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Le diable n'est pas mort à Dachau
8/10 J'aime, comme ici, quand le polar s'acoquine avec l'Histoire contemporaine, pour souligner la barbarie des hommes, réfuter le manichéisme héroïque et fustiger le révisionnisme des vainqueurs, et exacerber le devoir de mémoire...
Un roman qui apparie le terroir et la terreur... Un récit à partir duquel résonne l'écho d'une certaine amertume ; d'un attachement sincère que l'on porte, à une terre ou à des idées, à l'abdication de toute aspiration, il n'est parfois question que de mauvaise ou de bonne fortune...21/09/2017 à 21:39 8
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L'Homme aux cercles bleus
6/10 Malgré un préambule plutôt "obscur", Fred Vargas s'évertue, avec cette première aventure du commissaire Adamsberg, à baliser l'univers de son personnage principal : impossible à catégoriser, d'un anachronisme assumé, d'un anti-conformisme quasi inébranlable...
Elle écrit son histoire comme son personnage résout ses enquêtes, sans se soucier vraiment du qu'en-dira-t-on, des convenances et des modes...
Le souci avec cette façon-là, c'est le risque de déboussoler l'observateur à un moment ou un autre de l'histoire, à force de digressions étranges, de personnages secondaires horripilants ou de dialogues ubuesques...
A force de tracer des cercles, Vargas finit par trop tourner en rond; la force de l'intrigue n'es pas suffisante pour ramener le lecteur dans son giron...
J'ai moi-même dû batailler un peu pour parvenir à la fin de ce drôle de drame...
16/09/2017 à 18:32 5
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Les 7 Jours du Talion
8/10 Ni juge, ni moralisateur, Patrick Senécal sait mettre sa plume là où ça fait mal... Cet infime instant où l'homme bascule, à partir duquel la frontière entre humanité et animalité se brouille, et remontent les plus vils instincts...
Senécal parvient à susciter l'embarras chez son lectorat à partir de situations effroyables, de circonstances abominables qui décident du destin d'un homme, et changent une vie à jamais...
Un plaidoyer pour mieux nous rudoyer; quand la raison objecte mais que les émotions justifient, quand la distance protège mais que l'expérience expose, quand franchir le dernier échelon qui sépare la victime du bourreau n'est jamais qu'une cicatrice de plus à l'âme...10/09/2017 à 14:40 7
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Addict
7/10 L'obsession pour une vérité officielle, tel pourrait être le sous-titre, en forme de clin d'oeil, de cette enquête menée par James Renner, concernant la mystérieuse disparition de la jeune Maura Murray...
Le talent de conteur de James Renner trouve une fois encore matière à s'exprimer, même si la matière ici s'avère moins malléable et extravagante que d'habitude, puisque basée sur un véritable fait divers...Il n'empêche; la réalité offre parfois un visage d'une sombre facétie, qui rappelle à tout un chacun que la fiction n'a pas le monopole de l'incroyable et de l'innomable...
Les ramifications toujours plus improbables de l'affaire Maura Murray justifient sa mise en page, et éclairent d'une lumière saisissante la bibliographie très caractéristique de cet auteur atypique...06/09/2017 à 20:31 4
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Ne prononcez jamais leurs noms
9/10 La dernière fois que j'ai ouvert un livre de Jacques Saussey, on peut dire que je n'avais pas forcément envie d'entendre à nouveau prononcer son nom...
Bien m'a pris alors d'avoir retenté l'expérience avec ce nouvel opus : plus que l'aspect purement policier du roman, et les progrès sensibles au niveau du style et du rythme, j'ai fortement apprécié l'évolution de la relation Magne/Heslin, assez proche de ce qu'a mis en place Franck Thilliez avec son binôme Sharko/Hennebelle, que j'ai trouvé ici beaucoup plus substantielle et crédible... Des conséquences du drame vécu lors du dernier épisode, aux réactions qu'il a pu engendrer, j'applaudis des deux mains au fait d'assumer la noirceur qui teinte chacune des pages du récit, là où j'avais trouvé Thilliez un peu trop "léger"...
Ici, Jacques Saussey prend l'initiative de faire évoluer ses principaux personnages séparément, et s'évertue à les malmener jusqu'au point de rupture, nous les rendant intensément courageux et généreusement accessibles...
La suite de leurs aventures n'en est que plus désirée...01/09/2017 à 21:17 7
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L'Affaire Isobel Vine
8/10 D'abord vient la frustration : en publiant pour commencer le quatrième volet de la série, les éditions Sonatine oblitèrent tout un pan de l'épaisseur psychologique des personnages, principalement celui des personnages secondaires, et nous privent de repères, qui rendent le début du récit bancal...
Puis, petit à petit, l'enquête prend le pas sur nos réticences, et nous entraîne dans son sulfureux sillage, désireux de résoudre ce mystérieux cold case...
Tony Cavanaugh sait comment s'y prendre pour nous contraindre à suivre l'investigation de cet anti-héros revenu de tout, subtilement secondé, sorte de croisement improbable entre Harry Bosch et l'inspecteur Callahan...26/08/2017 à 21:10 7
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Sur le Seuil
8/10 La fascination qu'exerce la violence sur tout un chacun, c'est le pivot des écrits de Senécal...
S'interroger sur les raisons de cet attrait morbide, c'est pour l'auteur l'occasion de reprendre son bâton de pèlerin...
Ici, en l'occurrence, son personnage de psychiatre désillusionné, témoin de bonne foi des compromissions d'une humanité hantée, confronté à la circonspection et au doute... Face à lui, l'écrivain tourmenté, source du chaos ambiant, pont jeté entre le dramatique et l'artistique, le réel et le fictionnel...
Le bien, le mal, le pouvoir des mots, l'inspiration... Comme pour le Vide, on retrouve ici cette façon qu'a Senécal de nous mettre sur le grill, d'instaurer le malaise insidieusement, de bouleverser nos certitudes ...
Amis lecteurs, ne restez pas sur le seuil et poussez en grand la porte de l'univers alléchant de Patrick Senécal...
15/08/2017 à 18:34 9
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Burn out
7/10 Chronique désenchantée d'une poignée de flics, acteurs patentés de la rubrique des faits divers, ce Burn Out n'épargne pas la profession, cri d'alerte d'un homme de terrain...
Il se dégage un plaisir presque coupable à voir les hommes du groupe Le Guenn endurer déboires et coups durs, à plonger avec eux au cœur de la dépression qui guette, l'éloge en revenant à l'auteur d'avoir su tisser une connivence bonhomme avec ses personnages à la marge...11/08/2017 à 08:51 2
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Eloge de la pièce manquante
5/10 A partir de ses 260 pièces en vrac, format numérique, Antoine Bello vous met au défi de reconstituer le motif d'origine, et de résoudre cette drôle d'énigme policière...
Objet livresque non identifié, son Éloge de la pièce manquante est en définitive à l'image de ces puzzles dont il nous parle : éparpillé au début, hésitant au milieu et insatisfaisant au final...10/08/2017 à 20:49 1
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Le Tricycle Rouge
7/10 On peut dire que l'auteur, dont c'est le premier ouvrage, sait comment s'y prendre pour inciter son lectorat à tourner les pages de manière frénétique : un rebondissement à chaque fin de courts chapitres, l'envie d'en savoir plus...
En tous cas, en ce qui me concerne, ça marche... Ou plutôt devrais-je dire ça roule, très vite, (trop vite ?), et ce tricycle rouge de donner finalement l'impression d'user du mauvais braquet pour gravir un sommet un poil trop haut...
Une histoire ambitieuse, qui brûle parfois les étapes, l'auteur qui, à trop vouloir maintenir un rythme soutenu à son intrigue, finit par se mettre dans le rouge, celui du sang de ses personnages, qu'il élimine de façon un peu trop systématique, éludant ainsi les réponses à certaines questions posées qui, de fait, restent en suspens...
03/08/2017 à 09:43 5
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Tu tueras l'ange
9/10 Dazieri ne se contente pas d'un vulgaire copier coller, il bonifie ses personnages en les poussant dans leurs derniers retranchements, et exalte leur relation, en les plaçant dans des situations toujours plus dramatiques...
Un tandem d'enquêteurs au profil exceptionnel, un sens de la répartie ad hoc, une intrigue qui puise sa source au cœur de l'Histoire contemporaine, aux ramifications diaboliques, autant de bons points distribués à l'élève Danzieri, qui hérite in fine des félicitations du jury pour son final qui vous plonge dans une expectative insoutenable...23/07/2017 à 21:26 10
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Toxique
7/10 Ce n'est pas tant l'intrigue policière en elle-même, somme toute classique, que les mensonges avec lesquels se débattent les hommes et les femmes du groupe Khan, les secrets toxiques qui polluent leurs rapports, qui capte l'intérêt du lecteur ici, et donne du sens à l'ouvrage...
Un chemin de croix pour Tomar, comme une promesse de retour, et une mise en place efficace et sans fioritures, qui donne l'occasion à ce thriller de se singulariser, comme l'émanation d'une fragrance subtile, dont l'énergie et le caractère suscitent l'adhésion immédiate, mais que le temps aura tôt fait d'étioler...15/07/2017 à 20:59 5
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Supernormal
5/10 Quelques quarante années avant Christopher Nolan, Sam Raimi et autres Bryan Singer, Robert Mayer tombait le masque du super-héros, et levait le voile sur le questionnement existentiel de ces surhommes atypiques...
Ici, un Superman de banlieue, rassasié par l'American way of life, et contraint de reprendre du service, après l'extinction de la majeure partie de ses confrères...
Une parabole cynique et délirante, une plongée hallucinante dans l'intimité d'un super-héros, qui permet à l'auteur de sonder les névroses de cette Amérique-là...
Malheureusement, un côté foutraque et fourre-tout qui aura eu raison de mon indulgence; pris dans cette frénésie très Monty Pythonesque, j'ai décroché à la moitié du roman, lassé par la complexification de l'intrigue, les enjeux nébuleux aux sources du récit, les allusions répétées quant à la libido défaillante du héros... Même si elles demeurent nécessaires, les références multiples à la culture pop des 70's, au milieu desquelles baigne le roman, obligent le lecteur néophyte à une gymnastique oculaire quelque peu excédante...10/07/2017 à 19:07 1
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Rien ne se perd
7/10 Ni thriller, ni polar, ce roman du dedans, dans lequel les blessures intérieures esquintent plus que les coups venant de l'extérieur, s'apparente surtout à un cours de géométrie existentielle : les destins parallèles des protagonistes qui, bon gré, mal gré, se croisent et s'entrechoquent, produisant les arêtes sur lesquelles viennent s'écorcher les rêves de tout un chacun...
Ces enfants grandis trop vite, mal à l'aise dans leur peau de fils prodige, ces personnages sur le fil, l'auteur réussit à les croquer tout en gardant son équilibre, à la limite du pathos et du misérabilisme...
Quand bien même si rien ne se perd, tout ne m'a pas paru indispensable dans cette histoire, une justese à deux vitesses, comme une certaine redondance dans l'action, un propos parfois trop à charge et un enfermement qui sature le récit...
La belle plume de Chloe Medhi parvient malgré tout à transformer ces petites réticences en un ravissement désabusé...08/07/2017 à 14:22 9
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En lettres de feu
9/10 Ça se termine maintenant...
Avec ce dernier tome, Marcus Sakey clôt brillamment sa trilogie, thriller dystopique qui voit s'entre-déchirer le peuple d'Amérique, et dont la conclusion vient s'écrire en lettres de feu...
Sous ses dehors de superproduction à l'américaine, la réussite majeure de l'auteur est de donner du relief et d'insuffler une vigueur épique à son œuvre, avec des personnages complètement incarnés et des péripéties en cascade, sans céder à la facilité...
Sous ses airs de divertissement calibré, l'ouvrage brasse des thématiques dramatiquement contemporaines, qui nous interpellent et nous interrogent...
Au final, Marcus Sakey aura su nous proposer une épopée à l'addiction brutale, à la subtilité tenace, propice à une introspection collective plus que jamais d'actualité...28/06/2017 à 06:20 6
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De Cauchemar et de feu
9/10 Une foi n'est pas coutume, entre guerres de religion et querelles intestines, et comme l'a très justement fait remarquer Gruz, avec ce quatrième opus, Nicolas Lebel nous livre un condensé de son brio littéraire, entre passé et présent, ancien et moderne, l'adepte et le profane...
A ses lecteurs les plus fervents, il fournit matière à alimenter encore un peu plus la légende du groupe Merhlicht...
Aux amateurs éventuels, il confesse son appétence pour les intrigues fouillées, dans lesquelles ésotérisme et commémoration communient avec une semblable exaltation...21/06/2017 à 22:11 13
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Femme sur écoute
8/10 Hervé Jourdain décroche le bon numéro, avec ce polar loin d'être téléphoné...
La mise en réseau des différentes histoires qui transitent au sein du roman est le point névralgique qui concourt à la réussite de l'entreprise; tout est connecté, relié...
Fondamentalement, Hervé Jourdain partage avec ces auteurs flics de terrain cette connaissance pointue et intrinsèque de l'administration judiciaire, qu'il nous restitue de manière pédagogique, sans jamais jouer les donneurs de leçon...Les engrenages démontés, les méthodes décortiquées, l'auteur est le grand artisan d'une mécanique d'horlogerie qui assemble ses dernières pièces lors des ultimes pages...
Le descriptif des nombreuses procédures judiciaires, les états d'âme des membres des forces de l'ordre, généralement passés sous silence, la tension qui émane de l'investigation apportent au récit une authenticité immersive à nulle autre pareille...16/06/2017 à 22:49 11
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Sans pitié, ni remords
8/10 Humour caustique, le verbe haut, une gouaille affable et généreuse, Nicolas Lebel ne fait montre d'aucune pitié, ni d'aucun remords, quand il s'agit de placer son fidèle Merhlicht dans la ligne du pire d'un quarteron de mercenaires...
Fiction de l'affliction, sur laquelle plane l'ombre de l'ami disparu, cette nouvelle affaire ravira les amateurs du capitaine à la face de batracien; le caractère foncièrement misanthrope du personnage principal accentue la démarche profondément humaniste du propos de l'auteur, qui peut se permettre de faire rimer Baudelaire avec Sig Sauer, et sait se ménager d'improbables moments de tendresse, sans paraître sentencieux...
Mention particulière au capitaine Cuvier; en effet, ici, point de stagiaire pour essuyer les plâtres de l'humeur goguenarde du capitaine Google, mais ce phénoménal chef de groupe, dont les aphorismes feront le bonheur des aficionados d'un certain Jean-Claude Van Damme...16/06/2017 à 22:42 10
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J'attraperai ta mort
8/10 Comme toujours chez Commère, ses romans, ce sont des concentrés de vie... Des trajectoires aléatoires qui s'imbriquent et s'enroulent les unes autour des autres, des destinées que le hasard modèle à sa guise, des petites gens soumis au vertige d'une existence qui finit par les dépasser...
C'est un peu ma madeleine de Proust à moi, un doudou littéraire, la quasi certitude d'un plaisir généreux et réciproque, une contagion roborative qui fait du bien...02/06/2017 à 10:05 8
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Le Jour du chien
7/10 En parcourant la quatrième de couverture du " Jour du chien", je n'ai pas pu m'empêcher de penser à " Ne le dis à personne" d'Harlan Coben...
Mais très vite, Bauwen vous renifle, vous caresse dans le sens du poil, avant de marquer son territoire à grands coups de théâtre et autres rebondissements improbables...
Patrick Bauwen est un auteur étonnant: il souffre d'une forme de schizophrénie stylistique, qui se traduit par un grand écart qualitatif manifeste d'un roman à l'autre... Du très bon pour Monster, du plutôt pas mal pour L'oeil de Caine et Les fantômes d'Eden, du franchement navrant pour Seul à savoir...
Ici, on est plutôt dans un Jour avec; déjà, j'aime quand j'apprends des choses, quand l'auteur nous fait profiter de ses connaissances professionnelles pour éclairer d'une lumière particulière certains aspects techniques de son thriller, comme c'est le cas ici à propos de la médecine légale...
Et cette fois, la réalité du propos est confortée par l'expérience médicale de son auteur, qui nous embarque de facto, en déroulant le fil narratif de son récit d'une manière implacable; les dialogues, l'environnement, les relations entre les différents protagonistes sonnent vrai et juste...
Bilan clinique: une réalisation qui a du chien, même si l'épilogue tient plus du bâtard que du chien de race...31/05/2017 à 09:51 9