schamak

104 votes

  • Père et fils

    Larry Brown

    8/10 Chaque geste.
    Chaque regard.
    Chaque bruit.
    Chaque odeur.
    Tout est scalpelisé sous la plume de Brown pour créer l’immersion et sonder au plus profond l’âme de ses personnages.
    Dans ses instants lumineux et dans ses ténèbres.
    Quand les regrets se disputent aux remords.
    Quand la haine se prolonge à l’amour.
    C’est l’humanité.
    Toute l’humanité.
    Rien que l’humanité.
    Grand livre.

    20/08/2023 à 14:13 4

  • Pour services rendus

    Iain Levison

    8/10 Levinson n'a pas son pareil pour décrire en peu de pages incroyablement bien senties l'absurdité de la guerre combinée ici au cynisme des politiques prêts à tout pour réussir.
    Ici, les hommes, vétérans de guerre comme politicards, ont jeté leur honneur dans la fosse où pourrit le cadavre de leur dignité et de leur loyauté. Les femmes, épouses, ne sont pas en reste ; tout est bon pour profiter ou conserver ses privilèges.
    Un roman au vitriol d'une saisissante lucidité où sous la plume ravageuse de Levinson l'Empire Américain n'en finit plus de s'auto-détruire.
    Monsieur Levinson, c'était mon second roman après l'excellent "un voisin trop discret".
    Promis, juré craché, je reviendrai vous lire.

    27/11/2022 à 14:24 2

  • Prendre les loups pour des chiens

    Hervé Le Corre

    8/10 Une écriture riche, visuelle et diversifiée, nerveuse et en même temps poétique.
    L'histoire est classique, mais peu importe, le style fait qu'on se laisse prendre par l'intrigue (pas captivé car j'avais deviné très vite ce qu'il en retournait, hélas) et surtout les personnages fouillés (gros point fort). La psychologie des héros est bien rendue (celle du père arrive un peu tardivement dans le roman), les descriptions belles, on ressent la tension en permanence ainsi que la chaleur suffocante.
    J'ai senti dans les 80 dernières pages que l'auteur accusait le coup, ou avait été contraint d'accélérer (impératifs d'éditeur), car l'écriture m'a paru moins inventive, et le final carrément saccagé (c'est assez incompréhensible ce traitement !). Reste que cela demeure d'un niveau (littéraire notamment) assez rare dans le milieu du polar (français).
    Du bon travail.

    27/02/2018 à 23:42 7

  • Surf City

    Kem Nunn

    8/10 Une chose est sûre : en prenant ce livre, je ne m'attendais pas à tomber sur un roman aussi bon. Sous une plume incroyablement visuelle qui n'oublie jamais d'être littéraire et d'une grande profondeur psychologique, Kim Nunn écorne salement la carte postale idyllique et le rêve Californien avec ses plages dorées où le surf est élevé au rang de religion.
    Vernis et coutures craquent de toutes parts balafrant au passage l'innocence du jeune Ike Tucker. Parti à la recherche de sa soeur disparue, Tucker n'oubliera jamais cet été de tous les dangers.
    Les personnage sont d'un charisme et d'un magnétisme dingues, mais bien peu de lumière filtre dans la lucarne de ce roman où la rédemption se paie au prix fort.
    Ne passez pas à côté !

    29/10/2022 à 23:25 6

  • Territoires

    Olivier Norek

    8/10 "Code 93" laissait présager du bon. "Territoires" confirme : Olivier Norek est un bon.
    Le second opus du flic Victor Coste et toute sa clique est une réussite. Toujours servi par une écriture "à l'os" et un rythme d'enfer, le roman se dévore littéralement. On pourra reprocher parfois un côté "listing" un peu froid et clinique dans la partie technique (d'un autre côté difficile de poétiser pour parler des procédures policières), mais c'est vraiment pour pinailler. Les seconds rôles ne sont pas sacrifiés (du reste, les femmes ne sont pas des faire valoir - certaines supplantent les mecs en matière de cynisme et de dangerosité), les dialogues sont globalement bons et l'auteur ne tombe jamais dans la mièvrerie lorsqu'il évoque les relations amoureuses.

    Cela est terriblement pessimiste et laisse à penser que tout et tout le monde (flics, politiciens,...) sont obligés de se salir (physiquement et moralement) pour maintenir l'ordre. C'est à désespérer, mais ça sonne juste et réaliste.

    Bref, dans le genre, c'est du tout bon et je vais d'ores et déjà attendre la sortie poche de "Surtensions".

    29/09/2016 à 20:33 6

  • Ville noire, ville blanche

    Richard Price

    8/10 Même si je me suis parfois égaré avec tous ces personnages secondaires et certaines scènes que j'ai mal visualisé, c'est un roman fort sans manichéisme avec des personnages profonds et subtils, des scènes extrêmement bien rendues grâce à une grande et puissante écriture (belle traduction). Une ambiance et des situations crédibles et d'un grand réalisme. Cela progresse lentement (ce qui renforce le sentiment de malaise en dépit de quelques longueurs), mais ça reste passionnant.
    Noir et brillant !

    20/12/2016 à 23:27 5

  • Au lieu-dit Noir-Etang...

    Thomas H. Cook

    7/10 Un roman sombre, "old school" dans sa forme (rien de péjoratif, au contraire), très bien écrit à l'image de ceux qu'écrit Robert Goddard, en plus mélancolique et plus profond, peut-être. Un suspense subtilement distillé et une dénouement qui renforce la noirceur de ce récit où le romantisme est intimement liée au tragique.

    Une bonne lecture.

    Prix Edgar-Allan Poe en 1997.

    02/02/2020 à 23:34 6

  • Ca restera comme une lumière

    Sébastien Vidal

    7/10 Je viens de terminer la lecture du beau et du bon roman de Sébastien Vidal. 

    L’histoire est des plus classiques ? Et alors ? 

    Les évènements plutôt prévisibles (encore que) ? Je m’en fous.
    L’auteur est plus à l’aise dans les scènes contemplatives, l’intériorité de ses personnages, le bouleversement des coeurs, que dans les scènes de mouvement ou les dialogues ? Certes, certes.

    Mais l’essentiel est là. L’ensemble, c’est du solide. Construction, narration, la charpente est robuste, costaude comme les sculptures ou les mains du vieil Henri ; ça fleure bon le métier, l’expérience, déjà.
    C’est bien écrit, très bien même. L’écriture est virtuose, souvent virevoltante. Ample, métaphorique (mais accessible), gourmande (certains tiqueront sur le florilège d’adjectifs, moi ça me va) en un mot : généreuse. 
Il y a du lyrisme, du romantisme dans les mots de Sébastien. Pas étonnant, l’auteur doit être peu ou prou comme son Josselin, un grand sensible (j’ai pas dit émotif, hein).
    Ok, ok, avoir du style, c’est bien, mais comment on fait pour garder cette patine tout du long ? Sébastien, lui, a su faire. J’ai été frappé par la constance de la forme Il y a de la régularité, de l’endurance et on ne répétera jamais assez la difficulté de tenir la distance sur des centaines de pages. Garder le rythme, le mental, l’énergie, l’envie, …dans ce marathon qu’est le roman, c’est pas une mince affaire. 
Sébastien y parvenu intégralement ou presque (un poil moins enlevé les 100 dernières pages ? Je sais pas). 
Le roman n’a pas du être écrit d’une traite, impossible. 
C’est donc du bon boulot. Bravo pour ça. Et respect.

    J’espère que l’auteur ne m’en voudra pas, mais je ne croyais pas que sa plume fut aussi belle, affutée, inspirée. C’est vrai que ça pullule d’images, de comparaisons, ça peut donner le tournis (difficile de se réfréner, hein ?), mais malgré tout, j’ai été impressionné par cette exaltation qui imprégnait ces lignes même si c’est dans sa fulgurante simplicité que l’auteur m’a le plus saisi (« la tendresse comme jardinier des souvenirs » pour ne citer que celle que j’ai pensé à noter). Il y en a d'autres qui impriment la rétine durablement et je me suis promis de retourner à la (Del)pêche (uh uh uh) de ce genre de phrases simples et belles dans leur dénuement, leur dépouillement. 
L’auteur a sacrément bûcher sur le sujet de la soudure, c’est stupéfiant de crédibilité. Il a été bien conseillé, mais là encore, c’est vraiment un sacré travail de documentation. Les longs et nombreux passages sur le travail de soudure, c’est de la pure poésie. Sans jamais tomber dans la redite en terme de vocabulaire, c’est fort.
    Bon, le roman est vendu comme un roman noir. Faut bien attirer le chaland, mais pour moi ce n’était pas l’intention première (la « noirceur » - y a largement pire - se fera plutôt sentir dans l’accélération des 50 dernières pages.) Paradoxalement, c’est quand l’auteur n’abordait pas son intrigue mafieuse que mon intérêt a été le plus prégnant. 
La vengeance, le mystère de la disparition du fils Thévenet, ce n’est pas ce que je retiens du livre, j’ai largement préféré les moments intimistes entre Josselin et Henri, les échanges qu’ils soient verbalisés ou non (oui, la gestuelle - pression de mains sur les épaules, les sourires, les regards…- est également mise à l’honneur), c’est ce que j’ai plus aimé, d’ailleurs c’est dans ce registre que j'ai senti l’auteur plus à son aise (avec la descriptions de la nature, j’y reviens). Les thèmes de la transmission, du partage, de l’apprentissage et des liens qui unissent les êtres amochés par la vie, les drames, tout ça, ça m’a plu aussi. 
Il est aussi question de la famille, pas nécessairement celle du sang, mais celle qu’on se fait (Henri est un père de substitution au même titre que Erwan est le frère que Josselin n’a jamais eu).
    
Le roman, c’est également une pluie d’hommages plus ou moins conscients.

    Hommage à l’Art (on peut remplacer la soudure avec l’écriture, la peinture, …), au travail, au gout de l’effort, de la persévérance, à l’humilité.
    Hommage à l’amitié. On repense à plein de films (l’auteur est également très référencé niveau cinoche).
    Hommage à certains auteurs/artistes (je sais aussi que Sébastien est un lecteur et fan de Bouysse, sans doute de Ron Rash, peut-être un amateur du cinéma de Mallick aussi ?).
    On y retrouve donc l’amour de la nature, de la terre, la référence à la petitesse de l’homme face à cette immensité terrestre comme céleste ; cette envie viscérale de sublimer, voire de personnifier, la nature et ses créatures (la chouette comme fil blanc du récit)
    Mais plus que tout, ce qui m’a le plus séduit, c’est l’absence de tricherie. 
Pour lire ça et là les posts de Sébastien, pour savoir ce qu’il lit (ou chronique) comme bouquins, écoute comme chansons, je sais que le fond du roman n’est pas une posture ou une volonté opportuniste de suivre une mode, rien de factice dans ce qui anime l’auteur mais surtout l'homme. Ce roman est donc cohérent avec ce qu’il est et ce que j’imagine de sa vie (non, non, on ne poste pas des photos de radis ou de je ne sais quel cucurbitacées sur Facebook pour faire son écolo).
    Ce roman lui ressemble beaucoup. Dans ses convictions, ses revendications, ses colères. Il parle de l’absurdité de la guerre, du cynisme des dirigeants du monde, des affres du capitalisme, de l’ultra consumérisme etc… tout ces thèmes sont autant de cris de Sébastien dans la bouche de Josselin, de Henri, même dans celle de personnages secondaires (l’infirmière qui évoque sans qu’on lui demande la pénurie de lits). Alors, on pourrait aussi lui reprocher que parfois, le procédé contestataire porte préjudice à un certain naturel ou à certaines réactions des personnages. Je m’explique. Je pense aux dialogues, très, (trop ?) écrits et qui marquent de manière trop voyante (pamphlétaires allais je dire) les intentions de l’auteur. Encore une fois, beaucoup d’auteurs utilisent leurs personnages pour porter leur propos mais ici, c’était peut-être trop surjoué (Josselin et Henri parlent comme des livres). Il n’en est pas moins vrai que la sincérité de Sébastien est incontestable.
    Les personnages sont travaillés, approfondis, avec leur part d’ombre et de lumière. L’auteur a fait une place à chacun, tous ont leur part d’humanité (même le grand Charles, tout salaud qu’il est, on le sent tout de même sincèrement dévasté par la perte de son fils). 
Josselin est un beau personnage même si, là encore, pour un type traumatisé, meurtri par la guerre et ses horreurs, rongé par la culpabilité d’être en vie par rapport à Erwan, je me serais attendu à ce qu’il soit moins loquace, moins littéraire. Il parle et écrit bien (cf. Son échange épistolaire avec son ami décédé). On sait qu’il est abîmé, physiquement et psychologiquement, pas de doute, les failles et le traumatisme sont là. Mais je ne l’ai pas assez senti car l’auteur ne m’a pas laissé l’espace pour cela, les mots, nombreux, clairvoyants, ont trop souvent colmatées ces fameuses brèches. Pour ma part, je n’ai pas besoin de tant de confidences, de tant d’explications, j’aime bien qu’on me laisse des blancs, des cases à noircir. Mais c’est un parti pris de l’auteur, je respecte, mais ça m’a empêché de faire ses douleurs miennes.
    J’aurai bien encore deux-trois chipotages à faire, mais ça ne changera rien à mon avis général, comme je l’ai dit, au tout début : ÇA RESTERA COMME UNE LUMIERE de Sébastien Vidal est un bon et beau roman que j'ai lu en quelques jours.

    03/05/2021 à 00:33 2

  • Cry Father

    Benjamin Whitmer

    7/10 Moins marquant que l'excellent PIKE, il est toutefois plus dense et plus ambitieux. Plus complaisant aussi par moment. J'ai déploré quelques longueurs.
    C'est un roman très noir, sans concession, assez désespéré même. Heureusement la toute fin laisse filtrer une part d'humanité pour ces personnages torturés.
    En tout cas, ça donne envie de suivre cet auteur pour un troisième opus.

    24/05/2016 à 08:28 5

  • Entre deux mondes

    Olivier Norek

    7/10 Un bon roman pas con (et c'est pas si fréquent) et sincère, mais pas un chef-d'oeuvre comme je peux le lire un peu partout (les gens s'enflamment si vite). Une lecture plaisante, une construction solide et un rythme entrainant, bref ça remplit efficacement son cahier des charges (et c'est déjà beaucoup) mais qui émotionnellement parlant ne me marquera pas durablement (en dépit de l'humanité des personnages)

    24/12/2017 à 17:03 9

  • Fausse note

    Guy Rechenmann

    7/10 Toujours le petit charme ronronnant (quand on aime les chats, pas étonnant) dans les romans et le héros bucolique de Guy Rechenmann.
    J'aime aussi les romans qui digresse et donne un rythme indolent à l'ensemble et l'idée trompeuse que l'auteur se fiche totalement de l'intrigue pourtant solide et documentée.
    La construction du roman est classique (passé/présent), mais efficace et Guy distille ses effets au fur et à mesure, mine de rien, il faut rester attentif.
    Les personnages secondaires (Lily qui grandit et un nouveau venu, le partenaire Jérémy) renforcent le côté tribu familial de ce groupe attachant. Seul regret, j'aurais aimé en savoir un peu plus sur la femme de Anselme Viloc (un peu en retrait) et leur relation de couple, surtout après avoir été séparé si longtemps, peut-être dans un prochain opus.

    J'ai encore passé un agréable moment, merci Guy.

    14/02/2020 à 06:20 2

  • Hôtel du Grand Cerf

    Franz Bartelt

    7/10 Un roman policier "à la papa" avec un inspecteur à quelques jours de la retraite, un flic atypique du genre Maigret, mais en mode obèse et grossier qui, sous sa corpulence et ses propos gras, cache une subtilité et une intelligence fines (et une blessure).
    La mise en route fut un peu longuette, les personnages secondaires nombreux (faut rester concentré) et le final un poil décevant, mais je ne regrette pas cette lecture.
    J'affectionne ce genre de roman où tout ne repose pas sur l'intrigue (qu'on suit avec pas mal d'intérêt malgré tout) mais sur l'écriture (précise), les dialogues (cocasses), l'humour (noir), le personnage principal (une espèce d'ogre grandiloquent et amoral), et une certaine philosophie de la vie.

    02/05/2020 à 23:34 3

  • Je tue les enfants français dans les jardins

    Marie Neuser

    7/10 C'est presque un livre-documentaire dont j'ai englouti les 150 pages, la rage au ventre. Rien de nouveau dans le sujet, mais il est traité avec réalisme et une plume impeccable pour témoigner du quotidien insupportable (même si ça semble assez fou) d'une professeur d'italien dans un établissement "difficile" où cette dernière perdra bien plus que son idéalisme. C'est également le constat navrant d'une capitulation (des profs et des parents). Dans les bémols, je regrette le rôle très passif du mari, mais souvent, on ne voit pas les choses ou on les minimise. Rien ne très préjudiciable.
    Le plus tragique dans tout ça, c'est qu'à l'image de l'héroïne, au moment du dénouement, le lecteur que je suis n'a éprouvé ni remords ni scrupule.

    30/06/2020 à 23:44 5

  • Jeannette et le crocodile

    Séverine Chevalier

    7/10 D’une écriture brodée, l’auteure raconte ces petites vies cabossées avec infiniment de soin et d’humanité. Tous les personnages sont travaillés et l’auteure ne les juge pas.
    Ce n’est jamais misérabiliste, mais c’est triste, très touchant. La critique sur le capitalisme est présente sans être agressive.
    C’est un court roman très réussi qui vous laisse une petite trace.
    À bientôt Séverine Chevalier.

    19/03/2024 à 18:01 3

  • Joyland

    Stephen King

    7/10 15 ans voire plus que je n'avais plus relu du King. Le Roi reste un conteur hors pair et signe un joli roman aux thèmes multiples (thriller, apprentissage de la vie, l'adolescence, la seconde chance, superstition, l'amitié...) doublé d'un hommage émouvant aux "vendeurs de bonheur" que sont les forains. Entre "La Ligne Verte" et "Stand by me". Le suspense est savamment dosé. Les personnages bien croqués et attachants. Seul le dénouement de l'intrigue est un chouïa décevant.

    Mais une lecture qui glisse tout seul.

    17/08/2016 à 16:38 4

  • Karoo

    Steve Tesich

    7/10 Mis à part les 100 dernières pages (quand le "JE" passe au "IL" narratif et les 20 dernières pages sur la revisite de l'Odyssée d'Ulysse), j'ai plutôt apprécié ce livre. Le personnage principal est pathétique (d'ailleurs aucun des personnages n'est vraiment à son avantage), la satire est féroce même si je n'ai pas beaucoup ri.

    24/09/2016 à 08:17

  • L'Heure des fous

    Nicolas Lebel

    7/10 Points positifs :

    - Les personnages. Humains, des anti-héros notamment le Merlicht et sa tête de batracien (on est très loin du beau gosse ténébreux comme on en voit souvent). J'ai pas mal pensé à Vargas (la poésie en moins), mais Merlicht est davantage un Danglard (pour la culture et le côté renfrogné) qu'un Adamsberg. Les femmes n'ont pas des rôles de faire-valoir. Bien aimé comment l'auteur nous pousse à revoir notre appréciation sur certains autres personnages, je pense notamment à Dossantos qui au début m'a semblé être le dragueur lourdingue de base, sportif bas de plafond pour finalement être un brave gars, carré et loyal (c'est d'ailleurs bien vu que ce grand colosse sportif soit sauvé par sa collègue femme).
    - L'intrigue. Bien pensée. Les méchants, répudiées de la société, ont un but certes criminel, mais ce sont aussi des victimes d'un système. J'ai apprécié le caractère non manichéen.
    - Le passage dans les égouts est réussie, l'auteur a pris son temps et ça fonctionne en terme d'immersion.
    - Côté écriture, c'est très fluide et documenté (sans trop faire étalage).
    - Bon dosage entre la narration et les dialogues.
    - Certains trouveront que ça manque d'action, mais personnellement, j'ai aimé cette langueur (qu'on retrouve chez Vargas). On phosphore, on cogite plus qu'on castagne. J'aime, ça change où ça défouraille à tout va..
    - Le livre n'est ni trop court ni trop long. Bon équilibre.
    - Y a un parfois un côté old school (par le biais de l'argot) qui dégage un charme certain. Côté ciné, on pense forcément à du Lautner. C'est tranquille, pépère (dans le bon sens du terme).
    - J'ai aimé le petit message d'alerte en filigrane (en tout cas je l'ai pris ainsi) comme quoi on peut avoir des bonnes raisons d'être un "Insurgé" (j'ai dit "Insoumis" ?) mais que ça n'autorise nullement à user d'une extrême violence pour se faire entendre.

    Points négatifs :

    - J'ai eu du mal à démarrer et à m'attacher à Merlicht notamment, mais c'est peut-être moi. Les 50 premières pages m'ont paru poussives et Merlicht avec ses "putains" m'a agacé (avant que je comprenne le caractère systématique - c'est limite un toc de langage). D'un autre côté, je pense que l'auteur n'a pas cherché à nous rendre ce personnage d'emblée sympathique. Du reste, il ne l'est pas plus à la fin (même si on sent que c'est un type d'honneur avec un vrai sens de l'amitié - voir sa relation avec Jacques)
    - Les dialogues. Pas si mal (et c'est pas un exercice simple), mais peut mieux faire. Niveau humour, l'intention d'être résolument moderne (beaucoup d'influences télévisuelles avec une demi douzaine de séries citées) donne parfois un côté artificiel (bref ça manque de naturel).
    - Le running gag de la sonnerie de portable. Un peu trop redondant, à mon goût, le mieux est souvent l'ennemi du bien (mais j'avoue que je pinaille un peu).
    - Quelques rebondissements un peu trop forcés (même si j'ai compris l'intention), je pense notamment à l'intervention de Dossantos chez Latour.
    - Pas de grande révélation ou de twist final qui laisse sur le cul. Mais à la réflexion je ne suis pas certain que ce soit un vrai point négatif. Je préfère de loin une intrigue solide et linaire qu'un truc bancal ou pas crédible qui ne tient que sur la base d'un rebondissement venu de nulle part (beaucoup d'auteur de thrillers le font hélas).

    En conclusion : un bon petit roman policier (plus qu'un polar, y manque peut-être un supplément de noirceur), bien construit et bien écrit qui donne suffisamment envie de suivre cette troupe pour le second opus ("le jour des morts"que j'achète cette semaine en poche).

    21/10/2019 à 19:57 4

  • La Cour des mirages

    Benjamin Dierstein

    7/10 Une lecture forte, très, souvent éprouvante où le style haché, répétitif, parfois (souvent ?) horripilant vous fait hésiter à poursuivre, mais pas le choix, le rythme nerveux voire enfiévré par moments, vous empoigne par le col et vous entraine dans ces 800 pages que j’ai avalées sans rechigner ou presque. Les deux personnages principaux de flic sont au bout du rouleau et du précipice, contraints à l’illégalité pour chasser des ordures de la pire espèce, deux flics psychologiquement détruits en plein hors piste, même aux confins de la démence.
    Tous les autres policiers sont en retrait, et les salauds, nombreux, ressemblent à des robots, des zombies. J’ai contenu deux-trois poussées de rage et des envies de vendetta. Comme quoi, l’auteur a réussi son coup même si j’ai quelques réserves sur la forme très Ellroyienne (sans être certain s’il y avait moyen de faire autrement, sensation bizarre que je ne peux expliquer).
    Tout ceci, c’est de la fiction, certes, mais qui sonne abominablement, effroyablement réaliste, à vous dégouter de l’être humain.
    Tout est noir, abject, immonde, pourri jusqu’au trognon dans toutes les corporations (politique, et police) et ses combines merdiques, bref, un livre sans espoir doublé d’un uppercut dans la tronche et dans l’estomac. L’auteur ne nous ménage en rien, mais ne se paluche pas exagérément dans les détails scabreux ; pas la peine, c’est suffisamment pénible comme ça.
    Mais c'est un roman réussi, je ne regrette pas ma lecture ni ne conteste le talent de l’auteur (faut un minimum de savoir faire - et quel p***** de travail de documentation, juste colossal !), mais, n'étant pas habitué à ce genre de livres, je ne suis pas prêt de recommencer l’expérience de sitôt.

    11/12/2022 à 20:23 6

  • La Maison où je suis mort autrefois

    Keigo Higashino

    7/10 Une réussite.
    Ecriture simple, rebondissements bien dosés, intrigue captivante.
    On peut faire un thriller efficace et surprenant sans recourir au gore et à la surenchère (qui servent souvent à masquer bien des défauts).
    J'ai acheté deux autres romans de cet auteur.

    24/12/2017 à 17:01 5

  • La Petite Gauloise

    Jérôme Leroy

    7/10 Ce court roman (ou cette longue nouvelle) ressemble un peu à un conte, une fable. Mais une fable sombre, plus que sombre, nihiliste, fataliste.

    Les "+" :

    - Le format : 140 pages. C'est parfait. Plus long, cela aurait pu lasser (c'est quand même très désespérant)
    - Le style. Un modèle d'efficacité pour brosser des portraits et des situations. Une écriture à l'os, percutante, qui va à l'essentiel. Du haut niveau.
    - L'humour. Acide, mordant. Aussi jubilatoire qu'inconfortable.

    Les "-" :

    - Les 20 dernières pages. Dans l'Algeco, ça flirte avec l'exagération (deux jeunes qui pensent à violer deux filles alors que des terroristes sont dans l'école, mouais).
    - Par moment, cette absence d'émotion rend le récit et les protagonistes comme désincarnés. Mais d'un autre côté, ça sert aussi le propos, cette froideur mécanique, ce vide émotionnel.
    - La répétition des noms peut s'avérer gênante par moment.

    Conclusion :

    Le parti pris de l'auteur est assez radical. On aurait aimé plus de nuances. Mais, la plume est acérée, l'humour noir, le sujet glaçant et d'une résonance terriblement d'actualité.

    29/06/2018 à 23:59 5