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Faims
9/10 Kadpidi, vingt-mille habitants. Un cirque, le « Humanus Circus » y arrive, avec sa petite dizaine de forains. Mais les numéros circassiens ne correspondent pas aux poncifs du genre : les forains proposent des tickets gratuits aux citadins pour les convier à assister à des shows particuliers, avec des moments de violence et de sexe suggéré. Et les premiers morts se mettent à tomber en ville.
Patrick Senécal, j’adore, clairement, et j’ai retrouvé ici son univers si particulier : un vocabulaire simple, une syntaxe tout aussi élémentaire, et une plongée graduelle dans une sorte d’univers parallèle où les déviances de l’être humain sont mises en relief. Ici, comme d’habitude, l’auteur n’y va pas de main morte : sexe, pornographie, pédophilie, cruauté, mais aussi adultère et suspicion de trahison dans le couple. Finalement, Francus, le medium du cirque, s’apparente à un tentateur, un artificier plaçant le détonateur, mettant chaque individu face à ses travers, ses appétits inassouvis, ses contradictions et ses failles. Au gré du récit de près de six cents pages, sans chercher l’effet pyrotechnique ou les scènes dantesques, il fait basculer le lecteur dans les limbes puis en enfer, sans pour autant atteindre le niveau de férocité atteint dans « Hell.com » ou dans « Les 7 jours du talion ». Un récit fort, où, une fois de plus, je suis étonné (et ravi) par la façon dont Patrick Senécal nous fait dégringoler dans une géhenne progressive, jusqu’au meurtre, jusqu’à la folie, jusqu’au coup de sang fatal, et jusqu’à l’implosion d’un monde que l’on pensait finalement si pacifique, vertueux et normal. Un grand moment de littérature, avec un final à plusieurs tiroirs, hautement symbolique avec l’animal et sa proie, et le véritable épilogue, tout en crédibilité et en fureur contenue. « Le crâne envahi d’un long cri silencieux », est-il écrit dans l’ultime phrase, et ça aura également été valable pour moi, même si l’écrivain est loin d’avoir placé le curseur aussi loin que dans les opus précités.11/03/2025 à 05:48 3
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La Nuit du 3 août
8/10 L’aventure se poursuit à Greenfalls, revenant sur les événements antérieurs (l’explosion et l’avalanche). L’ambiance nocturne, enneigée, en noir et blanc lorsqu’il s’agit de recomposer le passé, le passage avec le Ku Klux Klan dans la mine, et le regain d’action sur le final concourent à faire de ce septième tome un grand moment de bande dessinée.
10/03/2025 à 18:32 2
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À feu et à sang
Manuel Garcia, Duane Swierczynski
7/10 Raymond Garrison doit délaisser momentanément sa famille pour ramener vivant d’Afghanistan un dénommé Apanewicz. Mais à peine parachuté sur zone, il est littéralement détruit par un missile. Sa dépouille est récupérée au sol par les ravisseurs… mais Ray n’est pas mort. Grâce au projet « Rising Spirit », il est devenu une machine de guerre (grâce aux « nanites ») dans laquelle on a implanté de faux souvenirs de diverses familles qu’il n’a de toute façon jamais eues. Des traits nécessairement très comics (colorés, sanglants, enfiévrés, mais pas toujours à mon goût), et on voyage pas mal, de l’Afghanistan au Nevada, en passant par le Nouveau-Mexique. Pas mal d’action, bien évidemment, et même si je ne suis pas un fanatique des superhéros, celui-ci m’a fait passer un agréable moment de décontraction, même si j’ai eu du mal à me passionner pour ce personnage en quête de sa propre identité, parcouru de nanomachines avides de protéines et dont la mémoire est effacée à la fin de chaque mission. Deux autres personnages féminins importants apparaissent : Melissa, alias « Pulse », aux puissantes capacités électromagnétiques, et Kara, une ancienne infirmière militaire.
09/03/2025 à 18:17 2
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Aldoran
7/10 Shannon, fille de Keirn, finit par pénétrer dans l’étrange, colossal et solitaire Tyrom qui surprend l’intruse. Le début d’une solide amitié qui prend une tournure inattendue quand l’ermite crée un arc de lumière (de l’élémentalisme ?) tandis que le père de la gamine est assassiné.
Un premier tome graphiquement très séduisant, coloré et empreint de la même magie si présente dans cette BD. Une belle quête de vengeance contre le roi Gérald qui est responsable de la mort du papa de Shannon. Je vais tâcher de continuer cette série, au moins pour quelques autres tomes.09/03/2025 à 14:12 2
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Les Amphores de Pompéi
6/10 Un éclairage intéressant et assez instructif sur la viniculture au temps de l’Antiquité, mais j’ai moyennement apprécié les graphismes. Quelques autres éléments – le Vésuve, les combats de gladiateurs, le viol d’Ursina – viennent se greffer à l’histoire, mais je n’ai pas totalement été convaincu.
08/03/2025 à 10:26 1
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Les Femmes
7/10 Deuxième tome où l’on retrouve nos soldats dans la forêt. La Nature s’y avère luxuriante et ils dénichent une femme de toute beauté : elle parvient à fuir et mène nos poursuivants jusqu’à une citadelle fortifiée. L’accueil qui était de prime abord plus qu’affable tourne au cauchemar.
A condition d’apprécier le graphisme si particulier de Bastien Vivès (personnellement, je n’aime pas du tout, mais j’ai fini par m’y faire), cet opus apporte enfin le coup de fouet que j’attendais après un premier tome qui m’avait laissé dubitatif. Pièges, fruits empoisonnés, traquenards charnels : ces Amazones sont de redoutables prédatrices.08/03/2025 à 07:31 2
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La Fiancée de la mer 1/2
5/10 Une bande dessinée aux graphismes toujours aussi colorés et travaillés, mais les incessantes incursions du style manga – un par page, au moins au début – finissent par me lasser encore plus que dans les tomes précédents. Le ton gentillet de l’ensemble ainsi que les références et autres poncifs (de l’épave sous-marine contenant un trésor à la sirène) ne m’émeuvent toujours pas, d’autant que l’intrigue peine vraiment à décoller.
08/03/2025 à 07:30 2
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Les Ruffians
7/10 Un transfèrement qui débouche sur une fusillade juste avant une exécution sommaire, et c’est reparti pour les chevauchées dans la neige. Une trame classique, un graphisme qui l’est tout autant, l’assaut de l’hôtel et les coups de feu échangés juste après illustrent le dynamisme du récit.
06/03/2025 à 19:45 2
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La Dernière Chasse
8/10 A titre très personnel, j’ai beaucoup aimé cet opus de Jean-Christophe Grangé. Certes, j’en avais vu la version télévisée avant de lire cet opus, ce qui m’a privé de l’effet de surprise, d’autant que l’un et l’autre sont très fidèles, mais je ne boude mon plaisir de lecture. Un roman plutôt court pour l’écrivain, trois parties et soixante-huit chapitres hyper véloces, où j’ai retrouvé le style de l’auteur, unique, où les formules métaphoriques côtoient l’argot, les passages secs des références historiques, architecturales, artistiques ou autres. L’histoire est également typique de son univers, avec ses obsessions : la famille, le sang, le passé, les démons intérieurs, la rédemption, etc. Retrouver Pierre Niémans a été un grand moment, puisque nous l’avions abandonné à la fin des « Rivières pourpres » et le revoilà, bien plus tard, usé, encore plus grognon, ancien instructeur vrillé par son expérience à Guernon, et de nouveau sur le terrain en compagnie d’Ivana Bogdanovic. Pour lui, je me suis surpris plus d’une fois à oublier Jean Reno pour lui fixer les traits d’Olivier Marchal, mais peut-être est-ce plus lié au fait que j’ai été « influencé » par le visionnage de la série que par mes souvenirs lointains de l’opus de 1998. Pour elle, j’ai bien aimé ce cocktail détonnant de femme forte, laminé par l’enfance, ses contradictions (végane et grosse fumeuse, plutôt proprette physiquement et porté à l’autodestruction), et le fait qu’elle compose un écho féminin intéressant au personnage bourru de Niémans, dans une trajectoire de transmission comme d’équilibrage. L’histoire, sans être pour autant l’une des meilleurs de Jean-Christophe Grangé, se laisse très agréablement lire, sans temps mort ni réelle faute de goût (oui, des invraisemblances, c’est exact, mais ça demeure un thriller, genre assez porté sur cette dérive des faits parfois invraisemblables), où l’on retrouve les marottes de l’écrivain, presque des névroses qu’il traite pour notre plus grand plaisir en les couchant sur le papier et en leur donnant une dimension littéraire d’une rare force de percussion. En revanche, je ne suis pas d’accord avec des avis lus sur Internet et parlant de pure « novellisation », puisque j’y associe automatiquement une écriture sans âme, un style sans entrain, une commande purement factice, alors qu’ici, on retrouve vraiment la patte de l’auteur, dans le fond comme dans la forme. Bref, un très bon moment de lecture, rageur et sombre, et, même s’il y a des faiblesses et des énormités, je n’ai pas vu le temps passer au gré des quelque quatre-cent-vingt pages qui me donne envie de me replonger dans l’œuvre de JCG.
06/03/2025 à 06:02 5
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Blade Runner 2029 tome 1
Michael Green, Andres Guinaldo, Mike Johnson
8/10 2017 : Ash essaie d’appréhender un réplicant qui riposte et l’épargne. Douze ans plus tard, l’inspectrice Ashina est sur le point d’arrêter un autre humanoïde quand celui-ci dit « Yotun sauve » avant de se suicider.
Un premier tome plus que séduisant, tant du point de vue graphique que scénaristique, et une autre habile relecture de l’œuvre de Philip K. Dick après la série « Blade Runner 2019 ». Une histoire tout de suite immersive et instantanément addictive. Un régal. La scène de destruction finale laisse augurer encore du très bon pour la suite.06/03/2025 à 06:01 2
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Banni
8/10 An 84 après J.-C., dans l’Ecosse actuelle : Brigantus est un Picte œuvrant au sein de la légion romaine, un colosse impressionnant redouté de tous. Suffisamment romain pour tuer ses propres compatriotes, insuffisamment pour être reconnu comme réellement romain, c’est une bête de guerre, invincible sur le terrain, à qui sont confiées les pénibles tâches de terminer les blessés graves de son armée. Mais il fait tellement peur à ses frères d’armes que le choc est proche.
Un premier tome intelligent, au graphisme épuré, qui refuse la violence gratuite et les clichés du genre. J’ai beaucoup apprécié ce protagoniste, puissant géant, qui va avoir le tort de prendre la défense d’une femme picte et subir la vindicte qui couvait chez les compagnons : verra-t-il enfin la lumière qu’il guigne ? Réponse dans les tomes suivants.05/03/2025 à 20:09 2
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Psycho Killer
8/10 Habituellement, j’aime bien commencer mes chroniques et votes par un rapide rappel du pitch ou de l’histoire, mais là, je n’en vois pas trop l’intérêt, parce que ce roman, c’est de la pure dynamite rock’n’roll, et que cette musique, intrinsèquement, n’a pas besoin de se lester de mots, de messages à l’humanité, ou de grandes paraphrases, juste du gros son qui secoue les tripes, ce qui est le cas ici. Pour être bref : un tueur amateur de films violents qui se taille de son asile psychiatrique pour aller chercher à B Movie Hall où se trouve un bordel, le « Minou Joyeux », tenu d’une main de fer par un ancien du cinéma, Mellencamp, tandis que Devon Pincent, une huile du FBI, charge deux agents de mener l’enquête. Mais le reste de l’histoire est un explosif, détonnant, presque WTF, avec, en vrac : une référence à une œuvre d’Edgar Allan Poe, un patient qui se retrouve avec un déodorant dans le derrière, des chapitres où s’entrecroisent les points de vue des divers protagonistes, pas mal de fellations, des corps massacrés et qui tombent dans tous les sens (ça commence par une décapitation d’un policier et se termine – presque – par une autre), de la baston à tous les étages avec des armes blanches ainsi qu’à feu, pas mal d’humour et des répliques qui claquent comme autant de références aux réparties du cinéma d’action des années 1980 et 1990, des tueurs sacrément télégéniques (que ça soit cet Iroquois ou Mack, ce spadassin spécialisé dans les strangulations), et un scénario qui va révéler quelques rebondissements intéressantes, le tout avec une bande-son atypique, de « Dirty Dancing » à « Coyote Girls » en passant par « Lord of the Dance ». Alors, oui, effectivement, ce n’est pas de la « grande littérature » (j’entends par là que le récit n’est certainement pas marquant et n’a pas la prétention de figurer parmi les jalons du genre), mais j’ai pris un immense plaisir, de la première à la dernière page, en lisant ce cocktail sacrément jouissif, décomplexé et sautillant. De cet auteur, « Anonyme », je n’ai lu que le premier opus, « Le Livre sans nom », ce qui explique également peut-être que je n’ai pas ressenti la « lassitude » d’autres lecteurs, que ce texte m’ait donc paru plus « frais », et je dois dire, encore une fois, que si je suis bien conscient que ce livre est une sorte de plaisir honteux – la jubilation avec les scrupules qui vont avec –, non seulement je ne regrette pas un seul instant ce moment de littérature décontractée, désinhibée, mais en outre, cela m’a donné fortement envie de me replonger dans la bibliographie de cet écrivain de l’ombre.
05/03/2025 à 05:41 2
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The Far East Incident tome 1
1/10 11 septembre 1945, à Tokyo. Si la guerre est finie, le Japon n’en a pas pour autant fini avec ses démons. Konoe et Saika doivent justement mettre un terme à ce que le pays a conçu et développé, notamment les atroces expériences menées par l’Unité 731.
Je connaissais déjà l’horreur de cette Unité qui n’avait rien à envier aux plus atroces ignominies nazies, et quand j’ai commencé le premier tome de cette série, j’espérais que la forme serait à la hauteur de cette abomination historique. Et j’ai été plus que déçu : j’en ai presque été dégoûté. Personnages presque guillerets, esthétique manga dans ce qu’elle a de plus jovial, ton en total décalage avec la barbarie des faits réels. Je n’ai rien contre les relectures (j’ai par exemple adoré, dans un genre proche, la série « NeuN »), mais il faut le faire avec intelligence, tact et humanité. Là, c’en est presque scandaleux de superficialité, de bonne humeur, de joie de vivre. Pour ses prochaines œuvres, je peux conseiller au scénariste (j’espère qu’il ne croit pas sincèrement en être un) et dessinateur (assez mauvais dans ce domaine, en outre) de faire « Les Bronzés à Auschwitz ». Je suis conscient de la violence de mes propos et de leur apparente indignité, mais vous aurez compris que cet opus m’a profondément choqué, au moins autant que celles et ceux qui viennent d’interpréter mes précédents propos au premier degré ont pu l’être. Bref, pour moi, un authentique scandale. Inutile de préciser que je ne vais pas souiller mes yeux, mon esprit et mon temps en continuant cette série qui s’amorce de la pire des manières.04/03/2025 à 18:50 1
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Le Village
9/10 Village de Vyriv, en Ukraine occidentale, durant l’hiver 1930. Les habitants voient arriver un inconnu, tenant à peine debout, tirant dans un traîneau les corps de deux enfants, dont l’un a été mutilé à la cuisse. Dans une ambiance de paranoïa notamment liée à la dictature féroce de Staline et de son Armée rouge, on finit par pendre cet étranger dont on craint qu’il ne soit le bourreau de ces malheureux mômes. Juste après, Dariya, la nièce de Luka, vétéran habitant dans ce village, est enlevée. Il se lance alors dans la traque de ce « voleur d’enfants », affrontant autant les éléments naturels, ce prédateur très doué au fusil et la Guépéou.
Je découvre l’univers de Dan Smith via ce roman, et je ne peux pas dissimuler mon bonheur. Une écriture remarquable, mêlant phrases simples et passages plus lyriques. Une étude historique remarquable, habilement associée à l’intrigue et donc jamais pesante ni professorale, une ambiance sinistre réhaussée par quelques moments forts (comme la découverte du second « cadeau » laissé par le monstre à l’attention de Luka et de ses deux fils, Petro et Viktor). Des décors particulièrement bien employés, notamment lors de la traque. Une noria de réflexions et autres pensées assénées avec justesse sur la guerre, le sort de ceux qui ont eux à la mener. Une dénonciation juste (pouvait-il en être autrement ?) de la barbarie soviétique et de ses zélés laquais. Des liens entre Luka et ses deux enfants bien retranscrits et poignants, entre transmission et tentative de désamorçage d’erreurs commises par Luka auparavant. J’ai été surpris par le virage scénaristique (à un peu plus de la moitié du roman), avec une nouvelle situation dont on ne peut pas parler sans déflorer l’histoire, mais somme toute, c’est adroitement amené et ça s’emboîte bien avec le récit précédent. Et puisque ça demeure un roman policier, parlons de l’intrigue : forte, haletante, avec quelques rebondissements très retors dans les dernières dizaines de pages et concernant l’identité du monstre. Et la phrase finale, où une porte se referme de manière très concrète, a eu sur moi l’effet d’un coup de marteau enfonçant l’ultime clou sur le dessus d’un cercueil, achevant de faire de cet ouvrage un opus remarquable à mes yeux, allant bien au-delà de la simple confrontation entre deux snipers : c’est également la lutte entre deux visions d’un monde, voire entre deux mondes.04/03/2025 à 05:47 7
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Dark Matter
9/10 Jason Dessen est un homme heureux. Professeur de physique à l’université, marié à Daniela, le couple a un enfant, Charlie, un adolescent. Quand Jason sort un soir, il est abordé par un inconnu qui le kidnappe et le drogue avant de le confronter à des individus qui lui tiennent des propos incompréhensibles. Il parvient à s’enfuir, mais quand il rentre chez lui, il se rend compte que son univers, qu’il croyait solide, a basculé : il n’est plus ce qu’il a toujours cru être. Est-il devenu complètement fou ou a-t-il plongé dans le piège d’une invention dont il aurait été le jouet ?
Blake Crouch, dont on a pu adorer les romans Récursion, Upgrade ou la série Wayward Pines, signait cet ouvrage fantastique – à tous les sens du terme – en 2016. L’auteur a une plume caractéristique – avec des phrases souvent nominales qui claquent aussitôt suivies d’un retour à la ligne – qui confère un rythme très soutenu à son récit. L’histoire est immédiatement addictive et le lecteur se demande où veut nous emmener l’écrivain. Jason est-il schizophrène ? Victime d’un destin machiavélique ? La proie d’une gigantesque manipulation ? Quand les premiers éléments de réponse apparaissent, le doute n’est plus permis : le tesseract, la superposition quantique et l’usage des drogues visant à gommer des fonctions cognitives sont autant de jalons qui viennent émailler – et surtout rendre diablement vraisemblable – cette intrigue remarquable. Le tempo est cadencé de la première à la dernière page, l’histoire troussée avec un talent rare, et Blake Crouch réussit l’exploit de rendre intelligibles des principes de physique quantique pourtant inaccessibles pour la plupart d’entre nous. Et, au-delà du suspense et de l’intelligence du récit, c’est une brillante histoire d’amour, soulignée par cet épilogue mémorable.
Un thriller de très haute volée, étincelant et atypique, où Blake Crouch impose avec maestria son écriture enfiévrée et son imagination débordante. Encensé par Harlan Coben, Lee Child et Justin Cronin, voilà un ouvrage qui explore avec audace le champ des possibles, le libre arbitre et la résolution des êtres humains. Et vous, si vous aviez été à la place de Jason Dessen, qu’auriez-vous fait ? Un seul fait est indéniable et s’érige presque comme une injonction : lisez ce roman !03/03/2025 à 06:26 10
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Bambi tome 1
6/10 Bambi, une jeune femme, braque une supérette en compagnie d’un gamin. On apprend aussitôt après que l’enfant aurait été kidnappée et que la récompense est de cinq-cents millions de yens (actuellement, ça dépasserait les trois millions d’euros). Un dessin très simple, parfois simpliste, très typé ancienne BD américaine, qui sert une histoire tout aussi simple et décomplexée. Des statues sont brisées, des poignets coupés avec un fil, c’en est presque tarantinesque. Une esthétique très particulière qui peut rebuter et même s’il n’y a pas de quoi épiler un porc-épic, je ne regrette pas cet authentique moment de délassement. Le suspense final autour des types habillés en cowboys ajoute une pincée de sel à l’ensemble.
01/03/2025 à 20:17 2
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Five Survive
9/10 Red, Olivier, Maddy, Simon, Arthur et Reyna : ils sont six à bord de ce camping-car, destination Gulf Shores, pour y passer leurs vacances. Six adolescents qui vont connaître une malheureuse péripétie avec un pneu crevé sur le comté de Chesterfield, en Caroline du Sud. Une fois l’incident réglé, les quatre pneus éclatent. Des impacts de balles. Dans les parages, un sniper les a pris pour cibles et son message est terrifiant : avant l’aube, celui qui dissimule un lourd secret devra l’avoir révélé via le talkie-walkie concédé aux naufragés, sinon, le tueur les abattra tous. Commencent alors sept heures d’angoisse.
Voilà un remarquable compte à rebours littéraire – et assassin – concocté par Holly Jackson, à qui on doit déjà les très bons ouvrages de la série « Meurtre mode d’emploi à l’usage des jeunes filles ». Le pitch du tueur embusqué voulant faire avouer des vérités indicibles à des personnages est connu (cf. les films Phone Game ou Night of the Hunted, l’écrivaine s’appuie néanmoins sur des qualités particulièrement solides : l’écriture est prenante, les protagonistes sont bien sentis, les dialogues au cordeau, et l’ambiance anxiogène habilement construite. A bord de ce Getaway Vista 2017 31B de neuf mètres quarante-cinq de long, les éléments du décor, les moindres recoins et même l’environnement proche où le véhicule a été immobilisé sont exploités avec intelligence. Quand l’ultimatum est livré par le tueur, les liens entre ces ados vont être soumis à de puissantes turbulences : les amitiés factices, les rancœurs, les non-dits, les silences pesants, les passés troubles, l’ascendance prétendument naturelle du mâle autoproclamé alpha, les tensions intrafamiliales, etc. Red Kenny compose d’ailleurs une jeune femme d’une belle densité humaine : sa mère, policière, a été abattue de deux balles dans la nuque et elle continue de vivre avec ce deuil persistant. Holly Jackson exploite avec maestria les codes du genre, entre huis clos troublant, tentatives de survie, utilisation des maigres ressources à la disposition des individus et mise à nu du grand secret. Le rythme ne faiblit jamais et les ultimes rebondissements tombent en cataractes, avec finesse et efficience, bouclant ainsi avec talent ces moments de terreur passés à bord de ce camping-car. Si cet ouvrage est destiné a priori à la jeunesse, son ton et de nombreux passages sanglants ainsi qu’un final pour le moins âpre l’orientent également – et sans aucun doute – vers un public adulte qui saura se délecter de ce suspense tendu.
Un roman addictif et saisissant, maîtrisé de bout en bout, et habité par des personnages crédibles. Le dénouement est excellent : vous ne choisirez probablement plus jamais la sonnerie de votre téléphone portable au hasard.28/02/2025 à 06:50 7
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Game Over
8/10 Madeleine Corse, quatre-vingt-cinq ans, meurt sous les roues d’un bus. Si la thèse de l’accident est un temps privilégiée, l’idée qu’elle a pu être poussée et donc assassinée l’emporte rapidement. La policière Rebecca de Lost et son équipe sont rapidement mis devant des faits effarants : des victimes en série, allant toujours par paire, et exécutées au même moment à Paris et dans sa région. La piste d’un duo de prédateurs choque mais semble être la seule valable. A moins que les bourreaux soient en réalité trois…
Ce roman issu de la série consacrée à Rebecca de Lost séduit dès son entame : rythme cadencé, écriture sèche et clinique, chapitres courts. Isabelle Villain signe ici un thriller de haute volée, dur et implacable, marqué par un scénario fort et qui se révèle hélas fort crédible. Les différents enquêteurs sont parfaitement campés, les procédures policières très bien reconstituées, et les analyses psychologiques notamment menées par la protagoniste centrale sont solides. Le lecteur va ainsi suivre cette série d’homicides, d’autant plus insoutenable que l’une des victimes sera une malheureuse gamine étouffée à l’aide d’un sac en plastique, à mesure que les corps tombent. Qui sont ces deux assassins œuvrant en parallèle ? Quelles sont leurs motivations ? Jusqu’où iront-ils ? L’écrivaine livre un récit haletant du début à la fin de cet ouvrage, tandis que graduellement apparaît, au-delà de cet étonnant binôme de monstres que sont Floki et Raptor, un autre psychopathe surnommé Argos. La fin est très intéressante, clôturant officiellement les investigations conduites par Lost, Isabelle Villain ayant sciemment choisi de tourner la page de cette héroïne après dix ans de bons et loyaux services.
Un thriller machiavélique, retors et efficace, parfaitement ancré dans un vingt-et-unième siècle marqué par le tout numérique où la raison et les valeurs s’effilochent au gré de ces relations digitales et déshumanisées.27/02/2025 à 06:37 3
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Laissé pour mort
3/10 Un tueur en série sévit aux Etats-Unis. Sa particularité : il anesthésie ses victimes avant de les larder de blessures à l’arme blanche et les laisse mourir d’exsanguination. L’agent Adèle Sharp, qui possède la triple nationalité franco-américano-allemande suit ce prédateur qui sévit sur des proies ayant en commun le fait d’avoir des âges bien particuliers, d’où son surnom de « Benjamin Button ». Une piste va l’amener à Paris où cet assassin semble sévir désormais.
Je connais plutôt bien la plume et le style de Blake Pierce, et là où ce dernier me contente habituellement, ici, ça n’a pas fonctionné. J’ai trouvé l’héroïne bien fadasse par rapport à d’autres (rien de bien particulier pour la spécifier, si ce n’est sa mère qui a été écharpée : belles aptitudes au profilage, mariée à son travail d’où ses déboires amoureux avec son compagnon Angus), l’intrigue contient de nombreux trous d’air interminables (cf. le passage en Allemagne en quête du produit analgésique baptisé « 132z »), les chicaneries avec ses collègues de la DGSI en deviennent redondantes et bavardes (l’appellation « Princesse américaine »), et je ne parle même pas des nombreuses coïncidences (Etats-Unis, France, Allemagne ? Ce sont justement les trois nationalités de notre enquêtrice : quel heureux hasard…) ni des moments carrément risibles (comme cette obsession pour la couleur rousse des cheveux du suspect qui tourne presque à la blague potache) voire gênants (le mobile du tueur est très abscons, pour ne pas le qualifier plus simplement d’imbécile). Bref, malgré des ingrédients connus voire attendus, la recette ne prend vraiment pas et le souffle de cette enquête est court.26/02/2025 à 19:30 3
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Avant de sombrer
8/10 Jérôme Cazenave, policier, se réveille à l’hôpital, sévèrement blessé, persuadé d’avoir eu un accident de voiture en rentrant chez lui. Une autre vérité lui est rapidement dévoilée : après être sorti du coma, on lui apprend qu’il aurait en réalité assassiné son épouse Céline. Encore dans les brume de l’incompréhension, à la limite de la folie, il va remonter la piste d’un passé récent.
Ce roman de Cyril Carrère séduit dès son entame : le style est musclé, rogné jusqu’à l’os, privilégiant les chapitres courts et un rythme cadencé. Jérôme va pouvoir compter sur l’aide de Sylvia, psychologue, à mesure qu’il essaie de faire le tri entre faux souvenirs, mémoire reconstituée et voiles encore solides et épais sur ce qui s’est réellement produit. Sa femme, Céline, atteinte de la maladie de Crohn, avait suivi un traitement expérimental qui s’était soldé par un AVC la laissant en partie handicapée. Parallèlement, leur fille Marine, qui avait tenté de dissuader ses parents de participer à ce protocole médical douteux, avait récolté la colère de son paternel avant de partir en Alsace et de se lier avec un sinistre personnage. Au-delà de l’intrigue, l’auteur met en relief de belles compositions humaines, des âmes déchirées, et sa plume sert à merveille ce panorama de portraits écorchés. L’histoire s’avèrera d’ailleurs bien complexe, avec des ramifications criminelles jusqu’en Albanie, de sombres trafics d’êtres humains, des accointances imprévues en milieu carcéral et des séances de torture difficilement soutenables. Les derniers chapitres sont explosifs et le double épilogue, détonant, vient conclure avec brio ce roman qui cumule toutes les qualités attendues d’un thriller comme d’un roman noir.
Cyril Carrère signe ici un ouvrage remarquable de maîtrise, dont les ultimes pages, singulières, marqueront durablement les esprits.26/02/2025 à 06:59 4