Maharajah

(The Strangler Vine)

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  • 9/10 Inde, 1837. La Compagnie britannique des Indes a développé son emprise sur tout le territoire national. Première véritable multinationale de l’histoire, elle détient autant de pouvoir commercial que politique. Cette entité tentaculaire charge le jeune officier William Avery de retrouver Xavier Mountstuart, écrivain à la renommée aussi prestigieuse que sulfureuse. Il s’adjoint l’aide de Jeremiah Blake, expert des mœurs indiennes et redoutable limier. Il semblerait que Mounstuart ait disparu alors qu’il cherchait, au fin fond du pays, les terrifiants thugs, les adorateurs de la déesse Kali.

    Ce roman de M. J. Carter séduit dès les premières pages où souffle un puissant vent d’exotisme et d’aventure. Le lecteur est aussitôt happé par les ambiances délétères peintes par l’écrivain : Calcutta en proie à une chaleur éprouvante et meurtrière, tandis que sévissent les crimes attribués aux thugs et les maladies. Deux personnages émergent rapidement de ce récit étouffant : William Avery, naïf, méconnaissant les coutumes locales, trop souvent saoul et constamment endetté. Il pense trouver un moyen d’échapper en répondant affirmativement à la requête de cette monstrueuse East India Company et en faisant équipe avec Jeremiah Blake. D’abord loque humaine, cette énigme ambulante en vient à retrouver de sa superbe au gré de leur intrusion en territoire thug, traversant d’est en ouest la contrée. Un état gigantesque, ravagé par la corruption, diverses formes de ségrégation, les trahisons à tous les niveaux, sans parler des luttes de pouvoir, parfois intestines, parfois liées aux ingérences étrangères, et de la terrible faune locale. M. J. Carter a amassé un savoir remarquable sur l’époque et les lieux, rendant avec maestria le paysage, l’atmosphère et les usages. Sa documentation s’appuie sur des ouvrages majeurs, et il pousse la démonstration – enrichissante, jamais stérile ou inutilement démonstrative – jusqu’à proposer à la fin du livre, en plus de solides sources, un glossaire d’environ quatre-vingts mots indiens. Véritable roman d’aventure, dépaysant de bout en bout, il s’offre le luxe de produire, en plus de l’évasion propre à ce type de littérature, une histoire solide, dont le cœur est brillant. Il ne s’agit pas à proprement parler d’une intrigue policière, mais la révélation du complot stupéfiera plus d’un lecteur, car elle est à la fois diablement originale et historiquement pertinente, en plus d’être mémorable et particulièrement intelligente.

    Malgré quelques longueurs que d’aucuns jugeront probablement superflues, voilà un livre passionnant et insigne, à la fois instruit et parfaitement mené. Des panoramas tantôt splendides, tantôt anxiogènes. Des personnages forts et denses. Un complot astucieux et efficace. Nous tenons peut-être là un jalon dans la littérature d’aventure.

    05/03/2020 à 09:45 El Marco (3219 votes, 7.2/10 de moyenne) 4