El Marco Modérateur

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  • Le gourou des Terres Froides

    Nicole Provence

    8/10 Dans sa jeunesse, Graziella a été la victime d’un gourou qui l’a, comme tant d’autres enfants appartenant à la secte, violée. Adulte, elle a ourdi des représailles contre le fils du monstre qui s’apprête à être jugé aux assises. Par ailleurs, un mystérieux « homme en gris » a lui aussi décidé que la justice des hommes serait insuffisante pour châtier le leader pédophile.

    Nicole Provence signe un habile roman policier chez l’éditeur Ravet-Anceau. D’entrée de jeu, le décor est posé : les personnages sont adroitement décrits et auscultés, entre enfances ravagées et espérances d’un avenir apaisé. La plume de l’auteur est belle, souvent poétique lorsqu’elle dépeint les paysages du Nord Isère, et fait la part belle aux émotions humaines. Le suspense est bien maîtrisé, et les pièces du puzzle se mettent lentement en place. Par moments, on regrette quelques faiblesses, comme le fait que la secte ne soit que lapidairement exposée et dont on n’obtient finalement que des contours alors qu’une plongée dans ces ténèbres auraient pu être mémorables, et d’autant plus efficaces qu’elles conditionnaient le désir de vengeance de Graziella.
    Cependant, dans les derniers chapitres, le livre prend une tournure remarquable, glaçante : il y a, dans l’histoire de Nicole Provence, des accents de tragédie grecque, plongeant les protagonistes en même temps que le lecteur dans un drame profond et sinistre particulièrement marquant. Viennent les ultimes pages, très touchantes, où la rédemption naîtra des flammes vengeresses.

    Le Gourou des Terres Froides est donc un ouvrage saisissant, où les dernières pages compensent sans mal les quelques modiques lacunes de l’histoire. Indéniablement, Nicole Provence a signé en 2007 un très bon roman, sans scène pétaradante ni outrancière, où le noir est une couleur.

    12/01/2012 à 19:09

  • Le Goût des Oiseaux

    Julia Wallis Martin

    7/10 Un bon polar psychologique, bien mené malgré quelques longueurs parfois et un petit manque de suspense quant à l'identité de l'assassin.

    12/01/2006 à 09:14

  • Le goût mortel de la pluie

    Michael Prescott

    3/10 En pleine saison des pluies à Los Angeles, un homme capture des femmes avant de leur demander d'écrire une demande de rançon à la ville, de les tuer puis de placer leurs cadavres dans les tunnels d'évacuation des eaux pluviales. Deux femmes que tout oppose vont alors se mettre à traquer ce tueur que l'on surnomme Rain Man : Tess McCallum, agent du FBI en lutte contre sa hiérarchie, et Abby Sinclair, "consultante en sécurité" engagée par une femme qui croit connaître l'identité de ce Rain Man. Malgré leurs caractères et leurs méthodes si différents, elles vont allier leurs forces pour arrêter ce serial killer si atypique.

    Malgré une idée de départ très intéressante, Michael Prescott n'est pas parvenu à écrire un roman de haute tenue. Les personnages - à part peut-être celui d'Abby Sinclair, détonnante et délurée - sont très convenus et sans épaisseur. Le récit est également émaillé de poncifs, tant au niveau des rebondissements très téléphonés que de la structure du livre. L'ensemble se laisse lire, mais sans émoi, sans éclat, et surtout sans âme, au point que l'on finit ce livre en énumérant difficilement les points positifs de ce roman. Au final, un thriller très banal que l'on oubliera rapidement une fois le livre achevé, les paupières alourdies par l'ennui.

    07/12/2007 à 17:18

  • Le grand amour du bibliothécaire

    Evelyne Brisou-Pellen

    6/10 … ou comment le gentil Fulbert, bibliothécaire dans le village de Tire-la-Chevillette, en vient à se transformer (et modifier ses pratiques professionnelles) quand il s’éprend de Rose-Marie, une jeune et jolie femme venue passer les vacances dans le bourg. Il faut dire que Fulbert, dans sa bibliothèque, n’a qu’un seul livre, sur le jardinage, et encore, relié par une grosse chaîne au mur afin qu’on ne puisse pas le lui emprunter. Fulbert trouve que « les livres ça fait désordre et ça prend la poussière », mais parce qu’il veut faire plaisir à Rose-Marie et l’attirer dans son antre, il va se mettre à acheter un autre ouvrage, puis un autre, etc. Autant le dire : c’est vraiment un opus pour les (très) jeunes lecteurs, en raison de son vocabulaire (simplissime), son sujet bien aimable, et sa concision (une quarantaine de pages, avec de grosses lettres et pas mal d’illustrations), et les adultes n’y trouveront probablement pas leur bonheur. En revanche, avec son humour (les doléances des cinq membres du conseil municipal face au maire sont cocasses), ses lapidaires péripéties (l’intervention de trois bandits qui en viennent à vouloir cambrioler la bibliothèque) et les amours complaisamment naïves entre Fulbert et Rose-Marie sauront séduire, d’autant que la morale de l’histoire, évident renversement de situation par rapport à celle du début, est vraiment réjouissante. Bref, c’est sympathique pour les débutants de la lecture, attachant et distractif, mais cela ne va guère au-delà pour les autres lectorats.

    01/04/2019 à 17:20 1

  • Le Grand Bob

    Georges Simenon

    8/10 Une histoire très humaine, ou comment le docteur Charles Coindreau apprend la mort par noyade de son ami Robert Dandurand, surnommé « le grand Bob », avant de se rendre compte que ce décès relève apparemment plus du suicide. Dès lors, il s’agit pour le toubib de comprendre qui était, sous ses allures de clown, réellement cet homme qu’il lui semble à présent ne pas avoir vraiment connu. Une belle histoire, constellée de flash-backs, avec la genèse du grand Bob aux yeux de tous, depuis sa rencontre avec celle qui deviendra sa femme, Lulu, et son refus de passer l’examen de droit, puis la trajectoire enclenchée vers ce qui deviendra sa réelle existence. Comme souvent chez Simenon, l’intrigue ne constitue pas le fondement de l’intrigue, du moins pas sa partie la plus importante. Tout y est « prétexte » à des rencontres, des échanges, des pans de vie exposés, des unions qui se font et se défont (un peu plus de références au sexe que dans les autres romans), et un chapitre final très émouvant. De belles réflexions sur l’existence, l’amour, l’abandon, le deuil, toujours portées et magnifiées par une écriture qui va à l’essentiel, où chaque mot est habilement choisi. Assurément pas un polar, bien évidemment, parfois étoilé de quelques digressions quant aux autres personnages (notamment les adultères du médecin), et que j’ai lu de bout en bout avec un plaisir égal et supérieur.

    10/09/2018 à 17:25 5

  • Le Grand Braquage

    Dashiell Hammett

    8/10 A Philadelphie, environ cent-cinquante malfrats se donnent rendez-vous, et deux banques sont cambriolées dans la foulée, avec un assaut en règle de la part de ces gangsters. Les coups de feu inondent la ville, des bandits ainsi que des policiers et des passants sont au tapis. Le détective de la célèbre Continental Detective Agency avait pourtant été prévenu par un indicateur, mais l'ampleur du hold-up dépasse de loin ses pires pronostics. Il devra alors faire appel à ses collègues pour retrouver le butin ainsi que le cerveau de l'affaire, alors que les truands n'ont pas fini de régler leurs comptes...

    Auteur pionnier du roman noir, Dashiell Hammett était une plume de premier ordre, à la fois inventive et hallucinante de férocité. Écrites en 1924, Le grand braquage suivi du Prix du sang constituent deux nouvelles très efficaces, typiques du style de l'écrivain. Les personnages sont bien troussés, les dialogues souvent très drôles, et les situations visuelles. Ici, pas de larmes, de protagonistes timorés : ça castagne à mains nues ou à l'aide de poings américains, ça défouraille à l'arme automatique, et les femmes sont tout sauf fragiles. Les décors sont plantés en quelques mots habilement choisis et l'essentiel de l'histoire se résume à des coups bas, des trahisons, et des fusillades échevelées. Quiconque aura lu La clé de verre retrouvera avec un plaisir inégalé la verve de Dashiell Hammett, son appétit pour les durs à cuire, et la pléthore de personnages sombres et virils qui n'ont jamais peur de prendre des balles, et encore moins d'en faire pleuvoir.

    Le grand braquage est donc un ouvrage emblématique de l'œuvre de Dashiell Hammett, à des années-lumière des héros tendres, vivant une quelconque empathie pour leurs congénères. C'est de l'action, du brutal, de la testostérone en barils. Et le lecteur ne pourra que trouver un plaisir jouissif à suivre cette nouvelle enquête du détective anonyme si cher à son génial géniteur.

    23/02/2011 à 10:30

  • Le Grand effondrement

    Sébastien Le Jean

    8/10 Nicolas Marlot, un jeune Youtubeur, adepte du bushcraft et écologiste, est retrouvé mort dans un étang. Dans le même temps, le cadavre d’un capitaine d’entreprise est découvert dans « La Résidence », un bunker pour millionnaires, le dos tailladé au cutter par son assassin pour laisser une terrible prophétie. Deux enquêtes criminelles qui vont finir par se rejoindre et mettre en lumière un incroyable complot.

    Pour son premier roman, Sébastien Le Jean fait très fort. Il maîtrise de manière indéniable les codes du thriller et promène le lecteur au gré de ces deux investigations qui vont rapidement se frayer un chemin à travers d’inquiétants cénacles : survivalistes de l’extrême, prêcheurs de la fin des temps, capitalistes aux intérêts convergents, individus si attachés à leurs biens matériels qu’ils sont prêts à n’importe quel sacrifice – pourvu que ça ne soit pas eux, les sacrifiés, écologistes radicaux ayant choisi de tuer des bébés pour ne pas encombrer une Terre déjà surpeuplée, etc. L’auteur nous propose également de beaux portraits de policiers, avec Ronan, revenu du pire et tout juste papa, de plus en plus enclin à écouter les collapsologues, ainsi qu’Irina, flic animale et sujette à une maladie rare qui la condamne à moyen terme à un horrible handicap. L’intrigue est très bien imaginée autant que menée, et on se régale des rouages du récit, parfaitement huilés, qui nous mène progressivement vers une conjuration singulière et terrifiante. Les dernières pages ménagent espérance et noirceur, et on achève cette histoire à bout de souffle.

    Un ouvrage digne des meilleurs thrillers américains, avec lequel Sébastien Le Jean s’impose comme un écrivain à suivre de près. Espérons que ses prochaines productions seront du même calibre, et que celle-ci n’a rien de prémonitoire.

    19/04/2024 à 06:52 4

  • Le Grand Sommeil

    Raymond Chandler

    10/10 Le vieux général Sternwood engage le détective privé Philip Marlowe pour enquêter sur une tentative d’extorsion de fonds. Le problème est que Sternwood est affligé de deux filles dont il dit lui-même : « J’ai l’impression qu’elles vont à leur perte, séparément, par des routes légèrement divergentes. Vivian est gâtée, exigeante, intelligente et parfaitement impitoyable. Carmen est une enfant qui aime arracher les ailes aux mouches. Ni l’une ni l’autre n’ont plus de sens moral qu’une chatte ». Quand Marlowe commence son travail, il va rapidement être confronté à des gangsters sans scrupule, aux motivations très variées, jusqu’à ce que le premier meurtre éclate. Ce ne sera que le début d’une enquête au cours de laquelle Marlowe va affronter ce qu’il y a de plus vil chez l’être humain, y compris chez les proches du vieux général.

    Ecrit en 1939, Le Grand Sommeil est à n’en pas douter l’une des pierres angulaires du roman noir. Raymond Chandler a imaginé une intrigue sombre et réaliste, prenante jusqu’à la dernière page, hantée d’individus peu recommandables et de femmes fatales. Les deux atouts majeurs de ce livre, en plus de l’énigme qui n’a pas le moins du monde vieilli, sont la langue de Raymond Chandler, à la fois drôle dans les dialogues et savoureuse dans ses descriptions et psychologies, et le personnage de Philip Marlowe, délicieusement sarcastique et tenace, interprété au cinéma par de grands acteurs tel Humphrey Bogart et Robert Mitchum.

    Le grand sommeil constitue donc une inestimable pépite, un roman d’une rare intensité que l’on ne se lassera jamais de lire et relire, et qui aura inspiré des générations d’écrivains.

    30/10/2008 à 17:55 3

  • Le Grand Voyage

    Franck Thilliez

    7/10 Un polar qui se lit vite et bien. Tous les ingrédients sont réunis pour une angoisse savamment menée. Un petit regret : l’élément à l’origine de la panique est trop vite dévoilé, et la révélation quant à son identité aurait peut-être pu être conservée sous un voile de mystère plus longtemps.

    11/05/2014 à 18:51 2

  • Le Groupe W

    Philippe Francq, Jean Van Hamme

    8/10 Largo apprend qu’il vient d’hériter de dix milliards de dollars, essaie d’évaluer cette somme monumentale puis prend ses marques au sein de l’entreprise de son père défunt. On en apprend un bon bout sur son enfance – pas marrante pour un sou. Notre héros découvre l’opulence inouïe à laquelle il a droit, un soupçon d’érotisme, mais la machination continue son implacable avancée et l’on trouve assez vite d’autres proches de Largo assassinés. Une esthétique délicieusement surannée et qui finit presque par servir le propos, du suspense et de l’action (notamment aux abords du chalet et sur cette île de la Mer Adriatique). Des clichés un peu inhérents au genre mais une tension constante et un rythme qui ne faiblit absolument pas pour le moment.

    27/02/2021 à 08:18 2

  • Le Guerrier solitaire

    Henning Mankell

    9/10 Un excellent moment de lecture en ce qui me concerne. Lu il y a bien longtemps, mais j'ai encore en tête le scénario, preuve qu'il m'avait marqué. L'un des meilleurs Mankell à mon goût.

    30/08/2010 à 09:58 1

  • Le Hameau des Purs

    Sonja Delzongle

    7/10 Mon premier Sonja Delzongle (si l’on excepte le recueil de nouvelles « Phobia » auquel elle a participé), et j’ai beaucoup aimé les deux premiers tiers. Une ambiance lourde, plombée, poisseuse, avec une langue qui m’a rappelé celle de Jean-Christophe Grangé par moments, en plus de l’histoire : une communauté proche de la secte, avec ses secrets, ses mystères, et ses problèmes de consanguinité. Une intrigue qui commence, d’entrée de jeu, par la découverte de sept corps carbonisés et sur lesquels enquête Audrey Grimaud, native du hameau, et dont le passé est intimement lié à cette étrange société dont les descriptions la rapprochent des Amish. Pas mal d’éléments et de pistes intéressants, qui ne demandent qu’à être suivis (le passé de la Seconde Guerre mondiale, les petits enfants juifs, le personnage de Léman dit « le Gars », les corbeaux, etc.), sans compter l’ombre sauvage de ce tueur en série, l’Empailleur, qui ouvre ses victimes, les délestent de leurs organes et les recoud à l’aide de fil de pêche. Mais il y a ce – double – final qui me laisse perplexe : c’est trop. « Un rebondissement, ça va, mais deux, bonjour les dégâts ». Leur juxtaposition, si directe, si rapide, et à mes yeux pas nécessaire, me laisse un curieux arrière-goût en bouche. L’écrivaine n’a-t-elle pas su (ou voulu) trancher entre ces deux possibilités au point de nous en gratifier ? J’ai donc trouvé dommage cette presque superposition ultime, pas vitale, même si j’ai beaucoup apprécié cet ouvrage pour son atmosphère délétère et suffocante. J’essaierai de lire d’autres romans de Sonja Delzongle, parce que sa plume et son imagination, en revanche, m’ont largement convaincu.

    05/03/2021 à 08:24 4

  • Le Haut Mal

    Georges Simenon

    8/10 … ou comment la mort presque anodine d’un homme, tombé d’un grenier alors qu’il était dans une crise d’épilepsie (surnommée « le haut mal ») plonge dans une série de rebondissements dramatiques des familles et toute une communauté. Comme toujours chez Georges Simenon, une écriture où la concision le dispute à une insondable acidité, avec ces nombreux seaux de vitriol balancés à la face d’une société figée et bienpensante. Tout le monde en prend pour son grade : la famille du défunt, avec un père détruit par le deuil, soucieux de récupérer l’exploitation agricole à tout prix, prompt à étaler son argent tout autant que de se saouler. Mais c’est surtout la famille Pontreau, la belle-famille (d’ailleurs tout sauf « belle »), qui est maltraitée par les descriptions acerbes de l’auteur. La mère est un véritable suzerain régnant sur sa progéniture avec une main de fer, dans un système matriarcal sans la moindre faille, tandis que ses filles sont reléguées au rang de pâles sujettes. De cet accident, des drames surviendront, comme la mort d’un enfant écrasé, une jeune femme qui finira par briser le carcan familial et voler de ses propres ailes malgré les pressions, et toute une communauté sclérosée être secouée par les rumeurs, la vindicte publique et autres bêlements de la foule. On retiendra de nombreux passages pittoresques, comme le marché que fait la mère Pontreau, ou encore la scène du cortège funèbre et des funérailles. Et l’aspect policier réapparaît au beau milieu du livre (page 101 dans l’édition que j’ai eue entre les mains), avec un rebondissement intéressant entraînant toute une série de chantages, tensions et autres germes de catastrophes à venir. Le roman se clôt sur une scène très sobre, plusieurs années après le cœur de l’intrigue, et envoie, en quelques paragraphes, en quelques phrases, une vision désespérée du monde tel que le voit Georges Simenon, où se disloque la structure familiale. A mi-chemin entre le roman policier noir et la littérature blanche quoique sacrément noire tout court, une nouvelle pépite, moins connue que les autres peut-être, à extraire de la bibliographie abondante de cet immense écrivain.

    16/12/2018 à 18:26 4

  • Le Huitième Jour

    John Case

    6/10 Le récit commence par plusieurs pistes qui semblent indépendantes et sans rapport les unes avec les autres. Un homme est retrouvé emmuré vivant dans sa maison. Un homme d'affaire turc mandate un artiste, détective privé à ses heures, pour découvrir qui a organisé une campagne de calomnie contre lui. Un ordinateur portable est expédié à un Jésuite du Vatican et contient des informations sulfureuses...

    L'ensemble commence assez bien. Le lecteur est happé par l'originalité de l'intrigue et les multiples pistes. Le suspense est bien rendu, les personnages suffisamment équivoques pour attiser l'intérêt. Malheureusement, la suite ne tient pas toutes ses promesses. Les personnages se révèlent peu intéressants voire caricaturaux, les voyages à travers le monde sont assez décevants et beaucoup trop longs. Le héros principal est en outre trop effacé et amateur pour être convaincant dans le rôle que lui a tenu John Case. Il n'en reste pas moins que l'intrigue arrive à peu près à tenir la route et permet à ce roman de s'en sortir avec une note convenable.

    Malgré tout, du même auteur, on pourra privilégier Genesis ou Le Premier Cavalier de l'Apocalypse, bien plus toniques et prenants.

    24/07/2007 à 18:56

  • Le jardin des derniers plaisirs

    Lee Jackson

    8/10 Les jardins de Cremorne constituent un lieu de divertissement très prisé dans le Londres de 1875, où l'on trouve des fêtes et des représentations burlesques ainsi que des danses et des joies débridées. Cependant, beaucoup de fervents religieux y voient une nouvelle enclave du vice et de la décadence, et leur voix est portée par l'homme d'église Featherstone. Aussi, lorsqu'un individu se met à semer la panique dans ce parc en agressant des jeunes femmes puis tue une des domestiques de Featherstone en la faisant brûler, le conflit entre partisans de l'amusement et pourfendeurs de la débauche s'embrase. Il faudra tout le flegme de l'inspecteur de Scotland Yard Decimus Webb et de son fidèle sergent Bartleby pour tirer au clair une affaire bien plus complexe qu'il n'y paraît.

    Deuxième opus consacré à Decimus Webb après Le cadavre du métropolitain, ce jardin des derniers plaisirs poursuit cette série d'enquêtes criminelles prenant pied dans le Londres du dix-neuvième siècle. On retrouve avec plaisir la plume si élégante et raffinée de Lee Jackson pour décrire les lieux, habitudes et ambiances d'une métropole que l'auteur connaît sur le bout des doigts. L'énigme a été habilement conçue et il faut attendre l'avant-dernier chapitre pour la voir se résoudre, après de nombreux rebondissements et fausses pistes. A cet égard, le personnage central qu'est Decimus Webb gagne en profondeur dans cet ouvrage : tenace et intuitif, parfois très cassant avec Bartleby même si tous les deux s'apprécient beaucoup, il va à l'encontre des stéréotypes du policier parfait dénouant rapidement les fils de son investigation. Il tâtonne, se trompe, maudit ses propres errements, mais fait preuve d'une grande pugnacité jusqu'à ce que toutes les pièces du puzzle s'imbriquent. L'intrigue mettra à jour des secrets assez inavouables, comme dans Le cadavre du métropolitain, tout en offrant une peinture particulièrement fidèle et saisissante de la capitale britannique, entre ombres et lumières.

    Le jardin des derniers plaisirs est donc un roman d'une très grande classe, racé et instructif, qui a le mérite d'allier une histoire policière de qualité à un tableau tout en nuances du Londres de la période victorienne.

    25/08/2010 à 11:53

  • Le Jardin des guerriers, deuxième partie

    Serge Brussolo

    8/10 … ou la suite et fin du diptyque consacré à ce « Jardin des Guerriers » autant que la fin tout court de la série « Agence 13 ». Serge Brussolo, avec son imagination débridée, son sens unique de la narration exaltée et ses personnages excentriques, est à la hauteur : le récit, court, ne marque aucun temps mort et nous laisse à voir la reconstitution de la terrible et sanglante bataille de Gettysburg avec des enfants en guise de soldats. Les scènes sont féroces, c’est du brutal comme disait Michel Audiard, et le roman convient également de beaux moments, notamment lors des confrontations avec ce terrible ours brun qui rôde du côté de la propriété de Joan DeBregan. Un chouette moment de littérature, décomplexé et distractif, qui permet un très agréable moment de délassement, un bel échantillon de ce dont est capable l’auteur lorsqu’il libère ses délires créatifs tout en les gardant en laisse pour ne pas les laisser s’égayer dans des extrémités trop effrénées.

    22/08/2023 à 08:24 3

  • Le Jardin des guerriers, première partie

    Serge Brussolo

    7/10 … ou comment Vickie, notre décoratrice spécialisée dans l’ornement de lieux extrêmes, en vient par l’entremise de sa psychologue Zoey Walden, à s’occuper d’un lieu, « L’Arche », où un paquet d’enfants surdoués sont regroupés sous la férule d’Hoobard Glooster, afin de préparer un éventuel cataclysme et pourvoir à la refondation de l’humanité. Accompagnées de deux orphelins, les deux femmes vont vite comprendre que ce bunker est encore plus torve que prévu. Tout Brussolo est là : la langue, la prolificité, l’imagination, les personnages déstructurés, et l’intrigue haletante. Néanmoins, le début m’a un peu déçu : le coup des gosses rassemblés sous la tutelle d’un drôle de zèbre aux allures de gourou, on connaît déjà. Néanmoins, la suite, avec Joan DeBregan et sa curieuse propriété dans le Maine, où elle dresse des mômes à rejouer la bataille de Gettysburg afin de prouver que son père avait raison de défendre la conduite de Longstreet, permet de surprendre le lecteur autant de que redonner un coup de fouet et des couleurs à l’histoire. Bref, un départ assez frustrant par rapport à la très haute estime que j’ai pour cet écrivain, mais que la suite contrebalance habilement.

    22/07/2023 à 08:39 2

  • Le Jardin du Bossu

    Franz Bartelt

    9/10 Dans un village anonyme, le narrateur croise dans un bistrot un homme qui fait étalage de son argent. Aussitôt, sa décision est prise : il va suivre l'imprudent jusque chez lui et le délester d'une partie de son butin. Oui, mais voilà, le plan était trop beau pour se réaliser aussi facilement : le chasseur devient la proie. Pire : le narrateur est séquestré dans la maison de sa cible. Et c'est le début d'un longue détention...

    Dès les premières pages, le style de Franz Bartelt éclate : ce sera vif, loquace et verbalement endiablé. L'auteur traduit en une langue épicée et imagée les pensées, impressions et descriptions du protagoniste, véritable phénomène humain. Poète à ses heures perdues quand l'éthylisme l'enhardit, tenaillé par Karine, sa compagne, qui est bien vénale, il observe ses congénères, les détaille, les juge, et ne perd jamais une occasion de jouer de sa verve. La rencontre avec cet homme visiblement fortuné – Jacques – semble être ce clin d'œil du destin qu'il attendait tant. Mais puisque les contes de fées n'existent pas, la situation va très vite lui échapper et le rêve se révèlera vite contrefait. Le récit est assez court – environ deux-cent-vingt pages – et les nombreuses digressions du locuteur laissaient présager des temps morts, voire des instants d'ennui. Il n'en est rien. Franz Bartelt a un incroyable talent de conteur, avec une langue à la fois lyrique et paillarde, qui n'est pas sans rappeler celle de Michel Audiard ou de Frédéric Dard. Les réflexions hilarantes foisonnent, les aphorismes regorgent, et les multiples parenthèses ouvertes sont autant de francs éclats de rire. On se prend vite de sympathie pour le narrateur, cocasse dans ses répliques et pensées, antihéros au possible, qui se débat au beau milieu de circonstances franchement farfelues.
    Et puisqu'il s'agit d'un polar, il y a l'intrigue. Certaines scènes, inattendues, insufflent un vent de folie et de fraîcheur dans ce huis clos où l'ultime rebondissement, détonant, achève de parfaire ce roman singulier.

    Quelque part entre La bête et la belle de Thierry Jonquet et Mainmorte de Michel Steiner, c'est jubilatoire et attrayant, atypique et désaltérant. Maintes formules de Franz Bartelt restent à l'esprit une fois le livre terminé. Frôlant parfois la parodie sans jamais tomber dans le facile ou le grotesque, voilà le récit d'une captivante captivité.

    02/06/2011 à 08:16

  • Le Jeu de la Damnation

    Clive Barker

    10/10 Remarquable ! Un pur bijou : effrayant, glauque, très bien écrit, hyper original ! L'auteur a réalisé un chef d'oeuvre, à posséder obligatoirement !

    15/11/2005 à 21:27

  • Le Joker en main

    James Hadley Chase

    5/10 C’est, à mon goût, élaboré très vite, écrit très vite, et si la lecture de cet opus se fait également rapidement, je suis déjà certain que je l’oublierai vite. Des points positifs, comme des rebondissements intéressants et une histoire qui a été correctement « charpentée » en amont, côtoient des éléments négatifs à mes yeux (une « héroïne », comme souvent chez James Hadley Chase, si chaude que ça en devient énervant voire ridicule, au point que même une poivrière éveillerait en elle des fantasmes ardents ; une vision simpliste et caricaturale du vaudou ; des références à la vie opulente que mène Helga Rolfe qui en deviennent crispantes en raison de leur étalage et leur stérilité, etc.). Je retenterai d’autres ouvrages de cet écrivain, avec toujours cette petite pincée au cœur, en me demandant où est passé cet auteur que j’avais adoré dans « Pas d’orchidées pour miss Blandish ».

    15/02/2017 à 08:14 2