El Marco Modérateur

3482 votes

  • Léonie

    Marlène Charine

    9/10 Un immense merci à Franck 28 pour le fou rire qu’il a provoqué chez moi quand j’ai lu son commentaire une fois que j’ai terminé le livre. Léonie est-elle prisonnière de son geôlier ? Ça ne risque pas dans la mesure où celui-ci meurt presque dès le début du livre. Elle aspire à la liberté ? Pas du tout : c’est un ressort très différent qui va finir par l’animer, mais pour le savoir, il faut avoir lu l’ouvrage. J’ai été attiré par ce titre en raison de son pitch alléchant mais aussi par ce commentaire tiédasse et farfelu, et il me tardait de voir ce que valait vraiment ce livre : le moins que l’on puisse dire, c’est que j’ai adoré. Ou comment la jeune Léonie Marchal, enlevée et séquestrée, voit son geôlier Raymond mourir d’une crise cardiaque au 2190ème jour de détention. Si le moment paraît hautement inattendu et devrait la remplir de joie, Léonie a fini par se faire à son existence de recluse avant de comprendre ce qui s’est passé à l’extérieur en son absence et de vouloir en tirer les conséquences – même les plus radicales. Dans le même temps, le policier Loïc Sorel, qui avait subi un accident de parapente vers l’époque où Léonie était kidnappée ainsi qu’un traumatisme craniocérébral sévère, vit encore à moitié paralysé et avec une élocution très limitée. Sa sœur Diane veille sur lui, et quand des corps visiblement dévorés par un animal monstrueux sont découverts, elle va faire en sorte que son frère jette un œil aux dossiers laissés inachevés.
    Une écriture forte, alternant les points de vue entre Léonie et Diane (il y a quelques chapitres avec Jonas Renberg, collègue de Loïc, également son amoureux secret, ainsi que d’après le point de vue de Loïc sur le final), avec une précision psychologique remarquable. Un style volontairement haché, avec des protagonistes forts et clivants, pas le moindre temps mort et une noirceur d’un bout à l’autre. Peut-être que certains éléments dans les ultimes chapitres sont de trop (c’est subjectif, mais les alliances finales ainsi que le rassemblement de tous les personnages m’ont semblé un peu forcés), mais il n’empêche, voilà un livre remarquable, avec une histoire marquante de vengeance et, comme l’indique Marlène Charine dans ses remerciements, de liberté qui « est le mot-clé de ce roman, celui par lequel tout a commencé ». Une réussite littéraire indéniable – et je peux vous en parler, moi, dans la mesure où j’ai vraiment lu cet opus.

    06/12/2024 à 05:56 7

  • L'Eau du Golan

    Fred Duval, Emem

    7/10 Dans une Jérusalem en 2056 prise sous le contrôle d’une intelligence artificielle despotique et dont le ciel est sillonné par des drones meurtriers aux allures d’insectes, notre Carmen Mc Callum s’illustre, cette fois-ci avec un uniforme. Une entame musclée, certainement inspirée du point de vue scénaristique et visuel par la franchise « Terminator ». Ça n’est donc pas spécialement original, mais l’atmosphère lourde et le grain assez sombre du graphisme prennent du début à la fin.

    05/12/2024 à 05:35 3

  • Le Cauchemar d'Innsmouth tome 1

    Gou Tanabe

    8/10 Le port d’Innsmouth, dans le Massachusetts, a été détruit, incendié et dynamité. Un homme a vu ce qui s’y est passé, et s’il a actuellement le canon d’un pistolet sur la tempe, c’est bien que ce dont il a été le témoin doit être un véritable cauchemar. Juillet de la même année : le narrateur, Robert Olmstead, se rend dans ce village afin d’y puiser ses propres origines. Mais le patelin semble tabou : de nombreuses rumeurs insistantes et effrayantes s’accumulent autour de cette contrée maudite… Gou Tanabe adapte avec intelligence et talent le texte d’HP Lovecraft. Dès les premières planches (la découverte des bijoux d’Innsmouth), on bascule dans l’étrange et l’occultisme jusqu’à quelques scènes d’horreur dans le final avec le débarquement des créatures aquatiques. Un rythme certes lent (hé, c’est du Lovecraft, pas « Fast and Furious », et c’est tant mieux) mais poisseux et parfaitement maîtrisé.

    05/12/2024 à 05:33 4

  • Un mauvais pressentiment

    Blake Pierce

    6/10 Ashley Penn, quinze ans, est enlevée au sortir du lycée. Sa mère signale la disparition, et l’agent de police Keri Locke est la seule à croire aussitôt que ça n’est pas une simple fugue ni une histoire banale. Et les pistes ne manquent guère : un ex-copain, le milieu de la drogue et des trafics humains, le fait que l’adolescente est en réalité la fille d’un sénateur, le monde de la chanson, etc. Une affaire d’autant plus sensible que la propre fille de Keri, Evie, a été kidnappée il y a cinq années et n’avait alors que huit ans pour ne plus jamais réapparaître.
    Un autre roman de Blake Pierce que je me fais, et j’en reviens à mes précédentes remarques : ça n’est pas mauvais du tout. OK, il y a des poncifs et des fautes d’orthographe (et même des contresens liés à une traduction faite à la va-vite et à une nette absence de relecture sérieuse), mais l’ensemble n’est pas cette littérature low cost et mauvaise que l’on peut décrire. Keri compose une protagoniste sympathique, et j’ai surtout apprécié son collègue Ray, dit « Le Marchand de sable », armoire à glace et ancien boxeur ayant perdu un œil lors de son dernier combat. Un rythme bien cadencé, des fausses pistes intéressantes, quelques réparties assez drôles et une réelle efficacité dans ce récit policier. La mécanique est plutôt solide et bien huilée et, même si on n’est guère surpris par le dénouement, le dernier tiers remplit le cahier des charges du suspense attendu et offre même un épisode bien tendu (cf. l’épisode de la ferme et du silo). Bref, pas de quoi se relever la nuit mais pas non plus de quoi vouer aux gémonies cet ouvrage assez distractif et permettant de passer quelques heures agréables.

    02/12/2024 à 17:24 3

  • Leçons de piano et pièges mortels

    R. L. Stine

    6/10 Jérôme vient de déménager avec ses parents à New-Goshen quand il découvre un piano dans la maison. Problème inquiétant : l’instrument semble capable de jouer de lui-même. Quand il en vient à prendre des leçons de piano auprès de M. Kord qui est obsédé par les mains du gamin, la tournure devient encore plus menaçante, d’autant que Jérôme n’est pas au bout de ses surprises…
    Un « Chair de poule » sympathique, enjoué et bien mené, avec ce qu’il faut de surprises et de rebondissements pour maintenir l’attention d’un jeune lectorat au gré des quelque 110 pages de ce roman. R. L. Stine propose un canevas assez classique, certes, mais prenant et efficace. Je regrette juste une surabondance un peu superflue d’ingrédients – le piano, le professeur énigmatique, le fantôme, le robot, etc. – qui aurait pu être évitée au profit d’une histoire plus resserrée, d’autant que certaines images finales sont vraiment marquantes. Dommage également que le résumé indique des infos qui n’apparaissent qu’à la fin du dix-neuvième chapitre.

    01/12/2024 à 18:16 2

  • Gannibal tome 10

    Masaaki Ninomiya

    9/10 Un long flashback pour amorcer ce dixième tome, un flashback qui s’étend même sur l’ensemble de l’ouvrage, où l’on en apprend beaucoup sur les origines de l’arcane : un récit sacrément sombre et également teinté de puissantes scènes de sexe. Toujours ce pur ravissement dans les dessins, remarquables, comme dans le scénario, prodigieux de noirceur. Une excellente idée que cette plongée dans l’infâme passé du clan. C’est d’une très rare cruauté, c’est également d’une très rare qualité.

    01/12/2024 à 17:25 2

  • La Terre des morts

    Jean-Christophe Grangé

    9/10 Un énième roman que Franck 28 n'a probablement jamais lu, ou comment le commandant Stéphane Corso, de la Brigade Criminelle du 36 de Paris, en vient à enquêter sur le meurtre particulièrement sordide (et dans le même temps, recherché du point de vue esthétique, avec « sourire de Dublin », pierre calée dans la bouche et nœuds complexes) d’une strip-teaseuse. Face à lui et à son équipe va se profiler un peintre maudit, miracle de l’enseignement artistique appris bien tard, traînant une aura maléfique, pour un affrontement qui va révéler bien des surprises. J’avais été heureux, il y a quelque temps, de renouer avec les ouvrages de Jean-Christophe Grangé (en l’occurrence, « Lontano »), et je me réjouis de cette lecture. D’entrée de jeu, on retrouve la patte du maestro : des phrases qui claquent, des individus maltraités, fragmentés, et une intrigue ténébreuse. Ici, plusieurs personnages ont retenu mon attention, dont Corso, ancien junkie et esclave sexuel des caves de banlieue, devenu une épée chez les policiers, et qui bataille comme un lion pour reprendre la garde de leur fils à son ex-épouse (elle-même est assez gratinée). Les milieux interlopes du porno et du bondage sont détonants, avec leur lot de pratiques ignominieuses, jusqu’au vertige : l’auteur pousse certes le bouchon assez loin, mais ce naturalisme ne m’a pas choqué (ayant déjà lu des ouvrages de Nada, plus rien ne peut vraiment me crisper dans le domaine, je pense). L’histoire est particulièrement dense, sans temps mort à mes yeux, et je me suis littéralement passionné pour les divers pans de l’enquête, dédaléenne, tonitruante, arachnéenne. Pas mal de rebondissements (la partie consacrée au procès a été l’une de mes préférées par l’atmosphère étouffante comme par les surprises qui y pleuvent). Je n’ai pas vu passer les nombreuses pages de ce beau pavé (je me le suis pris en édition de poche), jusqu’aux révélations finales dans ce caveau, explosives, et si typiques de la bibliographie et des obsessions de JCG : je ne suis pas près d’oublier ces ultimes révélations, d’autant qu’elles apportent dans les dernières pages du roman le sens la raison du titre « La Terre des Morts ». Certes, il y a des éléments un peu capillotractés dans la confession finale et d’outre-tombe du tueur, mais j’ai adoré cette machination, si puissante du point de vue de sa force de percussion littéraire. Et ce que j’ai beaucoup apprécié également, c’est ce côté resserré, compact, de l’intrigue (on est ici assez loin des diverses pièces du puzzle que constitue « Lontano »). Un thriller particulièrement âpre et sombre, étourdissant et fascinant, d’autant plus qu’il révèle nombre de facettes de l’âme humaine dans ce qu’elle a de plus animal, de plus primitif. Un de mes préférés de Grangé, définitivement.

    28/11/2024 à 19:39 7

  • Plunge

    Joe Hill, Stuart Immonen

    8/10 Des calamars géants échoués, un bateau en détresse avec 32 membres d’équipage, un mort qui parle, de curieuses statues sous-marines, des animaux avec des malformations, des survivants au comportement suspect… On navigue quelque part du côté de « The Thing », « Walking Dead », Lovecraft et autres récits horrifiques. Avec un graphisme percutant et adéquat et Joe Hill – accessoirement le fils de Stephen King – à la manœuvre, c’est vraiment fun. C’est à la fois assez classique (la planche finale est à mon avis un clin d’œil aux poncifs du genre plus qu’un manque d’inventivité) et en même temps très réussi parce qu’il y a ce côté fantasque, cathartique, et volontiers jubilatoire.

    27/11/2024 à 18:27 2

  • Quand tu ouvriras les yeux

    Pétronille Rostagnat

    7/10 Un autre roman que Franck 28 n’a certainement jamais lu et que j’ai trouvé sacrément bien huilé, avec quarante-six chapitres denses où interviennent les divers personnages : Romane, lycéenne qui se prostitue ; sa mère Marion ; son ex-mari et père de l’ado, Laurent, qui s’est remis en couple avec Emma ; Pauline, avocate tout juste maman et ayant déjà tué quatre salopards en se glissant habilement sous la couverture d’une défense des droits pour tous, même pour les « déglingués » ; Cuivrac, le policier qui en sait beaucoup sur cette dernière ; Anne, l’épouse de l’enquêteur ; Elodie, la marraine de l’adolescente ; Sanchez, le professeur d’espagnol de Romane ainsi que Célia, son épouse. Un tableau très complet de protagonistes et de personnalités qui vont se croiser, nouer des relations complexes et tendues, s’entrechoquer, pratiquer le chantage, menacer, attaquer, tuer même. Pétronille Rostagnat, marquée par la mort de sa mère ainsi que par un roman sur la prostitution des mineures, ordonne un habile ballet qui m’a beaucoup rappelé l’univers de Patrick S. Vast, avec des mécanismes adroitement emboîtés. Un jeu de massacre jusqu’aux toutes dernières pages, et je reproche juste à l’écrivaine son écriture un peu banale, ponctuée de formules passe-partout, et qui ne creuse pas assez à mon avis la psychologie des individus, au point d’en faire à certains passages des marionnettes sans densité apparente. Sinon, c’est vraiment bon.

    25/11/2024 à 18:32 5

  • La Marche franche

    Frédéric Genêt

    7/10 Benvenuto poursuit son évasion sur les toits de la ville. Le décor urbain disparaît vite au profit d’un autre, plus forestier et montagnard, pour ce quatrième tome qui est bien plus agité et énergique que le précédent. Le départ final du héros de la citadelle s’accompagne également de l’annonce d’un cinquième opus : je n’attends que ça.

    25/11/2024 à 18:23 2

  • Louise

    Christophe Alliel

    7/10 Des adolescents poursuivis dans le métro par des créatures inquiétantes. Quelques heures plus tôt : Jason et sa sœur Louise ont été obligés de changer d’école. D’étranges phénomènes visiblement électriques précédent des crises de folie chez tous les adultes – sauf chez le cuisinier –, et les jeunes vont devoir lutter ensemble pour survivre.
    Un graphisme sympathique, pas mal de dynamisme pour le récit, et pour le moment, une relecture assez classique des histoires de zombis et de créatures menaçantes, même si, à ce stade, on ne sait pas exactement ce qui a provoqué cette catastrophe. Très plaisant, en espérant que les explications à venir seront originales.

    24/11/2024 à 11:01 1

  • Captain Trips

    Roberto Aguirre-Sacasa, Mike Perkins

    8/10 Un couple et leur bébé qui quittent précipitamment leur maison durant la nuit, un véhicule qui bousille des pompes à essence, un couple qui discute dans le Maine, un chanteur : l’Apocalypse, sous la forme d’un virus mortel – surnommé « Captain Trips » – est en approche rapide à moins qu’elle ne soit déjà là.
    Je n’ai jamais lu l’œuvre originelle de Stephen King (oui, c’est mal), mais le premier tome de cette série est vraiment bon : riche, constitué de chapitres volontairement déstructurés, des portraits psychologiques intéressants, une angoisse croissante, de l’action également (cf. le hold-up). Je me suis vraiment laissé happer par l’histoire et je ne demande rien de mieux que de poursuivre avec les tomes suivants.

    22/11/2024 à 18:14 5

  • Sous la surface – Tome 1

    Marco Dominici, Gihef

    7/10 Lowell, Massachusetts, octobre 1991 : Chase et Leah, deux jeunes adultes amoureux, se font le vœu de se revoir vingt-cinq ans plus tard. Quelques instants après, l’homme accourt pour sauver des gens tombés dans l’eau. Vingt-cinq ans plus tard, Leah est devenue l’épouse de l’homme politique Patrick Adams et elle reçoit dans un avion un SMS lui rappelant l’échéance. Problème : Chase a disparu et tout le monde le pense mort.
    Un premier tome intéressant même si certains éléments et passages sentent le déjà-lu ou le déjà-vu. Néanmoins, ça demeure intéressant d’un bout à l’autre et j’ai bien envie de connaître le fin mot de l’histoire, en espérant que ça sera original.

    19/11/2024 à 18:57 1

  • Une Patiente

    Graeme Macrae Burnet

    7/10 1965, à Londres. Veronica a tout pour elle : jeune, belle et intelligente, elle n’en décide pas moins de se jeter du haut d’un pont avant d’être happée par un train. La thèse du suicide est indéniable, mais sa sœur ne comprend pas un tel geste. Elle découvre par hasard que le cas de Veronica correspond à s’y méprendre à celui d’une dénommée « Dorothy » qui a été traitée par le sulfureux psychothérapeute Arthur Collins Braithwaite. Espérant découvrir si l’une des séances n’a pas dérapé au point de conduire sa sœur à l’autodestruction, elle décide d’entamer une thérapie avec Braithwaite sous une fausse identité.


    Graeme Macrae Burnet nous a déjà régalé avec des ouvrages comme La Disparition d'Adèle Bedeau ou L'Accident de l'A35, et c’est avec un plaisir constant que l’on entame l’un de ses textes. On y retrouve aussitôt la langue de l’auteur, agréable, travaillée, surannée juste ce qu’il faut. Ici, l’histoire a de quoi dérouter, et les amateurs de littérature policière pure risquent même d’être déçus : pas de meurtre au sens premier du terme, pas d’indice ni de réelle investigation. L’héroïne, dont on ne connaîtra jamais le véritable prénom, se lance dans un duel à fleurets mouchetés avec le thérapeute pour essayer de découvrir si ce dernier ne serait pas au moins en partie responsable du suicide de sa sœur. Le roman fait la part belle aux analyses psychologiques, aux rencontres, aux dialogues et à la genèse de ce personnage complexe qu’est Arthur Collins Braithwaite. Rudoyé dans son enfance par ses frères, détonant, le verbe haut, adepte d’une antithérapie – le titre de l’un de ses livres – où il faut déconstruire les thérapies telles qu’elles sont actuellement pratiquées, lettré, équivoque, son portrait est en soi une petite pépite. Néanmoins, le lecteur devra en passer par beaucoup de longueurs et autres circonvolutions sans pour autant que le final ne soit véritablement à la hauteur de ce qui pouvait avoir été espéré. Il faut dès lors considérer cet opus comme un habile jeu de cache-cache mental, une intéressante reconstitution du Londres de l’époque ou un subtil dédale moral, mais en aucun cas un authentique roman à suspense. De nombreux points viendront néanmoins surprendre et interpeler, comme cette étonnante et graduelle dissociation entre la protagoniste et le personnage qu’elle s’est fabriqué, ou encore le final, inattendu.

    Un récit surprenant, hautement intellectuel voire intellectualisé, qui passionnera les amateurs du genre.

    19/11/2024 à 06:58 3

  • Les Coulisses

    Gabriele Di Caro

    7/10 Une femme, Esméralda, s’effondre, morte, à la porte de la maison close de madame Fleury. La victime s’avère être hermaphrodite. Sexe omniprésent (beaucoup trop à mon goût, comme dans le tome précédent), intrigue intéressante avec cette curieuse société secrète, un rebondissement assez subtil pour une intrigue prenante. Vivement la suite (et fin).

    17/11/2024 à 08:00 3

  • Le Chant des innocents

    Piergiorgio Pulixi

    8/10 « Une adolescente poignardée. Un père assassiné à coups de marteau. Un prof poignardé au stylo » : depuis peu, une série de crimes sauvages ensanglante la ville. Leur point commun ? Les assassins sont tous des collégiens qui n’ont même pas essayé de fuir les lieux de leurs forfaits ni même justifié leur acte. Parce qu’il suit une évaluation psychologique à la suite du meurtre d’un collègue, le commissaire Vito Strega n’est pas placé sur l’enquête, mais son sentiment est limpide : d’autres homicides suivront.

    Piergiorgio Pulixi, à qui l’on doit également la formidable série consacrée à Mara Rais et Eva Croce, signait ce thriller en 2015. L’histoire est rapidement addictive, et au-delà de son ingéniosité, c’est aussi grâce à sa forme : très peu de descriptions, des ellipses surabondantes, des dialogues omniprésents. On est vite séduit par la personnalité de Vito Strega : ancien commando multimédaillé qui a ensuite suivi un cursus en psychologie, imposant, bourreau de travail, sa vie personnelle est un naufrage et il aime méditer sur le toit de son immeuble, parfois en compagnie de la jeune Jessica ou de sa chatte. Pour le moment sur la touche en raison du meurtre de Jacopo Di Giulio – dont on n’apprendra qu’à la fin de l’ouvrage les poignantes circonstances –, il va tout de même participer officieusement à l’investigation, d’abord de façon distante puis en s’y engageant pleinement. Piergiorgio Pulixi nous gratifie de chapitres particulièrement courts et dynamiques – il y en a 117 alors que le roman est assez concis – et l’intrigue est habilement menée, avec quelques éclats de violence mémorables comme cette tuerie de masse ou cette attaque à l’acide dans une église. On regrette parfois que l’histoire creuse trop le sillon psychique et moral de son protagoniste en oubliant de faire de même avec les adolescents mis en cause ou avec leur mentor, ainsi que certaines superficialités quant au contenu purement policier de l’enquête. Cependant, voilà un ouvrage bigrement prenant, au tempo remarquable, et qui, curieusement, tisse une connivence inattendue avec un livre de Bernard Minier tant leurs révélations communes sont proches.

    Un thriller très réussi, au rythme plus que soutenu, indiquant déjà tout le talent de son auteur.

    15/11/2024 à 06:56 5

  • Celui qui sait

    Ian McGuire

    9/10 Manchester, novembre 1867. Le lieutenant James O’Connor est en poste depuis peu de temps après avoir dû quitter la police de Dublin, et ses supérieurs comptent sur ses origines irlandaises pour obtenir plus facilement des renseignements auprès de ses compatriotes mancuniens qui souhaitent se soulever contre le pouvoir anglais. Dans le même temps, Stephen Doyle, un vétéran de la guerre de Sécession, vient d’arriver à Manchester où il est employé par les féniens – des nationalistes irlandais – pour commettre des actes terroristes. Le neveu d’O’connor, le jeune Michael Sullivan, débarque peu de temps après, et il pourrait être parfait pour infiltrer les rangs ennemis. Une étrange danse va s’orchestrer avec ces trois personnages. Une valse macabre.

    On connaissait déjà Ian McGuire pour son excellent Dans les eaux du Grand Nord, et c’est avec entrain que le lecteur se ruera sur ce nouvel opus. Autres lieux, intrigue et cadre différents, mais le charme opère de nouveau. L’auteur reconstitue avec un talent rare la misère du Manchester des années 1860, les luttes politiques teintées de rixes religieuses, ainsi que la géopolitique locale. Les personnages sont particulièrement réussis. O’Connor, ayant perdu femme et enfant de la pleurésie, est obligé de lutter pour ne pas sombrer à nouveau dans l’alcoolisme, et il a bien du mal à trouver sa place auprès de ses collègues ou de ses compatriotes – pas assez anglais, plus suffisamment irlandais. Doyle est une pure machine de guerre, entièrement consacrée à son art de dispenser la mort, physiquement marqué par le conflit américain et reconverti dans le mercenariat. La société de l’époque, vu du point de vue policier, est détonante, entre sombres trafics, maillages des indics, éthylisme et pauvreté endémiques. Le travail de documentation d’Ian McGuire est particulièrement solide et sa plume enténébrée restitue à merveille les obscurités ambiantes. Le final est d’ailleurs étonnant : l’écrivain refuse la confrontation tant attendue dans la Pennsylvanie rurale pour offrir un chapitre atypique, tout en ellipses et récusant ce que l’on pouvait attendre de cette conclusion, et l’effet n’en est que plus réussi.

    Un roman encore une fois singulier et efficace, d’une rare noirceur, confirmant les immenses qualités littéraires d’Ian McGuire.

    14/11/2024 à 06:58 7

  • L'Alpha et l'Oméga

    Estelle Tharreau

    9/10 La vie de Nadège Solignac a été ponctuée de drames qualifiés d’accidentels : en réalité, même si elle a été absoute par la justice et que seules des présomptions persistent, elle est une tueuse. « Noyer un flic, immoler son père, défenestrer sa nièce ou cramer un SDF » ne la remplissent pas de joie, elle n’est pas une psychopathe, juste une femme qui détruit « les nuisibles et les inutiles ». Quand elle tombe enceinte et élève son fils Cédric, elle a déjà pour lui de grands projets : devenir le mâle alpha. Mais ce projet va graduellement réveiller chez elle de purs démons tandis qu’en Cédric, le loup commence à hurler.

    Estelle Tharreau est une écrivaine dont on pense le plus grand bien, à Polars Pourpres. Ses derniers romans (La Peine du bourreau, Il était une fois la guerre et Le Dernier Festin des vaincus) étaient tous d’authentiques réussites, des livres originaux, forts et marquants, et L’Alpha et l’oméga est un bijou. Choral, alternant les points de vue entre Nadège, Cédric et Julien – le frère de Nadège –, il érige, une brique après l’autre, les sinistres constructions morales et psychologiques de deux individus dont les remparts vont lentement s’éroder puis se désagréger. De multiples passages sont effrayants de noirceur sans pour autant tomber dans le piège littéraire que sont le voyeurisme ou la surenchère. Dès les premières pages, on comprend qu’Estelle Tharreau va nous emmener loin, dans des eaux lugubres et très profondes, là où l’air se met à manquer avant que l’apnéiste ne soit complètement asphyxié. Les meurtres sont d’ailleurs bien moins édifiants que la manière dont Nadège va à la fois aimer et dresser son bébé – devenant enfant, adolescent puis jeune adulte – afin qu’il intègre la communauté des hommes en demeurant dans ce qu’elle appelle « la zone grise », à l’affût, loin de la stupidité et le grégarisme de ces individus devenus têtes de bétail. La plume est corrosive, le style sec, les descriptions psychologiques vertigineuses de précision : en quelques mots, au gré de situations mémorables, l’auteure manifeste son talent et sa maîtrise d’un bout à l’autre de ce livre féroce, sombre, désenchanté. Et l’on ne parlera même pas du final, en plusieurs temps, qui éclate à la manière d’un feu d’artifice enténébré, avec des révélations sulfureuses et singulières, achevant ce récit et consommant le peu d’oxygène qui restait.

    Un livre remarquable, ciselé à la manière d’une rose des vents littéraire prise au milieu de courants contraires et ambigus. Estelle Tharreau est une véritable orfèvre de la littérature.

    13/11/2024 à 06:58 7

  • Laisse nos cauchemars !

    Christophe Guillaumot

    7/10 Nicole Pavard prend en otage la commissaire Berthelot afin que l’innocence de son fils, Patrick, soit enfin démontrée. Celui-ci a été reconnu coupable des faits d’homicides et purge désormais sa peine dans un asile psychiatrique : il avait coutume d’écraser ses victimes avec un véhicule, de découper les étiquettes de leurs vêtements et de leur fourrer des poèmes dans la bouche. Problème : Patrick Pavard était loin d’être un grand lecteur et encore moins versé en poésie. Le policier Ruben Arcega et son acolyte, le jeune Gaspard, vont devoir mener l’enquête, sans même se douter que le père de l’adolescent va brutalement refaire surface…

    Après Un Morceau de toi et Efface-moi !, voici le troisième tome de la série consacrée au Bureau des affaires non résolues. On a le plaisir de retrouver Gaspard et Ruben pour une histoire qui commence sur les chapeaux de roues, avec l’inhumation d’un individu alors qu’il est encore bien vivant, puis la policière Berthelot aux prises avec une mère armée d’une grenade et déterminée à ce que son fils soit innocenté et libéré. Le ton de Christophe Guillaumot est alerte, maîtrisé, souvent proche de celui de la littérature pour adultes. L’histoire s’amorce de manière grandiose mais la suite ne tient pas toutes ses promesses. On a certes droit à une intrigue forte et haletante, mais le dénouement est loin d’être à la hauteur des attentes : le cas de Patrick Pavard passe au second plan, loin derrière l’histoire familiale liée à Gaspard et à son père Martial, et le lecteur se sent en partie floué par ce côté non résolu. Entre incendies, urbex à la piscine Alfred-Nakache de Toulouse et confrontation avec ce sinistre personnage qu’est le paternel de Gaspard, il y a certes du potentiel et de beaux moments de tension, mais Christophe Guillaumot semble avoir évacué beaucoup trop vite l’enquête principale de cet ouvrage.

    Un troisième tome un peu en deçà des précédents, et qui paraît conclure pour de bon la série. Croisons néanmoins les doigts pour que l’écrivain et son éditeur changent d’avis.

    12/11/2024 à 06:57 2

  • L'Île de Yule

    Johana Gustawsson

    9/10 La jeune Emma Lindahl est missionnée pour inventorier les biens de la richissime famille Gussman. Mais sur la minuscule île où elle va officier, les ombres du passé demeurent : « la pendue de Storholmen » retrouvée le 29 décembre 2012, une autre femme découverte neuf ans plus tard jour pour jour dans la mer, un général déserteur qui aurait dissimulé un trésor sur l’îlot, une chute mortelle dans le manoir en 1994…
    J’ai adoré ce thriller. L’aspect choral (Karl Rosén, le policier ; Emma, l’experte en art ; Viktoria, la domestique) et l’immersion via les récits à la première personne sont de belles trouvailles. L’ambiance est pesante, les secrets et autres non-dits évidents, et je me suis laissé gagner par cette apparente torpeur des premiers chapitres jusqu’à ce que les rebondissements explosent en un véritable feu d’artifice. Impossible de raconter quoi que ce soit sans rien révéler, mais les twists sont multiples : « l’identité » d’Emma, le passé de l’enquêteur et le rapport avec la disparition de sa femme Freyja – disparue en se noyant –, cette histoire de cycle des neuf ans, le passé et le présent qui sont restés enchevêtrés, cet ado mal dans sa peau et au comportement étrange, la mythologie nordique, ces ossements découverts dans une malle, ces relations familiales surprenantes, etc. Un déluge inouï de révélations (parler comme Franck 28 d’un « dénouement plutôt inattendu » me paraît pour le moins douteux dans la mesure où il y a une dizaine de rebondissements ; à croire que c’est, pour cet internaute, un moyen de faire semblant d’avoir lu les livres qu’il commente sans trop se mouiller) au gré d’un récit très bien écrit. Bref, à mes yeux, un excellent thriller où les manipulations et faux-semblants sont nombreux, imprimant un rythme fou à ma lecture.

    07/11/2024 à 19:42 5