El Marco Modérateur

3271 votes

  • La Glace

    John Kåre Raake

    8/10 Anna Aune, trente-six ans, ancienne militaire, est missionnée pour accompagner Daniel Zakariassen, soixante-treize ans, pendant neuf mois au pôle Nord. Leur objectif : collecter des données afin de décrire les effets du réchauffement climatique sur a banquise. Mais un jour, le séjour tourne au cauchemar : une fusée de détresse, et les voilà qui viennent en aide à une base chinoise. Sur place, une dizaine de cadavres. Qui a fait ça et pourquoi ? Le ou les meurtriers tenaient probablement à dissimuler un secret, et la vie d’Anna et de Daniel n’est probablement que le cadet de leurs soucis.

    John Kåre Raake, dont il s’agit ici du premier roman, livre un thriller de premier ordre. Prenant l’Arctique comme décor, l’auteur décrit avec beaucoup de talent et de maîtrise cet environnement à la fois sublime et profondément hostile à la vie humaine. Dans le même temps, l’écrivain sait ce dont il parle : les techniques scientifiques, les méthodes de survie en ces lieux sauvages ainsi que les enjeux de pouvoir qui peuvent s’y déchaîner nous sont rapportés avec efficacité, sans jamais que ces éléments ne deviennent une démonstration scolaire ou pénible. Anne Aune, en ancienne sniper ayant notamment œuvré en Syrie face à l’Etat Islamique, devient rapidement une protagoniste qui attire la sympathie et dont le parcours de vie, fragmenté puis brisé, intrigue : John Kåre Raake nous livre, au compte-goutte, des informations à son sujet via des flash-back qui viennent émailler le récit, depuis sa terrible blessure par balle à sa rencontre avec le bel humanitaire Yann Renault, jusqu’au final, éprouvant et poignant. L’histoire de ce livre est très bien charpentée, hautement visuelle et cinématographique – le fait que l’auteur est scénariste n’y est certainement pas étranger, avec des cliffhangers à la fin de nombre de chapitres. Une aventure dure et âpre, où il sera question de découvertes sous-marines aptes à attiser la convoitise de pays ainsi que d’un drame ayant eu lieu une soixantaine d’années auparavant et qu’il faut à tout prix effacer pour de bon. Si l’auteur cède parfois à quelques facilités, notamment lors de scènes plutôt improbables, il n’en demeure pas moins que son opus est particulièrement réussi : pas le moindre temps mort, de multiples rebondissements, et un voyage au pôle Nord qui se dévore plus qu’il ne se lit.

    Voilà un très bon page-tuner, presque l’archétype de ce que doit être un thriller qui emprunte les codes américains du genre tout en proposant une intrigue originale, un cadre fort et des personnages marquants. Dans le genre, assurément une réussite.

    26/01/2022 à 07:05 6

  • Quand me tues-tu ?

    Jean Laborde

    8/10 … ou les mésaventures de Léonard et d’Eléonore Boulainvilliers, un jeune couple, dont les deux membres veulent chacun toucher l’assurance-décès du conjoint en assassinant ce dernier, mais qui s’y prennent si mal – et sont tellement malchanceux – que les cadavres s’accumulent autour d’eux. Empoisonnements ratés, quiproquos, erreurs de jugements et de timing, acharnement du sort qui tient absolument à ce que ces deux Pieds Nickelés du crime conjugal s’en sortent, et un duo de policiers enquêtant sur ce ménage tourmenté qui n’en revient pas d’une telle folie meurtrière. Un très bon moment de lecture, enthousiasmant au possible, au gré de ce jeu de massacre jubilatoire et autres chantages, surtout quand la tante et l’oncle s’en mêlent. Un style simple, au cordeau, sans la moindre description de lieux, centré sur les péripéties jouissives de ces deux guignols, finalement encore amourachés au point de douter de leur propre volonté de toucher le jackpot. Je finis presque par m’étonner que ce livre réjouissant datant de 1965 n’ait pas été adapté au cinéma, peut-être agrémenté de dialogues de Michel Audiard, avec à la manœuvre un réalisateur comme Georges Lautner ou Henri Verneuil.

    01/10/2017 à 19:36 2

  • Café Quinquin

    Jean-Louis Lafon

    7/10 Dans le quartier populaire de Moulins, à Lille, un incendie détruit des habitations ainsi qu’une institution locale, le Café Quinquin. Des familles déshéritées se retrouvent dans la rue, sans toit ni perspective de relogement rapide. Alors on se met à parler. Parfois à raison, parfois à tort. On ressasse l’insalubrité endémique de la zone, même si le bailleur avait été rappelé à l’ordre. On évoque ces étranges ombres croisées dans la pénombre, la veille du drame. On met en cause un possible trafic des compteurs d’électricité. Nul ne détient la vérité avec certitude. Mais peut-être que la découverte d’un cadavre fera jaillir les évidences…

    Premier ouvrage de Jean-Louis Lafon paru chez Ravet-Anceau, ce Café Quinquin est un très agréable roman. La plume de l’auteur est élégante, très plaisante à lire, et l’on plonge sans retenue dans ce microcosme que constitue le secteur de Lille-Moulins. Ses divers habitants sont dépeints avec beaucoup d’humanité, depuis les locataires en grande difficulté pécuniaire jusqu’aux travailleurs sociaux, en passant par quelques hommes d’affaires peu scrupuleux. Le combat social de Jean-Louis Lafon y est total et sincère. Le tableau qui est fait des personnages compose d’ailleurs la qualité essentielle de ce livre : malgré quelques traits parfois un peu épais, l’aspect sociologique de ce drame est une réussite. On se souviendra par exemple longtemps de Camamber, ainsi surnommé en raison de l’odeur qu’il répand, fieffé buveur, au comportement magmatique, et s’exprimant en ch’ti. La catastrophe viendra mettre en relief les embarras de la population et, dans le même temps, une formidable solidarité locale. L’intrigue policière est en soi intéressante, sans pour autant être remarquable ; on devine assez vite qui sont les coupables, ou tout du moins dans quel groupe ils se situent.

    L’objectif de Jean-Louis Lafon est atteint : croquer un drame social avec une histoire policière en arrière-plan. Voilà un roman engagé très réussi, peuplé d’êtres humains dessinés avec une évidente affection, et bien écrit.

    13/01/2013 à 18:39

  • Killing Kate

    Alex Lake

    7/10 Kate Armstrong a peur. Dans sa ville de Stockton Heath, un tueur en série sévit. Il étrangle, énuclée et viole ses victimes… Des femmes qui ressemblent toutes à Kate. Sera-t-elle sa prochaine victime ?

    Derrière le pseudonyme d’Alex Lake se dissimule un « écrivain britannique à succès », proclame la maison d’édition. Ici, l’auteur joue à plein la carte de la crédibilité, sans fioriture ni grands effets littéraires. Une écriture simple, sans recherche particulière, donnant à voir des personnages communs – sans que ce terme ne soit péjoratif. Mais ce sont les circonstances qui le sont moins : un tueur en série, visiblement en chasse après des dames étant presque les sosies de l’avocate Kate. Est-elle au centre des préoccupations du monstre ? N’est-ce qu’un hasard ? Une machination ? Kate, après avoir tout juste quitté Phil, son compagnon depuis dix ans, se demande si ce dernier ne serait pas l’assassin, poursuivant ainsi une œuvre de vengeance à l’égard de celle qui l’a abandonné. La peur va alors s’emparer d’elle, avec une paranoïa croissante, et des pans du passé se révéler, faisant le lien avec le court prologue intitulé « Quatre Filles dans le Vent ». Si certains passages sont un peu lents et desservis par un style réduit à sa plus simple expression descriptive, Alex Lake réserve néanmoins une belle surprise quant aux motivations du serial killer, grâce à une pirouette assez habile. Même si on a déjà vu ce subterfuge auparavant chez des écrivains aussi variés que Georges Simenon ou Lee Child pour ne citer qu’eux, à défaut d’être novatrice, cette ficelle est ingénieuse et inattendue.

    Un roman à suspense bien mené, intéressant, même si des scènes auraient gagné à être plus échevelées, sombres ou approfondies, pour un ouvrage à réserver en priorité aux fans de Mary Higgins Clark pour son côté sentimental et au traitement finalement assez sage.

    20/11/2019 à 17:14 1

  • Haumont 14-16 : L'or et la boue

    Christophe Lambert

    7/10 Un roman très habile et prenant, conjuguant une plongée joliment documentée sur le front de la Première Guerre mondiale et une chasse au trésor. De bien jolies réflexions quant à l’amitié, le bellicisme acharné, et un témoignage, certes fictif, sur les horreurs du front.

    24/12/2015 à 08:50

  • Papa, Maman, mon clone et moi

    Christophe Lambert

    7/10 Un roman particulièrement court (trente-cinq pages bien aérées) pour une intrigue intelligemment bâtie. Une réflexion intéressante pour les jeunes quant à l’existence humaine, le libre arbitre, et les enjeux du clonage.

    12/02/2016 à 08:40

  • Petit frère

    Christophe Lambert

    8/10 Un bon petit ouvrage, thriller fantastique, ou comment une famille, après le décès de leur fils de dix ans suite à une noyade accidentelle dans une piscine, en vient à porter ses espoirs en le faisant cloner puis grandir artificiellement dans une sorte de matrice, au sein d’un village isolé et surprotégé dans le désert américain. Christophe Lambert a signé un ouvrage court, où les premières pages placent d’entrée le couple Martin et leur fille Kimberley face à la mort de David. Une écriture soignée, parfois émouvante, toujours juste, et une série de réflexions pertinents et intelligentes, à la hauteur des jeunes consciences auxquelles s’adresse le roman, en plus de son lot de suspense. Parfois, le trait est un peu trop appuyé, et sans nécessité aucune (le côté raciste de cette chapelle scientifique), mais l’ensemble du livre est un véritable régal, alliant des références adéquates voire nécessaires aux pratiques sectaires, à la famille, au deuil et à la question centrale : jusqu’où est-on prêt à aller pour l’amour de son enfant ?

    09/08/2018 à 23:51 2

  • L'Homme aux babioles

    Julien Lambert

    8/10 Une bien curieuse histoire que celle de ce Jacques Peuplier, détective privé d’un genre assez particulier. Solitaire et cradingue, sa spécialité est de retrouver des objets perdus ou volés, et il est aidé en cela par un don singulier, celui de pouvoir entendre ce que lui disent les objets. Mais en ville, plusieurs affaires se côtoient : celles concernant Jacques, un gamin dont le passe-temps est de capturer des insectes volants pour les revendre aux frères Monk, un individu ailé qui semble capturer une femme (Christina) dès la troisième page, etc. Une histoire vraiment atypique, prenante, où je me suis laissé capturer par le récit et les graphismes si particuliers (donnant l’impression d’être bruts de décoffrage alors qu’ils sont en réalité, à mes yeux, beaucoup plus travaillés que ne le laissent penser les apparences). En outre, quand s’achève ce premier tome, il y a eu des réponses (ou du moins partielles), mais aussi des questions qui restent en suspens (comme le devenir du pouvoir de communication de Jacques). Une BD très réussie, qui tranche avec ce que j’ai pu lire jusqu’à présent, et qui donne furieusement envie de lire le tome suivant (qui sera également le dernier, puisque c’est un diptyque).

    13/04/2020 à 14:24 1

  • La Mort sous enveloppe

    Maurice Lambert

    6/10 L’inspecteur Machard, de la brigade mobile, enquête sur un fait divers sans grand intérêt : le vol de 200000 francs. Déjà que ça ne l’emballe pas plus que ça, mais en plus à Beauvais et sous la pluie ! Mais voilà, une fois sur place, notre policier découvre que Lucien Leroy, l’homme spolié, a été assassiné, empoisonné à la strychnine. Dès lors, son fils, René, sa furie de sœur Angélique ainsi que ses trois principaux amis deviennent les suspects privilégiés.
    Une nouvelle agréable, sans grande prétention, et qui fait passer un agréable moment. Machard est un enquêteur observateur, gentiment bougon, capable de légers coups de sang, prêt à faire des planques, et qui soliloque. Il va devoir affronter un cocon d’êtres peu aimables (ou qui pourraient l’être), où l’appât du gain compose un mobile classique mais efficace. L’idée de la lettre soi-disant vierge, en réalité écrite à l’encre sympathique, est bienvenue, mais le dénouement laisse assez perplexe : l’identité du tueur devient vite évidente, et le fait qu’il ait commis deux telles bourdes (en laissant des empreintes digitales sur la lettre et en la postant du lieu où il se trouvait), confine à la bêtise la plus crasse, à moins que l’auteur, Maurice Lambert, n’ait voulu souligner, sans le dire, le côté non machiavélique du criminel. Bref, rien d’extraordinaire ni de mémorable, mais ça n’en reste pas moins plutôt plaisant.

    06/07/2021 à 18:30

  • Apokalypse

    Patrick-Jérôme Lambert

    7/10 Il est difficile, devant ce genre d’ouvrage, de bouder son plaisir. Même si des poncifs ainsi qu’un manque d’austérité pourront nuire aux yeux de certains lecteurs, l’essentiel, voire plus, est bien présent : on ne s’ennuie pas un instant. Un bien bon moment de lecture, à la fois décomplexée et paradoxalement porteuse de réelles questions quant à la puissance nuisible des sectes.

    26/08/2012 à 10:47

  • Aux Portes de l'enfer

    Andrew Lane

    8/10 Il s’agit du quatrième opus de la série consacrée aux premières aventures de Sherlock Holmes écrite par Andrew Lane. On y retrouve un Sherlock adolescent déjà très hardi, sagace et doué pour observer les indices afin d’échafauder de solides théories. Comme dans les autres épisodes, on le voit avec plaisir entouré de Matty, jeune gamin des rues si aventureux, Rufus Stone, son tuteur aux allures de grognard qui lui inculque, entre autres, l’art du violon et du déguisement, ainsi que d’autres personnages tout aussi attachants. Ici, Sherlock ne va pas mener une ou deux investigations, mais trois, à la fois successives et en même temps enchevêtrées. L’extorsion de la domestique va le mener à découvrir une vendetta lancée contre Virginia et Crowe – vengeance remontant à l’époque où ce dernier était encore chasseur de primes, qui elle-même lui fera prouver l’innocence de la sœur d’un redoutable chef de gang. Andrew Lane connaît de toute évidence le public auquel il s’adresse et sait le tenir en haleine avec de malins jeux de piste, rébus et autres petits sortilèges pour l’intellect. Les pages défilent presque d’elle-même, nous faisant croiser des individus sordides comme Harkness, à la fois maître chanteur et tanneur, Scobell, qui en veut tant à Crowe, ou Macfarlane, leader d’un groupe de bandits.

    Avec ces trois enquêtes pour le prix d’une, Andrew Lane nous comble, d’autant qu’elles sont réussies et prenantes. Et les fans se réjouiront d’autant que le premier chapitre du cinquième épisode, encore inédit en France, Snake Bit, nous dévoile un malheureux Sherlock Holmes coupé des siens, apparaissant comme par magie sur un navire voguant vers la Chine et où l’attend un mystérieux serpent capable de tuer de son venin trois cibles différentes en même temps et en trois lieux différents (cf. la couverture du roman en langue anglaise).

    08/09/2015 à 20:00

  • L'Ombre de la mort

    Andrew Lane

    7/10 Sherlock Holmes n’est encore que bien jeune quand il est extrait de son pensionnat pour rejoindre la maison de ses oncle et tante. Sur place, il se lie d’amitié avec Matty Arnatt, un gamin des rues, qui lui narre une étrange histoire : il a été le témoin d’un mystérieux nuage quittant un appartement où venait d’être commis un meurtre. Puis ce sont d’autres morts brutales, apparemment liées à une maladie monstrueuse, qui vont avoir lieu.

    En proposant une jeunesse, et donc un second souffle au personnage de Sherlock Holmes, le célébrissime limier créé par Arthur Conan Doyle, Andrew Lane s’était lancé un défi phénoménal. Au gré du premier opus de cette série, l’auteur propose une histoire très intéressante, prenante et bien menée, où sa plume régale le lecteur. Les ambiances, lieux et coutumes sont parfaitement retranscrits, et l’on suit avec un plaisir réel l’enquête d’un juvénile Sherlock. D’ailleurs, l’épilogue, avec la mention de la Chambre du Paradol, est une invitation à suivre ses prochaines aventures. L’investigation est intelligente, mais l’on ne regrette finalement qu’un seul point : c’est le manque relatif de panache intellectuel de Sherlock : beaucoup des observations, déductions et autres finesses cérébrales sont souvent plus dues à son tuteur Crowe, qu’à lui. Certes, on ne pouvait probablement pas demander à Andrew Lane d’en faire, dès son jeune âge, un être déjà perspicace et brillant comme il le sera à sa période adulte, au risque de casser toute crédibilité. Cependant, il convient de rappeler que cette saga est destinée à la jeunesse et doit donc demeurer accessible.

    Avec ce héros en quelque sorte réinventé, Andrew Lane réussit son challenge, dès lors que l’on garde à l’esprit qu’il est là pour des lecteurs encore novices en matière de littérature policière. Ces derniers pardonneront donc sans mal à l’auteur ce que des adultes pourront considérer comme une hérésie, et poursuivront cette série qui se montre immédiatement attachante, avec son protagoniste intrépide et son écriture visuelle.

    02/10/2013 à 20:26

  • Juillet de sang

    Joe R. Lansdale

    9/10 Richard Dane, encadreur, mène une vie tranquille avec son épouse et son fils. Un cambrioleur pénètre chez lui, et Richard le tue en état de légitime défense. Les policiers ne doutent pas de sa version des faits, tout est si clair que l’affaire est classée. Mais le père du voleur vient rôder près de la famille Dane. Trame-t-il une vengeance ? Et si toute cette histoire était encore plus compliquée que prévue ?

    Avec son style inimitable, Joe R. Lansdale sait surprendre le lecteur. De prime abord, tout a déjà été écrit, voire vu au cinéma. Pourtant, l’auteur a organisé de solides rebondissements qui sauront électriser le récit. À partir de personnages simples et crédibles et pourtant denses, Joe R. Lansdalea su bâtir un scénario prenant. L’ensemble y sonne juste, presque inspiré d’un énième fait divers, avant de se catapulter dans une direction absolument inattendue. Et là, une nouvelle magie opère. Les mots claquent, le suspense s’accroît, et de nouveaux protagonistes apparaissent, dont un détective privé, Jim Bob, inénarrable d’humour et d’efficacité. Le roman en vient à conjuguer les qualités du thriller bien sombre et de la cocasserie dans les dialogues, tout en conservant une ferme base de crédibilité.

    Un roman étonnant et singulier, divertissant au possible, où la délassement engendré s’allie à la nécessaire réflexion quant à la légitime défense et aux responsabilités familiales, comme indiqué avec autant de concision que de pertinence dans les dernières lignes.

    22/09/2014 à 18:52 7

  • Les Enfants du rasoir

    Joe R. Lansdale

    5/10 Becky et Monty décident de prendre quelques vacances au bord d'un lac, leur couple battant de l'aile depuis que la jeune femme a été victime d'un viol. Mais si le responsable s'est suicidé en prison en se pendant, un de ses anciens acolytes, Brian, un adolescent au comportement monstrueux et atterré par la disparition de son ami, est fermement décidé à faire payer à Becky sa part de responsabilité. D'autant que cette dernière commence à vivre des cauchemars étranges qui s'apparentent fortement à des visions prémonitoires…

    Auteur principalement de romans noirs et de thrillers, Joe R. Lansdale s'essaie ici au thriller fantastique, dans une veine que ne renierait pas Stephen King. Le roman est court et enlevé, le style concis et vif, et l'ensemble se lit rapidement sans que le lecteur n'ait le temps de décrocher. Malheureusement, Joe R. Lansdale tombe souvent dans la facilité, avec une certaine complaisance dans les descriptions crues, du sexe à la violence. Par ailleurs, malgré d'indubitables qualités, le lecteur ne trouvera que peu de rebondissements et de surprises, en dépit d'une linéarité du récit brisée par les flash-back et l'alternance de points de vue. De même, l'emploi de l'élément fantastique est sous-exploité pour n'être que saupoudré, d'où cette impression tenace de manque ou d'inachèvement.

    Au final, Les enfants du rasoir est un thriller correct, sans plus, qui se lira rapidement mais s'oubliera à la même vitesse.

    21/04/2009 à 10:14 2

  • Les Marécages

    Joe R. Lansdale

    9/10 Dans les années 1930. Harry est le fils du constable – le représentant local de la loi – dans une petite bourgade où s'entrechoquent de bien tristes réalités, principalement le racisme ordinaire attisé par le Ku Klux Klan et la Grande Dépression économique. Un jour qu'il se promène dans les marécages limitrophes, Harry croise la route de l'Homme-Chèvre, un être légendaire qui rôde la nuit, et découvre le corps atrocement mutilé d'une femme noire, bâillonnée avec des fils barbelés. Qui est le meurtrier ? Un ancien soldat de la Première Guerre Mondiale n'ayant pas réussi à se reconvertir dans la vie civile ? Un "ambulant", c'est-à-dire un tueur en série sans que l'on sache à l'époque cerner les profils psychologiques de ce type de meurtriers ? Un hobo, un errant profitant en toute clandestinité des trains pour se déplacer ? Le crime ne suscite pas de véritable émoi chez la population en raison de la couleur de peau de la victime, mais l'enquête prend une toute autre envergure quand on découvre le cadavre d'une femme blanche…

    Auteur de romans noirs et de thrillers ainsi que d'un roman fantastique, Les enfants du rasoir, Joe R. Lansdale livre avec Les marécages une œuvre forte et prenante. L'ambiance des années 1930 est parfaitement rendue, les personnages sont nombreux et savoureux, et l'intrigue très bien menée. Alternant les moments d'investigation pure avec les ébauches du profilage, l'émotion avec la pure terreur, l'écrivain parvient à maintenir en haleine le lecteur et ce jusqu'aux dernières pages. Par ailleurs, au-delà du suspense savamment entretenu, ce qui retient l'attention demeure la dimension humaine des protagonistes, et plus particulièrement ceux de la famille d'Harry : cette quête fera entrer le garçonnet dans le monde brutal et cynique des adultes, quête dont il ne sortira pas indemne. C'est enfin une remarquable dénonciation du racisme, faite de manière intelligente et poignante, au point que certaines scènes ne pourront qu'émouvoir le lecteur.

    Au final, Les Marécages est un remarquable roman, à la fois barbare et touchant, qui marquera durablement les esprits.

    13/09/2009 à 18:04 5

  • Un Froid d'enfer

    Joe R. Lansdale

    6/10 Bill Roberts et deux de ses amis attaquent un vendeur de pétards pour lui voler son argent. Malheureusement, l’opération tourne au désastre : le commerçant est tué, leur voiture est victime d’un accident de la route, les deux camarades de Bill trouvent la mort et le shérif qui s’était lancé à leur poursuite se tue accidentellement. Le sort semble décidément s’acharner sur Bill dont le visage est complètement déformé par des piqûres de moustiques. C’est alors qu’il tombe sur un cirque itinérant regroupant des montres de foire ainsi qu’une beauté sculpturale : Gidget.

    Un froid d’enfer est le prototype même du roman noir à l’ancienne, avec ses personnages si particuliers : le criminel raté et malchanceux, la femme fatale, une situation qui échappe complètement aux protagonistes… Sur ce canevas, Joe R Lansdale a bâti un roman très original dans sa forme : le vocabulaire employé par l’auteur est direct et argotique, avec des scènes de sexe décrites de façon très crue. Les personnages des « freaks » sont marquants : l’homme-chien, l’homme des glaces, les siamois, la femme à barbe, exploitant les clichés du genre tout en donnant aux individus de fortes personnalités. L’humour et le cynisme de l’auteur font des merveilles, donnant parfois au récit un ton décalé et parodique qui ravira les fans du genre.

    Pour conclure, Un froid d’enfer est un bon roman noir, un peu trop classique pour ce qui est du fond, mais insolite dans la forme, offrant aux fans du genre un agréable moment de lecture.

    11/03/2008 à 15:15 1

  • Sous la pluie

    Antonio Lanzetta

    7/10 Matteo n’est plus. Il repose à la morgue, le visage presque entièrement soufflé par le tir d’une arme à feu, et son frère, Nicola, policier, ne peut que pleurer l’absence. Matteo était un être assez fragile, homosexuel, au physique à la limite du féminin, et l’écrivain qu’il était paraissait avoir du mal à écrire son deuxième opus après le succès du premier. Qui l’a tué ? Et pourquoi ? La piste d’un petit malfrat, peut-être son ancien amant, semble être la bonne, mais Nicola, menant l’enquête en parallèle des carabiniers officiellement mandatés pour le faire, n’est pas au bout de ses surprises.
    Je découvre Antonio Lanzetta avec cette nouvelle que je trouve réussie. La concision du récit sert l’entame de l’intrigue, où les découvertes et rebondissements se multiplient. La langue de l’auteur est à la fois belle, sombre, tout en se ruant à l’essentiel. Nicola va ensuite découvrir l’envers du décor, en plongeant notamment dans le passé de son défunt frère, depuis ses failles existentielles jusqu’à son appétit d’écriture, en passant par certaines informations insoupçonnées. Le cœur de l’intrigue ne révolutionne clairement pas le genre – il en vient même à cumuler plusieurs éléments dont aucun n’est clairement novateur tant ils ont été exploités au cinéma, à la télévision et en littérature, mais la puissance de percussion et la plume d’Antonio Lanzetta m’ont néanmoins séduit. Une agréable nouvelle, noire au possible, et qui se distingue selon moi plus par sa forme que par son fond, ne trouvant l’explication du titre que dans les toutes dernières lignes.

    05/07/2020 à 19:43 2

  • L'Africaine du Havre

    Léo Lapointe

    7/10 Une vieille femme, héritière d’une immense fortune, est découverte morte dans son appartement du Havre. La malheureuse se trouvait dans sa baignoire et était probablement décédée depuis des jours, voire des semaines. À ses côtés, sa dame de compagnie, une énigmatique Africaine qui semble se prénommer Janet, sans âge ni passé, dont les voisins ne savent strictement rien. Le fils de la morte, un promoteur immobilier, avait tout intérêt à ce que sa mère décède rapidement pour éponger ses dettes. Il faudra l’entraide d’un jeune policier et d’une journaliste aventureuse pour dénouer les fils d’une intrigue plus complexe que ne le laissent augurer les apparences.

    Quatrième ouvrage de Léo Lapointe après Le Vagabond de la baie de Somme, La Tour de Lille et Mort sur la Lys, cette Africaine du Havre débute comme un drame social. Une Noire, méprisée par les commerçants et habitants du Havre, pour ainsi dire recluse dans l’appartement qu’occupe son employeuse, confite dans l’indigence et le silence. Le récit est court, environ cent soixante pages, et Léo Lapointe sait planter rapidement un décor et des personnages, même si la concision de l’ouvrage l’empêche d’approfondir les caractères des personnages. Une énigmatique servante, une dame âgée décédée mystérieusement, et un fils qui ne pouvait rêver mieux que le trépas de sa génitrice : les protagonistes, et donc les suspects potentiels, sont très peu nombreux. L’intrigue semble donc aisée à résoudre, au moins de prime abord. Cependant, Léo Lapointe a axé son histoire tout autant sur l’aspect policier que sur sa dimension sociale. Par transparence, c’est également le procès ordinaire du racisme qui s’y tient, du plus ordinaire – les ragots et commentaires à l’encontre de Janet sont à cet égard féroces – jusqu’au plus élaboré, à travers notamment l’analyse des réseaux d’immigration clandestine. La charge de l’auteur à l’encontre des politiques migratoires et du comportement des citoyens français est bien sentie, mais elle pâtit souvent d’un trait forcé, au point que Le Havre, ses boutiques et son commissariat ne semblent être peuplés que de xénophobes : un peu plus de mesure ou de finesse n’aurait pu que servir les propos de Léo Lapointe. Néanmoins, le message, certes outré, passe, notamment grâce à la plume si élégante et lapidaire de l’écrivain. Par ailleurs, le final réserve un rebondissement surprenant et intelligent, conséquence désespérante de la misère humaine.

    Voilà un roman qui tient tout autant du pamphlet sociétal que du polar. Si les traits de sa plume sont parfois un peu trop appuyés, Léo Lapointe convainc néanmoins grâce à un rythme narratif soutenu et un scénario original.

    07/02/2012 à 20:17

  • Sauvage Marquenterre

    Léo Lapointe

    8/10 Un corps vient d’être découvert dans le parc du Marquenterre. Malgré les atroces blessures laissées sur le cadavre par les sangliers, son identification aboutit rapidement : Casimir de Waben, un homme d’affaires qui allait faire construire dans les parages un grand complexe hôtelier. C’est à l’adjudant de gendarmerie Paul Beauvillain que revient la tâche d’éclaircir ce crime. Et les suspects ne manquent pas…

    Après Le Vagabond de la baie de Somme, nous retrouvons Beauvillain dans cette nouvelle enquête. Toujours à la plume, Léo Lapointe nous enchante. Une écriture exquise, un pur bonheur, où l’on sent sans le moindre mal l’amour de l’auteur pour cette région si farouche, et qui recèle de bien étranges personnages. Puisque l’on parle de ça, les suspects sont nombreux : le meurtre serait-il l’œuvre de militants écologistes opposés à l’édification de l’hôtel ? Un des nombreux salariés ? Un membre de la concurrence ? Et que dire de ce mystérieux ermite qui hanterait les lieux ? Avec l’aide de son ami et collègue, le brigadier Bernard Tarteron, surnommé TdB, Beauvillain devra déployer des trésors d’intelligence et de pugnacité pour remonter la piste de l’assassin. Un véritable nœud où se croisent des intérêts contradictoires, depuis la préservation de l’environnement jusqu’à l’appât du gain. Un roman très procédural, ancré sur le quotidien très crédible et détaillé d’un OPJ, avec les protocoles, les procédures, les interrogatoires, l’épluchage intensif et minutieux des indices. Un entrelacs où Léo Lapointe sait semer des dialogues amusants, voire savoureux, et glissant quelques clins d’œil, comme ces protagonistes portant des noms d’autres auteurs et certainement des amis à lui (Jean-Christophe Macquet, Michel Vigneron, J. Wouters ou Claude Vasseur), tous ayant publié des ouvrages chez Ravet-Anceau. Un récit fort et prenant, plausible de bout en bout, réservant quelques belles scènes, comme cette attaque de goélands contre laquelle l’adjudant doit user de son arme de service pour protéger ce qui reste d’un cadavre, ou ce moment éthéré, presque touché par la grâce, au cours duquel il voit un François d’Assise moderne en pleine communion avec des oiseaux.

    Un roman à suspense maîtrisé et attachant, qui se conclut sur une belle page, poignante, de cavale avortée.

    18/07/2019 à 22:52 2

  • Le Mystère du cercle rouge

    Maurice Laporte

    7/10 La collection André Renard est en vente à l’Hôtel Drouot. Cet ancien diplomate, enrichi subitement par le décès d’un riche oncle, a fait l’acquisition de nombreuses toiles de maîtres, mais celle qui déchaîne les passions, c’est une malheureuse croûte sans titre ni auteur, qui tombe finalement pour cinq cent mille francs ! Le commissaire Labart, présent dans la salle, est dubitatif, mais il l’est encore davantage quand l’acheteur, un Japonais, est aussitôt retrouvé mort tandis que le tableau a disparu. L’ombre de Théodore Rouma, cambrioleur aimable et avateur d’Arsène Lupin, n’est guère loin…
    Au programme de cette nouvelle joliment troussée : une histoire d’espionnage, un enlèvement, un amateur de courses hippiques, un mystérieux « code Z », un ministre des affaires aux abois, et pas mal de manipulations, pièges et autres usurpations d’identité. Le héros, Rouma, est bien sympathique dans son rôle de justicier détestant le sang ainsi que les armes à feu. Si l’ensemble est très agréable à lire et à suivre, je regrette en revanche que ce fameux Rouma n’apparaisse (sous sa véritable identité) que trop peu, et que son personnage soit trop proche de celui d’Arsène Lupin, ratant donc un peu le coche d’une forme d’originalité.

    11/11/2021 à 07:41 1