystères à résoudre, des secrets à dévoiler, du danger, des ennemis, des trafics, des armes et des crimes.
Oui, mais ce n’est pas tout. C’est loin d’être tout, à vrai dire. Si L’Année du Lion est aussi fort, aussi percutant, aussi grandiose, c’est que Deon Meyer exploite pleinement son idée de départ post-apocalyptique pour développer ensuite un très large faisceau d’idées, de problématiques et d’interrogations en tous genres. Acharné à bousculer son lecteur et à le faire réfléchir entre deux montées d’adrénaline, le romancier sud-africain multiplie alors les questionnements politiques, économiques, sociologiques, éthiques ou religieux, en recourant à un large panel de personnages.
L’Année du Lion est un torrent de lave littéraire, un bouillonnement de suspense et d’intelligence dont l’épaisseur est tout sauf un obstacle. J’ai freiné des quatre fers pour ne pas le terminer, celui-ci – tout en brûlant de connaître le fin mot de l’histoire… que Deon Meyer nous offre dans un twist qui a largement divisé les lecteurs, exaspérant certains, enchantant d’autres.
Je fais partie, comme vous l’imaginez, des enchantés.04/06/2021 à 10:08 5
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L'Ange rouge
4/10 Médéline assume jusqu’au bout la spirale sombre de son histoire, lui offrant un dénouement violent et explosif, et un final tout en contraste émotionnel, assez réussi.
Mais c'est bien là le seul positif que je peux retenir de ce roman (avec le personnage de Mamy, et l'utilisation intéressante du décor lyonnais choisi par l'auteur). Parce que, pour le reste, je n'ai vraiment pas aimé.
Pour faire polar, Médéline recourt au style élusif. Phrases très courtes, grammaire minimaliste, reprises martelées des pronoms personnels (« elle fait ci. Elle dit ça. Elle sort. Elle revient. ») Ellroy pour les nuls, en quelque sorte.
Ça peut faire écriture, à condition d’avoir le sens du rythme. Médéline en manque. Au lieu d’être percutant, c’est lancinant, limite chiant. Au moins c’est rapide à lire. Mais pour le plaisir du verbe, on repassera.
Ah oui, parce qu'apparemment, selon Médéline en tout cas, pour faire viril, faut coller des « pédés » et des « fellations » partout. C’est un genre. Pas le mien.
Sur le fond, ça sent le réchauffé à tous les étages, à coup d'inspiration mal digérée et de recyclage sans génie. On a droit au flic solitaire, ancien cocaïnomane, aux méthodes de voyou, toujours sur le fil, et entouré d'adjoints tout aussi déglingués. Des flics vulgaires et bas du front, qui voient des « homos » partout (et dans leur bouche, ça sonne tout de suite suspect, limite dérangeant).
Sans parler de la psy plus ou moins donneuse de leçons, qui vient ajouter d'autres poncifs à ceux qui plombent déjà le roman. Et du tueur en série, dont le profil est tellement vu et revu que même les scénaristes hollywoodiens en mal d’inspiration refuseraient de s’abaisser à un truc pareil – même pour ébaucher une fausse piste. Et on ajoute des symboles religieux bien lourdingues, déjà vus déjà lus qui plus est.
Bref, ce genre de polar poisseux, brutal et grossier, ce n'est pas (plus ?) mon truc. Mais comme il a ses amateurs, je vous laisse juge !04/06/2021 à 09:57 3
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Impact
8/10 Trois.
Deux.
Un.
Impact.
DANS TA GUEULE.
Voici une autre manière de résumer le nouveau polar d’Olivier Norek.
D’ailleurs, je dis polar, mais le terme, aussi générique soit-il, convient-il réellement pour ce roman ?
Certes, tout commence par du suspense en bonne et due forme. Un enlèvement, une demande de rançon, des flics et une psy qui enquêtent…
Certes, on retrouve (avec plaisir) l’efficacité effarante du style de Norek, son sens du rythme, sa manière de camper vite et bien des personnages solides sans perdre de temps en circonvolutions interminables.
Certes, on le découvre très à l’aise dans un registre où ce sont plutôt les auteurs américains qui s’illustrent, à savoir le roman de procès ; le dernier quart du livre réserve en effet une scène de prétoire de haute volée, brillante, lyrique et survoltée.
Certes, j’ai été happé par ce livre et, comme presque tous les autres romans de l’ancien policier, je n’ai presque rien pu faire d’autre que le lire à toute vitesse et le terminer toutes affaires cessantes.
Mais Impact est tout de même bien plus que cela. Disons plutôt qu’Olivier Norek, avec une grande intelligence et une maîtrise remarquable de son outil de travail, utilise les moyens du suspense pour développer un roman décidé à capturer l’air du temps. Un roman intelligent, furieux, et très engagé. Un livre en colère, un livre de colère, un roman intraitable sur l’état catastrophique du monde, bardé de chiffres, de données précises, d’informations détaillées, d’éléments de preuve susceptibles de donner de violentes poussées d’urticaires aux climatosceptiques et autres exploiteurs de tous bords.
C’est un réquisitoire impitoyable contre le plus vaste crime contre l’humanité qui soit, puisqu’il affecte toutes et tous et menace notre survie, à plus ou moins court terme – voire carrément très court terme, si l’on croit les analyses alarmistes que développe Olivier Norek. Et qui nous questionne, nous tous, sur ce que faisons, pouvons faire (ou pas) pour essayer de changer les choses.
Simple et clair dans son propos, porté par son efficacité narrative et son énergie de polar, il met à la portée de tous les lecteurs un grand nombre d’éléments de réflexion complexes sur l'un des sujets les plus importants auxquels nous devrions tous réfléchir : la survie de notre planète - et la nôtre, de fait.04/06/2021 à 09:46 5
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La République des faibles
9/10 Avec ce polar historique ancré à Lyon, dont la géographie et la sociologie de l’époque sont rendues avec précision et acuité, Gwenaël Bulteau frappe un grand coup pour son premier roman. Son suspense, il l’installe dans une ville nerveuse, sombre, déchirée, à l’image de la France de l’époque, tiraillée de violentes contradictions politiques, sociales, économiques. Le décor est saisissant, et pourtant, jamais déployé avec ostentation. Le tableau est toujours juste, et a le bon goût de ne pas prendre toute la place.
Bulteau s'appuie aussi sur des personnages remarquables. Flics, voyous, témoins, simples passants, bourgeois, tous jouent des partitions subtiles et complexes, dont les variations ne cessent de surprendre, suivant les tours et détours d’une intrigue remarquablement dense et tourmentée, de bout en bout. Les zones d’ombre sont légion, les bonnes volontés se heurtent à la nécessité de faire parler la force, la menace et la brutalité pour obtenir des résultats.
Et puis il y a la langue. Le style. Pas d’approximation chez Gwenaël Bulteau, on sent dès ce premier roman qu’il possède une véritable voix, et qu’il en use avec une belle maîtrise. Il tient son rythme sans jamais flancher, joue des registres de langue en évitant les clichés ; et si son roman laisse autant de traces en mémoire, la puissance des images suggérées par son écriture y est pour beaucoup.
Un coup d'essai extrêmement brillant, qui ouvre la porte à une série dont j'ai hâte de découvrir les prochains épisodes.04/06/2021 à 09:37 13
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Le Jour où Kennedy n'est pas mort
8/10 En annulant l'assassinat de Kennedy le 22 novembre 1963, Ellory trouve une solution brillante pour détricoter le mythe quasi intouchable qui entoure le président américain depuis sa mort tragique. De ce fait, ce roman n'est pas tant une uchronie (la modification du cours de l'Histoire n'est qu'un prétexte, pas le sujet du livre) qu'une analyse fouillée et froide d'un personnage fascinant, nimbé d'innombrables zones d'ombre qui en disent beaucoup sur les coulisses de la politique américaine.
Pour ce faire, Ellory passe par la bande et, fidèle à ses habitudes, focalise sur un personnage principal contrasté, pas héroïque pour un dollar, dont l'évolution fastidieuse amène l'enquête à obéir à une logique d'économie réaliste : à la manière d’un Wallander sous la plume de Mankell, Mitch avance à petits pas, rencontre beaucoup d’obstacles, peine à trouver des soutiens, des infos et des indices. Une stratégie narrative qui permet de distiller son propos, presque mine de rien, et de lever en douceur le voile sur le système Kennedy.
Ce roman est en tout cas une nouvelle grande réussite à mettre à l’actif d’un romancier qui, pour être prolifique, reste toujours d’une pertinence à l’épreuve des balles (lui). Et un écrivain de formidable talent, dont le style à la fois riche et fluide est un régal constant de lecture.04/06/2021 à 09:31 3