El Marco Modérateur

3253 votes

  • Les Lamentations de Jeremiah

    Teri White

    7/10 … ou l’étrange histoire d’amitié entre deux tueurs à gage. D’un côté, Max Trueblood, assassin vieillissant, de grande classe, avec une belle déontologie et soucieux de son aspect physique et de l’entretien de son corps. De l’autre, Jeremiah Donahue, jeune chien fou, spécialiste des vols de voitures et de l’utilisation des explosifs. Le second, afin de pouvoir se faire un nom et grimper dans les échelons de la criminalité, se propose de tuer le premier après un contrat, mais une curieuse affection va naître entre les deux hommes. Une histoire-miroir, puisque la différence entre ces deux individus se double de la relation entre deux policiers Aaron, sur le point de prendre sa retraite, et Cody, son second. Pas mal d’humour dans les dialogues et les situations, et le récit classique d’une adversité qui se commue lentement en inclination, voire une relation de père spirituel à fils allégorique. Des scènes d’action simples, mises en scène en quelques traits de plume, et des descriptions psychologiques faites sous une forme sèche et subtile, laissant le lecteur réaliser lui-même les traits d’union nécessaires et remplir les blancs volontairement laissés. La scène finale, humoristique, démontre le talent de Teri White à agencer les non-dits : ce qui est de prime abord un moment de gentille rigolade laisse augurer d’un futur épilogue funeste, avec une gravité et une austérité que chacun pourra concevoir, imaginer et circonstancier à son bon vouloir. Probablement rien de très novateur dans ce roman, pas de quoi déraciner un peuplier avec une cuillère à pamplemousse, mais un bien agréable moment de lecture autant qu’un hommage aux romans noirs d’antan. A titre d’information, ce livre a été librement adapté au cinéma en 1992 sous le titre « Max et Jérémie » avec Philippe Noiret, Christophe Lambert et Jean-Pierre Marielle.

    11/03/2018 à 17:46 3

  • Les Dynamiteurs

    Benjamin Whitmer

    9/10 Denver, fin du XIXe siècle. La ville est une véritable Babylone. Prostitution, misère, violence, corruption. Dans le quartier des Bottoms – « Les Tréfonds », une poignée de jeunes orphelins tentent de survivre. L’histoire nous est contée par Sam, quatorze ans, et chaque jour est à la fois un calvaire et un petit miracle, car il faut tenter de subsister, en mendiant, en volant, et également en se protégeant des agressions extérieures. Squattant une usine désaffectée, ces gamins affrontent régulièrement des SDF qui les agressent et tentent de leur chiper leur repaire. C’est lors de l’un de ces assauts qu’ils font la connaissance de John Henry Goodnight, une force de la nature, muette, et au visage à moitié déchiqueté. Pour Sam, c’est le début d’un apprentissage très particulier : celui de la barbarie et du monde des adultes, et la révélation de ses sentiments pour Cora, une autre adolescente.

    Benjamin Whitmer nous avait déjà offert Pike, Cry Father et Evasion. Dès les premières pages de ce roman, on est littéralement bluffés. L’écriture est prodigieuse de férocité, avec une description glauque, compacte et brûlante de ce Denver en 1895. Le prologue ne fait que cinq pages, et pourtant, il nous plonge avec maestria dans la noirceur qui constituera le reste du livre. On va y découvrir Sam, quatorze ans, et les autres orphelins, reclus volontaires dans cette ancienne fabrique et repoussant comme ils peuvent les tentatives d’invasion des « Crânes de Nœud » - le surnom que ces mômes ont donné aux adultes – à l’aide de pièges dévastateurs, comme des planchers munis de piques ou des hameçons pendant du plafond afin d’énucléer les envahisseurs. Sam et ses camarades de fortune rencontreront alors Goodnight ainsi que Cole Stikeleather, en quelque sorte son meneur, qui amèneront Sam dans le grand monde, celui des grandes personnes, pour une chevauchée brutale et sans la moindre concession. Nous n’oublierons jamais quelques passages qui marquent au fer rouge, comme les diverses confrontations avec les membres de l’agence Pinkerton, ce passage dans un wagon qui va être fatal à deux de ses trois voyageurs, les circonstances dans lesquelles Goodnight a été si mochement balafré, ou l’épilogue, terrible de cruauté, où l’on apprendra ce que sont devenus chacun des enfants bien des années plus tard. Vu à travers les yeux de Sam, le monde décrit par Benjamin Whitmer est impitoyable, crasseux, suffocant, traversé de convulsions sanglantes et de hurlements inhumains. L’auteur emploie une langue qui mêle argot, expressions ordurières, dialogues au cordeau et de nombreuses métaphores et autres images croustillantes, tandis que certains passages sont de purs instants de grâce, décrits avec une beauté inouïe. Finalement, de cette puissante alternance entre noirceur et lyrisme, il y a une phrase qui résume parfaitement la plume de Benjamin Whitmer : « Si vous voulez m’émouvoir, donnez-moi des bandits et des baleines blanches. Ce monde est un monde de têtes coupées, et il n’y a pas beaucoup de place pour les balades dans des putains de champs de jonquille ».

    Voilà un ouvrage fabuleux d’obscurité, où la transition de l’enfance à l’âge adulte se fait à coups de gnôle, de crosse, de dynamite et de désillusions. Ce roman est brillant, et cet éclat s’observe avec d’autant plus d’évidence qu’il s’exerce dans les ténèbres.

    18/10/2021 à 07:43 6

  • Casse-tête

    Harry Whittington

    5/10 … ou comment, sans le moindre coup de semonce, le quotidien de Henry Wilson est bouleversé quand un inconnu au physique blafard et patibulaire vient le dérouiller sur le pas de sa porte en lui laissant une lettre de menace évoquant à la fois des menaces et un passé trouble… qui ne le concerne pas. Erreur sur la personne ? Folie ? Complot ? Ce court roman de Harry Whittington commence sur les chapeaux de roues et imprime, dès les premiers chapitres, malgré un titre en français assez tartouille, un rythme effréné. Henry Wilson est comptable au Ministère des Anciens Combattants, sans grande saveur, avec un salaire peu glorieux, au physique désagréable, et sa seule « réussite » est d’avoir épousé Lila, une magnifique jeune femme à la voix ensorcelante. Mais qui est donc ce Sammy qui semble tant lui en vouloir ? Il finira lentement par faire émerger la vérité. Et si l’entame du livre est assez sportive et intrigante, le reste l’est beaucoup moins. J’en ai même parfois perdu le fil, malgré la présence de bons moments (comme quand Henry s’en prend, dans un bar, à son bastonneur en donnant à cette empoignade des allures de retrouvailles et de bonne blague potache, ou alors les diverses tuiles que se prend notre protagoniste sur le coin du museau, avec cet enfermement dans une prison en Californie qui lui est reproché et à cause duquel il perd son boulot alors qu’il n’a jamais mis les pieds dans cet Etat) avec ce qu’il faut d’humour pour relever la saveur de l’histoire. En fait, ce scénario sur l’endossage d’une identité se dilue rapidement, en devient même brouillonne, et, lorsque tout finit par se résoudre, il m’a laissé une expression dubitative et insatisfaite aux lèvres. Bref, je ne vais pas cracher dans la soupière alors que le potage que je viens de consommer était plutôt correct, mais il m’a paru bien plus insipide et négligeable qu’espéré. Oui, voilà, c’est ça : au vu de la manière dont tout s’amorçait, j’ai lentement vu s’éclipser le fumet originel et ai été confronté à une certaine déception. Mais je tâcherai de lire d’autres ouvrages de cet écrivain, car il m’a semblé malgré tout qu’il y avait un réel talent chez cet homme : je ne suis peut-être pas tombé sur son meilleur ouvrage, voilà tout.

    11/12/2019 à 18:33 3

  • Apocalypse Lille

    Pierre Willi

    7/10 À la lisière du thriller et du roman noir, voilà un ouvrage réussi, qui intéresse autant qu’il fait réfléchir.

    30/06/2013 à 09:49

  • Le monstre d'Arras

    Pierre Willi

    8/10 Jean Maurtin a tout du criminel idéal. La petite Virginie Tirman a été retrouvée morte, et tous les doutes se sont portés sur cet homme assez marginal, obsédé par la photographie. Forts soupçons de la police, puis découverte de preuves irréfutables, et enfin des aveux après vingt-et-une heures de garde à vue. L'affaire semble bouclée. Sauf pour un avocat opiniâtre et son fidèle acolyte, pour qui les preuves sont presque trop évidentes pour être crédibles.

    Après Braquages à Fives, Le monstre d'Arras est le deuxième ouvrage de Pierre Willi – dont il a également peint le tableau figurant en couverture – à paraître aux éditions Ravet-Anceau. Ce roman, oscillant entre l'œuvre noire et le roman à suspense, est parfaitement mené. Les huit premiers chapitres sont absolument remarquables, décrivant avec une sobriété inouïe la lente descente aux enfers de Jean Maurtin, la mécanique implacable de la machine policière, le sentiment de culpabilité des proches du présumé coupable, jusqu'à la confession qui sonne comme un coup de tonnerre. Ensuite, on découvre avec plaisir deux personnages très intéressants, Gilles Démol, avocat atypique déterminé à défendre les pires individus devant la justice, et son comparse Émile Nource, enquêteur en marge. Ce duo de limiers est très attachant, et le lecteur progresse dans le récit au fur et à mesure de leurs impressions et découvertes, jusqu'à la vérité, inattendue. La plume de Pierre Willi est très plaisante, toute en retenue et teintée d'humour, et l'auteur restitue avec beaucoup de crédibilité et d'humanité les pensées de chacun de ses personnages.

    Le monstre d'Arras est donc un livre de très haute volée, à la fois prenant et parfaitement plausible, décrivant avec justesse les douleurs des êtres broyés par les erreurs judiciaires. A n'en pas douter, cet écrivain a du talent, et l'on ne pourra que se ruer sur ses précédents ouvrages ainsi que ceux à venir.

    09/07/2010 à 11:57

  • La Fille des marais

    Charles Williams

    8/10 Les thèmes exploités dans cet ouvrage peuvent sembler usés jusqu’à la corde. Il fallait un véritable talent d’écrivain, élégant et efficace, pour en extraire tout leur suc. Charles Williams l’a fait. Avec classe et tempérance, l’auteur retrace le parcours chaotique de l’un de ces couples maudits que l’on aime tant retrouver en littérature.

    15/10/2012 à 18:25 1

  • Ont-ils des jambes ?

    Charles Williams

    5/10 Une histoire qui commence bien, avec une manipulation sympathique et une substitution d’identité à propos d’un bateau. Mais si les ingrédients sont présents sur la table, l’auteur oublie un peu la recette en cours de route. C’est finalement assez fade, sans retournement de situation ni montée de tension. Indéniablement, il a potassé son sujet, notamment à propos de la navigation et du vocabulaire maritime, mais ça ne prend pas vraiment. La concision du livre est ici amplement justifiée à mes yeux : dans la mesure où Charles Williams n’avait pas grand-chose à raconter, autant faire court. Une intrigue et un ouvrage qui ne resteront pas bien longtemps en ma mémoire.

    19/11/2016 à 11:09 1

  • Sombre vallée

    Thomas Willmann

    9/10 Dix-neuvième siècle, dans un village isolé des Alpes, tenu sous la coupe du vieux Brenner et de ses fils. Un homme arrive. Il s'appelle Greider. Un peintre. Un inconnu. Il s’installe chez une veuve et sa fille, et souhaite passer l’hiver qui se présente à croquer les paysages locaux. Ce sont bientôt les enfants de Brenner qui meurent les uns après les autres.

    Avec cette ébauche de résumé, il n’est guère besoin d’être un grand clerc pour reconnaître les ambiances et scénarios propres à certains westerns. De L’Homme des hautes plaines à Pale Rider en passant par nombre d’autres films, notamment de Sergio Leone, tout le monde voit déjà venir les passages obligés, voire les clichés : la communauté retirée, le magnat et sa famille autocratique, le horsain venu appliquer avec ardeur une vengeance, etc. Lorsque l’on lit ce Sombre vallée de Thomas Willmann, c’est indéniable, ces poncifs se produisent. Mais avec quel régal. Ce livre est en soi un paradoxe : le fond est connu, mais c’est ici la forme qui l’emporte. Un véritable festin de mots et de maux. Une écriture remarquable pour décrire ces paysages esseulés et enneigés. Le village recroquevillé sur lui-même, ses croyances ancestrales et ses propres couardises, assumées comme un élément de son ADN. La mainmise d’une dynastie cruelle et impitoyable, ayant élevé le droit de cuissage et des grossesses forcées au rang de dogme. Il faut attendre le quatorzième chapitre de ce récit et sa soixantaine de pages pour comprendre les origines exactes de l’immense rancœur de Greider à l’encontre des Brenner, avec un magnifique et terrifiant télescopage de deux époques pour un mal commun. Des scènes d’une violence brute surgissent de ce passage, mettant en exergue la bestialité des hommes, avec notamment ce gamin capable de trouver l’idée de briser physiquement un de ses congénères à coups de fléau, un prêtre se prêter à la terrible redite de la crucifixion, et des conseils zélés de cette meute de psychopathes quant à l’emplacement exact des clous à enfoncer dans une chair humaine pour s’assurer une correcte stabilité.

    Un récit glacé et glaçant, qui joue sur les codes traditionnels du western pour mieux les faire exploser par le truchement d’une langue marmoréenne. Une histoire quasiment privée de tout dialogue, uniquement fondée sur des descriptions remarquables de ces panoramas hiémaux et de ces personnages atypiques, où serpente, au milieu de la lâcheté des uns, la fureur des survivants. Un roman dont on n’a pas fini de mesurer l’insondable noirceur.

    24/01/2018 à 20:03 4

  • Le Tueur

    Colin Wilson

    9/10 Le docteur Samuel Kahn s'intéresse un peu par hasard à Arthur Lingard, un détenu de la prison de Rose Hill. L'homme paraît inoffensif, passe pour être d'une intelligence quelconque, et fait plus penser à un petit animal peureux qu'à un véritable criminel. Progressivement, le psychologue va s'approcher du réel Arthur Lingard et l'amener à se confesser. C'est le début d'une longue descente vers l'enfance du prisonnier, un passé qui a conditionné son psychisme. Et si Lingard était en fait un véritable psychopathe ?

    Colin Wilson fait partie de ces nombreux auteurs de romans policiers que la postérité a oubliés. Bien à tort, car ce livre, publié pour la première fois en 1970, est en la matière un petit bijou. Par paliers successifs, comme on pénètrerait à l'aveuglette dans une cave mal éclairée, le lecteur s'approprie l'esprit tourmenté du captif. C'est un univers glauque et terriblement déstabilisant, perclus de traumatismes odieux, de fantasmes inassouvis, de cauchemars vécus éveillés. De ses premières amours pour sa sœur jusqu'aux désirs d'inceste, d'attouchements sous hypnose à la fréquentation de pédophiles honteux, du fétichisme pour les culottes aux viols, ce sont des arpents de ténèbres qui se dévoilent lentement, au gré d'une confession chaotique et terriblement obscène. La chrysalide de l'enfant déstructuré s'est ouverte pour donner naissance à un individu aussi pathétique que dérangeant. Certains passages sont décrits d'une manière très directe, presque naturaliste, à la manière d'un entomologiste observant et narrant l'activité d'un insecte nuisible. Colin Wilson ne s'érige pas en juge : il raconte, explore, mais ne tranche quasiment jamais. Le lecteur pourra d'ailleurs trouver bien des scènes écœurantes, sans ce filtre du moralisme, mais l'écrivain s'est contenté de livrer une vérité humaine brute, sans jalons ni tamis, ce qu'il explique d'ailleurs dans sa postface. À certains égards, on en vient même à se demander si le psychologue, Samuel Kahn, n'est pas un peu insipide face à un être aussi pervers, mais ce choix narratif est amplement compréhensible : la lumière obscure projetée par Lingard ne pouvait s'encombrer de paravent, et se devait d'exposer sa noirceur sans contrepoint.

    Derrière ce titre assez banal se dissimule un roman psychologique fort et haletant. Les scènes à faire trembler le lecteur sont bien rares, et ce n'était d'ailleurs pas l'objectif de Colin Wilson. Il s'agissait de mettre en relief la genèse d'un monstre, depuis son enfance brisée jusqu'aux premières effusions de morbidité. Un récit d'autant plus effroyable qu'il est parfaitement crédible, et a certainement influencé des auteurs comme James Ellroy, Thomas Harris ou Keith Ablow.

    08/11/2011 à 16:08

  • La Forteresse Noire

    Francis Paul Wilson

    8/10 Un roman fantastique qui mériterait de devenir un classique du genre, et qui a le grand mérite de dépoussiérer le mythe du vampire.

    08/01/2006 à 19:36 2

  • Là où naissent les ombres

    Colin Winnette

    7/10 Brooke et Sugar sont deux frères, des tueurs à gages de la pire espèce. Véritables psychopathes, ils multiplient les exactions sans la moindre forme d’empathie. Ils découvrent par hasard un garçonnet, amnésique, ne se souvenant même plus de son prénom, et ils décident de l’appeler Bird. Mais ce n’est pas l’arrivée d’un gamin à leurs côtés qui va faire s’éloigner la violence…

    Premier ouvrage de Colin Winnette, ce western déstabilise dès les premières pages. La langue de l’auteur est assurément riche et intéressante à lire, mais c’est la structure du texte qui surprend : aucun découpage en chapitres, des dialogues parfois fort étirés, des descriptions hallucinées. Les amateurs de westerns à l’ancienne, fans des canons du genre au cinéma comme en littérature, seront pour le moins décontenancés. Et cette destructuration du propos met davantage en relief les trois personnages principaux que sont Brooke, Sugar et Bird. Si les deux premiers semblent être de prime abord des caricatures d’assassins sanguinaires, Colin Winnette a su magnifier leur psychologie et leur passé. De longs passages relatent l’enfance de ces individus, apportant des circonstances presque atténuantes aux multiples razzias et barbaries auxquels ils ont ensuite pu se livrer. D’ailleurs, si quelques indices sont disséminés au début du roman, la véritable nature de Sugar saura surprendre et marquer l’esprit du lecteur. Par ailleurs, Bird est un protagoniste mémorable : un môme, perdu dans la violence de l’Amérique, capable de révoltes, d’inclinations et de forts appétits de vengeance. Trois trajectoires fracturées, broyées par un monde étrange et nauséabond, où l’on peut abattre par mégarde une fillette en voulant toucher le preneur d’otage sans la moindre émotion, où l’anthropophagie n’est qu’un simple moyen de se nourrir, où un enfant amputé d’un bras peut à son tour se mettre en tête de devenir un mercenaire, intoxiqué par la violence ambiante.

    Un roman d’une incroyable noirceur, peuplé de prédateurs et de nuisibles, mais dont la forme, particulièrement atypique et déconcertante, risque de perdre voire de rebuter une partie du lectorat.

    19/06/2018 à 18:29 5

  • Parasites

    Ben H. Winters

    8/10 Susan et Alex Wendt forment un couple jeune et enviable, les heureux parents d’une délicieuse Emma. Lassés de leur appartement qu’ils trouvent trop petit, ils finissent par en trouver un autre, un duplex, en répondant à l’annonce laissée par la vieille Andrea Scharfstein. Malgré les problèmes d’argent, Susan et Alex pensent avoir dégoté la perle rare, jusqu’à ce que la jeune femme finisse par découvrir des punaises de lit. Ces minuscules insectes vont rapidement la rendre folle, mais ne l’est-elle pas vraiment ? D’ailleurs, pourquoi semble-t-elle la seule à les voir ?

    Avant sa trilogie consacrée au Dernier meurtre avant la fin du monde, Ben H. Winters signait ce roman en 2011. D’entrée de jeu, l’auteur prend le temps de planter le décor, ses personnages, les liens qui les unissent. Désormais femme au foyer, Susan s’essaie encore de temps en temps à la peinture tandis qu’Alex exerce dans la photographie pour la bijouterie et l’horlogerie de luxe. Mais quelques sombres présages vont venir ternir le tableau : des boutons qui apparaissent sur un tableau réalisé par Susan, des piqûres suspectes, des bruits étranges dans l’appartement, d’anciens locataires dont on n’a plus de nouvelles, une logeuse qui ne dit peut-être pas tout de son propre passé… Après un long début davantage ronronnant que rugissant, nécessaire pour établir l’apparente normalité de la situation, Ben H. Winters va graduellement faire basculer sa protagoniste dans le doute, la paranoïa puis la démence. Alex a-t-il une relation extraconjugale avec Marni, la baby-sitter ? La spécialiste de l’extermination des punaises de lit, Dana Kaufmann, joue-t-elle franc-jeu ? Le médecin qui l’a auscultée n'essaie-t-il pas de la duper en parlant de syndrome d’Eckbom ? L’homme à tout faire, le débonnaire Louis King, n’est-il pas en train de dissimuler ce qui s’est précédemment passé dans ce logement ? Ce livre écrit par un illuminé sur les infestations a-t-il raison d’être si alarmiste ? Et l’épilogue apporte son lot tant attendu de révélations et de violences : un bouquet final détonnant, très cinématographique, qui vient amplement relever la saveur de l’ensemble de l’ouvrage et apporter toutes les réponses nécessaires.

    Un livre partant d’une histoire a priori classique mais particulièrement bien mené, concis et efficace, écrit avec beaucoup de simplicité et jouant habilement sur les peurs primitives et autres phobies ressenties par les êtres humains. Parasites, ou l’art de frissonner en compagnie de toutes petites bestioles qui peuvent rendre fou… ou tuer.

    11/01/2023 à 06:52 4

  • Peur express

    Jo Witek

    7/10 Si l’on recherche un opus prompt à dresser la chair de poule pour des lecteurs adolescents, le compte y est, indéniablement. En revanche, l’étiquette de thriller lui sied moins bien, à cause de cette fin un peu trop ouverte et non tranchée. Néanmoins, le talent de Jo Witek est indiscutable et l’on se laisse facilement transporter aux côtés des passagers de ce train, au gré d’un wagon littéraire qui jamais ne déraille.

    11/11/2013 à 08:29

  • Trop tôt

    Jo Witek

    8/10 Pia, à peine âgée de quinze ans, se donne à un autre ado à peine moins jeune qu’elle, Nathan. Ce dernier ne vit cette expérience que comme « un coup d’un soir », ce qui plonge la jeune fille dans le désespoir… qui ne fera que s’amplifier lorsqu’elle se rendra compte qu’elle est enceinte. Très peu de pages et de personnages dans ce court texte : Pia, sa cousine Marthe, Nathan, Baptiste, un adolescent qui devient le grand ami de notre si jeune héroïne, et les parents de Pia. La thématique de Jo Witek est de montrer un cas concret de grossesse non désirée, et intervenant presque accidentellement dans le parcours d’un individu qui n’est pas préparée à cela, ni même adulte. Le sujet est on ne peut plus simple, mais les mots de l’écrivaine sont choisis avec tact, élégance, sans jamais être moralisateurs, sauvagement lyriques ni aveuglément engagés. Des attitudes on ne peut guère plus crédibles et saisissantes de réalisme, des comportements hautement humains et bienveillants, et des questions à la fois cruelles et cruciales quant au devenir de Pia. Une œuvre certes féministe et engagée, et qui se paie le luxe de le faire sans tomber dans le moindre excès. Un ouvrage hautement recommandable sur les affres d’une jeunesse qui, parfois, peut faire les mauvais choix et se retrouve donc confrontée à la nécessité de prendre, à défaut d’être la meilleure, la moins mauvaise des solutions.

    19/01/2020 à 08:55 2

  • La Disparition du professeur Kowalski

    H. R. Woestyn

    3/10 Le professeur de bactériologie Kowalski travaille dans un laboratoire sis dans un assez vaste domaine mais avec peu d’autres personnes. Durant une nuit, la femme du jardinier prévient les habitants que son mari est évanoui. Sortant de son inconscience, il déclare que Kowalski a été assassiné. Mais le plus abracadabrant est que, toujours selon les dires du jardinier, il aurait été assassiné par un véritable monstre. Et lorsque les élèves du professeur se rendent sur place : éclats de verre, traces visqueuses, sang… et absence de cadavre. Est-ce réellement un acte surnaturel ? L’inspecteur Pinson, au bout de plusieurs jours, finit par avoir une déduction étonnante.
    Une nouvelle très faible. Les déductions sont assez plates à mon goût et le postulat (la prétendue créature meurtrière) est tellement forcé que je n’y ai jamais cru – le romancier et l’enquêteur non plus, ce qui fait que la suite a été totalement délégitimée à mes yeux. Et au final, je n’ai guère été surpris par la chute en raison de ces traits si épais voire épaissis. Une magnifique déception pour cette petite vingtaine de minutes d’écoute.

    08/02/2023 à 18:14

  • La Vengeance du Persan

    H. R. Woestyn

    6/10 Un dénommé monsieur Pascal vient rencontrer Pinson, il dirige une pension du même nom. Trois professeurs assurent l’enseignement de jeunes gens en ce lieu. Parmi ces enseignants, Boutron pris d’amnésies qui disparaissent graduellement lors d’un séjour de repos mais qui reviennent à la charge lorsqu’il revient dans la pension, au point que Pascal imagine et suggère une machination au sein de cette institution. Et les premiers soupçons de Pinson se portent sur Abdul-Hafiz, le fils d’une sommité vivant à Téhéran et l’un des plus riches élèves de la pension…
    Une nouvelle assez simple mais bien menée. On est dans le registre du classique mais c’est agréable à suivre, même si je regrette amèrement que le titre ainsi que l’image de la couverture présente sur le site Audiocite (reprenant une illustration originelle présente dans l’ouvrage où se trouvait ce texte) assassinent littéralement le suspense en offrant à la fois clairement l’identité du coupable et la méthode employée par ce dernier.

    22/11/2023 à 17:37 3

  • Le Faux Moribond

    H. R. Woestyn

    3/10 On retrouve l'inspecteur Pinson en congé suite à une blessure par balle, le voilà à Saint-Valery-en-Caux en villégiature, et c'est à son voisin, un vieux monsieur mourant, que notre limier va s'intéresser à la demande de sa belle-fille. L'idée est intéressante mais le récit - fort bref - est complètement tailladé par un titre décidément beaucoup trop explicite. Il saborde tout suspense avant même presque l'écoute de cette nouvelle. Un choix qui s'avère très toxique, presque suicidaire.

    13/12/2023 à 18:05 2

  • Le Perceur de murailles

    H. R. Woestyn

    5/10 Un homme, Le Léger, ayant fait fortune autrefois dans le domaine alimentaire, est victime de menaces anonymes depuis six mois, au point que lui et sa femme « en ont perdu le boire et le manger ». Un chef de gare lui recommande de s’adresser au policier Pinson pour l’aider.
    Une nouvelle (lue) d’une quinzaine de minutes, agréablement menée, avec une résolution sympathique mais guère originale ni fracassante, autour d’une usurpation d’identité et d’un voisinage suspect. Mais je ne garderai probablement pas longtemps cette histoire en tête tant elle est à mes yeux assez fade.

    12/02/2023 à 07:56 1

  • Rancune de condamné

    H. R. Woestyn

    2/10 Léopold Lacour a été appréhendé par l'inspecteur Pinson et, même s'il peut bénéficier de circonstances atténuantes, est condamné à deux ans de prison. Il menace alors directement le policier mais ce dernier n'est guère inquiet. Jusqu'à ce qu'il reçoive une lettre de menace explicite...
    Une nouvelle qui part sur un pitch classique et seule la confrontation finale pouvait apporter un peu de piment à l'ensemble... ce qui n'a pas été le cas. Je m'attendais à un rebondissement - mis à part celui concernant le mensonge originel du criminel mais il est presque sans intérêt - qui n'a même pas eu la bonne idée de toquer à la porte de ce récit très court et particulièrement amorphe. Une sacrée désillusion, en ce qui me concerne.

    13/12/2023 à 18:47 3

  • Trahison de jockey

    H. R. Woestyn

    6/10 Danby est un heureux entraîneur de chevaux de course, trois fois récompensé et respecté du public. Quand c’est le jockey Wells qui est sollicité par le propriétaire de Fra Diavolo pour monter son cheval, le jockey Storr paraît autant résigné qu’accepter la décision. Mais le jour de la course, Wells reçoit un télégramme comme quoi sa femme est à l’agonie et on laisse les rênes à son concurrent… sauf que le message était une supercherie. Danby va alors trouver Pinson pour tirer cette histoire au clair mais le détective ne croit pas en sa culpabilité, beaucoup trop évidente.
    Une nouvelle originale dans la mesure où elle se déroule dans un milieu – celui du hippisme – pas beaucoup présent dans les ouvrages policiers. Là où le bât blesse, c’est que ce texte est vraiment beaucoup trop court pur faire naître le moindre suspense ni laisser le temps au lecteur de se poser des questions ou de faire chauffer ses petites cellules grises. Parallèlement, le fait que Storr soit aussitôt disculpé aux yeux de l’enquêteur fait qu’il ne reste guère de suspects potentiels et que l’on devine facilement qui est le fautif, ce qui tue un peu l’intrigue. Bref, c’est sympa mais un peu insuffisant en termes de ressorts.

    09/02/2023 à 19:30 1