clemence

339 votes

  • Un long moment de silence

    Paul Colize

    10/10 Happée par ce récit du début à la fin. Les personnages sont hauts en couleur (on n'en attendait pas moins), détestables, truculents, fins, habiles, fragiles, enracinés ou déracinés, tout simplement des gens qui naviguent dans des eaux pas toujours claires. Une histoire, au final très intimiste, dans laquelle bien et mal coexistent sans qu'on sache véritablement où se situe la frontière. Des passages à l'humour bien senti viennent alléger l'épopée parfois oppressante de Stanislas. Un très beau roman que celui-ci.

    27/03/2013 à 14:32 3

  • Abîmes

    Sonja Delzongle

    9/10 Immersion garantie dans les montagnes pyrénéennes, pour un thriller efficace qui saute de surprises en rebondissements, de tourments en secrets, de révélations en drame(s).
    Andoni débarque en tant que gendarme dans le village où il a grandi. Non pas sans histoires, puisque ses parents y ont péri lorsqu'il avait 11 ans, le laissant avec une kyrielle de questions en plus de son sentiment d'abandon. Que s'est il réellement passé le jour du crash de l'avion de ses parents ? Et qui s'active, au village, à faire remonter des souvenirs bien enterrés ? Très vite, on se retrouve au coeur de la tourmente.
    J'ai beaucoup aimé le décor et les nombreuses descriptions très documentées sur les lieux , la montagne, la forêt, la constante question de la réintroduction du loup et ses conséquences. On navigue dans un périmètre restreint mais haut en couleurs, de la bergerie d'altitude au "Hameau", des montagnes qui résonnent des vivants et des absents au petit café du village, épicentre des conversations et haut-lieux des ragots.
    On lit le roman aux côtés d'Elda Flores , capitaine de la Rurale, la gendarmerie locale, qui se retrouve confrontée à des événements en pagaille. Tout semble converger vers cette funeste journée d'avalanche il y a 24 ans. Elda Flores a du cran, du chien, de l'allant : en choisissant de nous faire voyager dans le prisme de cette femme, l'auteure a réussi son coup : on pense à un Commandant Martin Servaz au féminin... peut etre en lien avec le lieu, l'intrigue, et l'intensité des émotions , surprenantes dans un thriller.
    on trouve dans "Abîmes" ce petit supplément d'âme des thrillers qui prêtent à penser que la réalité pourrait dépasser la fiction. Sonja Delzongle a produit une prodigieuse et givrante histoire, terriblement crédible et à la fois si virevoltante.
    Le voyage est ébouriffant. Prêt, feu, partez.

    11/03/2022 à 13:40 8

  • Animal

    Sandrine Collette

    9/10 Chut, la traque a commencé, les sens en alerte. L'ours dans une première partie, le tigre dans la seconde. Sauf que ces chasses, ce sont celles que se livre Lior, héroïque chasseresse d'une ténacité troublante, à la Turtle (My absolute Darling).

    C'est donc le troisième roman de l'auteur que je parviens à terminer. Cette fois ci, avec la boule au ventre de l'émotion. Ce roman fait partie de ceux qui peuvent parler au coeur (c'est mon cas), tout en restant parfaitement hermétique à d'autres. Animal sera loin, j'en suis sûre, d'être un bouquin aux avis unanimes.

    Dans l'immédiat, je retiens tout, de la poésie électrique des espaces de la montagne et de la jungle à la profondeur des mots choisis - des descriptions dont la beauté a provoqué en moi des palpitations de bonheur (l'exubérance de l'eau qui jaillit d'une source enfouie dans le secret de la terre, par exemple), en passant par une construction tendue, unique, presque sobre si le décor n'était en lui même pas si foisonnant et exaltant.
    J'ai adoré Lior, qui pourtant n'est pas un personnage de qui on se sent proche.
    Et puis, la fin. D'une puissance ...animale.

    23/03/2019 à 21:48 10

  • Art brut

    Elena Piacentini

    9/10 J’ai pour ma part lu la version 2018 remasterisée, la trame est excellente et le traitement de l’intrigue également. Je remonte le temps puisque j’ai d’abord rencontré Leoni plus tard dans les romans de la série avec cet attachant personnage : j’ai donc lu Art brut comme un prequel.
    Cela n’ôte rien a la construction intelligente du roman. Marie au Sri Lanka, Leoni et son équipe à Lille, une généreuse histoire d’art autour de Francis Bacon et de filiation en fil rouge, Mémé Angèle en coulisses avec ses cannellonis. Saveurs mêlées et verbe travaillé pour ce deuxième volet des Leoni. Remarquable ouvrage.

    07/07/2018 à 21:22 5

  • Aux vents mauvais

    Elena Piacentini

    9/10 Elena Piacentini signe avec ce roman un opus tendre et dur, fort bien documenté et qui m'a fait découvrir "les Reunionais de la Creuse", partie peu reluisante de l'histoire française et à mon sens très méconnue.
    Au delà de cette richesse, l'auteur fait parler comme personne les liens entre les êtres, la douceur cachée dans le détail pour qui sait s'ouvrir à la nature, explore sans complaisance la noirceur xénophobe tristement d'actualité d'une partie de la population française, s'installe dans les relations familiales (la quête identitaire mais également les rôles de ces drôles de grands-mères), développe et tisse de l'amour dans les silences, les regards, s'affirme comme la reine du ballet à deux, de la danse de couple, tant les duos (Colette et Rémi, Eliane et Leoni, Jean-Toussaint et Marie-Eve, Ali et Louise) de ce romans sont majestueux et virevoltants. Le tout superbement écrit. C'est réussi !

    20/01/2017 à 04:59 4

  • Back up

    Paul Colize

    9/10 Une partition sans fausses notes pour l'auteur, avec cet ouvrage aux références fournies. Puissants allers retours entre les 60s et nos jours. A lire, les écouteurs pas trop loin... Gare aux effets de la descente après la dernière page!

    14/04/2012 à 16:25 3

  • Balancé dans les cordes

    Jérémie Guez

    9/10 L'histoire d'une violence ordinaire, combattue -ou non. Dans ce récit, Jérémie Guez évite avec brio les clichés boxe/cité/enfant paumé dans un univers sordide, pour décrire des scènes déconcertantes de réalisme. Les descriptions des personnages sont d'une finesse rare. L'humanité, simplement. Un très très beau roman.

    21/05/2013 à 08:17 3

  • Buveurs de vent

    Franck Bouysse

    9/10 Ce roman m'a transportée dans un univers des sens, où la rivière constitue la ponctuation de chaque vie et le passage obligé, quasi christique ou baptismal de tout être vivant aux alentours du Gour Noir.

    Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si on parle de vie qui coule dans cet endroit, et les cordes jetées du pont comme autant de points de "suspensions" contribuent à immobiliser le temps. L'alpha et l'oméga de l'histoire passent par la fluidité de l'élement source.

    Les jeux de lumière sont fascinants qu'il s'agisse des descriptions de l'aube, des reflets dans l'onde, des ciels qu'on imagine ou de la clarté des chemins pour se rendre d'un lieu à un autre. Avec la statue de ce Général qui observe les allers et venues dans le village, même si l'essentiel se tient ailleurs.

    La valse douce de cette lumière m'a fait penser à la chaleur estivale de Glaise du même auteur, également à une jolie phrase image de Plateau, (je crois), qui m'avait marquée, quelque chose comme "une éclaircie sur une rivière qui divisait la vallée telle une fermeture éclair"

    "C'est un mystère nouveau, qu'une ombre ne soit pas la réplique exacte de ce qui la fabrique, qu'elle change tout le temps, qu'elle rende vivant ce qui ne l'est pas et un peu moins ce qui l'est déjà". Tout est là.

    Alors évidement, j'ai aimé ce personnage rebelle et mystérieux de Mabel / Jean , qui sait se détacher des siens alors même qu'elle est toute emprise d'eux, la folie de Martha (sa tristesse, surtout ...) m'a interpellée dans , finalement, la similitude avec tant de personnes rurales qui existent "pour de vrai", les frères Marc et Mathieu, épris des vérités cachées dans les langages de la nature et de la littérature , Luc l'enfant différent possède la saveur des rêves, Elie l'aïeul tutélaire ... Les personnages de Franck Bouysse ne laissent jamais indifférents, qu'ils soient reptiles ou terriens, Lynch, Renoir, Salles , Snake et Double, Gobbo qui saura révéler ses failles et sa superbe insulaire, Martin , etc. Même Joyce l'infâme, incarnation du Mal qu'on imagine sans peine en personnage de Barbe Bleue dans un autre conte, concentré de tyrannie et d’égoïsme, avec les suppôts à sang froid dont il s'entoure, donne à l'ensemble une obscurité apocalyptique. Paradoxalement, c'est de lui que l'apogée cathartique de la vallée jaillira, vaste purification par la voix des eaux (encore elles....).

    Il fallait bien ce quatuor sublime pour mettre un peu de distance avec Rose du majestueux "Né d'aucune femme".

    Buveurs de vent ne relate ni une ode à la féminité ni une incitation à la rebellion , les personnages féminins sont simplement ceux de la vraie vie, Julie Blanche, la femme de Joyce, Martha, Mabel, le souvenir flamboyant de Gobbo. Ces figures m'ont émue dans leur simplicité à vivre , à incarner, donner chair à qui elles sont.

    Ce roman qui place la nature au premier rang (le moment où un des personnages se repait d'un poisson venu se coller à lui est d'une étonnante sensualité) est une fois de plus une réussite et un plaisir qui se propage à diffusion lente.

    21/08/2020 à 13:48 8

  • Cinq matins de trop

    Kenneth Cook

    9/10 Ce petit roman est d'une sauvagerie punk inattendue pour un livre de 1961 ! On plonge dans la vie de John Grant sans filtre et sans respirer, c'est à la fois frénétique (dans le rythme) et pitoyable (les turpitudes viciées du personnage principal). Impossible de ne penser à "cul de sac" de Douglas Kennedy, le cœur mort de l'Australie et ses habitants bien barrés.
    En bref, une découverte géniale que j'avais laissée dans ma pile bien (trop) longtemps et qui me donne envie de lire d'autres romans de cet écrivain.

    08/10/2017 à 20:17 3

  • Comme de longs échos

    Elena Piacentini

    9/10 J'ai aimé ce roman, sa poésie, sa musique et ses parfums. Elena Piacentini se renouvelle avec excellence. Mathilde Senechal est un personnage complexe à tiroir qu'il va me plaire de découvrir un peu plus dans le prochain opus. L'atmosphère de ces longs échos est addictive, tout comme les perso secondaires qui contribuent à faire le sel de ce roman. A découvrir sans tarder !

    26/08/2017 à 20:16 8

  • Concerto pour quatre mains

    Paul Colize

    9/10 Des passages drôles, simples et heureux, d'autres graves, ingénus, enlevés, plein de pep's. Pas de trémolos dans la partition, pas le temps pour ça, j'ai couru à droite et à gauche, réfléchi avec la team de Franck à la meilleure stratégie, vibré sur le mur d'escalade, pesté dans les embouteillages sur le Ring, été exaltée par le casse réussi, senti les épices dans la boutique d'Adel et Youssef, frissonné dans les convois. Un très beau morceau non dénué de la poésie rythmée chère à l'auteur.

    05/01/2016 à 17:11 5

  • Dans la forêt

    Jean Hegland

    9/10 Peu à peu, la forêt se referme sur le lecteur... jusqu’à un final lumineux et ébouriffant.
    Un livre à la beauté dense et sauvage, à l’ode de ces deux femmes qui se trouvent être des battantes qui s’ignorent, pétries et façonnées qu’elles sont par leurs rêves “d’avant “ . Car qui peut, dans un contexte de fin du monde, se targuer d’entretenir un rêve de danseuse ou de diplômée d’Harvard ? Seuls comptent les barils de nourriture, les réserves de bois pour le feu, les graines à germer dans le potager ... En commençant ce roman, j’ai pensé “est ce que vraiment il n’a pas déjà été écrit tout ce qu’il y avait à écrire sur un tel contexte ?” Et en fait non ... les héroïnes donnent à ce roman un farouche renouveau sur le thème de la survie, la vie est magnifiée, la sororité poussée à son point culminant.

    02/10/2018 à 10:23 8

  • Dans le jardin de la bête

    Erik Larson

    9/10 Un roman qui ne m'a pas laissée indifférente, pas forcément à la lecture - encore que - , mais à froid, indubitablement. La page de l'Histoire narrée est amenée "comme un roman", c'est presque pédagogique. Au delà de ce ressenti, ce passionnant roman, aux relents de documentaire si on commence à lire les notes références, est excellent tant du point de vue de la trame que du rythme et des descriptions d'une Allemagne aux abois.

    28/11/2013 à 21:37 2

  • Dans les brumes de Capelans

    Olivier Norek

    9/10 J'ai cloturé mon été Victor Coste par ce voyage à St Pierre et j'ai été emballée ! Le rythme du roulis des vagues, le chaos de la nature et de la minéralité de l'île, le grizzli du SDPJ93 qui a trouvé refuge sur cette lande abrupte en a pour ses frais avec pour seul voisin un ours aussi mal léché que lui.. Et pourtant, difficile de ne pas s'attacher (une fois de plus) à ce dur au coeur tendre, vieillissant dans le souvenir des obscurités de son passé.
    Le sujet des résidences surveillées et des programmes de protection des témoins pèse aussi lourd que l'intrigue (riche !) mais Norek en démêle habilement les fils pour ne pas qu'on s'y perde. J'ai bien aimé (aussi) découvrir ces arcanes.
    Quant à l'histoire, j'ai été embarquée, j'ai foncé les yeux fermés et j'ai passé un excellent moment de lecture. Avec en prime l'envie d'aller promener mes bottes fourrées aux confins du Groenland.

    30/08/2022 à 09:49 7

  • Départs

    Hervé Commère

    9/10 Des trajectoires pleines de ronds et de déliés, non dénuées d'émotions, graves, ironiques, douces, calmes, enlevées. Un petit carré de chocolat noir amer qui diffuse et dont la saveur n'a pas fini de se rappeler à mon bon souvenir. Pépite du genre.

    05/11/2012 à 12:40 2

  • Des forêts et des âmes

    Elena Piacentini

    9/10 J'ai adoré, pour différentes raisons. En tête, les personnages, merveilleux et en trois dimensions, tendres, vrais, natures d'un côté, terriblement humains. Le décor, mes Vosges qui sont un peu celles de beaucoup de monde, le noeud pharmaceutique, les mots si justes de l'amour entre Eliane et Léoni, les scènes débordent d'une sensualité extrême. C'est fabuleux, ce sont les frères Grimm, Fred Vargas et Franck Thilliez, c'est beau comme de l'eau limipide et claire, énergique comme une nuit de pleine lune, diabolique et intraitable, mais rose pastel du couchant dans les coins. Et que dire de l'épilogue qui serre la gorge.

    18/05/2015 à 07:24 5

  • Disparaître

    Mathieu Menegaux

    9/10 Superbe roman sur la responsabilité que chacun porte sur ses actes.
    Mathieu Menegaux réalise un livre d'ampleur, un récit plutôt palpitant quoique relatant les trajectoires plutôt banales d'Étienne Sorbier, Big Boss d'une grande banque et Esther Goetz, jeune analyste provinciale récemment engagée dans cette entreprise.
    Leurs histoires sont alternées avec la narration du Capitaine Grondin, obnubilé par un corps non identifié retrouvé sur une plage de Nice.
    Un court récit très bien mené.

    11/01/2020 à 15:02 4

  • Doux comme la mort

    Laurent Guillaume

    9/10 Je frissonne de plaisir à me rappeler ce roman qui m'a secouée. J'ai découvert l'auteur avec ce roman et j'ai a-do-ré. Je me suis sentie imbriquée et interpelée dans cette histoire, je ne sais pas vraiment de quelle manière, mais aujourd'hui je l'attribue avec un peu de recul à la plume directe de Laurent Guillaume. Roman sobre, efficace, détaillé et compréhensible, un cocktail qui me va bien. Un autre!

    14/04/2012 à 17:05 3

  • Druide

    Olivier Peru

    9/10 Ciel, que j'ai aimé ce livre. Narration, vocabulaire, imaginaire sollicité de façon dense mais où jamais on ne se perd ... La nature qui joue un vrai rôle, plus qu'un décor, tant de pages mais finalement trop peu pour ce cheminement avec Obrigan, qu'on voudrait un peu plus long encore... La découverte de ce genre me laisse pantoise. A lire !

    20/04/2013 à 20:12 2

  • Éden

    Monica Sabolo

    9/10 Mon Goncourt personnel.
    Magnifique univers que celui de Nita, Kishi, Lucy et toutes ces femmes, "de la Réserve" ou blanches, qui habitent en bordure de la Forêt, en pleine exploitation.
    Il est question de passage à l'âge adulte, de révolte et de quête, on pense a Tallent et sa Turtle ou aux deux sœurs malmenées de Jean Hegland. Eden est toutefois plutôt moins dérangeant dans ma hiérarchie propre.
    Mais Eden est plus que tout cela. Conte fabuleux où les chouettes communiquent avec les esprits des animaux, récit féministe noble, pamphlet écologique sur l'exploitation des ressources.
    Le tout écrit avec une plume économe, sauvage, filante et majestueuse.
    On a l'impression de pénétrer l'âme de la Forêt, sans le tralala mystique. Et pourtant Eden a quelque chose de sacré.
    Diabolique, tragique et réussi.

    10/11/2019 à 14:52 5