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Lola reine des barbares
7/10 Lola n'a jamais eu de chance dans la vie. Elle vit dans une des tours qui composent une cité anonyme. Son copain, Papier, la ravitaille régulièrement en drogue. Mais le jour où Papier décède en voulant échapper au Grécos, lui aussi dealer, elle tombe sous la coupe de ce dernier. Cela pourrait marquer le début d'une nouvelle existence, d'esclavage ou de liberté. Mais Lola, la junkie, l'objet sexuel, a bien d'autres desseins, que ce soit dans son quotidien blafard ou dans les états seconds auxquels elle accède par les produits qu'elle s'envoie dans le nez ou les veines : elle se rêve en reine des barbares, majesté des hordes peuplant les bas-fonds de l'humanité. Et pour peu qu'on lui en laisse les moyens, elle ne demande pas mieux que d'accéder à ce trône...
Second roman de Margot D. Marguerite après La vieille dame qui ne voulait pas mourir avant de l'avoir refait, Lola reine des barbares se pose dès les premières pages comme un livre choc. Le Grécos, potentat local, choisit de violer la jeune femme puis d'offrir ce corps à ses acolytes pour se venger des impairs de Papier. Le ton est donné : il sera noir. Sur environ cent pages, le lecteur est invité à côtoyer Lola dans son équipée dans le monde. Il y découvrira un univers mêlant la glace et le feu, l'inhumanité et la violence la plus abrupte. Une terrible description d'un monde anomique, où le petit peuple de la nuit percute celui des apparences. Margot D. Marguerite emploie un langage particulièrement acide et brutal pour brosser le portrait des protagonistes, ce que des lecteurs lui reprocheront sûrement : certains passages, notamment liés à des sévices sexuels, sont décrits par le détail. Néanmoins, au-delà de cette provocation purement verbale se niche un réel amour de l'auteur pour ses créatures littéraires : de suppliciés, elles brisent lentement leur nature pour devenir des tortionnaires, apportant un vent de sauvagerie dans le récit. C'est toute la cruauté dont elles ont été les victimes qui se libère au fil des pages. Aucun jugement de la part de Margot D. Marguerite : il dépeint, comme un naturaliste, les comportements des personnages qu'il a créés.
Cependant, il est dommage que le roman en reste à l'état de très court récit. On aurait aimé suivre une plus longue errance de la part de Lola car, si sa personnalité et son destin sont atypiques, comme un oiseau plongeant d'un point haut, elle n'a pas suffisamment le temps, en une centaine de pages rappelons-le, de véritablement déployer les ailes de sa fureur. Son statut de victime est clairement établi, mais celui qui pouvait constituer le contrepoint de sa déchéance et, paradoxalement, de son changement, à savoir sa métamorphose en harpie vengeresse, n'est qu'esquissé, ce qui laisse au lecteur un goût d'inachevé. Quand arrive la fin du récit, on regrette presque qu'il n'ait pas compté une cinquantaine de pages supplémentaires, pour bien illustrer la modification de la personnalité de la jeune femme. Il s'agit très certainement d'un choix assumé de la part de l'auteur, mais cette décision rend le final presque bancal, car incomplet, comme une démonstration qui resterait fragmentaire.
Au même titre que d'autres romans de la série Baleine Noire (Hécatombe de Nada par exemple), ce livre ne fait nullement dans la dentelle et se montre exigeant, dans la forme comme dans le fond. Un écrit incisif, brutal, aussi torturé que les personnages qu'il présente. Une histoire qui ne peut laisser indifférent.06/01/2011 à 16:29
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La Théorie Gaïa
6/10 Une nouvelle fois, Maxime Chattam montre l'étendue de son savoir-faire en matière de thrillers. Une langue simple, des rebondissements nombreux, des chapitres qui orchestrent un suspense sans faille : la technique est là, indubitablement, et l'auteur manie l'ensemble comme un excellent rythmicien. J'ai moins aimé les poncifs, des envolées verbales parfois un peu creuses à mon goût, des situations peu crédibles, et finalement, un scénario qui reprend directement la théorie de Lovelock, même si Maxime Chattam s'en défend dans sa page consacrée aux remerciements. Un roman délassant en ce qui me concerne, bien dans l'air du temps, qui a le mérite de faire passer un agréable moment.
05/01/2011 à 17:30
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Les Ruines
9/10 Une nature luxuriante, propice à la fête et aux grandes escapades. Quelques étudiants partis dans le Yucatán à la recherche d'un touriste dont on n'a plus aucune nouvelle. S'il n'y avait toutes ces mises en garde de la part des autochtones qui conseillent, à de multiples reprises, de ne pas aller plus avant. La jeunesse et l'insouciance font parfois faire des erreurs. Ces dernières peuvent même se révéler mortelles.
Après Un plan simple, roman sobre et réaliste, Scott Smith s'attaque ici au thriller fantastique. Avec une langue simple et dépouillée, il met en scène une bande de joyeux drilles qui va vivre une terrible épopée. Les caractères de chacun des protagonistes sont crédibles, et l'auteur se joue même des clichés traditionnels du genre. Le récit plonge, par paliers successifs, dans le fantastique, rappelant le style de Stephen King, ce dernier ayant les honneurs de la quatrième de couverture pour y dire tout le bien qu'il pense du roman. L'histoire devient alors celle de la lente immersion des héros dans un univers proche du paranormal, sanglant, où le désespoir disparaît peu à peu. Scott Smith est décidément très doué pour décrire les tourments de ses personnages, alternant leurs points de vue, et offrant au lecteur une terrifiante virée dans l'enfer végétal, un peu à la manière d'Herbert Lieberman dans La huitième case. D'ailleurs, il est à noter que la violence, d'abord suggérée, devient rapidement l'un des axes forts du livre : certaines scènes sont particulièrement dures, décrites avec insistance et brutalité, ce qui risquera de déplaire à bien des âmes sensibles. A ce sujet, il est tout à fait possible de reprocher à Scott Smith d'être trop circonstancié, voire voyeur, dans cette surabondance d'hémoglobine et de spectacles cruels, mais, même si ce point demeure sujet de controverses, on ne pourra que souligner la manière si marquante qu'il a de conduire une intrigue.
S'appuyant sur une idée de départ ingénieuse, à la manière de Serge Brussolo pour sa série La croix de sang, Scott Smith enfonce le lecteur dans un univers dément, sans pitié, où la violence du décor ainsi planté ne peut donner en légitime écho qu'une narration brutale et provocatrice.03/01/2011 à 17:47 5
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L'Agrégé
6/10 Un roman intéressant et qui sent le vécu dans de nombreuses situations, mais qui n'est pas vraiment, selon moi, un "thriler médical". Même si je l'ai trouvé bon, je n'ai ressenti aucune fièvre ni frisson.
29/12/2010 à 17:43
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La Mémoire Fantôme
9/10 Brillant, torturé, à la fois stupéfiant et inquiétant, pétri de références mathématiques et médicales. Un thriller de très haute volée, alliant le talent de narrateur d'un auteur qui se bonifie d'ouvrage en ouvrage à une idée de départ absolument fabuleuse. Un électrochoc d'une rare intensité.
21/12/2010 à 18:06 3
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Noir américain
9/10 Un croquemitaine bienveillant, un homme défiguré qui a tissé d'étranges relations avec les insectes, un garçonnet qui ne peut témoigner du meurtre de sa mère qu'à l'aide de dessins, un shérif qui se rêvait membre du FBI et qui fait preuve d'une sagacité remarquable... Des univers variés, empreints de noirceur. Bienvenue dans l'univers d'Armand Cabasson.
Paru en 2008, ce recueil de nouvelles destiné à la jeunesse dans une collection dirigée par Mikaël Ollivier est une pure réussite. Les sujets abordés sont extrêmement variés, tantôt fantastiques à la Stephen King, tantôt policiers. Le style et la langue d'Armand Cabasson, à qui l'on doit la série consacrée à Quentin Margont, sont riches et travaillés, permettant ainsi à un lectorat plus adulte de s'immerger dans ses récits. Quête de rédemption, cruauté envers des êtres déloyaux, lutte contre des démons bien intimes... Tous les protagonistes de ces courtes histoires sont autant de portraits saisissants, individus tourmentés ou tourmenteurs. On parcourt avidement ce livre pour savoir la chute du récit en cours, et le talent de l'auteur fait que l'on n'a plus qu'une seule envie quand s'achève l'histoire : passer à la suivante. En alliant concision, sobriété et qualité narrative, Armand Cabasson parvient à tenir en haleine, surprendre, et interroger le lecteur sur des existences brisées.
A n'en pas douter, ce recueil constitue l'un des meilleurs ouvrages du genre, s'intégrant parfaitement dans la collection « Nouvelles » de l'éditeur Thierry Magnier dans laquelle on retrouve des pointures de la littérature policière comme Colin Thibert ou Brigitte Aubert.17/12/2010 à 08:16
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Totale angoisse
8/10 Un passeur de clandestins qui a des états d'âme. Un enfant à l'ouïe bien pendue qui découvre un assassin. Un jardinier qui cache ses penchants meurtriers. Un asile, dans un pays en guerre, peuplé de personnages interlopes. Au total, dix nouvelles où les ombres, l'incompréhensible et le sang se mêlent pour mieux terrifier. Des terres d'angoisse.
Après Scènes de crime, Brigitte Aubert revient avec ce nouveau recueil de nouvelles paru aux éditions Thierry Magnier. L'une des reines françaises du thriller tisse ainsi dix courts récits avant tout destinés à la jeunesse, mais pouvant sans mal être entrepris par un lectorat adulte. On y côtoie des tueurs en série, des inquiétudes d'enfants à la Stephen King, des êtres pour lesquels il faut attendre le dénouement du récit pour appréhender totalement leur nature horrifique. Grâce à un style épuré orchestrant savamment le suspense, l'auteure, entre autres, de La mort des bois et du Couturier de la mort, manipule le lecteur avec un savoir-faire éprouvé. Les sujets sont variés, les ambiances distinctes, et il est impossible de s'ennuyer puisque l'on en arrive rapidement à la chute de la nouvelle avant de passer à la suivante. Indéniablement, Brigitte Aubert connaît les ficelles du genre tout en sachant peindre des situations, des émotions et des intrigues prenantes. On peut juste trouver étonnante l'histoire intitulée « Planetarium », puisqu'elle n'offre aucune sueur froide ; il s'agit d'un récit proche du conte métaphysique à la Bernard Werber, sans rapport aucun avec le fil rouge du recueil.
Inventif, attrayant, original : les qualificatifs quant à cette œuvre ne manquent pas. Cent-soixante-dix pages avidement avalées, offrant un excellent moment de détente, pour les jeunes comme pour les lecteurs plus avisés.17/12/2010 à 08:15
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Holiday
7/10 Alors qu'il passe ses vacances avec sa femme et sa belle-mère dans un hôtel près de Cahors, Michel Trémois ne compte pas les personnages étranges qui peuplent la demeure : une femme de chambre en lutte contre des extraterrestres, un détective privé à la dentition épouvantable, un gynécologue neurasthénique... La propriétaire des lieux, une cantatrice, est retrouvée pendue. Suicide ou assassinat ? L'affaire n'était déjà pas claire, et sa résolution le sera encore moins en raison de la multitude des suspects.
On ne présente plus Jean-Bernard Pouy : grand auteur de romans incisifs, initiateur de la série du Poulpe, il est l'un des romanciers majeurs de la littérature policière française. Ici, on retrouve les ingrédients qui ont fait son succès : humour parfois potache, personnages interlopes, situations décalées. Le film lié à ce livre sort le 8 décembre, et l'on retrouve au début du roman les croquis des acteurs incarnant les principaux protagonistes. Le suspense est bien dosé, et après un décor planté, on assiste à la découverte du corps. S'ensuit une enquête policière classique, bousculant les présumés coupables, les faisant se côtoyer avec bonheur au gré de scènes pour le moins cocasses. Là où le bât blesse, c'est que la concision du livre (moins de cent-trente pages) nuit à l'essor de l'intrigue : les personnages ne sont que survolés et l'on regrette que certains d'entre eux, même s'ils sont saugrenus et savoureux, ne prennent pas toute leur place au sein de l'histoire. Par ailleurs, on a connu un Jean-Bernard Pouy bien plus inspiré en termes d'originalité, comme dans Nous avons brûlé une sainte, Train perdu wagon mort ou encore Les compagnons du Veau d'Or.
Si Holiday ne constitue pas une nouvelle perle de Jean-Bernard Pouy en raison des défauts susdits, il est néanmoins un agréable roman, farfelu et intéressant.13/12/2010 à 20:19
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Mort d'un papy voyageur
8/10 Gabriel Lecouvreur, alias le Poulpe, apprend que l'un des sympathiques clients de son restaurant fétiche a été dévoré par un crocodile en Australie. Ni une ni deux, il rassemble ses tentacules et part là-bas pour éclaircir les circonstances de ce prétendu accident. Il aura fort à faire sur place puisqu'il va devoir côtoyer des sphères politiques et financières particulièrement redoutables, et, immersion bien plus sympathique, rencontrer les membres de la communauté gay pour en savoir plus sur la victime.
Deux-cent-soixante-et-onzième enquête du Poulpe signée par Hervé Claude, cet opus ne déroge pas à la règle initiée par Jean-Bernard Pouy dans La petite écuyère a cafté. Gabriel, en libertaire forcené, n'a pas son pareil pour se mêler d'affaires nauséabondes et mettre un peu d'ordre dans un milieu perclus d'injustices. Hervé Claude a bien respecté le cahier des charges de la série, et Mort d'un papy voyageur comblera sans peine les fans du Poulpe. Par ailleurs, il faut noter que l'auteur a su y introduire des éléments bien personnels : homosexuel vivant en partie en Australie, Hervé Claude connaît bien les milieux qu'il dépeint avec bonne humeur et complicité. La langue est belle et efficace, et l'on s'étonne même de trouver un Gabriel Lecouvreur plus sensible et moins enclin à la violence que d'habitude. L'intrigue est bien imaginée et dirigée, amenant l'enquêteur anarchiste à fréquenter des personnages aussi retors et carnassiers que les reptiles et autres animaux mortels de l'Australie. L'humour est toujours omniprésent, moins potache qu'à l'accoutumée, avec notamment des allusions à deux livres de l'écrivain, Riches, cruels et fardés et Les ours s'embrassent pour mourir.
Mort d'un papy voyageur parvient donc à combiner l'univers habituel des enquêtes du Poulpe tout en insufflant une respiration plus intime. Une réussite indéniable.13/12/2010 à 20:17 1
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Vipère au sein
7/10 Susan est une danseuse d'une rare beauté qui, chaque soir, pratique un numéro hautement érotique au cours duquel, presque nue, elle joue avec un cobra. Steve Harmas, travaillant pour une compagnie d'assurances, apprend que Susan a obtenu d'un coursier de sa propre compagnie une assurance de cent mille dollars aux clauses très restrictives. Cela sent l'escroquerie à plein nez, d'autant que neuf autres assurances du même genre ont été contractées. Moralité : si la jeune artiste meurt, sous certaines conditions, il y aura une prime d'un million de dollars. Inutile de tergiverser : la machination est plus que probable, d'autant que Susan a une sœur jumelle. Pour Steve, rapidement aidé par son épouse, il va falloir tirer ça au clair, quitte à se frotter à des personnages bien patibulaires prêts à utiliser la force.
La gémellité est un thème classique du cinéma et de la littérature policière (pour ne citer qu'eux, Le troisième jumeau de Ken Follett, ou encore Duelle par Barbara Abel). Écrivain mondialement connu pour son chef-d'œuvre Pas d'orchidées pour Miss Blandish, James Hadley Chase exploitait ce sujet dès 1951. Comme d'habitude chez l'auteur, l'intrigue est habilement imaginée, le récit rapide et l'action bien présente. La langue de l'écrivain est typique de ses autres œuvres : brève, lapidaire, sans temps mort, avec décors et physiques dépeints en quelques phrases. Les multiples personnages sont campés avec brio, et l'on s'amuse follement avec les dialogues très bien ajustés. Typiquement « hard-boiled », ce livre s'illustre par des protagonistes résolus et violents, peu fragiles, au point que certains lecteurs reprocheront à James Hadley Chase une certaine invincibilité de ses héros, comme dans ce passage : « Elle a été atteinte à l'épaule par une demi-douzaine de balles. Il n'y a pas de fracture, mais elle a tout de même perdu beaucoup de sang ». Néanmoins, par-delà certains aspects peu crédibles, l'histoire mérite très largement le détour.
Malgré son âge, Vipère au sein est un roman à suspense qui se porte bien : original, efficace et adroit, il marque le lecteur qui n'aura de cesse, au gré des pages, de deviner quelle peut être la manigance imaginée autour de cette histoire d'assurances.06/12/2010 à 16:18
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L'Aliéniste
9/10 Lu il y a longtemps, mais j'en ai conservé le souvenir tenace d'un excellent roman. Un classique, à coup sûr !
05/12/2010 à 18:30 6
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Le Mal du double-bang
8/10 Le truand Gus Sarvani est enfermé dans un asile. Pour tuer le temps, il décide de se confesser auprès de son visiteur – le lecteur – et entreprend le récit de son existence de bandit de bas étage. Tout y passe : son frère Rico, ses amitiés particulières, les coups fumants, les rivalités avec les autres gangs, l'argent... Et aussi les drogues, des plus communes jusqu'à celles dont personne n'a jamais entendu parler. A commencer par le Double-Bang, une dope unique, addictive dès la première prise, et qui scella sa chute.
Paru pour la première fois chez Gallimard en 1992, Le mal du Double-Bang ressort chez Baleine. Déjà auteur de deux romans paru chez cet éditeur (L'aorte sauvage et Le lit de béton), Laurent Fétis signait un opus diablement original, très difficile à classer. Ces aveux, narrés à la première personne et interpellant directement le lecteur à de multiples reprises, tiennent à la fois de la satire sociale, du thriller et du roman noir, avec aussi une bonne dose d'humour. On y croise toute une galerie de personnages, certains inquiétants, d'autres pathétiques, que Gus rencontrera sur le chemin de sa vie de crapule, au travers d'entourloupes, de querelles pour des questions de territoire et d'hégémonie. Il y est également question de camaraderie, de fraternité, mais aussi de trahison, de gloire et de déchéance. Et puis il y aura le Double-Bang, ce que son concepteur qualifie de « F40 des drogues ». Une arme de destruction massive, loin des clichés du genre, à la fois désirable et terrifiante, qui propulsera un peu plus vite Gus et son groupe vers leur perte. Indéniablement, Laurent Fétis est un romancier dont on aimerait lire plus souvent les ouvrages : prose travaillée, à la fois sèche et humoristique, poétique et argotique, avec un style bien à lui.
Le mal du Double-Bang est un roman atypique et très prenant, à l'image de cette drogue qui donne son nom au livre. Quelque chose qui parle au cœur et aux tripes plus qu'au cerveau, donnant au lecteur à chaque fin de chapitre l'envie – voire le besoin – d'un autre shoot de mots. Un ouvrage qui en rappelle un autre, également paru dans la collection Baleine noire, La grande évasion en pantoufles de Serge Scotto, où un criminel y narre sa virée dans le monde libre.28/11/2010 à 17:53
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Rêves mortels
7/10 Enfant, Samantha faisait des cauchemars à répétition où elle était poursuivie par un individu diabolique, un dénommé Slider. Désormais maman, ces horreurs semblent lointaines... puis reviennent. Tentatives de viol, assassinats, accidents d'avion... Et le pire, c'est que certains de ces cauchemars se réalisent. Complètement désemparée, Sam se demande si elle ne devient pas folle. Et si elle disposait d'un don de prémonition ? A mesure qu'elle se pose ces questions ahurissantes, elle finit par perdre pied, au risque de basculer dans la terreur.
Auteur de romans à succès, Peter James signait en 1989 ce thriller fantastique où l'on retrouve tous les ingrédients du genre : apparitions nocturnes horrifiques, déstabilisation du personnage principal et de son entourage familial, suspense égrainé au fil des hallucinations... Le talent de l'auteur est indéniable, et l'on suit avec entrain et avidité le douloureux périple de la protagoniste, en proie au doute et à l'hystérie. Des touches salvatrices d'humour viennent égayer ce récit dense et ténébreux, et les connaissances de Peter James dans les milieux de la publicité – Sam travaillant dans une entreprise de mercatique – sont patentes. Néanmoins, malgré l'intérêt suscité par les débuts du livre, la suite devient un peu moins intéressante, avec quelques parenthèses et autres passages peu utiles. Par ailleurs, la fin semble bien abrupte : la solution – ou esquisse de solution – n'est révélée qu'en peu de lignes avant de disparaître. Ce choix est certainement assumé par l'écrivain, mais on regrette que ce dénouement ne soit pas davantage exploré à défaut d'être explicité, d'autant qu'il était judicieux et assez inattendu.
Malgré ce bémol concernant la chute, Rêves mortels constitue un bon thriller fantastique. Sur la quatrième de couverture figure l'avis d'un journaliste du Mail on Sunday : « Peter James a trouvé son créneau, quelque part entre Stephen King et Michael Crichton ». L'avenir lui aura donné tort puisque Peter James a éclaté aux yeux du public et de la critique avec sa série consacrée à Roy Grace. Néanmoins, ce pan de la bibliographie de l'auteur, qui a consacré de nombreux ouvrages au fantastique comme Alchimiste ou Faith, mérite l'attention et l'adhésion du lectorat.22/11/2010 à 20:02
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Duel en enfer
7/10 Pour pouvoir subvenir aux besoins de sa fondation dédiée aux enfants des rues, le docteur Watson accepte le marché offert par le directeur d'un journal londonien : contre cent mille livres, l'ancien acolyte de Sherlock Holmes doit remettre le carnet où le médecin consignait les investigations du détective. Cette fois-ci, le sujet est palpitant : Holmes aurait été, jadis, sur les traces de Jack l'Éventreur, le monstre qui terrorisa la capitale en 1888. Que peut bien recéler un tel livre ? Des pistes jamais dévoilées à la face du monde ? Et si le célèbre détective privé était parvenu à découvrir son identité ?
Déjà auteur d'un livre mettant en scène l'enquêteur créé par Arthur Conan Doyle (Le testament de Sherlock Holmes), Bob Garcia imagine une confrontation pour le moins alléchante et ambitieuse : Sherlock Holmes contre Jack l'Éventreur. Le style de l'auteur fait mouche : ambiance glauque, descriptions parfois douloureuses, et restitution réaliste du Londres de la fin du dix-neuvième siècle. Les atrocités du tueur en série sont de temps à autre contrebalancées par un humour salvateur, notamment dans les réparties de ses protagonistes. On y retrouve avec plaisir Holmes et Watson, personnages emblématiques de l'œuvre d'Arthur Conan Doyle, ici revisités avec talent et crédibilité. D'ailleurs, c'est presque Watson qui vole la vedette au célèbre détective, avec sa part d'ombre lors de sa participation à la guerre en Afghanistan, ses amours brisées, et ses relations tourmentées avec une gamine sauvée de la cruauté des rues londoniennes. L'intrigue est particulièrement intéressante à suivre, prenante, riche en rebondissements, dont l'intérêt est décuplé par un style sobre et percutant, et des chapitres courts.
Néanmoins, il faut bien remettre ce roman policier dans son contexte littéraire : il s'agit d'une nouvelle interprétation assez libre de Jack l'Éventreur, une pure fiction, qui ne prétend nullement livrer la véritable identité de l'assassin. Bob Garcia s'est servi d'éléments et personnages avérés, mais ceux qui se seront passionnés pour Jack l'Éventreur démasqué de Sophie Herfort ou Le livre rouge de Jack l'Éventreur de Stéphane Bourgoin, en quête d'une certitude historique ou policière, seront certainement déçus s'ils s'attendaient à une enquête parfaitement plausible. Il s'agit en fait du seul véritable défaut de ce livre, fort louable au demeurant : la démarcation entre exactitude et liberté de l'auteur est si fine, voire indécise, que les deux éléments se confondent jusqu'à ne plus être différentiables.
Duel en enfer répondra donc aux attentes des fans de Sherlock Holmes, en voyant ce personnage mythique de la littérature policière renaître de ses cendres sous la plume de Bob Garcia, malgré quelques libertés prises avec ce qu'avait créé Arthur Conan Doyle. En revanche, les passionnés de Jack l'Éventreur, tueur dont l'identité ne fut jamais officiellement et indubitablement reconnue ni prouvée, pourront être chagrinés que ce thème ait été exploité avec beaucoup de liberté.16/11/2010 à 19:15
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Pars vite et reviens tard
8/10 Un pur régal ; l'un de mes préférés de Fred Vargas.
15/11/2010 à 16:54 1
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L'Homme à l'envers
7/10 Un style toujours aussi original et prenant, mais une intrigue un peu moins surprenante que d'autres, selon moi.
15/11/2010 à 16:54 2
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Debout les Morts
8/10 Beaucoup d'humour et une intrigue très prenante.
15/11/2010 à 16:53 2
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L'Homme aux cercles bleus
7/10 Lu il y a longtemps, mais j'en garde un bon souvenir. Le style de Fred Vargas est décidément très séduisant à mes yeux.
15/11/2010 à 16:52
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Maria Chape de Haine
7/10 Le corps de Quentin Cointreau est retrouvé aux abords du lac Memphrémagog, dans la province du Québec. Il se trouve que l'homme était l'un des plus vieux amis d'enfance de Gabriel Lecouvreur. Quand la veuve de Cointreau met au courant Gabriel de cet assassinat, le sang de celui que l'on surnomme le Poulpe ne fait qu'un tour, et le voilà parti de l'autre côté de l'Atlantique.
Cette deux-cent-soixante-dixième enquête du Poulpe est cette fois-ci signée Luc Baranger. On y retrouve l'univers typique de la série, au ton libertaire assumé, avec un Gabriel Lecouvreur d'autant plus acharné à découvrir la vérité que la victime faisait partie de ses proches. Avec la mort de Cointreau ressurgissent des souvenirs d'enfance, mais aussi des amours anciennes, notamment avec Maria Dansereau, celle qui lui avait jadis renversé le cœur. Si Gabriel quitte le territoire hexagonal, ce qu'il découvre outre-Atlantique est tout aussi détestable : corruptions à grande échelle, proximité des sphères politiques et mafieuses, omnipotence de l'argent, danger de l'extrême droite... Les amateurs de la série seront également heureux de trouver un ton assez singulier ; en effet, Luc Baranger mélange québécismes et langage fleuri à la Auguste Le Breton ou Michel Audiard, cette dernière paternité étant assumée par une dédicace à trois des personnages des Tontons Flingueurs. L'histoire tient la route mais il ne faut pas s'attendre à de l'action à tout crin : certains passages, même s'ils sont toujours croustillants, sont parfois un peu longs. Il n'en reste pas moins que cet opus est délicieux, avec un verbe haut et acide, et une galerie de personnages à la fois attachants et mémorables, comme cette ourse baptisée Frigide, ou Réal Larouche, un enquêteur qui semble dissimuler d'épais secrets.
Maria chape de haine offre un dépaysement total, prouvant, s'il en était encore besoin, la grande malléabilité d'une série qui, épisode après épisode, n'en conserve pas moins son âme et son souffle. Une véritable gageure.08/11/2010 à 20:39 1
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À la recherche de Rita Kemper
9/10 Rita Kemper était une star adulée, chanteuse et muse d'un groupe de rock aux accents sombres. Elle a fini par se suicider sur scène. Par la suite, le FBI a découvert dans la serre de sa propriété les cadavres de trente-neuf de ses fans, décapités. Aussi incroyable que cela puisse paraître, le propre corps de la jeune femme a mystérieusement disparu. Le gouvernement a fait interdire les disques de son groupe, craignant un phénomène meurtrier de masse qui ensanglanterait le pays, provoqué par la noirceur de ses textes. Mais l'histoire ne s'arrête hélas pas là. Mary Blake apprend que son mari, Gregory, journaliste spécialiste de la chanteuse, vient de mourir dans des circonstances étranges aux côtés de l'un des membres du groupe auquel appartenait Rita Kemper. Cette dernière est-elle encore en vie ? Est-ce son ombre terrifiante qui continue de semer le chaos ? Y aurait-il un ultime secret que l'on chercherait à enterrer définitivement ? Mary Blake n'a plus qu'une seule solution : suivre les pas de son époux décédé pour tenter de comprendre l'incompréhensible.
A la recherche de Rita Kemper est l'unique ouvrage écrit par Luna Satie. L'écrivaine n'avait alors que vingt-cinq ans en 2002 quand elle signait cet opus hors du commun, et son talent et sa maturité explosent littéralement au visage du lecteur. Le style est ténébreux, glauque, et le récit à la première personne fait basculer dans un univers d'une rare opacité, rappelant les meilleurs ouvrages de Gillian Flynn ou Mo Hayder. Tous les personnages sont désenchantés, tourmentés, meurtris dans leur chair et leur conscience comme autant de cadavres qui s'ignorent. Et même quand l'humour intervient, il est à l'instar du livre : noir, presque désespéré. L'intrigue est particulièrement originale et riche, offrant de véritables instants forts et un suspense savamment entretenu. Il faut attendre les ultimes pages du livre pour voir éclore la vérité, à la fois très crédible et profondément déstabilisante, achevant de marquer les esprits d'un jet de vitriol en pleine âme.
Assurément, A la recherche de Rita Kemper est une œuvre folle, presque fétide, croquant les pires pans de l'âme humaine. Luna Satie signe un véritable brûlot de littérature noire dont on ne peut sortir qu'essoufflé, voire troublé. Une pépite qui n'a rien à envier aux standards anglo-saxons, et qui peut même servir de jalon tant le génie et la virtuosité de Luna Satie sont patents. Une chose est certaine : quiconque aura lu cette perle ne pourra que se souvenir durablement de Rita Kemper et des démons qu'elle aura invoqués.08/11/2010 à 20:05