JohnSteed

556 votes

  • Cry Father

    Benjamin Whitmer

    7/10 Patterson Wells est un personnage en souffrance. Depuis la disparition de son fils, il fuit le monde et surtout ceux qui l’aiment, son ex-femme, ses amis. Il se réfugie dans sa douleur et dans l’alcool et les bagarres. Patterson veut se faire mal, s’infliger la responsabilité de la mort de son fils, la justice n’ayant pu décider la culpabilité du médecin.

    Sa rencontre avec Junior, le fils de son ami Henry ne va que renforcer cette déchéance, lui qui touche dans les affaires de drogue.
    Ce duo va s’auto entraîner dans la violence la plus extrême, jusqu’à la mort.

    Un roman âpre et dur dans lequel la plume de Benjamin Whitmer décrit avec subtilité mais sans faire dans la dentelle les sentiments de culpabilité extrême et d’auto-destruction que s’inflige son personnage.

    Un polar à la désespérance profonde réservé à un public amateur des âmes torturées.

    22/08/2022 à 14:30 4

  • Évasion

    Benjamin Whitmer

    7/10 Benjamin Withmer présente son Evasion à la manière d’un film aux multiples acteurs et chapitres courts, créant un rythme soutenu et ne laissant pas un personnage du roman prendre plus de place qu’un autre. Car le héro du livre est bien l’évasion et la prison d’Old Lonesome (le titre original du livre) avec tous les ingrédients nécessaires : les 12 détenus évadés dont le ténébreux Mopar, le traqueur, les journalistes, le directeur de la prison, la hors la loi,…

    Ils cachent tous une sombre personnalité et le temps de la traque on va découvrir chacune de leur facette, qui ne sera pas belle à lire. Car à Old Lonesome n’est pas une cité où il fait bon vivre. Car là-bas, on ne vit pas. « On survit. C’est tout ce qu’il y a. Il n’y a rien dans ce monde qui vaille qu’on vive pour lui, mais on le fait quand même. On n’y pense pas, on se contente d’avancer. On survit et on espère seulement qu’on pourra s’accrocher à un bout de soi-même qui vaille qu’on survive ».

    Evasion est désespérément sombre et glacial.

    27/01/2019 à 15:43 7

  • Pike

    Benjamin Whitmer

    7/10 Benjamin Whitmer a un style littéraire propre et de qualité, comme il l’a prouvé avec Evasion, créant un rythme soutenu grâce aux chapitres courts, et laissant place au dialogues truculents et directs.
    Il sait mettre en scène des personnages qui ne font ni dans la dentelle ni dans la poésie.
    Si tous ces éléments peuvent apporter les éléments indispensables à une ambiance noire, il manque à mon goût une intrigue solide et accrocheuse à cette histoire.

    07/11/2021 à 10:27 3

  • La différence

    Charles Willeford

    9/10 Johnny Shaw est en fuite. Il vient d’abattre Oxyd Reardon, un des fils du grand propriétaire du Texas. Il voulait la propriété que son père, un des ouvriers des Reardon, avait acheté en toute légalité. Mais même au far west, c’est pas la loi du plus fort qui fait foi. Alors Johnny Shaw a abattu Oxyd Reardon en toute légitime défense. Enfin, il lui a tiré une balle dans la nuque et puis une balle dans le ventre pour faire croire à la légitime défense. Mais bon, ça fait pas une grosse différence. Johnny Shaw est caché par une connaissance de son père : le maréchal ferrant de Twenty-Miles, Jake Dover. Ce dernier lui rappelle que la fuite n’est pas obligatoirement la meilleure des solutions et qu’il doit affronter l’adversité. Aussi, M. Dover qui s’avère être Blackie Clark le tueur à gage et hors-la-loi le plus recherché du Texas, lui apprend à se servir le plus efficacement d’un pistolet. Et Johnny Shaw va se servir de cet apprentissage pour venger impunément le vol de ses terres.

    Magnifique western à la sauce « willefordienne », La Différence nous fait passer un magnifique moment de lecture, tant pour la personnalité épique de Johnny Shaw que pour le magnifique style de l’auteur américain. Découvrez l’œuvre de Charles Willeford. A déguster sans modération.

    02/11/2018 à 11:42 5

  • La machine du pavillon 11

    Charles Willeford

    8/10 La machine du Pavillon 11 est un recueil de nouvelles du trop méconnu et talentueux auteur américain Charles Willeford. Dans ce livre, le Californien nous conte l’histoire de Jake C Blake que l’on découvrira morceaux par morceaux le temps des 3 premières des 6 nouvelles que comptent La machine du pavillon 11. Une belle entrée en matière dans l’univers noir et cynique de Charles Willeford pour ceux qui veulent le découvrir. Une confirmation du talent de l’Américain pour les autres.

    La machine du pavillon 11 : Jake C Blake, interné dans un hôpital psychiatrique de Los Angeles, raconte ses journées au sein de cet établissement. Il ne se rappelle pas les causes de son internement. D’ailleurs, il ne se rappelle pas de grand-chose. Jake nous raconte ses jours et ses nuits rythmés par ses réunions des groupes de thérapie du Pavillon 14, ses copains d’infortune, et notamment Ruben, le surveillant qui ne ferme pas la porte de sa cellule, Dave, un patient hanté par le Démon, ou Tommy atteint d’énurésie. Craignant que Jake simule son état, le Dr Fellerman va proposer une thérapie de choc : un passage au Pavillon 11 avec sa machine impitoyable.

    Incidents choisis : Informé de la tentative de suicide de Jake C Blake, un producteur de cinéma délaisse son autobiographie le temps de livrer à son homme de main comment il a rencontré ce réalisateur aussi talentueux qu’hors norme. Mais Hollywood n’aime pas

    Journal de Jake : A une période indéterminée, on découvre le début du journal intime de Jake lors de sa mutation au Tibet en tant que soldat dans les Marines. Est-ce vrai ou une invention de Jake dans sa cellule au sein de l’hôpital psychiatrique ?

    Les autres nouvelles sont aussi bien originales qu’empruntent d’humour noire.

    Lettre aux Alcooliques Anonymes : Georges écrit une lettre au Président des Alcooliques Anonymes dénonçant la situation où il est obligé de rester alcoolique. Dans cette période de prospérité économique, le fait de devenir sobre mettrait au chômage son assistante sociale.

    Exactement comme à la télé : Un suspect est interrogé par les services de police pour le meurtre d’une femme. Lui s’est formé un rôle d’indic exactement comme à la télé.

    L’électromancien : M. Waxmann découvre sur l’île de Bequia aux Antilles un art qui peut être soit drôle pour le commun des hommes soit terrifiant pour ceux qui seraient superstitieux : l’électromancie, soit l’art divinatoire par un coq. M. Waxmann va l’apprendre à ses dépends.

    01/11/2018 à 08:57 3

  • Go Home, Stranger

    Charles Williams

    8/10 Pete Reno arrive à Waynesport, ville sur la côte américaine du Golfe du Mexique, dès qu’il a appris que sa sœur, Vickie Shane McHugh, la célèbre actrice de radio et de télévision, avait été arrêtée pour le meurtre de son mari. Pour le lieutenant du commissariat de Waynesport, le doute n’est pas possible. Mac McHugh a été assassiné dans sa chambre d’hôtel par sa femme qui l’avait vu monté avec une autre femme. De plus, le couple est réputé pour ses ruptures et ses réconciliations nombreuses. Alors, la jalousie comme mobile, il n’y a pas besoin d’aller chercher plus loin pour le lieutenant.

    Mais Pete Reno croit plus en la version de sa sœur. L’assassin est rentré dans la chambre pendant qu’elle se changeait dans la salle de bain. Elle n’a pas pu voir l’assassin mais a écouté le mot « Counsel ». Reno comprend que pour innocenter sa sœur, il va devoir remonter le temps et reprendre la dernière affaire sur laquelle Mac McHugh travaillait, la disparition de M. Conway, et la trace de la femme qui était montée avec Mac Hugh.

    La piste l’emmènera dans les méandres du bayou qui cache plein de mystère et de femmes fatales.

    Ecrit en 1954, ce polar signé Charles Williams n’a pas pris une ride et se lit avec beaucoup de plaisir.

    24/06/2019 à 21:00 3

  • Butcher's Crossing

    John E. Williams

    9/10 En 1865, après trois années d'études à Havard, Will Andrews part à Butcher's Crossing, petite bourgade du Kansas. Ayant quitté Boston et sa vie confortable, ce gamin et fils de pasteur souhaite y retrouver McDonald, une connaissance de son père, pour qu'il lui indique comment partir à la découverte des grands espaces. Il rencontre Miller, un chasseur de bisons. Ce dernier lui raconte ses exploits passés et les endroits propices aux rêves de Will, notamment cette passe dans les Rocheuses, au Colorado, où des milliers de bisons y passent l'hiver. Will voit une occasion en or de réaliser sa quête d'aventures. Il propose à Miller, moyennant plusieurs centaines de dollars, de constituer une équipée. Le chasseur, satisfait de pouvoir chasser, tuer et prendre les peaux de milliers de bisons voit les milliers de dollars qui seront dans sa poche avant l'hiver. Avec Charley Hoge, inséparable de son whisky et de sa bible, Fred Schneider, le meilleur dépeceur de bisons, ils partent tous accomplir chacun leur quête. Leur parcours sera semé d'embûches avant d'arriver dans cette montagne où effectivement ces milliers de bisons paissent paisiblement. Et le carnage commence et dure plusieurs jours. Et puis un flocon, deux flocons…. tombent et ce qui devait être un rêve devient un cauchemar. Butcher's Crossing s'éloigne et ne sera plus jamais pareil.

    Écrit en 1960, Butcher's Crossing est un livre attachant et bouleversant. John Williams est plus qu'un écrivain : c’est un écrivain-peintre-poète. Il nous offre une ode à l'aventure et nous décrit son Amour de la Nature avec une majuscule, avec tout ce qu'elle offre de merveilleux de beauté d'émerveillement et de sublime comme de cruauté. La Nature sait être belle comme elle peut être cruelle. Elle sait mettre l'Homme à sa place, Lui qui se veut être puissant et maître absolu sur Terre. On ne peut s'empêcher de penser à l'œuvre de Jim Harrison.

    Encensé par Télérama comme « un secret les mieux gardés de la littérature américaine » et reconnu par Bret Easton Ellis (Glamorama, American Psycho,…) par « sa prose simple et élégante », John Williams est un de ses auteurs qui envoûtent le lecteur avec son écriture à la fois puissante, sensible et sensitive : on sent, on voit, on arrive à toucher les mots et les paysages comme les sentiments des personnages. Bref, on vit Butcher's Crossing.

    31/03/2018 à 19:56 6

  • Stoner

    John E. Williams

    10/10 L'enterrement de William Stoner en ce début de roman en 1956 sera peu suivi et n'émouvra que ses seuls collègues. Et ne laissera que peu de souvenirs dans cette université du Missouri où il arriva en 1910. Ce fils unique de paysans solitaires au cœur du Missouri très profond rentre, à la demande de son père, à la faculté d'agriculture afin de pourvoir à la succession de la ferme. William Stoner s'y résigne. Accueilli par des cousins germains de sa mère en contrepartie de travaux dans leur exploitation agricole, il travaille dur ses cours de sciences. En licence agro, il doit suivre un cours sur la littérature anglaise. Grâce à son professeur, austère mais passionné, Archer Sloane, c'est la révélation : il abandonne l'agriculture pour se consacrer aux études des lettres. Ainsi, il va égoïstement rester au pays pour poursuivre sa vie d'étudiant à l'heure de l'entrée en guerre des États-Unis dans ce premier conflit mondial et où ses collègues partent fleurs aux fusils faire la guerre. Sa persévérance, son courage, son abnégation lui feront obtenir un poste d'enseignant.

    Lors d'une soirée mondaine il rencontrera la mystérieuse, troublante mais attirante Edith Bostwick, fille unique d'une famille de banquiers de Saint Louis. Malgré cette différence de rang social, sans enthousiasme, sans passion, elle va accepter ce mariage et après une détermination inattendue, lui donner un enfant. Mais la crise financière de 1929 va entraîner la mort de son père. Edith reviendra de l'enterrement déterminer à faire de la vie de William un enfer. Elle s'y emploiera avec malice, méchanceté et perversité. Il en ira de même dans sa vie professionnelle avec l'arrivée de l'éminent mais hautain professeur Lomax.

    John Williams fait de Stoner un livre d'une puissance psychologique insoutenable. L'écriture de l'écrivain américain est à son sommet. Il nous offre des scènes fortes que ce soit dans les derniers instants de la vie de Stoner que dans ses moments de plénitude dans l'amour des livres ou de Katherine. Ces seuls instants où Stoner s'est vraiment senti vivant. Car Stoner fut toute sa vie un homme écrasé et étouffé par sa vie et par ceux qui l’ont partagé mais résigné à ce qui lui arrivait. Stoner n'en est pas moins un homme passionnant et attachant, un anti héro émouvant.

    30/04/2018 à 07:51 5

  • Gueule de bois

    John Williams

    7/10 Quand Jeff apprend que son collègue, Neville, s’est fait tabasser à mort par deux balourds dans le magasin de disques dont il est le gérant, il se doute que les agresseurs se sont trompés de cible. Il pense que le chantage foiré qu’il a fait subir à Ross, le chanteur de leur ancien groupe, en est la cause.
    Jeff en fait part à ses amis avec qui il a manigancé cette extorsion : Mac, un homme de main, et Francesca alias Frank, une groupie du groupe devenue la petite amie de tout le monde.

    A Londres, début des 80’s, le punk a laissé la place au dub et au jazz fusion. C’est dans cette ambiance underground où l’alcool et la drogue ne sont jamais très loin que John L. Williams propose une lecture plaisante pour qui aime musique du Londres des années 80. Gueule de bois est un mélange entre les incontournables High Fidelity de Nick Hornby (pour le côté « passionnés de musique ») et La Meute de John King (pour le côté « bande d’Anglais où la violence est un passe-temps vital »). Je conseille vivement ce livre aux amateurs du genre. Les autres risquent de s’ennuyer.

    12/12/2018 à 12:52 3

  • La Mort selon Turner

    Tim Willocks

    7/10 L’intrigue tient en une seule ligne. Dans cette Afrique du Sud, encore minée par son passé d’apartheid, un flic noir souhaite résoudre la mort d’une jeune Black, une laissée pour compte, tuée par un fils blanc de famille fortunée. Une histoire déjà usée, qui n’a rien d’original, à part des scènes d’une extrême violence où l’écriture puissante de Willocks fait mouche (la survie de Turner dans le désert).
    Cependant, il m’en fallait un peu plus pour exalter ma lecture.

    06/10/2019 à 19:28 7

  • L'Hiver de Frankie Machine

    Don Winslow

    6/10 La vie de Frank Machianno (alias Frankie Machine) est réglée comme du papier à musique : levée à 5h pour ouvrir sa boutique d’appâts, puis travail pour une entreprise de linge et de fourniture de poissons frais. Couché pas avant 22 ou 23h. Pas facile la vie pour un homme qui doit participer aux études de sa fille, payer une pension alimentaire et vivre un peu à côté.

    Mais parce qu’il a été chauffeur d’un ponte de la mafia locale, et s’étant vu attribuer le sobriquet de Frankie Machine pour l’occasion, il veut bien rendre un petit « service ». Mais Frankie, de peu, échappe à une tentative de meurtre. La pègre veut lui régler son compte. Pourquoi ? Est-ce lié à l’opération « Cache-sexe » menée par le FBI visant à éliminant la corruption politique touchant les entreprises de strip-tease ?

    Le temps d’une cavale à la recherche de ces réponses, Frankie Machine nous dévoile son passé dans la mafia. C’est mené à tambour battant, très rythmé, mais cette histoire ne m’a pas passionné.

    24/06/2020 à 19:45 2

  • Le Siffleur de nuit

    Greg Woodland

    7/10 A cause d’une enquête dont certains éléments ont fuité à la presse, l’agent Mick Goodenough s’est vu imposer une mutation d’office. Direction le poste de police de Moorabool, petite bourgade de 3.500 âmes où la famille de Hal vient de débarquer également pour des raisons professionnelles.

    Lors d’une partie de balle, Hal et son jeune frère, Evan, découvrent le cadavre d’un chien mutilé et massacré. Il sera le premier d’une série de cadavres d’animaux.
    Malgré les freins de sa hiérarchie, Goodenough souhaite coûte que coûte résoudre ces meurtres d’animaux. Parce que pour lui, il n’y a qu’un pas entre les sévices sur des animaux et la violence sur les personnes. Aidé par le tout jeune Hal, l’agent de police prendra à cœur la résolution de ces violences animales que tout le monde semble prendre à la légère.

    Pendant les déplacements professionnels du père, la mère de Hal et de Evan reçoit des appels anonymes d’une voix sifflante et menaçante.

    Greg Woodland offre un petit polar sans prétention avec deux personnages attachants dans une Australie profonde des années 60 : un flic meurtri qui cherche à se racheter de ses erreurs et un tout jeune gamin qui veut suivre les traces de son héros, Sherlock Holmes.
    Le siffleur de nuit est un roman simple mais attachant, avec ses recettes maintes fois écoulées mais qui marchent à tous les coups.

    23/01/2023 à 15:35 5

  • Un feu d'origine inconnue

    Daniel Woodrell

    6/10 4ème de couverture « Missouri, 1929. Un soir d'été, les habitants de West Table se rendent joyeux au bal du village. Mais la salle prend feu avant d'exploser, laissant de nombreux morts et beaucoup de questions. Inspiré d'un drame qui toucha la famille de Daniel Woodrell, ce roman saisissant mène l'enquête et brosse le portrait intime et terrible d'une petite communauté, ses relations viciées, ses hypocrisies et ses secrets.»

    A la lecture de ce court roman sombre, on sent que Daniel Woodrell a mis du sien pour éclairer ce mystérieux incendie qui laissa des morts, des questions et des fantômes dans toutes les familles. L’auteur dévoile les blessures laissées dans toutes les mémoires sur plusieurs générations mais aussi le secret qui entourait ce drame.

    Le seul bémol de ce livre est la multitude de personnages et les aller-retours entre les différentes périodes qui déstabilisent la lecture. Mais la belle plume de Daniel Woodrell sauve ce roman. Loin d’être le meilleur de l’auteur et le reflet du talent de l’Américain.

    18/08/2019 à 11:40 4

  • Lady Chevy

    John Woods

    9/10 Amy Wirkner est une adolescente intelligente. Elève brillante, elle aspire à devenir vétérinaire. Pour cela, elle travaille dur afin d’obtenir une bourse nécessaire à son entrée prochaine à l’université. Dans sa bourgade en déclin, Barnesville, les usines ont fermé les unes après les autres. Ses parents, comme la majorité des familles, ont subi de plein fouet la crise économique. Vivant dans un bungalow, ils n’ont eu que pour choix de louer le sous-sol de leur terrain aux sociétés d’exploitation des gaz de schiste qui ravagent le territoire. Les terres sont laminées et l’eau polluée. Les habitants n’ont plus aucun espoir. Leur vie est ravagée… D’ailleurs, le petit frère d’Amy, Stonewall, souffre d’épilepsie, dû, à n’en pas douter, à la pollution ambiante.

    Malgré tout Amy est une fille forte. Elle tient son courage de son grand-père, ancien membre du KKK, qu’elle renie malgré tout, comme son oncle, ancien soldat de la Guerre du Golfe, qui lui apprend à manier les armes pour se défendre et se battre. Forte moralement, d’une part : Amy est synonyme de volonté de fer et d’abnégation malgré des parents qui ont sombré dans l’alcool pour l’un et la débauche pour l’autre. Forte physiquement, aussi. Avec plus de 122 kg, Amy est surnommée Lady Chevy, ces grosses Chevrolet au cul large, et souffre de harcèlement scolaire de ce fait.

    Si elle est isolée par ses camarades qu’elle déteste en retour, Amy éprouve quelques sentiments forts. Notamment pour Paul, un amour inavoué qui ne lui laisse que des rêves. Et pour sa meilleure amie, Sadie, qui sait exploiter sa forte poitrine au profit de ses petits amis d’un soir.
    Si elle cultive quelque amertume pour cette vie sombre, pour cette ville sans avenir, et cette société qui fracture les sols et pollue sa vie, Amy n’a aucune violence en elle. Pourtant quand Paul lui demande de lui servir de chauffeur pour aller faire exploser une citerne dans cette mine, c’est une Amy qui va prouver que rien ne pourra ni l’arrêter, ni briser ses rêves, ni l’empêcher de construire son avenir…

    John Woods signe avec Lady Chevy un premier roman beaucoup plus profond que le laisse espérer le résumé. Les personnages ne sont ni tout noirs, ni tout blancs. Ils sont des animaux développés : ils possèdent des instincts contrariés par une certaine morale. Amy est remplie de contradictions de doutes qui freinent ses certitudes. A la fois ange démoniaque et démon au grand cœur. Une anti-héroïne qui n’aspire qu’à vivre dans une société qui ne lui laisse peu de place et d’espoir.

    20/12/2022 à 11:21 3

  • La Sentinelle de Lisbonne

    Richard Zimler

    8/10 Je sors de la lecture de ce roman perturbé. La sentinelle de Lisbonne n’est pas un polar classique. Certes, il y a un meurtre, mais l’intérêt principal du livre réside dans son enquêteur, Henrique Monroe, inspecteur principal à la police de Lisbonne. Ce dernier a une histoire assez terrifiante : son frère et lui ont vécu leur enfance aux Etats-Unis et subi la violence de leur père. Pour survivre, Henrique s’est créé un double, qu’il a prénommé Gabriel, comme l’ange protecteur. Celui-ci prend le contrôle de l’identité quand du sang apparaît. G. vient en aide à Henrique. Quand il se « réveille », G. lui a laissé un message écrit sur sa main qui le guide pour l’aider et lui donner des pistes pour son enquête.

    C’est peu dire qu’Henrique est un personnage hors norme. Au fil des pages, on découvre le lourd poids que laisse la mort de leur mère pendant la jeunesse d’Henrique et de son frère, les souvenirs encore profonds et douloureux des violences subies par les deux frères, l’attachement profond d’Henrique pour son frère cadet, la personnalité troublée de l’inspecteur. L’enquête sur la mort du riche homme d’affaires, Pedro Coutinho, dévoilera une société lisboète où corruption, crise économique et sociale sont la lie du Portugal. Même si elle peut être placée en second plan, l’affaire n’en est pas moins odieuse.

    Ce roman est perturbant tant Richard Zimler dépeint d’une manière aussi humaniste que réaliste ce personnage à la double personnalité aussi effrayante qu’attachante, horrible que fascinante.

    07/06/2020 à 16:46 1

  • Les Arpenteurs

    Kim Zupan

    9/10 Val Millimaki est un être désespéré. Dans le cadre de ses fonctions au bureau du Shérif du comté de Copper, il passe son temps à enquêter sur des délits ruraux et endure son quota d’heures dans le bâtiment de la prison adjacent au tribunal du comté. Mais il préfère le travail sur le terrain, au grand air, avec son chien de berger de trois ans, à pister les disparus. Mais depuis plusieurs semaines, il ne fait que découvrir des corps sans vie. De plus, son mariage avec sa femme Glenda bat de l’aile. Il a l’étrange sentiment qu’il subit sa vie. Acteur de rien. Il vient d’être affecté à la surveillance de nuit à la prison. Il retrouve John Gload, un dangereux tueur sexagénaire, qu’il a contribué à arrêter.

    Celui-ci s’entiche de ce policier renfermé et mélancolique. Chaque nuit, des discussions s’engagent de plus en plus personnelles. Une relation étrange et hors normes s’engagent alors entre les deux hommes. Elle ne s’achevera que sur une situation déroutante et morbide.

    Grâce à une écriture subtile, profonde et touchante, Kim Zupan développe dans Les Arpenteurs des personnalités complexes et torturées. Val Millimanki est un personnage que Simenon aurait pu créer : taiseux et à l’avenir noirci par un dur passé. John Gload, un prisonnier qui pourrait faire croire qu’une touche d’humanité subsiste encore dans les pires criminels.
    Les Arpenteurs ne laissera pas insensibles les lecteurs qui découvriront ce roman sombre à la beauté unique.

    03/06/2019 à 18:25 6