El Marco Modérateur

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  • Jack et la conspiration du dragon

    James R. Hannibal

    7/10 A peine remis de ses exploits de Jack et le mystère des rubis, notre intrépide traqueur, accompagné de Gwen, a toujours la douleur de voir son père plongé dans le coma. Mais un autre adversaire émerge : le terrible Ignatius Gall, qui cherche à s’approprier le secret d’un ancien empereur chinois. Et ce n’est rien moins que l’immortalité.

    Ce troisième ouvrage de la série Section 13 réunit tout ce qui a fait le succès des opus précédents. On retrouve ainsi notre jeune Jack, un traqueur qui va ici se découvrir d’autres pouvoirs incroyables. L’univers de l’auteur, James R. Hannibal, panache avec toujours autant de plaisir des univers variés comme ceux d’Arthur Conan Doyle et de J. K. Rowling, sans oublier quelques gadgets dignes de Ian Fleming, pour un récit mené à toute allure et sans le moindre temps mort. De l’Angleterre à la Chine en passant par l’Autriche, il devra mener de multiples (en)quêtes jusqu’à retrouver la trace d’un nouvel ennemi, déjà mêlé à ses précédentes péripéties. Une écriture échevelée et immédiatement addictive, pour peu que l’on adhère à ce patchwork littéraire entrelaçant la magie, les monstres, l’aventure et le suspense, et qui ne pourra que réjouir le lectorat traditionnel de l’écrivain.

    Une nouvelle dose de sensations fortes et de confrontations merveilleuses, au sens propre comme au sens figuré, pour ce roman dont l’épaisseur – toute relative – est amplement compensée par le rythme de lecture qu’il impose.

    15/03/2020 à 07:51 1

  • Trafic au Cimetière

    Elie Darco

    8/10 Noa et Louis sont des collégiens très copains. Ensemble, ils s’occupent en travaillant au cimetière de Butte-Ombreuse, dans la ville de Morneville. Des fleurs à arroser, à déplacer, à rempoter. L’argent de poche tombe, ils passent de bons moments et en profitent même pour faire du bobsleigh avec leur chariot au milieu des tombes. Mais quand un vieux monsieur est agressé dans le cimetière puis décède à l’hôpital, ils se doutent que quelque chose ne tourne pas rond, aussi se mettent-ils à enquêter.

    Après le très bon La nuit tous les jouets sont gris, Elie Darco nous revient avec ce polar. Un ouvrage particulièrement agréable à lire, et sans le moindre temps mort. On y fait la connaissance de Noa et de Louis (enfin, pas exactement, puisque Noa apparaissait déjà dans l'opus précité), de sacrés garnements aux caractères et trajectoires bien marqués et différenciés, et qui vont se mettre à mener leur propre investigation sur cette mort suspecte. Que peut-il bien se passer dans ce village au nom si pertinent ? Existe-t-il un agresseur qui se balade entre les caveaux ? Cherche-t-on à dissimuler un trafic ? Elie Darco mène l’histoire de façon très crédible et efficace, sans oublier les nécessaires touches d’humour et de suspense. Et la résolution de l’intrigue se permet le luxe d’être à la fois intelligente, plausible et originale.

    Un opus destiné à la jeunesse très réussi, aussi prenant que divertissant. On se donne déjà rendez-vous pour les prochains tomes de la série consacrée aux enquêtes à Morneville.

    15/03/2020 à 07:46 1

  • Maharajah

    M. J. Carter

    9/10 Inde, 1837. La Compagnie britannique des Indes a développé son emprise sur tout le territoire national. Première véritable multinationale de l’histoire, elle détient autant de pouvoir commercial que politique. Cette entité tentaculaire charge le jeune officier William Avery de retrouver Xavier Mountstuart, écrivain à la renommée aussi prestigieuse que sulfureuse. Il s’adjoint l’aide de Jeremiah Blake, expert des mœurs indiennes et redoutable limier. Il semblerait que Mounstuart ait disparu alors qu’il cherchait, au fin fond du pays, les terrifiants thugs, les adorateurs de la déesse Kali.

    Ce roman de M. J. Carter séduit dès les premières pages où souffle un puissant vent d’exotisme et d’aventure. Le lecteur est aussitôt happé par les ambiances délétères peintes par l’écrivain : Calcutta en proie à une chaleur éprouvante et meurtrière, tandis que sévissent les crimes attribués aux thugs et les maladies. Deux personnages émergent rapidement de ce récit étouffant : William Avery, naïf, méconnaissant les coutumes locales, trop souvent saoul et constamment endetté. Il pense trouver un moyen d’échapper en répondant affirmativement à la requête de cette monstrueuse East India Company et en faisant équipe avec Jeremiah Blake. D’abord loque humaine, cette énigme ambulante en vient à retrouver de sa superbe au gré de leur intrusion en territoire thug, traversant d’est en ouest la contrée. Un état gigantesque, ravagé par la corruption, diverses formes de ségrégation, les trahisons à tous les niveaux, sans parler des luttes de pouvoir, parfois intestines, parfois liées aux ingérences étrangères, et de la terrible faune locale. M. J. Carter a amassé un savoir remarquable sur l’époque et les lieux, rendant avec maestria le paysage, l’atmosphère et les usages. Sa documentation s’appuie sur des ouvrages majeurs, et il pousse la démonstration – enrichissante, jamais stérile ou inutilement démonstrative – jusqu’à proposer à la fin du livre, en plus de solides sources, un glossaire d’environ quatre-vingts mots indiens. Véritable roman d’aventure, dépaysant de bout en bout, il s’offre le luxe de produire, en plus de l’évasion propre à ce type de littérature, une histoire solide, dont le cœur est brillant. Il ne s’agit pas à proprement parler d’une intrigue policière, mais la révélation du complot stupéfiera plus d’un lecteur, car elle est à la fois diablement originale et historiquement pertinente, en plus d’être mémorable et particulièrement intelligente.

    Malgré quelques longueurs que d’aucuns jugeront probablement superflues, voilà un livre passionnant et insigne, à la fois instruit et parfaitement mené. Des panoramas tantôt splendides, tantôt anxiogènes. Des personnages forts et denses. Un complot astucieux et efficace. Nous tenons peut-être là un jalon dans la littérature d’aventure.

    05/03/2020 à 09:45 4

  • L'Heure bleue

    Celia Fremlin

    8/10 Louise et son mari Mark n’en peuvent plus. Leur nouveau-né, Michael, passe son temps à pleurer. Ce tintamarre incessant détruit le sommeil des deux époux Henderson, en plus de créer de fortes dissensions. Ils acceptent la présence d’une colocataire chez eux, Vera Brandon, une jeune femme qui présente bien. Mais rapidement, Louise se rend compte que quelque chose cloche chez cette inconnue, et qu’elle pourrait même constituer une menace pour sa famille.

    Ce roman de Celia Fremlin date de 1958, et l’on s’en rend vite compte. En effet, le langage y est délicieusement suranné, so british, avec un style que n’aurait nullement renié, entre autres, Agatha Christie. C’est donc avec subtilité, sans éclat de sang ni effet pyrotechnique, que le lecteur apprend à connaître le foyer Henderson, constitué du couple et de leurs trois enfants, dont le dernier se montre particulièrement volubile et sonore. Les affres de la paternité et maternité, le repos en berne, les cauchemars, le voisinage qui proteste, etc. Le décor est planté quand arrive cette mystérieuse miss Brandon, dont l’attitude va progressivement soulever, chez Louise, un vent d’angoisse. N’a-t-elle fait que répondre à la petite annonce ou bien essaie-t-elle de dissimuler un sombre dessein ? Qui est-elle réellement ? Et que cherche-t-elle ? L’angoisse est progressive, les personnages intelligemment croqués, et l’on comprend vite qu’un piège est en train de fondre sur notre petite famille. Une intrigue solide, très crédible, et qui donne lieu à des scènes très prenantes, comme ces moments où Louise pense s’être fait subtiliser Michael, ou ce vingt-deuxième chapitre où elle parcourt le journal intime de miss Brandon.

    Un roman brillant et efficace de la part de Celia Fremlin. Un sexagénaire d’une fort belle tenue, distingué et ne tombant jamais dans la surenchère. Une réussite littéraire qui mérite amplement d’être (re)découverte.

    05/03/2020 à 09:44 2

  • La Malédiction du gitan

    Harry Crews

    8/10 Marvin Molar n’est pas un homme que l’on oublie de sitôt. Hercule de foire au physique improbable, jeune et gagnant sa vie grâce aux exhibitions qu’il réalise avec son physique atypique, il est entouré d’autres personnages improbables. Une existence curieuse, sans véritablement penser au lendemain. Mais il se peut que la belle et désirable Hester ne catapulte Marvin dans le mur… et le meurtre.

    Harry Crews est un des écrivains américains les plus inclassables qui soient, à moins qu’il ne soit tout simplement le plus original, tout bonnement. Auteur d’ouvrages proches du polar (Le Chanteur de gospel ou La Foire aux serpents), mettant en scène des individus complètement abracadabrants (Le Roi du K.O.), vilipendant le consumérisme (Car), ou avec son lot de losers malheureux (Des Savons pour la vie), il s’est toujours intéressé à la face cachée de l’Amérique, avec ses antihéros, ses individus ambivalents, ses délicieux fêlés et ses freaks. Marvin Molar est né muet puis a également perdu l’ouïe, avec deux petites jambes ridicules de quelques centimètres, ne pesant qu’une quarantaine de kilos, et a poussé de la fonte comme un forcené jusqu’à obtenir des tours de biceps d’une cinquantaine de centimètres pour compenser ses handicaps. Il est entouré de Leroy, un brave boxeur qui est persuadé d’être un excellent sportif, Pete, un Noir qui a pris trop de coups sur le coin de la figure, et Al, son père adoptif, dont le physique de colosse a été massacré suite à une performance où il s’est fait rouler – volontairement – dessus par un véhicule. Un groupe homogène en raison de ses infirmités et errements, et hétérogène au vu de ce qu’ils attendent de la vie. Mais c’est la belle Hester, avec ses jambes et ses seins à se damner – même si Marvin, son fan numéro un, est le premier à reconnaître que son visage est beaucoup plus banal – qui va venir mettre le feu aux poudres, en raison de ses liaisons. Une écriture complètement folle, foutraque, presque hallucinée, où l’argot est la langue première. Des protagonistes extravagants qui se rencontrent, s’accolent, s’accrochent, se télescopent. Et des désirs également. Du sexe. Du muscle. De la testostérone. Des appétences criminelles et des jalousies. Les dernières pages constituent le feu d’artifice de ce roman détonnant, où explose la violence. Comme une évidence. Comme une nécessité. Comme un trop-plein que l’on vide après près de deux cents soixante pages d’appétits insatisfaits, de destinées contrariées, de vies stériles.

    Un opus aussi insolite que ne l’a été son auteur, sublime porte-parole des sans-voix, portraitiste des visages méconnus ou volontairement mis de côté. Ce livre ne plaira certainement pas à tout le monde, mais pour ceux qui apprécient les ouvrages qui cherchent moins à séduire qu’à frapper les esprits de manière durable, voilà une lecture qui en devient indispensable.

    05/03/2020 à 09:41 6

  • La Maison sans sommeil

    Thibault Vermot

    9/10 Paul, douze ans, est obligé de déménager avec sa famille et s’installe dans une nouvelle maison, à Loupviers, en Normandie. Mais sur place, le cauchemar commence. Paul entend d’étranges bruits dans la demeure, en plus d’être la proie de terrifiantes hallucinations nocturnes. Serait-il seulement victime de somnambulisme, comme le pensent ses parents ? Ou la petite fille aperçue lors de ses apparitions existe-t-elle vraiment ?

    Casterman s’est lancé un nouveau défi : sortir une collection, Hanté, à même de faire frissonner ses jeunes lecteurs. C’est Benoît Malewicz, pseudonyme de Thibault Vermot, et Rolland Auda avec L’Amie du sous-sol, qui dégainent les premiers. Et ce n’est qu’un euphémisme que dire que cette Maison sans sommeil est une réussite totale. Le postulat de départ semble assez simple, voire convenu et rabâché, mais ce qu’en fait son auteur est un pur délice de littérature. Des personnages simples et instantanément indentifiables, pour lesquels on ne peut que ressentir de l’intérêt et de l’empathie. Une écriture très efficace, qui fait monter la tension, avec un vocabulaire sans fioriture mais terriblement prenant. Des scènes particulièrement soignées, propres à faire dresser les poils des jeunes – et moins jeunes – lecteurs : on se souviendra ainsi longtemps du passage de Paul dans la baignoire, ou encore ce final, à plusieurs tiroirs, sacrément mouvementé et diabolique. C’est bien simple : on a très souvent l’impression de lire la novélisation – avec beaucoup d’âme et de talent – d’un film d’horreur destiné à nos juniors. Il ne faut d’ailleurs pas se méprendre sur la teneur de cet ouvrage : cela n’a par exemple rien à voir avec les écrits de R. L. Stine. Ici, c’est dru, dense, fort, sans la moindre concession faite aux plus jeunes lecteurs. A cet égard, l’épilogue le démontre aisément : aucune réponse fournie avec facilité, un suspense âpre, et la nécessité de réfléchir à ce que Thibault Vermot aura voulu faire germer en chaque lecteur.

    Une bien belle réussite littéraire, propre à tailler des croupières aux écrivains américains. Peut-être tenons-nous là le premier jalon, fort bien né, d’une collection qui pourra s’inscrire dans la durée. Si les autres opus sont de la même qualité, nous ne pouvons que nous en réjouir.

    04/03/2020 à 07:09 3

  • Passé décomposé

    Charlie Adlard, Robert Kirkman

    7/10 Un opus qui commence par un policier, Rick Grimes, blessé lors d’une intervention, sort de son coma dans le Harrison Memorial Hospital dans et autour duquel stationnent des zombies, tandis qu’une étrange épidémie semble s’être abattue sur les villes alentour. Rick va alors chercher à retrouver sa femme et son fils. Une histoire sympa et vite addictive, un graphisme plaisant, et une aventure qui se met en place d’entrée de jeu. J’ai d’ailleurs été agréablement surpris, tant par la qualité esthétique que par les dialogues et situations, et y ai trouvé tout ce qui devait l’être chez les divers protagonistes : les moments d’ébahissement, les stratégies pour survivre, les sentiments de désespoir, les affrontements avec les morts-vivants, quelques passages assez émouvants (cf. le souhait de Jim), etc. Probablement pas une littérature qui me fait me lever la nuit, ni rien de franchement nouveau quant à ce qui concerne les zombies, mais c’est distractif et assez addictif. Je vais poursuivre avec les tomes suivants.

    01/03/2020 à 18:21 3

  • Le Train de Venise

    Georges Simenon

    8/10 … ou comment Justin Calmar, ancien enseignant et désormais cadre dirigeant, en vient à récupérer une mallette qu’il doit transporter jusqu’à Genève et la donner à une dénommée Arlette Staub. Sauf qu’il découvre cette dernière morte. Assassinée. Et ce n’est que plus tard qu’il se rend compte que la valise contient une énorme quantité d’argent. Présentée comme ça, cette entame ressemble beaucoup à un polar pur jus, avec cette histoire d’argent qui ressemble beaucoup à ce que la littérature noire ainsi que le cinéma des années 1950 ou 1960 a pu produire. Cependant, Georges Simenon ne s’intéresse guère par la suite à ce potentiel policier, se consacrant presque exclusivement aux errements, questionnements, introspections de Calmar. Il en vient à multiplier les interrogations quant à ce qu’il doit faire, puis s’il doit ou non utiliser cette manne afin d’en faire profiter sa famille. Il ira même jusqu’à sonder son propre passé de professeur, notamment dans sa relation avec le dénommé Mimoune. Paranoïa, anomie, vide existentiel : notre « héros » (j’emploie les guillemets car c’est un être on ne peut guère plus plausible, et dont la crédibilité se démontre dans des instants très communs, depuis sa relation avec ses deux enfants et sa femme jusqu’à son travail). En fait, c’est surtout la déchéance d’un être que nous croque Georges Simenon, son impuissance, et la découverte, sacrément brutale et soudaine, de l’inanité de sa vie. Je connaissais, comme beaucoup, le talent de l’auteur pour souligner les absurdités d’une destinée, les affres d’un quotidien grotesque, les faux-semblants et l’hypocrisie sociale, mais là, malgré quelques lenteurs à mon goût, il s’illustre ici à mettre en exergue les bonheurs captieux avant la brutale prise de conscience et le terrible retour à la réalité : même si je ne suis pas persuadé de me souvenir longtemps des articulations de ce livre, je ne suis pas prêt d’oublier le final, avec cette « maigre silhouette rouge, une petite fille qui agitait la main tout en suçant un cornet de crème glacée ».

    01/03/2020 à 18:18 1

  • Duds Hunt

    Tetsuya Tsutsui

    7/10 … ou comment un jeu en ligne soi-disant cathartique, exploitable via son téléphone portable, avec une sympathique somme à la clef, tourne au massacre et aux multiples combats. Nakanishi, le protagoniste de ce manga, va lentement se laisser happer par l’appât du gain et entrer dans un tourbillon d’une violence généralisée. Si j’ai bien aimé le scénario, l’espèce d’addiction de ces Japonais pour l’argent tout autant que pour ces affrontements à la chaîne, je suis moins convaincu par le graphisme qui n’appuie pas assez à mes yeux la noirceur et la sauvagerie de cette société en pleine déliquescence (mais peut-être est-ce dû à l’âge de l’ouvrage, datant de 2002).

    01/03/2020 à 18:17 1

  • Crying Freeman tome 2

    Ryoichi Ikegami , Kazuo Koike

    8/10 Un deuxième tome qui commence par un flash-back pour notre tueur à gages, quand il a dû affronter une vieille femme et la poignarder s’il veut échapper aux griffes des « 108 dragons », puis son entraînement, voire son initiation. Un graphisme toujours aussi beau même s’il a bien évidemment vieilli, des scènes esthétiquement fortes (attention aux âmes sensibles : de nouveau du sexe, et également un viol collectif) avec un empoisonnement édifiant, l’intervention d’un sous-marin et pas mal de beaux combats, pour une série toujours aussi réjouissante. Un jalon dans le genre.

    01/03/2020 à 18:16 1

  • Ils étaient cinq

    Sandrine Destombes

    6/10 … ou comment le capitaine Antoine Brémont et son équipe de la DSC – comprenez Département des Sciences du Comportement – en viennent à enquêter sur des inconnus qui torturent et tuent d’autres personnes dans des vidéos envoyées directement à Brémont. Un thriller bien mené, avec un style simple (j’entends par là une plume directe, immédiate, sans fioriture) et qui m’a permis de voir défiler les pages sans vraiment m’en rendre compte. Une terrible histoire de vengeance qui obligera les enquêteurs à remonter dans le passé des victimes et mettre à jour des pratiques épouvantables, jusqu’en Suisse. En revanche, pas mal de points négatifs à mes yeux – on est donc dans le subjectif – m’ont fait tiquer. J’ai trouvé que certains des protagonistes manquaient d’épaisseur. De même, si certaines scènes de torture et de mutilation étaient franchement dégueulasses, elles ne m’ont guère parues « originales » ou « élaborées » (il faudrait bien évidemment mettre bien plus de guillemets autour de ces adjectifs), au point d’en devenir, d’une certaine manière, peu mémorables. L’hypocentre de cette vendetta, à savoir les actes du passé, n’a vraiment rien de révolutionnaire, et aurait peut-être mérité un traitement plus atypique, davantage d’originalité, bref, autre chose, de radicalement différent et d’inattendu. Tout cela reste du coup trop téléphoné, même si ça contribue à l’aspect plausible de la chose. Enfin, il m’a semblé que l’écrivaine n’a pas su suffisamment ménager le suspense quant à la chute, par trop prévisible. En me relisant, je me rends compte du nombre de ces défauts listés, mais dans le même temps, une fois la dernière page tournée, force est de reconnaître qu’à défaut d’être marquant et de me laisser un souvenir inoubliable, ce thriller m’aura tout de même permis de passer un agréable moment. Cela me fait penser à un morceau de blues dont on devine à l’avance les accords, la mélodie, l’orientation, mais qui m’entraîne néanmoins justement grâce à ces passages obligés que je me plais à trouver.

    20/02/2020 à 08:26 2

  • Le Club des cinq en péril

    Enid Blyton

    6/10 … ou comment les quatre ados et leur fidèle chien Dagobert font la connaissance de Richard, un jeune qui se dit poursuivi par des brigands. Les Cinq ne le croient pas, mais quand Mick est kidnappé, pris par erreur pour Richard par ces malfaiteurs, nos héros doivent se rendre à l’évidence : il y a effectivement des hommes qui en veulent à Richard, et il faut passer à l’action. Un ton enjoué, un rythme prenant, de l’humour, et largement de quoi faire passer un bon moment de lecture aux chères têtes blondes, avec un huis clos dans une auberge, un passage secret, une évasion dans le coffre d’une voiture, des chiens hargneux, etc. Bref, un contrat promettant un bon moment de lecture amplement rempli pour le jeune lectorat auquel se destine cet opus, même s’il faut reconnaître qu’en soi, l’intrigue n’a vraiment rien d’extraordinaire ni son développement de mémorable. C’est juste distractif, et c’est déjà pas mal.

    20/02/2020 à 08:22 1

  • Old Boy 6

    Tsuchiya Garon, Minegishi Nobuaki

    8/10 Sixième tome d’une série définitivement addictive. Gotô et Dôjima poursuivent leur jeu du chat et de la souris, à savoir quelle a bien pu être leur ancienne relation pour motiver une telle haine dans le temps présent de la part de Dôjima. De belles joutes verbales, de véritables duels psychologiques et bien des mystères, et de beaux moments (comme ce « cadavre temporaire » pour reprendre le titre de l’un des chapitres du manga) de manipulation et de chantage. Le final, sur la plage, annonce-t-il une amorce de souvenir chez Gotô ? Le suspense est total.

    20/02/2020 à 08:21 1

  • My Home Hero tome 4

    Masashi Asaki, Naoki Yamakawa

    8/10 Le quatrième tome d’une série qui ne cesse de me surprendre en raison du paradoxe suivant : un graphisme simple et épuré, et une intrigue d’une rare plausibilité, et en même temps, je me prends au jeu comme ça n’est guère permis. Ici, l’épouse de Tetsuo prend davantage d’envergure. J’avais un peu perdu le fil de l’intrigue, mais là encore, sa simplicité la rend rapidement familière. Un découpage pertinent en chapitres courts, et même si une petite partie de l’effet de surprise s’est éclipsé, la magie demeure.

    20/02/2020 à 08:20 2

  • Perfect Crime tome 8

    Yuya Kanzaki, Arata Miyatsuki

    8/10 Cet opus revient sur les derniers événements ayant eu cours lors du tome précédent (le 7), avec notamment le sort de Yuika Yame. Puis une fraude dans une entreprise alimentaire, un trouble familial à propos des liens du sang, une confrontation machiavélique où il faut peut-être tuer pour tout simplement survivre, et une vieille connaissance d’Usobuki qui réapparaît, laissant le suspense planer à la toute fin de cet ouvrage. Vivement la suite !

    20/02/2020 à 08:19 1

  • L'Homme à l'oreille croquée

    Jean-Bernard Pouy

    8/10 Un simple accident ferroviaire. Voilà ce qui fait se rencontrer Marcel Bonnefond, quinze ans, et Marie-Claude. Ils vont vivre quelques heures l’un accolé à l’autre, dans un huis clos de corps charcutés par le déraillement, et au terme duquel Marie-Claude va manger l’oreille de Marcel, sous l’effet de la douleur. Mais une jonction des corps aussi brutale et atypique ne peut s’achever avec l’intervention des secours : sans le savoir, ces deux-là vont se retrouver et vivre encore bien des péripéties.

    Jean-Bernard Pouy n’est pas un auteur comme les autres, et ce roman, datant de 1987, le prouvait sans mal. Un postulat de départ complètement foutraque, mémorable et hilarant, servi par une plume remarquable, où le lyrisme côtoie l’argot et les jeux de mots complètement foufous. Un pur moment de délire, entre l’acide et l’absurde, qui chasse le cafard et épuise les zygomatiques. Mais cette fusion de chairs et de fer se poursuit quand Marcel se décide à retrouver la trace de sa belle et plantureuse gobeuse d’oreille, avec une question lancinante : l’a-t-elle ou non avalée, au point de transformer la vie de ce candide adolescent en Van Gogh des temps modernes ? La suite du récit glisse sur ces mêmes rails de la dérision, plaçant nos deux protagonistes face à des hommes méchants, retors et déterminés. Des épisodes échevelés, trempés dans l’encre du saugrenu et du cocasse, qui n’empêchent pas certains passages plus anxiogènes voire sombres, comme cette traque dans le train ou cette main armée tranchée à la machette. Et il ne faut pas non plus passer sous silence cette scène – ou plus exactement cette tirade – finale, où Marie-Claude – à moins qu’il ne s’agisse d’Arlette ? – certifie sans doute possible sa profession.

    Un roman de cent cinquante pages, court et très enlevé, où Jean-Bernard Pouy démontre toute l’étendue de son talent ainsi que la large palette de ses capacités, tant scénaristiques que littéraires. Un grand – et court – moment de lecture distractive.

    17/02/2020 à 08:18 7

  • Killer T

    Robert Muchamore

    8/10 Dans un futur très proche, la jeune Charlie est condamnée, à tort, pour avoir posé une bombe dans son lycée. C’est Harry, jeune émigré aux Etats-Unis et apprenti journaliste du même âge, qui a couvert l’événement. A sa sortie de prison, Charlie découvre un monde changé : il est possible de pratiquer des améliorations génétiques, mais cette démocratisation de la science va également engendrer la création par des malintentionnés d’un virus monstrueux, le Killer T, et qui va permettre à Harry et à Charlie de se retrouver.

    Robert Muchamore, le cultissime auteur des séries CHERUB, Henderson’s Boys et Rock War, nous revient avec ce roman, toujours destiné à la jeunesse. On y retrouve la plume expérimentée de l’écrivain, qui sait si habilement tisser une intrigue solide tout en décrivant des protagonistes dans lesquels le lectorat saura se reconnaître. Comme dans ses autres ouvrages, Robert Muchamore bat en brèche l’idée selon laquelle les livres destinés aux jeunes doit être aseptisée : ici, il y a de la violence, du sexe, des préoccupations typiquement adolescentes, et des morts, même si tout cela est bien évidemment décrit avec retenue. Harry, en jeune reporter cherchant à marcher dans les pas de sa défunte mère journaliste, est immédiatement sympathique, mais il n’est pas le seul personnage marquant. Charlie, experte en chimie et en création de bombes artisanales, brisée par une justice devant laquelle elle doit céder pour protéger les siens, et recrutée dans un laboratoire de modifications génétiques, l’est tout autant. Le reste du livre est d’ailleurs émaillé de nombreux autres individus forts, depuis ce terrible tueur au chignon jusqu’à Ed, le frère de Charlie, handicapé en raison d’un accouchement compliqué pratiqué avec des forceps. De multiples notions, faisant réfléchir sans jamais devenir moralisatrices, viennent émailler cet ouvrage, comme la justice, la famille, les progrès effrénés de la médecine, l’engagement individuel, le consumérisme, etc. Au gré des quelques cinq cents quarante pages de ce roman qui décrit un futur très proche, ni dystopique, ni onirique, Robert Muchamore sait alterner les moments de passion au cours desquels nos deux héros ne vont cesser de se chercher, les descriptions peu rassurantes quant à cet avenir où les gènes sont altérés pour être plus esthétiques (quitte à créer des chiens, des guêpes ou des araignées monstrueuses), ou encore les passages d’action. D’ailleurs, que les aficionados de l’auteur n’espèrent pas retrouver le rythme échevelé de ses précédents opus : s’il y a certainement des temps morts, c'est parce que ce n'est pas un pur roman d’action ou d’espionnage. C’est avant tout une évocation, tout à fait crédible, d’un avenir proche, alertant sur les périls qu’entraînent l’argent roi et la science sans musèlement, tout autant, à sa façon, qu’un livre d’amour.

    Reconnaissons sans mal à Robert Muchamore l’effort de s’être écarté de sa zone littéraire de confort en proposant un roman très différent de ce qu’il nous a déjà offert, d’autant que cet essai, même s’il souffre de quelques longueurs parfois inutiles, est amplement transformé.

    17/02/2020 à 07:57 3

  • Clémence sénile

    Jean-Charles Fauque

    8/10 Un ex professeur âgé noue une amitié inattendue avec Delphine, une jeune femme qui fréquente la même kinésithérapeute que lui. Les deux êtres en viennent rapidement à habiter ensemble et à vivre une promiscuité platonique avant que la chair, nécessairement faible, ne se mette à parler. Mais lorsque Delphine meurt accidentellement en heurtant de la tête un coin de table, est-ce vraiment un accident ?

    Cet ouvrage de Jean-Charles Fauque séduit dès les premières lignes. Une écriture à la première personne simple et efficiente, avec une grande part dévolue aux dialogues. On est aussitôt intrigué par ce personnage de vieillard, ancien enseignant d’université, dont le quotidien tranquille, voire lénitif, est brusqué par la gouaille, la vivacité, la fausse candeur de sa nouvelle colocataire, et, il faut bien le reconnaître, le trouble érotique que suscite Delphine. L’auteur sème des petits cailloux qui attirent rapidement l’attention : le protagoniste confond les mots, a des moments d’absence, est persuadé que des petites bêtes sont en train d’envahir son appartement : est-ce le début d’une démence ? Dans le même temps, on éprouve un grand plaisir à côtoyer les deux amis de l’homme. Madeleine, ancienne prostituée, ayant noué une relation purement intéressée avec un homme politique, et persuadée que le loto est une vaste manipulation. P’tit Lu, guère moins âgé que le héros, qui l’a connu du temps de la fac, ancien soldat de la Guerre d’Algérie, encore vierge et souvent saoul. Là où Jean-Charles Fauque fait vraiment fort, c’est en induisant le lecteur, en insérant de courts paragraphes décrivant un monsieur très âgé et presque invalide dans un EHPAD, et surtout en faisant de ce récit la description de la déchéance d’un être humain, liée à sa décrépitude mentale.

    Une œuvre à mi-chemin entre la littérature noire et la blanche, savamment construite, et d’autant plus troublante qu’elle nous renvoie, tous autant que nous sommes, à notre simple condition d’individu lambda qui pourra, à son tour, connaître les affres de la dégénérescence.

    15/02/2020 à 07:54 2

  • Féroce

    Danielle Thiéry

    8/10 Des ossements sans tête sont retrouvés au zoo de Vincennes, dans l’enclos des lions. Il s’agit d’enfants. Alix de Clavery, criminologue, ainsi que toute l’équipe de l’OCRVP, pense aussitôt à Swan Blixen, enlevée six années plus tôt. Dans le même temps, le policier Zénard est retrouvé dans l’habitacle de son véhicule, les mains en sang et amnésique, et une brigadière vient de disparaître. Et c’est ensuite une autre gamine qui est enlevée.

    Ce roman de Danielle Thiéry, extrait de la série consacrée à la commissaire Edwige Marion, percute d’entrée de jeu. Forte de son expérience au sein de la police – l’écrivaine a d’ailleurs été la première femme commissaire divisionnaire de l’histoire de la police française, le lecteur est rapidement frappé par la qualité des détails fournis quant aux techniques d’investigation, leur précision, et tout ce qui constitue le vécu de ces hommes et femmes de terrain. Dans le même temps, c’est aussi cette réalité qui va heurter, dans la mesure où ils sont confrontés à un sujet particulièrement sordide : la pédopornographie. Des images lourdes de perversité, mais que Danielle Thiéry ne lâche jamais qu’avec une forme de retenue, sans voyeurisme. L’enquête proposée dans ce tome est assez complexe et dédaléenne, d’autant qu’elle est multiple, et c’est avec plaisir que l’on retrouve les divers enquêteurs de l’Office, avec ici Alix de Clavery en première ligne, et qui va devoir approcher de près l’étrange famille de la Perrière, les propriétaires du zoo. Edwige Marion est encore sous le coup du traumatisme crânien qui lui laisse de sévères séquelles, et c’est peut-être l’une des raisons pour lesquelles Danielle Thiéry la laisse ici en arrière-plan, pour la ménager ou alors préparer un passage de témoin à d’autres limiers. L’intrigue est très réussie, dense et intelligemment bâtie, même si l’on pourra reprocher certaines longueurs ou passages inutiles, comme cette histoire autour de Zénard : elle se montre en effet bien moins percutante que la principale, même si elle contribue à nourrir l’univers des personnages créées par l’auteur. Et il y a des moments forts et marquants, comme ceux où apparaissent de dangereuses fourmis magnans, ou encore les toutes dernières lignes du roman, où les paroles d’une enfant claquent avec dureté et invitent à réfléchir sur leur sens réel, très inquiétant.

    Un roman policier très réussi, même s’il aurait probablement gagné à être raccourci et condensé. Où des êtres humains peuvent se montrer encore plus dangereux et brutaux que des animaux. Même si cette leçon est connue, il est parfois nécessaire de la relire pour se la remémorer.

    12/02/2020 à 17:36 3

  • Je tire ma révérence

    Day Keene

    7/10 … ou comment Hi Shannon, avocat de Los Angeles et récemment nommé procureur par l’attorney général, en vient à totalement dévisser par amour pour sa femme, une jeune actrice. Il faut dire que cette dernière, Sally, revenait du lac Tahoe avec Sonny Blair, un sinistre personnage qui traficote dans le milieu du cinéma, tous deux complètement bourrés, et qu’elle a percuté un enfant mort sur le coup. Alors, pour trouver l’argent nécessaire au silence des parents affligés, Hi accepte de laisser tomber les preuves qu’il a contre Joe Connors, un banquier mafieux, et ce dernier lui offre en retour les dollars nécessaires au silence salvateur des endeuillés. Sauf que, bien entendu, tout n’est pas aussi simple que prévu. De Day Keen, j’avais plutôt aimé « Graine de cimetière », mais sans plus. Là, j’ai trouvé cet opus nettement supérieur. Une plume alerte, qui va à l’essentiel, faisant souvent mouche dans les réparties, avec ce qu’il faut d’humour de temps en temps pour divertir. L’intrigue est un canevas on ne peut plus classique : le magistrat, éperdument amoureux, qui tombe dans un piège aux multiples ressorts, avec pas mal de rebondissements, notamment dans le final. De jolies pépées, une machination certes convenue voire parfois prévisible mais prenante, des personnages qui tiennent bien la route, et un rythme qui ne faiblit pas. J’ai, par exemple, beaucoup aimé ces passages où l’auteur décrit la haine croissante des habitants du patelin d’Elfers pour Hi, croyant que celui-ci a tué, comme une sourde rumeur ou une vague scélérate ne cessant de croître. Au final, même si ce roman, très typique, n’apporte qu’une pierre anecdotique à la littérature noire en général et à mes lectures de cette dernière en particulier, il remplit amplement sa part du contrat, à savoir offrir un agréable moment de décontraction tout en mobilisant ce qu’il faut de dynamisme et de suspense.

    09/02/2020 à 18:52 3