El Marco Modérateur

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  • Deathtopia tome 3

    Yoshinobu Yamada

    8/10 Koh fait la rencontre du mystérieux UD, qui se révèle être un « tricheur ». Sonoyama vient d’être assassinée, et un homme, client d’une prostituée, vient d’être découpé en deux dans le sens de la hauteur. Un terrifiant couple de tueurs, une femme et son jumeau, est à l’œuvre. Une confrontation musclée avec « Vise », un tueur qui écrase ses victimes au point de leur enfoncer la tête entre les épaules, ainsi qu’avec d’autres tueurs sanguinaires et bien trouvés (un manieur de couteau et cet homme très flexible qui utilise des poings américains). Le même mélange de violence, de sexe (bien plus crû que précédemment, d’ailleurs) tandis que croît le mystère autour de notre héros et du trio d’enquêtrices.

    16/06/2019 à 17:57

  • Deathtopia tome 2

    Yoshinobu Yamada

    8/10 Koh commence à comprendre que les êtres malfaisants se matérialisent en partie sous ses yeux sous la forme de leur arme de prédilection, et que les « tricheurs » (les tueurs qu’il va aider à traquer) disposent d’une force surhumaine. On en apprend également un peu plus sur les trois filles (même si leur côté beautés artificielles et caricaturales de femmes de manga nuit à ce qu’on leur donne une réelle profondeur). Un kidnappeur en série surnommé « Face » et dont le visage est largement inspiré par la créature de Frankenstein, passionné par la jeunesse et les beaux visages, constitue l’adversaire de ce tome, tandis que se dessine un dénommé « UD » dont on se doute qu’il va prendre de l’importance dans la suite de la série. Comme précédemment, malgré le côté un chouia voyeuriste et gentiment fripon des dames toujours aguichantes qui me tape sur le système, je me suis laissé embarquer avec plaisir.

    16/06/2019 à 17:56

  • Deathtopia tome 1

    Yoshinobu Yamada

    7/10 … ou comment un jeune homme, Koh Fujimura, qui a perdu ses yeux suite à un accident alors qu’il pourchassait des voleurs de sacs à main, devient le jouet d’une étrange enquête puisqu’il est à même de voir des êtres différents, malgré sa vue devenue bien meilleure qu’avant le drame, aux visages brouillés, presque barbouillés. Une tueuse à gage, spécialiste de l’énucléation, va tenter d’étrangler Fujimura dans sa chambre d’hôpital, et va être sauvé par trois mystérieuses (et pulpeuses inconnues). Le tome s’achève au sein de la division 6. Un graphisme assez sympa (un peu trop de grosses poitrines à mon goût, les ultimes pages sous les douches en sont presque des caricatures, ça nuit à la noirceur et à la crédibilité de l’opus), du suspense et un peu d’humour, et une ambiance ainsi qu’une énigme qui m’ont séduit. Je vais continuer de ce pas le reste de ces mangas.

    16/06/2019 à 17:56

  • Persée et le regard de pierre

    Hélène Montardre

    7/10 … ou les aventures de Persée. Dit comme cela, c’est un pitch bien court, car la légende n’aura retenu qu’un seul affrontement mémorable, celui qui l’a opposé à Méduse et son terrible regard pétrifiant. Mais, peut-être injustement, nous avons oublié d’autres péripéties de son existence, et cet ouvrage d’Hélène Montardre permet de le remettre en lumière. Une succession de passages aventureux, où l’intrépidité de notre héros rime également avec le soutien de personnages savoureux et célèbres : la fanfaronnade face à Polydectès et son périple vers les Gorgones, la rencontre avec les Grées puis les Nymphes, ce mystérieux accompagnateur qui n’est autre qu’Hermès, Athéna, Méduse et ses sœurs, Andromède enchaînée et le combat contre le monstre marin, puis le retour et la résolution de l’identité de son père. Pour résumer, un sacré alignement d’événements que la concision du roman rend encore plus dense. La plume de l’écrivaine, finalement minimaliste quoiqu’élégante, finit par se faire toute petite pour ne faire que servir et mettre en relief cette série de conflits et rencontres. Quand on y réfléchit bien, le déroulé (mais c’est l’histoire originelle qui veut ça) est très linéaire, avec un chapelet de moments qui s’enchaînent : une rencontre en entraînant une autre, la découverte des objets magiques, puis une autre rencontre, et la boucle se referme lors du final. Pour ma part, j’ai été à la fois très heureux de lire ce livre, attendant avec impatience la confrontation entre Persée et Méduse, mais cette dernière est assez vite expédiée et n’a pas tenu à mes yeux sa promesse de tension. En revanche, j’ai été très agréablement surpris par ces autres épisodes, certes linéaires et parfois attendus, mais joliment décrits, et qui n’en ont que davantage de saveur d’être ainsi méconnus, ou alors moins fameux que le combat contre Méduse.

    16/06/2019 à 17:54

  • Black blocs

    Elsa Marpeau

    6/10 Swann Ladoux a tout pour être heureuse : un métier de technicienne en labo de biophysique, et un compagnon, Samuel. Sauf que Swann retrouve Samuel abattu chez eux d’une balle. Pour la police, elle est la suspecte idéale. Mais il se peut que le défunt ait dissimulé une part de son existence, de ses activités, en étant un membre des Black Blocs.

    Elsa Marpeau, qui nous a déjà depuis séduits avec Et ils oublieront la colère ou Les Corps brisés, signait cet ouvrage en 2012 : avec les actuelles protestations des gilets jaunes et les nombreuses échauffourées impliquant à cette occasion des membres des Black Blocs, il en prend une saveur toute particulière. D’entrée de jeu, le style séduit : des phrases sèches, hachées, où les flashbacks viennent entrer en collision avec un récit au présent, et l’ensemble devient rapidement captivant, voire hypnotique. On se prend ainsi de sympathie pour Swann, que rien ne semblait prédestiner à entrer en contact puis en collusion avec ces individus extrémistes, tant dans leurs pensées politiques que dans leurs agissements militants. De nombreux personnages viennent retenir l’attention, notamment le policier Anton Legal, à la mise impeccable et perclus d’un mal physique qui va lentement le rattraper. Le lecteur, au même rythme que les protagonistes, vont se mettre en quête d’un livre, le Livre du noir, dont le contenu est susceptible de porter atteinte à la sûreté de l’Etat. Elsa Marpeau entrecoupe son récit de « recettes » permettant de confectionner des armes, ou donnant des conseils quant à la lutte contre le grand capital. Et le livre s’achève sur un chapitre, doublement explosif. Des lecteurs pourront reprocher à l’écrivaine un certain angélisme, voire un angélisme certain, vis-à-vis de cette faction d’obédience anarchiste, même si l’épigraphe, placée au début du roman, donne une indication quant à son positionnement politique. Parallèlement, malgré quelques passages permettant de mieux comprendre ce mouvement politique, notamment grâce à des discussions avec les acolytes de Samuel, on reste souvent à la surface du cœur du sujet, ne faisant que l’effleurer, et l’on ne ressort pas de cet opus rassasié ni même véritablement contenté de connaissances quant aux Black Blocs.

    Malgré quelques temps morts, dans l’ensemble, ce roman est réussi, notamment grâce à la plume si ensorcelante de l’auteur. Et si l’intrigue prend parfois quelques raccourcis ou téléphone des passages (la révélation de l’identité du tueur ne surprendra probablement pas), on passe un agréable moment à la lecture de ce livre au sujet original.

    03/06/2019 à 17:10 2

  • Duo fatal

    Patrick S. Vast

    9/10 Geneviève est l’assistante du dentiste Francis Lesigne, à Lambersart. Parce qu’elle compte déménager à Grasse et suivre son nouvel amoureux, rencontré sur Internet, la cinquantenaire apprend au docteur qu’elle doit le quitter. Francis ne parvient pas à l’admettre, au point de droguer cette femme et l’enfermer dans l’abri antiatomique aménagé dans la maison. Le début d’une étrange relation…

    Après Potions amères et Passé double, voici le troisième roman de Patrick S. Vast aux éditions du Chat Moiré qu’il a fondées. De ses autres romans, tous réussis, comme La Veuve de Béthune, Boulogne stress ou Angoisse à louer, on a conservé de bien bons souvenirs de l’écriture de l’auteur et de sa manière si particulière de bâtir des intrigues ; ce roman ne déroge pas à la règle. Une écriture sèche et simple, sans finasserie ni effet futile, l’histoire s’impose rapidement et sans la moindre anicroche. Tout y est efficace, crédible, presque palpable : tout s’y déroule comme dans un fait divers, plausible et tragiquement humain. Les personnages sont également à l’avenant. Francis, déboussolé par le départ de son assistante après trente ans de collaboration qui, sans toutefois parler d’amour au sens premier, a graduellement tissé entre eux une liaison très particulière. Geneviève, dépassée par les événements, séquestrée, mais qui va finir par nourrir des sentiments contradictoires pour cet homme qui, finalement, ne lui veut que du bien. Norbert, le compagnon de l’assistante, qui va connaître un large spectre de sentiments au gré du récit. Georges, l’ancien commissaire de police, alcoolique, dont l’épouse va très mal, et qui est obsédé par un tueur en série encore en fuite ayant assassiné cinq femmes. Géo, un saxophoniste aveugle, témoin à sa façon, et qui nourrit un profond attachement pour sa chatte (un clin d’œil au nom de la maison d’édition ?). Deux camarades de Francis, suffisamment pugnaces pour mettre de côté leur amitié pour le docteur et se poser de légitimes questions quant à la disparition de Geneviève. Et une fois le décor, la situation et les protagonistes posés, tout décolle très rapidement : des chapitres qui s’enchaînent à merveille, de nombreux rebondissements, des twists fameux, et un final en plusieurs étapes, comme une rafale d’arme automatique. Un régal de bout en bout. A la lecture du résumé, on aurait pu s’attendre à une énième histoire de captivité, avec son lot de sévices, d’horreurs et d’événements sombres. Mais Patrick S. Vast a bien trop de tact et d’expérience pour tomber dans les clichés : celui qui débute son ouvrage avec une dédicace à William Irish exploite des ressorts humains parfaitement adaptés, élémentaires et pourtant lumineux.

    Une nouvelle réussite pour cet auteur qui ne cesse de nous réjouir, notamment avec ce grand roman où il n’est finalement question que d’amour et d’amitié, avec des lectures inattendues de ces deux sentiments. C’en est même à se demander s’il ne s’agit pas là du meilleur roman de Patrick S. Vast.

    03/06/2019 à 17:05 5

  • Le Monde caché d'Axton House

    Edgar Cantero

    7/10 A. a une vingtaine d’années et voilà qu’il vient d’hériter d’un lointain parent d’un domaine à Point Bless, en Virginie. Accompagné de sa jeune amie Niamh, il découvre sur place un univers étrange et inquiétant : les lieux semblent pénétrés de mystères, comme cette malédiction selon laquelle les hôtes des lieux se défenestrent à un moment précis, la disparition du majordome, les réunions d’une société secrète à chaque solstice d’hiver. Et ce n’est encore que le début des étrangetés…

    Ce roman d’Edgar Cantero a voulu rendre hommage à des prédécesseurs prestigieux comme Shining de Stephen King ou L’Ombre du vent de Carlos Ruiz Zafon. Indéniablement, il y a cette patte tout au long du récit, où les événements énigmatiques apparaissent, s’accumulent et s’enchevêtrent. Au programme : une vingtaine d’individus unis par une quête occulte, un héritage où se mêlent phénomènes paranormaux, religiosité et complotisme, et des êtres prêts à tout pour récupérer ce savoir. A., en jeune protagoniste, est intéressant : à la fois décontracté et pugnace, il forme un beau duo avec son amie Niamh, jeune et jolie muette. Dans le même temps, la forme du livre surprend : ce n’est presque qu’une accumulation de documents. Enregistrements audio ou vidéo, interrogatoires, lettres, journal de rêves, extraits d’autres ouvrages… un tourbillon qui répond à la richesse du récit. Edgar Cantero mélange les cartes à la manière d’un habile joueur de bonneteau, et les divers épisodes, fractionnés, finissent à l’arrivée par reconstituer une histoire solide. Cependant, l’ouvrage peut parfois donner le tournis en raison de l’occultisme qu’il dépeint, et, comme nous l’avons dit précédemment, de cette narration si particulière qui, à défaut de séduire tout le lectorat, a au moins l’avantage d’être très originale et de marquer les esprits.

    Un opus survitaminé et jouissif, complètement désarticulé dans sa façon d’exposer les faits, et saturé d’ésotérismes, mais qui n’enchantera peut-être pas tout le monde en raison de sa manière si particulière d’exposer les faits.

    03/06/2019 à 17:00 1

  • L'Assassin

    Georges Simenon

    9/10 … ou comment le docteur Hans Kupérus, résidant à Sneek, en Frise orientale, en vient à tuer son épouse et l’amant de cette dernière avant de tomber en disgrâce sous la chape de plomb d’une populace qui le voue aux gémonies en prétendant qu’il est le coupable, l’assassin. Une histoire au scénario, extrêmement mince, si ténu que son ossature pourrait tenir sur un modique Post-It. Mais comme toujours chez Georges Simenon, cette intrigue est un prétexte à critiquer de façon sauvage l’humanité, ses faiblesses, ses couardises et ses contradictions. L’on se retrouve ainsi avec ce médecin qu’une lettre anonyme va porter au coup de sang, notamment en raison d’une satiété de son existence trop morne, trop tiède, trop conformiste, et qui va devoir affronter les dos ronds, les regards fuyants et les pressions tacites de ses proches. Un roman singulièrement court (un peu plus de deux cents pages), mais où rien ne manque : la justesse de l’analyse sociale, la finesse de la condamnation sociétale, et la pertinente description des paradoxes de Kupérus. Ce dernier aura franchi le Rubicon, poussé par ce mystérieux courrier mystérieux, cherchera dans les bras de sa domestique, Neel, une aide voire un avatar de sa femme assassinée, osera affronter cette masse qui l’incrimine, à juste titre, notamment grâce à un rebondissement surprenant et remarquable (cf. l’entretien avec l’avocat). Et Georges Simenon parachève la qualité incroyable de cet opus par une ultime pirouette concernant l’identité du corbeau, avec cette histoire de demi-florin qui aura tout déclenché. Une écriture sèche, raclée jusqu’à l’os, et qui ne dispense en rien une étude de mœurs et une psychologique, toutes deux remarquables, jusqu’à cette fin très ouverte que l’on n’a pas fini d’interpréter, encore et encore, jusqu’à essayer d’en éprouver toute l’acidité.

    02/06/2019 à 17:52 3

  • Dédale temporel

    Nicolas Trenti

    8/10 Après « Dans les griffes de la mafia », je me suis de nouveau laissé prendre par ce livre-jeu. Le concept qui rend le lecteur réellement acteur de ses réflexions, démarches et interactions avec les lieux et les conséquences du récit sont encore plus notables, puisque l’on a ici toutes une série d’interférences avec les trois époques, au gré de voyages spatiotemporels. Un réel régal à mes yeux, bien plus complexe que le précédent opus selon moi, et des énigmes bien compliquées (satanés fusibles !), avec toujours ce panorama de combinaisons nombreuses. Pour ma part, je ne suis guère client de ces histoires de pérégrinations dans le passé ou le futur, raison pour laquelle je préfère la trame plus classique de « Dans les griffes de la mafia », également plus facilement classable dans la catégorie policière, mais force est de reconnaître que la série ne faiblit pas, sait se réinventer, ose proposer une intrigue plus difficile, mais dont le dénouement apporte la résolution quant à l’identité du savant fou. Oui, vraiment, une réussite !

    02/06/2019 à 17:50 3

  • Le Cri des corbeaux

    Matthieu Parcaroli

    8/10 Julie et Théo viennent de remporter un concours dont la récompense est un séjour dans une villa pour un week-end. Ils sont rapidement rejoints par un autre ménage constitué d’Agathe et Simon, également lauréat de ce gros lot. Si cette coexistence, inattendue, semble tendue, c’est rapidement les lieux, inquiétants, qui imposent la peur et la paranoïa. Surtout lorsque l’un des personnages est enlevé avant de se retrouver prisonnier d’un cube en plexiglas.

    Ce premier roman de Matthieu Parcaroli séduit rapidement. Le rythme est vif, l’écriture sèche, presque rongée jusqu’à l’os, et certains lecteurs seront peut-être déçus par la frugalité de la langue employée. Mais l’auteur emporte sans mal l’adhésion grâce à la cadence qu’il imprime à son récit : fougueuse. Soixante-sept chapitres, très courts, au gré de ces deux cents trente pages, qui défilent à toute allure, nerveusement, imposant un tempo d’enfer, grâce à des termes, descriptions et analyses psychologiques certes primitives mais crédibles et à la hauteur de ces protagonistes, complètement dépassés par les événements. Des moments s’échappent à la surface de ces eaux troubles, comme des bulles d’un air vicié, révélant progressivement des pans des passés respectifs des protagonistes, avec leurs spectres, leurs plaies, leurs phobies et leurs expériences douloureuses. Une astucieuse alternance du présent et de temps non révolus, où le lecteur est baladé, littéralement, au gré de ce qui s’apparente à un whodunit enfiévré. Les fausses pistes se multiplient, claquent, se perdent, et d’autres surgissent jusqu’aux trois dernières phrases de ce soixante-sixième chapitre et l’épilogue qui rebat les cartes de manière inattendue. Un rebondissement impeccablement amené, plausible et efficace, même si d’aucuns, chicaniers, argueront du fait que ce twist a déjà été employé auparavant, en littérature comme au cinéma. Mais finalement, peu importe : après l’ivresse du doute et d’une lecture endiablée, l’écrivain nous fait brutalement redescendre sur Terre avec, sinon de l’originalité, beaucoup de réussite.

    Voilà un roman bien né quoiqu’issu de la plume d’un artiste dont il ne s’agit là que de la première œuvre. Souhaitons donc à Matthieu Parcaroli autant de succès avec ses prochains livres dont on attend déjà avec hâte la publication.

    20/05/2019 à 17:43 5

  • Version officielle

    James Renner

    8/10 Jack Felter, professeur d’histoire en lycée, revient à Franklin Mills, Ohio, car son père, un vétéran du Vietnam, sombre de plus en plus dans la démence. Il y retrouve Sam, son amour de jeunesse, dont le mari, Tony, a disparu. Jack accepte de l’aider, mais la seule personne qui semble pouvoir l’épauler dans ses recherches est Cole Monroe, un ado schizophrène qui est persuadé d’un immense complot. Et si, pour retrouver Tony, Jack allait devoir affronter l’un des plus grands complots de l’Histoire ? En sortira-t-il indemne ?

    Après L’Obsession, voici le deuxième ouvrage de James Renner, assurément un livre à ne pas mettre entre toutes les mains. Car il s’agit d’un immense délire littéraire, dont on a parfois bien du mal à cerner la part volontaire de fiction, voire de facticité, insufflée par l’auteur, et ce à quoi il peut éventuellement croire. Quatre cents pages qui galopent à toute allure, sans la moindre retenue, au gré d’une écriture particulièrement simple, presque élémentaire, avec un lot incroyable de rebondissements. Est-ce que vous croyez à la fluoration de l’eau pour abrutir les masses de consommateurs ? Aux chemtrails ? Aux dessins inscrits sur les affiches le long des routes pour indiquer des points névralgiques ? A l’hypothèse du temps fantôme, à cause de laquelle trois cents années auraient disparu ? A une conjuration mondialisée du Grand Oubli, rendant amnésiques les foules pour faire disparaître certains événements traumatisants ? Peut-être trouverez-vous cela même complètement aberrant, voire ridicule ? Et vous savez quoi ? James Renner a osé. Il a tissé une intrigue solide, nouée avec expertise, et semble prendre un plaisir consommé à tirer sur quelques-uns des brins de textile s’échappant de la pelote, nous entraînant avec lui sur les chemins audacieux du complotisme. Là où nombre d’auteurs, par fanatisme ou au contraire par retenue, se seraient lamentablement cassé la figure, James Renner, lui, y va franchement, mais toujours avec finesse, plus exactement en nous plongeant dans ce grand bain amniotique de la conspiration internationalisée, à faire passer les auteurs de la série X-Files pour d’aimables plaisantins à l’imagination étroite. Des personnages savoureux, tous dépeints de manière lapidaire, de Jack Felter à Cole Monroe en passant par le Capitaine (le père de Jack), Sam, ou encore ces étranges individus appelés Les Chiens. Une équipée sacrément échevelée, où le loufoque le dispute à la plus impitoyable des logiques, jusqu’à un épilogue dantesque, pour une réécriture particulièrement audacieuse d’un épisode traumatisant du cours de notre civilisation.

    Sur le fil ténu et mouvant qui sépare le guignolesque de la gravité, dans un périlleux exercice de fildefériste, James Renner se maintient à l’équilibre tout au long de ce roman ambitieux et clivant, que l’on adorera détester ou que l’on encensera pour son originalité stupéfiante. Mais pour notre part, c’est assurément une réussite !

    20/05/2019 à 17:35 7

  • Sang de lune

    Lincoln Child

    8/10 Jeremy Logan, célèbre énigmologue, souhaite terminer d’écrire son livre portant sur l’hérésie au Moyen Âge, et décide de l’achever dans une résidence d’artiste dans les Adirondacks, au nord-est de New York. Lorsque le corps d’un randonneur est découvert, déchiqueté, on en vient vite à penser que le coupable est un loup-garou. Par amitié pour une ancienne connaissance, Jessup, Logan décide de mener l’enquête.

    Ce cinquième ouvrage de la série consacrée à Jeremy Logan séduit d’entrée de jeu. Le ton y est très alerte, l’écriture simple et efficace, et, une fois de plus, Lincoln Child, maîtrise de façon remarquable, presque cinématographique, l’art d’enchaîner les chapitres, de planter des décors, de croquer en quelques traits de plume des personnages, ou de jouer sur les émotions du lecteur. De nombreux passages sont en effet assez anxiogènes, jouant à fond sur le panorama qu’offrent les Adirondacks, à la fois sauvage, ténébreux et, en quelque sorte, prédateur. Les suspects ne manquent pas, avec une famille de consanguins recluse dans un fortin, des artistes présents dans l’habitation où séjourne Logan, quelques ermites, des scientifiques, etc. Il faudra d’ailleurs à notre protagoniste, toujours aussi pugnace et sagace, « empathe né », des nerfs d’acier, afin de pouvoir s’opposer à cette terrible menace qui rôde. Lincoln Child joue habilement sur les peurs, les réflexes d’autodéfense des autochtones, et propose également une lecture intéressante de la lycanthropie, ou plus exactement une possible origine qui paraît originale.

    Le thème des loups-garous est archiconnu, voire rabâché, et il fallait une sacrée dose de talent ainsi qu’une idée novatrice pour oser se lancer sur ces contrées littéraires. Lincoln Child détient ces deux qualités qui, alliées à son style d’écriture toujours aussi élémentaire et direct, font de ce roman une réussite, impossible à lâcher jusqu’à la dernière page.

    20/05/2019 à 17:31 3

  • Les Gens sérieux ne se marient pas à Vegas

    Serguei Dounovetz

    7/10 Patchwork vient de mourir. Le corps du guitariste du groupe Les Maîtres Nageurs est placé à l’arrière d’un véhicule mortuaire, tandis qu’Abel, autre musicien de la formation, l’accompagne pour son dernier voyage. Candie Brown, une belle jeune femme, se trouve sur la route de la procession. Le début des emmerdements ? Bien pire que ça : bien plus délirant que ça…

    Serguei Dounovetz, à la bibliographie déjà bien chargée, libère ce roman aux éditions French Pulp. Dire qu’il a laissé aller son imagination débordante ne serait qu’un doux euphémisme. Il est en effet impossible de résumer la suite des événements, car ces derniers, tous plus improbables les uns que les autres, vont débouler sur la piste de cet opus échevelé comme les billes surnuméraires d’un flipper et faire tilter tout l’ouvrage. Quelques exemples ? Avec grand plaisir : une photographie d’un cercueil et d’une naïade dans le plus simple appareil qui va faire basculer l’existence de nombreux personnages, un Indien apparemment très altruiste mais en réalité proxénète, deux shérifs complètement fissurés et psychopathes (mais les chiens ne font pas des chats puisqu’ils sont père et fils), le légendaire groupe de musique Exotic Lizard qui s’apprête à remonter sur scène (alors qu’il n’a jamais existé…), des vampires, Mae West, l’ancien gouverneur du Texas et sa belle-fille à l’arrière-train incendiaire, etc. Un véritable chambardement des événements, multipliant les références à la musique rock et punk, au gré d’interactions excentriques et déstructurées, que Serguei Dounovetz disperse avec le geste auguste du semeur. C’est volontairement décalé, déjanté, inclassable. L’écrivain aurait probablement pu construire une colonne vertébrale plus conséquente, un fil rouge ou une intrigue plus rassembleuse pour agréger ces sketchs et autres protagonistes à peu près aussi déstructurés que leurs apparitions et relations, car des lecteurs lui reprocheront certainement ce chaos scénaristique à peine dompté (nous passerons sous silence les multiples fautes et coquilles, irritantes). Cependant, il est indéniable que Serguei Dounovetz s’est avant tout fait plaisir tout en transmettant cette jouissance burlesque à son lectorat, pour peu que ce dernier soit friand des univers sciemment extravagants à la Quentin Tarantino. Car, dans le fond, pour reprendre le titre des Rolling Stones, ce n’est pas de la littérature : It's Only Rock'n'Roll (but I like it).

    20/05/2019 à 17:25 1

  • Meg : En Eaux Troubles

    Steve Alten

    7/10 … ou comment le paléontologue Jonas Taylor (étonnant détail : sur la quatrième de couverture du livre de poche que j’ai, chez Pocket, il est appelé Jonas Scripps) en vient à combattre la plus impitoyable machine animale à tuer jamais créée, le Megalodon, le requin venant tout droit de la préhistoire. Définitivement, comme l’a écrit Fredo, une passerelle entre les œuvres de Peter Benchley et du duo Preston/Child. Un sens de l’écriture dynamique, un style visuel qui préserve néanmoins juste ce qu’il faut de psychologie pour rendre les personnages suffisamment entiers et denses pour ne pas être de simples caricatures (même si l’approfondissement de l’âme humaine n’est pas l’apanage de ce type de littérature), des chapitres courts, parfois même séparés entre les divers points de vue des protagonistes, pour un roman efficace. Pas étonnant qu’il ait fait l’objet d’une adaptation cinématographique, même longtemps après sa sortie en librairie. L’ensemble est étudié, charpenté, prenant appui sur de réelles notions zoologiques, techniques et autres, et n’est donc pas un prétexte pour agiter ce prédateur monstrueux sans offrir au lecteur ce qu’il faut de renseignements scientifiques. J’ai beaucoup aimé certains passages, efficients, comme la boucherie avec le baleinier japonais, l’attaque des surfeurs, ou des détails, mais qui m’ont marqué par leur intelligence, comme la façon dont la femelle Megalodon parvient à franchir les eaux froides et remonter vers des flots plus fournis en chair humaine (oui, vraiment un détail, mais je suis presque persuadé que je vais me souvenir longtemps de cette astuce scénaristique qui, à mes humbles oreilles d’individu lambda qui n’y connaît strictement rien à la plongée, m’a paru plausible tout en étant futée). J’ai moins apprécié quelques clichés à propos de certains personnages (notamment chez les journalistes, avides de sensations fortes à offrir à leurs téléspectateurs, au point de se jeter dans la gueule du loup… pardon, du requin. Et si je reconnais bien volontiers l’originalité des dernières scènes entre Jonas et le Megalodon, cinématographique et originale, je l’ai trouvée trop tirée par les cheveux, au point de perdre en crédibilité, et de trop s’arcbouter sur un symbolisme appuyé (Jonas et l’épisode de la baleine, cela paraissait tellement gros que c’est finalement arrivé, sa claustrophobie poussée à son paroxysme, etc.). Bref, même s’il y a des clichés et les écueils presque inhérents à ce type de récits, je ne vais pas mentir et renier le plaisir que j’ai ressenti à la lecture de cet ouvrage, lu il y a trop longtemps pour pouvoir en parler, et relu dernièrement. Les Dents de la mer, à côté, c’est une sardine se débattant dans un lavabo, tant du point de vue de l’échelle des bestioles respectives que des diverses victimes, de l’ampleur de ce roman, de l’action décrite, ou des sentiments que j’ai éprouvés. Typiquement de la littérature de gare dans ce que cette expression a, à mes yeux, toujours eu de positif et non de bêtement dévalorisant : un bon moment de décontraction, du temps passé sans m’en être rendu compte, avec à la clef des infos intéressantes sur le milieu marin et les requins en général.

    19/05/2019 à 17:47 2

  • Ville sans loi

    Jim Thompson

    8/10 David McKenna, surnommé « Bugs », à savoir « dingue, dérangé », vient d’arriver à Ragtown (« ville loqueteuse », une cité qui a poussé comme un champignon grâce aux forages de pétrole. Grâce à l’entremise de Lou Ford, l’adjoint au shérif, il devient détective privé à l’hôtel détenu par Mike Hanlon, un vieillard impotent qui a fait fortune dans les hydrocarbures. Cet homme a une femme, Joyce, qui semble avoir des envies de récupérer le magot de son infirme de mari. McKenna serait-il tombé dans un piège ?

    Jim Thompson, l’un des plus emblématiques auteurs de romans noirs, nous revient en France avec cet ouvrage datant de 1957. Et c’est un véritable régal, de bout en bout. On retrouve le goût consommé de l’auteur pour les personnages denses, décrits en peu de mots, aux contours flous et qui cachent, dans ces zones d’ombre, de curieux sentiments et des comportements dangereux. Mike Hanlon, ancêtre tassé dans un fauteuil roulant, craignant pour sa vie ainsi que pour la sécurité de son hôtel. McKenna, qui a déjà purgé de la prison, bloc de muscles et d’une violence à peine contenue, capable de coups de sang et, dans le même temps, prude et balbutiant lorsqu’il se retrouve avec une jolie femme. Lou Ford (le terrible agent découvert cinq ans plus tôt dans Le Démon dans ma peau et sa seconde traduction L’Assassin qui est en moi), habile manipulateur qui, malgré son allure anodine, n’en est pas moins un véritable squale humain ainsi qu’un individu prompt à la castagne. Et que dire de ces femmes, parfois fatales, belles à se damner, comme Joyce (la femme du propriétaire), Amy (la compagne de Lou qui n’en éprouve pas moins une forte inclination pour McKenna) ou Rosie, cette magnifique fleur où coule, en toute discrétion, du sang noir ? De ces pièces éparses, Jim Thompson constitue un puzzle flamboyant, sombre et torturé, où les coups bas ne manqueront pas : des empoisonnements, un suicide douteux, un vol de 5000 dollars, un chantage, des rapports de domination où un simple retour d’ascenseur peut conduire à la mort d’un être humain… Un opus enflammé qui se conclut à la manière d’un whodunit, où Lou Ford, « pour sûr », saura rétablir la vérité en une petite quinzaine de pages.

    Si ce roman n’a pas la puissance évocatrice du Démon dans ma peau ou de L’Assassin qui est en moi), il n’en demeure pas moins riche et terriblement efficace. Une pépite de ténèbres à redécouvrir d’urgence !

    06/05/2019 à 17:45 4

  • Commando Adams

    Robert Muchamore

    8/10 Parce qu’ils ont beaucoup à se faire pardonner par leurs autorités, Léon et Daniel, agents de CHERUB, doivent approcher un petit malfrat qui prétend avoir des informations sur l’Etat Islamique. Et c’est parti pour cette mission qui conduira nos agents secrets jusqu’en Syrie.

    Robert Muchamore livre ici son ultime roman extrait de la série consacrée à la seconde génération de CHERUB, et c’est à nouveau un régal. On retrouve le concept qui a fait le succès de cette saga comme celui de CHERUB et Henderson’s Boys : l’action est menée par des adolescents. Ici, l’ouvrage commence fort : un chantage exercé contre un homme suspecté de pratiques pédophiles, puis un retour au camp pour une rééducation musclée avant que James, chef de groupe, ne vienne proposer à nos agents ayant agi de leur propre chef un moyen d’échapper à leur punition. Et dès qu’il s’agit d’aller castagner des mécréants, sauver des vies ou tout simplement agir, les membres de CHERUB répondent toujours présents. Et c’est donc au Moyen-Orient qu’il va falloir intervenir, pour libérer des griffes de l’Etat Islamique Gordon Sachs et Kam Yuen, deux ingénieurs spécialisés dans l’extraction du pétrole. Robert Muchamore livre une copie de très haute tenue, se calant sur le fil directeur de la série avec le nécessaire cahier des charges, sans jamais oublier d’y apporter une véritable identité. C’est avec un plaisir constant que l’on retrouve les personnages, leurs amitiés et leurs tensions, puis qu'on les voit s’entraîner et se lancer dans une aventure inédite. Et l’auteur maîtrise son sujet : écriture bougrement efficace, scénario suffisamment solide pour happer l’attention de son lectorat, et péripéties pétaradantes.

    Cet opus est un très bon exemple de synthèse de la saga : c’est habile, musclé, prenant, distrayant et hautement addictif. Des ouvrages avec une telle qualité de percussion et de divertissement, on en redemande.

    06/05/2019 à 17:39 4

  • L'Envers de la Charité

    Pascal Grand

    8/10 Juin 1786, à Lyon. Antoine Léonard Toussaint est un chirurgien qui a gagné ses lettres de noblesse en devenant le promoteur de la « chirurgie judiciaire », ce qui s’appellera bien plus tard la « médecine légale ». Invité à donner une série de cours au collège de chirurgie, il est rapidement invité à aider les autorités locales afin de mener à bien une enquête : le recteur Coudurier vient d’être assassiné. En charge de l’apothicairerie de la Charité, le grand hôpital de la ville, il n’apprend que plus tard qu’un premier recteur avait déjà été tué.

    Après De sucre et de sang, Pascal Grand poursuit sa série consacrée à Toussaint, son personnage emblématique. On y retrouve la plume de l’écrivain, si riche et belle qui rend un hommage appuyé aux lieux, à l’époque et aux mœurs lyonnaises de cette fin du dix-huitième siècle. On prend ainsi un immense plaisir à se balader dans Lyon, avec l’auteur en tant que guide, sans jamais que cette balade ne se montre bavarde ou stérile. Indéniablement, Pascal Grand s’est beaucoup documenté, et cela se ressent sans mal au gré des pages. C’est ainsi toute une société qui apparaît sous nos yeux avides, avec un accent particulier déposé sur les métiers d’antan – disparus depuis – ainsi que sur le vocabulaire, propre à la fois à la période ainsi qu’à la cité. Toussaint, accompagné de sa fidèle épouse Hortense, vont être confrontés à un bien étrange complot où s’entremêlent jeux de pouvoir, étranges achats de terres, et une bien mystérieuse cargaison ayant disparu du bateau Marie-Angèle, faisant naître les racines de l’intrigue un siècle auparavant, au Nouveau Monde. Il y aura du sang, des viols, des enlèvements et des chantages (mais jamais de surenchère dans les violences, nous sommes dans un roman à suspense de bonne tenue), parce que l'épicentre de tous ces crimes est à la mesure des moyens mis en œuvre. A cet égard, on ne pourra que chaleureusement remercier Pascal Grand de nous gratifier d’une telle originalité : là où l’on pouvait craindre une énième histoire, déjà lue ou déjà vue tant et tant de fois en littérature ou au cinéma, il a su imaginer un récit particulièrement atypique, jouant sur une idée particulièrement surprenante et incroyablement crédible, où s’illustre, une fois de plus, l’intelligence et le savoir de l’auteur. C’est aussi l’occasion de découvrir, sous un angle nouveau, l’Hôpital de la Charité de Lyon, peuplé de filles et femmes prostituées, et où la religiosité officielle de l’édifice ne contrarie que peu sombres attitudes, comportements dictatoriaux et péchés de chair.

    Un très bon polar historique, savant, nerveux et diablement bien mené, propre à tailler des croupières à ses concurrents américains et anglo-saxons. Une excellente découverte.

    06/05/2019 à 17:34 3

  • Cendres vives

    Serge Brussolo

    6/10 … ou comment Jérémie Stalion, reclus dans une résidence sur les hauteurs de Los Angeles avec un luxe de précautions insensées à propos de sa sécurité, se souvient de l’histoire incroyable qui lui est arrivée. Jeune, avec ses parents, il vivait sous la coupe tyrannique, malveillante et halluciné de son frère Jonah, une sorte de double maléfique et à la beauté du diable. De leurs jeux pervers, saturés de peurs, de complotismes et de théories délirantes, naîtra le drame qui régira le reste de l’existence de Jérémie. Cet ouvrage assez court est disponible en téléchargement gratuit et intégral sur le site de l’auteur (mais pour combien de temps ?) dans une rubrique intitulée « Les brouillons inédites ». Autrement dit, factuellement, il s’agit d’un roman jamais publié (et jamais relu par l’éditeur, ce que prouve le nombre de coquilles et de fautes) mais n’en est pas pour autant un ouvrage low-cost, offert au lectorat de l’écrivain parce qu’aucune maison d’édition n’en voulait. On y retrouve l’univers brussolien et ses grands délires (au sens très positif du terme) : aventure, sexe, espionnage, thriller, possible existence des extraterrestres, cabales, espionnage, etc. A cet égard, l’avant-dernier chapitre (juste avant l’épilogue) est un condensé de rebondissements intéressants et surprenants, même pour moi qui suis un bien humble lecteur habitué à la prose du monsieur. Un texte en quatre grandes parties, depuis la genèse de la paranoïa de Jérémie, persuadé d’être poursuivi par son défunt frangin au cours d’une excursion à la recherche de reliques précolombiennes, jusqu’à ce retour à cette maison ébranlée par des catastrophes naturelles et au fin fond de laquelle il finira par trouver l’individu qui le traque. J’avoue que c’est toujours autant halluciné, étonnant (même si on retrouve quelques-uns des leitmotivs littéraires et scénaristiques de Serge Brussolo), avec de belles pépites et des moments de dynamitage impressionnants, au cours desquels il insère des charges lourdes au sein-même de son texte pour surprendre, lézarder tout ce qu’il a entrepris auparavant, dans une forme d’ivresse. Je dois aussi avouer que certaines parties m’ont moins séduit (tout ce qui a trait à la maison de rééducation est sympa mais sans plus, et je reste un peu dubitatif quant à la quatrième partie qui m’a semblé un peu inutile) : j’aurais été littéralement fan si l’écrivain était resté focalisé sur cette étrange relation entre les deux frères, la suspicion, presque irréelle, teintée de mysticisme. Là, j’estime (malgré mon adoration de l’œuvre de Serge Brussolo, intacte) que trop d’éléments ont été délayés, d’autres joutés sans grand impact scénaristique, et que l’ensemble manque un peu de panache dans la partie centrale. En revanche, je ne peux, une fois de plus, que louer son incroyable imagination, débordante, ravageuse, avec toujours cette même hâte de découvrir vers quoi il va nous emmener la prochaine fois.

    05/05/2019 à 16:48 4

  • Devine qui vient tuer ?

    Anthony Horowitz

    7/10 … ou comment les détectives privés, Nick et Tim Diamant, deux frères, sont missionnés pour empêcher un tueur à gages répondant au nom de Charon de tueur le diplomate russe Kusenov. Sauf qu’à peine, engagés, leur client est assassiné dans une cabine téléphonique, mais le cadavre disparait peu de temps après… ainsi que la cabine téléphonique. J’ai déjà lu pas mal de livres d’Anthony Horowitz, et je ne comptais pas m’arrêter ainsi (j’ai par exemple « Comptine mortelle » dans ma PAL). Ici, ce qui saisit immédiatement, c’est l’humour : l’histoire, narrée à la première personne par Nick, met bien en valeur l’immense nullité de son frangin. Gaffeur, pleutre, ne comprenant rien à rien, mais toujours de manière sympathique, c’est un personnage qui dépoussière le genre, à la croisée du thriller, de la littérature policière pour les jeunes, et de l’espionnage. Les situations farfelues pullulent, les quiproquos également, et certaines répliques sont vraiment tordantes. Quelques exemples : « Mais tu ne connais rien à la sécurité ! / Si, je m’y connais […] Rappelle-toi, j’ai posé une alarme contre le vol dans le bureau. / Oui, mais les voleurs ont volé l’alarme. » ou encore « Quel côté du lit préfères-tu ? / « L’intérieur ». Et des comme ça, dans le genre loufoque, ça n’arrête pas ! Il y a également une intrigue, efficace quoique classique, avec des lieux qui disparaissent, des arrestations à foison, du suspense, et quelques scènes bien troussées comme dans le train, lors de la vente aux enchères, ou le final, à la fête foraine. Anthony Horowitz a bâti une histoire où se mêlent agents secrets, pièges, usurpations d’identité et autres ressorts standards, et même si je ne suis pas persuadé, très honnêtement, de me souvenir longtemps de l’intrigue, je sais assurément que je me souviendrai d’un bon moment de lecture, décontracté et prenant. A noter de nombreux clins d’œil au film « La Mort aux trousses » d’Alfred Hitchcock, dont certains étaient évidents (l’avion au-dessus du champ de céréales, par exemple, ou ce personnage appelé « Rushmore ») et d’autres que j’ai découverts en découvrant une rapide étude du roman (le titre original du livre pastichant celui du film, entre autres).

    05/05/2019 à 16:44 2

  • Romulus et Rémus

    Guy Jimenes

    7/10 … ou la tragique existence de Romulus, réécrite par Guy Jimenes. Les épisodes de son existence s’enchaînent de façon fluide : la découverte des deux jumeaux par la louve qui les allaite, les bébés recueillis par Faustulus et Laurentia, l’enfance de frères très solidaires puis les premières tensions, jusqu’au meurtre de Rémus. S’ensuivent la création de la ville de Rome, l’enlèvement des Sabines, l’attirance pour Hersilie, Tarpéia qui va trahir la cité, le partage du pouvoir avec les Sabins, et l’étrange disparition de Romulus (même si Hersilie a des doutes raisonnables à propos de ce qu’elle va qualifier de « conte à l’usage des enfants »). Guy Jimenes est très habile dans son art de conter l’histoire (à même écrire avec une majuscule) ainsi que pour retranscrire les attitudes et les relations humaines entre ces êtres si singuliers. Tout, comme dans la totalité des ouvrages de cette collection que j’ai lus jusqu’à présent, est intelligent, brillant, et écrit pour capter l’attention des jeunes lecteurs auxquels s’adresse ces ouvrages. Je suis en revanche un peu plus circonspect quant à l’axe narratif de Guy Jimenes, puisque le meurtre de Rémus intervient dès la moitié du livre (à la page 53), ne laissant alors que peu de place pour la confrontation psychologique entre les frères avant qu’elle ne soit donc physique et létale. On en arrive ensuite à la création de Rome et tout ce que j’ai décrit précédemment, ce qui est indéniablement intéressant, voire passionnant, mais à mes très humbles yeux, cette concurrence aurait gagné à être développée, même si l’auteur y revient un peu par la suite, notamment lorsque Romulus s’en ouvre à Hersilie.

    05/05/2019 à 16:42 2