Norbert

308 votes

  • Traverser la nuit

    Hervé Le Corre

    7/10 Ce bouquin m'a réconcilié avec Le Corre. Son précédent, Dans l'ombre du brasier, m'avait profondément ennuyé et prodigieusement agacé avec sa prétention, ses longueurs, son écriture ampoulée et inutilement apprêtée, son absence d'intrigue et ses personnages caricaturaux.
    Traverser la nuit est plus sobre, (beaucoup) plus court, ancré à Bordeaux, et semble davantage correspondre au sillon que creuse l'auteur. Son écriture, très travaillée, semble pourtant couler de source et réussit à embarquer le lecteur dès les premières pages. L'intrigue minimaliste sert surtout de prétexte pour cerner trois personnages en rupture. Jourdan, le flic de la PJ au bord du burn-out, Louise, femme battue par son ex qui se raccroche à son fils pour continuer d'avancer, et enfin Christian, rendu psychopathe par une mère abusive profondément toxique. Trois personnages dont la vie semble n'être qu'une longue nuit sans fin privée d'aurore. Et dont les trajectoires ne se croiseront que très (trop ?) tard.
    Un roman noir et tragique qui n'est pas sans défaut mais qui parvient à plonger le lecteur dans une saisissante atmosphère nocturne battue par la pluie, saisie par le froid, rongée par la fatigue d'êtres en perpétuelle recherche d'une bouffée d'oxygène. Hervé Le Corre la leur refusera jusqu'au bout.

    21/12/2021 à 14:25 8

  • Un vent de cendres

    Sandrine Collette

    8/10 Avec "Un vent de cendres", Sandrine Collette se hisse parmi les grandes plumes du roman noir français. Après le succès critique et public de son premier roman, consacré qui plus est par le Grand Prix de Littérature Policière, inutile de dire que Sandrine Collette était attendue au tournant.Or, si je n'avais personnellement pas été totalement convaincu par ce premier roman qui pêchait à mon avis par quelques menus défauts, j'avoue que j'ai été impressionné par celui-ci et sa maitrise absolue. Là où le précédent m'avait un peu frustré en ne me laissant pas vraiment de souvenir marquant, celui-ci sera parvenu à me laisser un certain nombres d'images et de sensations fortes.Il faut dire que l'auteur frappe ici très fort dès les premières pages, avec un prologue d'une redoutable efficacité, aussi percutant qu'habilement placé dans le récit, dont il permettra d'ailleurs de mieux interpréter le dénouement.Par la suite, elle nous plonge dans une sorte de version sombre et hautement vénéneuse de La Belle et la Bête, dévoilant un incontestable talent pour créer et jouer avec les atmosphères, alternant les ambiances, soufflant tantôt le chaud puis le froid.Le cadre naturel dans lequel se déroule l'intrigue est parfaitement restitué, des champs de vignes à la forêt qui les entoure, jusqu'à la grande maison élégante de ces propriétaires qui vivent reclus, blessés voire même au bord de la folie pour l'un. Les sentiments humains y semblent exacerbés, de l'attirance entre Octave et Camille dont naît une sensualité à fleur de peau à la colère de Malo face à ce rapprochement qu'il perçoit comme malsain.Grâce à une écriture évocatrice et un style qui a gagné en maturité, Sandrine Collette envoûte le lecteur dans cette espèce de conte revisité où la tension grandissante finit par exploser dans les derniers chapitres, jusqu'à un épilogue d'une infinie noirceur qui clôt ce magnifique roman noir par une seconde grosse claque pour le lecteur. Impressionnant !

    25/04/2014 à 23:52 8

  • 1275 âmes

    Jim Thompson

    9/10 Un grand classique dont l' écho résonne encore longtemps après la lecture...Inimitable Thompson!

    01/07/2007 à 11:04 7

  • Comme des rats morts

    Benedek Tótth

    8/10 Quelle claque, ce bouquin !
    Evidemment que ce n'est pas destiné aux âmes sensibles, mais ce portrait d'une certaine jeunesse est finalement moins "trash" qu'effrayant de justesse. Rien de gratuit, juste une description de l'intérieur, sans concession. Portée par une langue superbe, crue, souvent grossière, parfois poétique, mais toujours juste et ultra-réaliste.
    Une immersion glaçante dans un groupe d'ados emblématique de la génération des années 2000-2010, biberonnée à l'ultra-libéralisme, au consumérisme, et à tout ce qui en découle : individualisme, égoïsme, culte de la performance, loi du plus fort, une génération livrée à elle-même à cause de parents et d'adultes démissionnaires - pour plusieurs raisons.
    Un roman au final pas plus trash que ne l'est notre société.

    05/10/2019 à 07:38 7

  • L'Alignement des équinoxes

    Sébastien Raizer

    4/10 Un roman que j'ai beaucoup aimé et qui m'a passionné pendant au moins la moitié du livre, par contre j'ai été de plus en plus déçu par la suite de "l'évolution" de l'intrigue qui ne tient pas du tout ses promesses, qui commence à s'embourber pour finir par une fin très décevante.
    L'aspect "alignement des équinoxes" et "phénomènes qui nous dépassent", si intéressant et passionnant au début finit par retomber totalement à plat, à tel point que je me suis dit : "tout ça pour ça ?!".
    Du coup, non seulement à la fin on ne voit pas très bien la nécessité d'une suite, mais personnellement ce sera sans moi.
    Au final, après avoir fondé de grands espoirs sur cette intrigue si originale, passionnante et "exaltante" dans la première moitié du roman, tout retombe petit à petit à plat ensuite pour se finir de manière expéditive et baclée, finalement de manière très classique et qui, surtout, ne répond à aucune des questions soulevées pendant tout le récit. En réalité une sorte de non-résolution, un retour à zéro déconcertant et très décevant, qui m'a donné l'impression d'un roman... totalement vain.
    Dommage, car il y avait vraiment un potentiel assez impressionnant, à la base.

    23/11/2015 à 06:16 7

  • La Cabane des Pendus

    Gordon Ferris

    8/10 L'Ecossais Gordon Ferris n'est pas un petit nouveau dans le monde du polar car il a déjà publié plusieurs romans, et la critique britannique le surnomme même "le nouveau Ian Rankin"..
    Toujours est-il qu'avec ce premier polar publié en France, remarquablement écrit, il nous offre vraiment un roman passionnant, avec un anti-héros particulièrement touchant et attachant.
    Ancien flic qui a ensuite combattu pendant la 2nde Guerre mondiale, mais qui a depuis le plus grand mal à s'en remettre et à retrouver le goût de vivre, Douglas Brodie va revenir dans sa ville natale, à Glasgow pour mener une enquête qui va prendre des allures de descente en enfer.
    Flics corrompus, gangs tout-puissants, machination pour condamner à mort un innocent à la place du vrai prédateur (intouchable), ramifications insoupçonnées, l'intrigue de ce polar ménage un suspense savamment dosé de subtils rebondissements, dans une ambiance qui fait froid dans le dos.
    Polar crépusculaire, mais aussi superbe roman atmosphérique qui est une remarquable reconstitution de l'Ecosse d'après-guerre, de sa population misérable, de ses pubs mal famés, et de cette chape de plomb et de désespoir qui semble avoir obscurci le ciel autrefois si prometteur.
    Les personnages sont tous dessinés avec finesse, attachants et crédibles, avec leurs failles, leurs doutes, mais aussi leur force. le tout servi par une belle écriture, vive, fluide, évocatrice, et qui ne manque pas d'humour.
    Voilà donc un vrai bon polar, captivant et bien ficelé, une belle découverte qui sort des sentiers battus des thrillers habituels, et qui nous donne envie de lire à nouveau cet auteur et, pourquoi pas, retrouver ce Douglas Brodie ?

    03/10/2013 à 13:23 7

  • Le Code de Katharina

    Jørn Lier Horst

    8/10 Même si Le code de Katharina est la 5ème enquête de William Wisting traduite en France, elle inaugure le "Quatuor des cold cases" et constitue donc une excellente porte d'entrée pour cette série. Et quel plaisir de découvrir un auteur et une nouvelle série aussi efficace ! Un excellent polar, aussi précis et efficace qu’une horlogerie suisse !

    24 ans que Katharina Haugen a disparu, et Wisting a fini par se lier avec son mari Martin, au point d'organiser chaque année un week-end de pêche pour commémorer l'évènement. Sauf que cette fois-ci, il y a du nouveau : Adrian Stiller, qui dirige une nouvelle cellule d'enquête dédiée aux affaires classées au sein de la police criminelle, soupçonne Martin Haugen d'être également lié à un enlèvement. Il va charger Wisting de tenter de soutirer des aveux à Haugen durant leur week-end en pleine nature, et va se servir de Line, la fille de Wisting, pour qu'elle médiatise l'affaire en diffusant en même temps un podcast à forte audience, espérant ainsi faire réagir le suspect. Même si Line ne sait pas que Wisting et Stiller ont déjà un suspect en vue.

    Je ne suis pas forcément un grand fan des romans de procédure, mais j'avoue que l'efficacité de celui-ci m'a autant surpris que captivé. On est happé par cette double enquête, celle de Wisting et celle de sa fille Line, qui fonctionne comme un étau qui se resserre autour du suspect. On partage les doutes, les craintes, les soupçons et les intuitions de Wisting, et on voit en parallèle sa fille Line parvenir peu à peu aux mêmes conclusions de son côté, et s'inquiéter du danger que va courir son père durant son séjour seul avec le suspect.
    C'est d'autant plus efficace que Jorn Lier Horst fait suffisamment confiance au lecteur pour ne pas tout surexpliquer, comme c'est parfois le cas dans certains polars. Au contraire, Horst laisse son lecteur interpréter certaines attitudes ou certaines paroles de ses personnages. Un lecteur qui va se mettre à douter au même titre que l'enquêteur, tant l'ambiguïté continue à régner, tant dans les faits ou les paroles des différents suspects.
    Résultat : un belle tension narrative et psychologique s'installe, pour culminer pendant ce huis clos de deux jours en pleine nature entre Wisting et son principal suspect. Un suspense d'autant plus efficace et captivant que l'intrigue fonctionne comme un mécanisme d'horlogerie suisse d'une redoutable précision.

    Lorsqu'on évoque un Michael Connelly norvégien, on a plus tendance à penser tout de suite à Jo Nesbo et à son inspecteur Harry Hole. Or, si William Wisting est certes un personnage moins complexe et torturé que Bosch ou Hole, il n'en demeure pas moins particulièrement humain et attachant. Surtout, on sent que Horst a lui-même été policier pendant de nombreuses années, ce qui confère à ses roman un réalisme saisissant, une atmosphère tendue et une efficacité redoutable !
    En tout cas, je comprends le succès grandissant de Jorn Lier Horst partout où il est publié. Je suis moi-même en train de lire La chambre du fils, 2e enquête de ce Quatuor des cold cases.

    01/07/2023 à 15:29 7

  • Le Fils de la Mort

    Adrian McKinty

    8/10 Dévastateur et éblouissant ! Ca faisait longtemps que je n'avais pas lu un polar aussi fort et puissant, qui rappelle par son atmosphère et ses personnages fascinants les plus grands films de gangsters américains. Un régal ! Un héros dur à cuire, un rythme haletant, une intrigue mouvementée, dense et palpitante, servie par l'écriture brillante, fluide et racée de McKinty. Un thriller noir et violent qui transporte littéralement le lecteur et confirme que McKinty est bien l'un des plus grands auteurs de polars contemporains. À découvrir absolument !

    19/06/2008 à 00:53 7

  • Le Matériel du tueur

    Gianni Biondillo

    4/10 Quelle déception, ce roman ! Pourtant, j'étais rentré dedans avec un "à priori" ultra-positif suite au résumé et au fait que ce soit un polar italien. Mais dès les premières pages, gros problème : impossible de se concentrer sur un personnage ou le début de l'intrigue, avec un auteur qui n'en finit plus d'aligner des digressions à propos de tout et n'importe quoi, que ce soit de la manière de faire des pâtes (pourtant j'adore ça et, dans le même esprit mais sans digressions à chaque paragraphe, Alessio Viola a même réussi à me donner quasiment faim lors de certains passages de son bouquin), de l'architecture d'un pont, bref : tout, absolument tout était sujet à longueurs et digressions jusqu'à ce que, enfin, à partir de la 70ème page, comme si on venait de lui administrer sa dose de neuroleptique, l'auteur se calme soudainement (et enfin !).
    Une fois ces 70 premières pages passées, le récit gagne en rythme, en efficacité, et pourtant je suis complètement passé à côté. Je n'ai accroché ni aux personnages, ni à l'intrigue plus ou moins confuse, et j'ai terminé le bouquin avec cette désagréable impression d'être totalement passé à côté... Pourtant, outre le défaut majeur mentionné quant au verbiage au début du roman, le potentiel était là. Peut-être que je ne l'ai pas lu au bon moment, qui sait, toujours est-il que ce Matériel du tueur n'aura pas réussi à me convaincre.

    05/03/2016 à 13:58 7

  • Le Village

    Dan Smith

    8/10 Un thriller haut de gamme qui mêle traque, survie, aventures, évènements historiques, dans un récit d'une extraordinaire efficacité, riche en rebondissements et en surprises.
    Les personnages sont parfaitement campés, parfois en proie à des dilemmes moraux, des drames ou des émotions que le lecteur, en totale empathie, ressent également, et d'ailleurs d'autant plus fortement que son imagination et son ressenti sont sollicités avec brio par l'absence de pathos et la retenue remarquable dont sait faire preuve l'auteur dans ses descriptions.
    À l'aide de son écriture simple et directe, fluide et très visuelle, Dan Smith nous immerge dès les premières pages dans un récit aussi original qu'addictif, tendu et mouvementé, riche en surprises, en suspense mais aussi en moments d'humanité au sein d'une époque et d'un environnement hostiles qui en manquent cruellement.
    Une réussite totale pour ce roman puissant, mené d'une main de maître jusqu'à la dernière ligne.

    27/05/2015 à 07:24 7

  • Les Géants

    Benoît Minville

    6/10 J'ai apprécié ce roman sur la Côte Basque, qui met en scène deux familles qui essaient de joindre les deux bouts et surtout de faire bloc en préservant l'amitié et la solidarité.
    L'une d'entre elles va devoir faire face à un secret de famille qui éclate avec la sortie de prison du grand-père. On s'attache vraiment aux personnages, notamment ces jeunes liés par l'amitié depuis l'enfance, et pour certains par l'amour depuis peu, sans oser le révéler au grand frère et meilleur ami.
    Des gens ordinaires qui font bloc face aux coups durs de la vie, des jeunes qui se battent pour réaliser leurs rêves, jusqu'à un final digne d'un western moderne, avec course au trésor et flinguage tous azimuts.
    Un roman assez captivant et inter-générationnel qui met en avant les valeurs d'amitié, de fidélité, de solidarité et de résistance, dans une ambiance de plage et de surf particulièrement dépaysante.
    Une lecture qui fait du bien !

    02/08/2015 à 12:38 7

  • Loser

    Jason Starr

    8/10 Les personnages que met en scène Jason Starr sont fascinants, de même que la lente mais inexorable déchéance qui les attend. Et autant dire que Loser - au sens tragique du terme - est à la fois un titre idéal pour ce roman, et aussi un parfait qualificatif pour les antihéros qu'affectionne tant l'auteur.

    Quinze ans que Tommy Russo cumule les petits jobs insignifiants en attendant qu'un producteur repère ses talents de comédien. Mais après quelques rôles de figuration, les auditions se sont faites de plus en plus rares. Alors en attendant, Tommy travaille comme videur à l'O'Reilly's Bar, dont le patron le considère presque comme son fils. C'est sans doute pour ça qu'il a déjà accepté plusieurs fois de lui verser des avances sur son salaire, mais le problème c'est que ce n'est jamais assez, Tommy flambe tout dans les paris sportifs.
    Alors quand une vieille connaissance lui propose de s'associer avec quatre autres parieurs pour acheter un cheval de course, Tommy sent que la chance lui sourit enfin. Seul problème : la mise de départ est de 10000 dollars. Tommy ne peut pas laisser passer l'occasion et pense alors au coffre-fort du bar, dont il a mémorisé la combinaison grâce à son étonnante mémoire visuelle...
    Lui qui n'a jamais été un délinquant va alors faire un pas de côté qui finira par l'emmener bien loin de la frontière.

    Si Tommy a certainement une existence médiocre, elle n'est pourtant pas misérable. Et le plus frappant est qu'il n'a pas forcément la poisse, mais qu'il fera systématiquement les mauvais choix.
    Dans sa chute lente mais vertigineuse, plusieurs perches lui seront tendues mais il les ignorera toutes, s'enfonçant chaque fois un peu plus, gâchant sans s'en rendre compte à la fois toutes les belles occasions qui se présentent mais gâchant aussi tout - relations humaines ou professionnelles - ce qu'il a pu construire jusque-là. S'enfonçant dans un déni total, aveuglé par ses rêves de gloire, il perd pied. Sa lucidité sur les conséquences de ses actions semble s'effacer, un peu comme s'il sombrait lentement mais sûrement dans une espèce de réalité parallèle proche de la folie, jusqu'à l'irrémédiable.

    Comme dans Mauvais karma, La Ville piège, Frères de Brooklyn ou encore Petit Joueur, Starr décrit avec une redoutable efficacité cette bascule, cet évènement déclencheur, aussi anodin soit-il, qui va précipiter ses personnages dans une engrenage fatal et agir sur eux comme un révélateur de leurs névroses et tendances sociopathes.
    C'est cet implacable mécanisme de la chute et de la déchéance qui fascine le lecteur jusqu'à le saisir à la gorge. Et qui fait de Jason Starr le chroniqueur affûté de nos folies contemporaines.

    19/09/2019 à 12:00 7

  • Trop de morts au pays des merveilles

    Morgan Audic

    5/10 Un premier roman plutôt prometteur, l'auteur faisant preuve d'un savoir-faire indéniable appuyé sur de bonnes idées, et une mise en situation habile et mystérieuse tout au long de la première partie. Dommage que la seconde partie soit gâchée par une véritable avalanche de rebondissements à la Harlan Coben - souvent assez peu vraisemblables d'ailleurs - qui perdent en plus de leur intérêt et de leur impact à cause de personnages pas assez fouillés. Un problème de surdosage qui, je l'espère, sera réglé pour les prochains romans de Morgan Audic.

    12/11/2016 à 08:31 7

  • Un dernier verre avant la Guerre

    Dennis Lehane

    8/10 Superbe polar noir d'une grande puissance d'évocation, magnifiquement écrit avec un style éblouissant et des personnages qui crèvent le papier. On referme ce livre avec une seule envie : se ruer sur une nouvelle enquête de Kenzie et Gennaro.

    03/04/2008 à 23:23 7

  • Unter Blechkoller

    Michaël Mention

    8/10 Lu en 2 heures (à peu près), sans m'arrêter. J'en aurais d'ailleurs voulu 500 pages !
    Un huis-clos cauchemardesque parmi 12 survivants de l'équipage d'un sous-marin qui s'est échoué sur une barrière rocheuse. De la première page, pas une seule seconde de répit, vous êtes saisi par l'effroi, qui grandit face à l'inconnu, la mort imminente, les réactions inattendues des passagers, les phénomènes surnaturels, l'hypothermie qui vous colle les doigts aux parois métalliques, la panique générale - même quand tous sont aux aguets, doivent se taire, pour tenter eux aussi de comprendre.
    Des images d'horreur, une narration aussi visuelle, mentale que sonore, quelques croquis ou encadrés complètent l'excellente mise en page de ce que j'aimerais tant pouvoir revivre en film. Et en plus loooong !!!
    Encore un coup de coeur pour ce roman unique, à emporter avec vous à la plage, en vacances, pour vous coucher le soir (héhé), bref... partout !
    Ne le manquez pas !

    29/06/2013 à 05:15 7

  • Voodoo land

    Nick Stone

    9/10 9.5. Nick Stone avait déjà fait une entrée très remarquée dans le monde du polar avec le déjà très bon et multi-récompensé Tonton Clarinette, où Max Mingus, ex-flic passé par la case prison et devenu détective privé, enquêtait en Haïti. Dans Voodoo Land, on retrouve le personnage de Max Mingus mais vingt ans plus tôt, au début des années 1980, lorsqu'il était policier dans la ville de Miami. Avec ce deuxième roman qui peut se lire indépendamment - ou comme un prequel du premier -, Nick Stone atteint des sommets et nous livre un immense thriller, digne d'un James Ellroy ou d'un Don Winslow. Une intrigue tentaculaire qui mêle corruption à tous les niveaux, trafic de drogue, immigration haïtienne et scènes vaudou hallucinantes, servie par des personnages tout en ambiguïtés et formidablement campés. Un polar monumental d'une rare puissance, doublé d'une superbe fresque qui dépeint au plus juste le Miami du début des années 1980 et l'Amérique de l'ère Reagan, sa corruption endémique jusqu'aux plus hauts niveaux, son immigration haïtienne qui fuit la dictature de Papa Doc soutenue par les USA, mais qui apporte avec elle vaudou et encore plus de trafics de drogue. Un cocktail explosif, un véritable tour de force littéraire qui vous prend aux tripes du début jusqu'à la fin !

    21/07/2023 à 19:24 7

  • 1974

    David Peace

    8/10 Eddie Dunford, « correspondant pour les affaires criminelles dans le Nord » à l'Evening Post, se voit chargé par son rédac' chef d'assister Jack Whitehead, « reporter criminel de l'année », pour couvrir l'assassinat d'une fillette retrouvée violée et torturée. Mais lui, jeune et naïf, cherche la vérité, alors que « les gens n'ont que la vérité qu'ils méritent ». Et il ne tardera pas à s'en apercevoir, au fil d'une descente aux enfers qui lui arrachera des larmes de rage, d'impuissance et de chagrin devant l'impensable putain de corruption et de pourriture qui gangrène l'Angleterre des 70's jusqu'à l'os : police qui incendie des camps de gitans, torture et tabasse de pauvres hères pour pouvoir désigner des coupables à une presse servile dont les plus prestigieux éléments, au courant des secrets, continuent d'écrire les mensonges officiels. Pour les autres, les rares qui, comme Eddie, s'accrocheraient un peu trop à la vérité, c'est la mort - accidentelle, bien sûr - qui les attend si jamais les menaces, les coups, les passages à tabac ne suffisent pas. Une police qui fait ce qu'elle veut (« C'est le Nord. On fait ce qu'on veut ! »), tant qu'elle couvre les crimes et délires d'entrepreneurs et d'élus véreux qui n'ont qu'une motivation : « cet argent. Toujours ce putain d'argent. »
    En suivant Eddie Dunford, hanté par les images de fillettes disparues, retrouvées violées, torturées et étranglées, auxquelles s'ajouteront bientôt tous les morts qui finiront par jalonner son chemin de croix, le lecteur s'enfonce dans une atmosphère de plus en plus sombre et poisseuse et découvre l'envers du décor, porté par l'écriture radicale et quasi hypnotique de Peace. Les USA ont Ellroy, la Grande-Bretagne a eu Ted Lewis, Robin Cook et David Peace. Qui écrit comme pour décaper l'histoire de son pays de toute cette crasse de mensonges et d'horreurs, de pourriture et de corruption. On en ressort sonné, lessivé, comme passé sous un rouleau compresseur.
    Quant à la France, il n'y a aucune raison pour que le système ne soit pas le même. Et pourtant, on attend toujours. Mais un tel auteur serait-il ne serait-ce qu'édité, de nos jours ? Aurait-il au moins l'occasion de percer la chape de plomb du système politico-médiatique ? Poser la question, c'est certainement y répondre. Après tout, « les gens ont la vérité qu'ils méritent ».
    En attendant, choisissez la pilule rouge, lisez Peace.

    14/09/2019 à 06:36 6

  • À l'automne, je serai peut-être mort

    Adrian McKinty

    8/10 Déjà un immense premier polar hard-boiled, passionnant et mouvementé, malgré quelques longueurs lors du - pourtant mémorable et éprouvant - passage en prison sud-américaine de Michael Forsythe, personnage principal aussi dur à cuire que fascinant. Un auteur talentueux et décidément très prometteur, dont j'ai hâte de lire les deux autres volets de cette trilogie parus en Série noire : "Le Fils de la mort" et "Retour de flammes".

    01/03/2008 à 16:59 6

  • Bent Road

    Lori Roy

    8/10 8.5. Lu il y a une dizaine d'années, j'en garde un excellent souvenir. Vraiment un excellent premier roman noir dont l'intrigue est centrée sur un secret familial. Lori Roy parvient avec brio à instaurer l'ambiance de plus en plus étouffante de ce petit coin du Texas des années 60, à travers des personnages crédibles et particulièrement fouillés. Une autre grande force de ce roman est précisément son aspect choral qui fait que l'on passe par le point de vue de chaque personnage ou presque - de la mère à celle de la petite fille d'à peine plus de 10 ans, du grand frère à celui du père, tous avec leur caractère différent, leurs expériences, leur vécu, leurs sentiments - et qui apporte à la fois une réelle empathie pour chacun des personnages et insuffle un dynamisme au récit, qui tient en haleine jusqu'à la fin. Lori Roy signe au final un roman aussi convaincant qu'abouti, au suspense psychologique très finement ciselé. Une réussite.

    11/07/2023 à 20:28 6

  • Canicule

    Jane Harper

    9/10 Pour un coup d'essai, ce premier roman de l'Australienne Jane Harper est non seulement un coup de maître mais également un véritable coup de coeur.
    Dès les premières pages, après un prologue saisissant, elle plonge son lecteur dans l'ambiance étouffante et bien particulière d'une petite ville rurale perdue dans le bush du sud de l'Australie, victime d'une terrible sécheresse depuis 2 ans et écrasée par une chaleur accablante qui pousse à bout ses habitants, décime les troupeaux et brûle les cultures. Aaron Falk, agent de la police fédérale de Melbourne, est forcé de revenir dans sa ville de naissance pour assister aux funérailles de son ami d'enfance Luke Hadler. Lequel aurait été pris d'un coup de folie en abattant sa femme et son fils avant de retourner l'arme contre lui. Stupeur et incompréhension dans la petite communauté. Les parents de Luke Hadler demandent alors à Falk d'enquêter officieusement pour tenter de comprendre ce qui a pu pousser leur fils à commettre une telle folie. Plus inquiétant encore, ils lui confient savoir que lui et leur fils partageaient un secret et avaient menti 20 ans plus tôt sur leur alibi, quand une de leurs amies avaient été retrouvée noyée dans la rivière aujourd'hui desséchée qui irriguait la ville.

    On suit alors avec fascination le retour au pays de Falk, qui est aussi le retour d'un paria, qui avait du fuir la ville avec son père, pour des raisons qui ne nous seront révélées que progressivement et qu'on ne comprendra réellement qu'à la fin. Et si Falk va se lier d'amitié avec Greg Raco, le jeune policier local, l'ambiance déjà électrique qui régnait à son arrivée va peu à peu devenir explosive au fur et à mesure de son enquête. Certains ne lui pardonnent pas de chercher à déterrer les secrets et les rancoeurs et de gratter derrière les apparences et les faux-semblants. Heureusement, dans cette atmosphère étouffante, les souvenirs d'enfance et d'adolescence de Falk vont réémerger au fil de ses pensées, comme des bulles de tendresse teintées de douce nostalgie, par le biais de courts flashbacks habilement intégrés à la narration au sein des chapitres plutôt que par la traditionnelle alternance passé / présent, devenue un peu trop systématique dans les polars de ces dernières années.

    Jane Harper nous livre une évocation absolument saisissante de ces milieux ruraux australiens, de ces climats difficiles et de ses paysans surendettés, frappés de plein fouet par une crise agricole qui débouche sur le rachat des terres par les Chinois. Surtout, elle parvient à planter son décor de manière cinématographique, en seulement quelques lignes. De la même manière, elle donne vie à des personnages qui crèvent le papier, complexes et plein d'ambiguïtés, dont l'épaisseur est encore renforcée par le réalisme des dialogues et la description tout en finesse et d'une remarquable fluidité du langage corporel. Dans Canicule, les silences, les gestes et les regards furtifs de chacun sont tout aussi importants et significatifs que leurs paroles, et participent à renforcer encore cette atmosphère étouffante, saturée de doutes et de non-dits.

    Avec une intrigue à combustion lente mais d'une redoutable efficacité, à la dramaturgie très élaborée et plantée dans un décor grandiose et sauvage, Jane Harper signe un polar magistral d'une grande subtilité, doté d'une puissance romanesque rare. Un univers tellement immersif et captivant que, même une fois la double énigme résolue, j'ai refermé à contre-coeur ce formidable Canicule, regrettant qu'il ne fasse pas 400 pages de plus. Preuve d'un talent aussi rare que précieux et jouissif, et signe que Jane Harper venait d'atteindre mon "Graal littéraire"...

    PS : ne pas manquer les 2 autres opus de la trilogie Aaron Falk : Sauvage et Les Oubliés de Marralee - paru au printemps chez Calmann-Lévy. En bref, tous les autres romans de Jane Harper, définitivement une des plus grandes plumes du roman noir contemporain !

    15/07/2023 à 23:04 6