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Détective Conan Tome 13
7/10 Encore un manga réjouissant de la part de Gosho Aoyama. On connaît la résolution de l’intrigue inachevée à la fin du tome 12. C’est à la fois très rapide et efficace. La suivante nous met aux prises avec des triplés, dont chacun d’entre eux peut être coupable. J’ai trouvé le dénouement un peu capillotracté, mais l’histoire se lit vite et très facilement, sans pour autant bouleverser les codes du genre ni demeurer mémorable. La suivante est à mon sens la plus réussie : c’est une sorte d’épisode de l’inspecteur Columbo, puisque ce n’est pas l’identité du coupable ou son mobile qui compte (connue dès le début), mais la façon dont il a procédé pour dissimuler son précédent crime, au vu et au su de tout le monde puisqu’il était présent aux côtés des protagonistes lors de la chute du corps. Un moyen bien ingénieux, d’ailleurs, qui a probablement déjà été exploité dans des romans mettant en scène des meurtres en chambre close, mais on se laisse toujours prendre à ce genre de ficelles. Quant à la dernière histoire, elle intervient dans un studio de cinéma où se tournent les films un monstre, succédané de Godzilla. Là encore, c’est vif et intelligent, avec de nombreux rebondissements prenants. Au final, aucune de ces énigmes ne me marquera durablement, mais j’ai, une fois de plus, passé un bon moment de lecture, à la fois distrayante et obligeant un tant soit peu à se creuser la cervelle.
10/03/2019 à 18:12 2
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Images fantômes
8/10 Quadragénaire, Cass Neary n’est plus que l’ombre d’elle-même. Ancienne artiste photographe, elle vivote jusqu’à ce que son agent, Phil Cohen, lui propose d’aller interviewer Aphrodite Kamestos sur son île du Maine. Quoique réticente au départ, Cass finit par accepter de se rendre sur ce bout de terre hostile où l’on ne cesse de compter des disparitions inquiétantes…
Elizabeth Hand livre ici un roman d’une rare puissance évocatrice. Son écriture répond avec maestria au décor où elle emmène Cass : sombre, glauque, troublée, troublante. On est rapidement pris dans les tourments immobiles de cette contrée esseulée, vaincue par le froid, où domine une nature vengeresse, et qui semble dissimuler d’étranges mystères. Les personnages campés sont particulièrement croustillants. Cass a vu sa mère mourir sous ses yeux dans un accident de voiture, été la proie d’hallucinations, vécu un certain succès avant de subir les affres des excès de la drogue et de l’alcool ainsi qu’un viol avant de retomber dans l’anonymat. Ses clichés, sulfureux, ont constitué sa gloire, et c’est donc la raison pour laquelle elle accepte de rencontrer et de s’entretenir avec Aphrodite Kamestos, une septuagénaire aux yeux de Méduse, qui a su révolutionner la photographie avec sa touche et son talent si diaboliques et atypiques. Sur place, Cass va découvrir un territoire presque maudit, saturé de silences et d’agressivités à son égard, où a autrefois vécu une communauté hippie. Elizabeth Hand maîtrise l’art du dialogue, de la description angoissante des cadres naturels comme des attitudes comminatoires. Une sorte de microsociété dans ce Maine farouche, dont elle découvrira lentement les arcanes, entre symboles ésotériques, menaces plus ou moins larvées, quête artistique extrême et terribles secrets familiaux. Les quelque quatre-cents pages de cet ouvrage vont apprendre au lecteur à appréhender notre héroïne d’une manière qui ne va cesser d’évoluer, dévoilant ses faiblesses et son obstination après avoir dépeint une femme percluse de lézardes, has-been à la boussole embrouillée, et que cette traque de la vérité va peut-être mener sur les voies de la rédemption. Du strict point de vue policier, la résolution de l’intrigue n’intervient qu’assez tard, au point que l’on peut parfois se demander si les nappes de brouillard que tisse – très habilement – l’écrivaine ne sont pas parfois inutiles, mais il serait impertinent de bouder un tel plaisir de lecture.
Une œuvre dense et ténébreuse, où les assertions à propos de l’art photographique et les atmosphères anxiogènes prennent parfois le pas sur l’énigme, mais qui n’en finit pas d’ensorceler jusqu’à ce que l’on connaisse l’identité et les motivations du tueur, déstabilisantes. Un grand moment de littérature noire.25/02/2019 à 20:18 5
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La Valse de Méphisto
8/10 Vienne, 1904. Un homme abattu par balle est découvert défiguré à l’acide dans une fabrique désaffectée de pianos. Face à lui, des sièges alignés comme pour figurer un procès. L’inspecteur de police de la Sûreté Oskar Rheinhardt et son fidèle acolyte le docteur Maxim Liebermann mènent l’enquête, sans savoir qu’ils vont être confrontés à une multitude de personnages interlopes… et de dangers létaux.
Ce septième opus de la série consacrée à Max Liebermann régale le lecteur tout autant que les précédents. On y retrouve la plume riche de Frank Tallis, qui se plaît à nous décrire la capitale autrichienne avec une joie communicative, nous régalant notamment, au propre comme au figuré, de douces explications quant à la gastronomie locale et autres pépites musicales. Les deux protagonistes sont toujours aussi attachants, vifs et brillants, unis par des liens d’amitié et de respect si forts que ces derniers ne peuvent qu’émouvoir ou impressionner. Ce roman permet d’ailleurs d’en apprendre un peu plus sur la vie amoureuse de Max, grâce à des saynètes amusantes et toujours crédibles mettant en scène sa famille et sa dulcinée. L’intrigue est toujours aussi savamment bâtie, jalonnant le périple de nos enquêteurs d’individus radicaux et prêts à tout : révolutionnaires, anarchistes, nihilistes, agents des services secrets, ainsi que le mystérieux Méphistophélès, terroriste de l’ombre, qui tire les ficelles avec une intelligence remarquable. Notre duo de limiers aura donc fort à faire pour comprendre ce meurtre puis les suivants, remontant lentement la piste d’un complot terroriste. Frank Tallis nous procure également des moments inattendus, comme ce dialogue entre Max et Freud lui-même se concluant par une plaisanterie jouissive, l’utilisation d’un cardiographe comme détecteur de mensonges, ou la rencontre savoureuse (et salvatrice) avec Ferdinand Porsche.
Même si quelques passages sont téléphonés et d’autres ont déjà pu être exploités ailleurs en littérature comme au cinéma, ce livre est vraiment très bon, distillant tout autant distraction qu’érudition. Une série de polars historiques qu’il serait vraiment dommage de rater.25/02/2019 à 20:13 5
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Scarface
9/10 Tony Guarino est un individu bien anodin qui vit dans le Chicago du début du vingtième siècle. Il est certes jeune et intelligent, mais il n’a pas encore tracé sa voie. Pour les beaux yeux d’une femme, Vyvyan Lovejoy, il tue Al Spingola, l’un des caïds de la ville. C’est le début d’une lente gloire qui le mènera au contrôle de la cité puis à sa déchéance.
Ce Scarface est l’unique ouvrage traduit en français d’Armitage Trail, publié en 1930. Un monument, adapté deux fois au cinéma, d’abord par Howard Hawks puis Brian De Palma. On retrouve toute la saveur propre aux romans noirs de cette époque, ici agrémentée d’une langue belle, assez recherchée, et un goût indéniable pour les répliques qui claquent. L’auteur a longuement étudié le milieu interlope de la pègre de la capitale de l’Illinois avant de livrer cet opus brûlant. Aux côtés de Tony, on apprend d’abondants détails sur la mafia, ses méthodes, ses trafics, sans jamais que cette érudition ne lasse ou ne noie le récit. Celui que l’on surnommera « Scarface » en raison d’une balafre à la joue gauche récoltée lors de la Seconde Guerre mondiale est un personnage saisissant de réalisme. Un peu paumé, il tue un mafieux, grimpe les échelons du banditisme, se fait oublier quelques années en allant combattre avec un talent et un culot rares dans le maniement des armes et le commandement de ses hommes avant de revenir. Bien plus porté sur l’intelligence criminelle et la stratégie de développement de son entreprise que sur des gris bras qu’il n’a pas, il se fera adouber par un chef mafieux avant de prendre sa place et de développer son business. Un portrait remarquable, tout en nuances, où on le voit se frotter avec hardiesse aux gangsters du North Side, éliminer la concurrence, faire le dos rond quand les circonstances l’exigent, et souvent tomber sous le charme de femmes, parfois fatales, dont l’une d’elles contribuera à sa perte. Armitage Trail retranscrit avec une maestria inouïe les ressorts de la pègre, ses liens ambigus avec la police, les divers rapports de force s’engageant avec les rivaux. Dans le même temps, le lecteur aura du mal à concevoir que cet ouvrage ait presque quatre-vingt-dix ans : l’histoire est souvent émaillée de scènes d’action fort bien décrites et rondement menées, avec son lot de courses-poursuites, fusillades et autres affrontements très cinématographiques.
Une œuvre maîtresse, ahurissante de maturité pour un écrivain d’à peine vingt-huit ans, et d’une prodigieuse modernité. Un des jalons du roman noir, que l’on ne peut que se plaire à découvrir si longtemps après sa parution originelle, et devant lequel on est empli de respect et d’estime, comme on saurait l’être pour un vieux monsieur qui a tant apporté à sa noble cause, ici littéraire. A noter sa remarquable adaptation en bande dessinée par Christian De Metter.25/02/2019 à 20:10 8
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La Maison mystère
8/10 Harry Houdini, le célèbre magicien, arrive à New York après une longue tournée européenne. Il achète avec le montant de ses cachets une demeure au 278 de la 113e rue, notamment pour faire plaisir à son épouse et assistante Bess. Mais l’emménagement est un cauchemar : la jeune femme croit entendre des pleurs d’enfants, et l’on découvre le cadavre d’un bébé en partie momifié dans le jardin.
Ce quatrième opus de la série consacrée à Houdini est au moins aussi réussi que les précédents. Vivianne Perret réussit l’exploit de faire en sorte que, non seulement cette saga ne s’essouffle pas, mais parvient également à exploiter une intrigue originale et marquante. On retrouve donc avec plaisir notre célèbre escapologiste, cette fois aux prises avec une énigme écœurante, celle d’un nourrisson tué alors qu’il était parfaitement viable, parfaitement conservé pour des raisons obscures, et dont nul ne semble savoir d’où il vient. Une situation d’autant plus intenable psychologiquement pour Harry et Bess que le jeune couple ne parvient toujours pas à enfanter. L’intrigue principale, dense et prenante, se double d’une autre quête, celle qui va mettre en lumière les sombres agissements de la Mano Nera, une organisation criminelle habituée aux enlèvements et demandes de rançons, et le retour d’un adversaire de notre héros croisé dans Le Kaiser et le roi des menottes. L’atmosphère est toujours aussi brillante, habilement rendue par Vivianne Perret qui a savamment préparé ses décors historiques et géographiques sans que jamais l’exercice ne tourne à l’épanchement stérile et bavard. Harry et Bess constitue un duo de limiers particulièrement attachant et obstiné, les faisant cette fois-ci affronter un mystère qui se dénouera dans les ultimes pages, un terrible drame d’autant plus effrayant qu’il est très crédible.
Une nouvelle réussite de la part de Vivianne Perret, avec ce roman efficace et adroit, riche de ses rebondissements et de sa construction, qui met en relief les excellentes connaissances de l’écrivaine sur son personnage fétiche, la ville de New York et tant d’autres domaines.25/02/2019 à 20:06 3
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Les Inconnus dans la maison
9/10 D’entrée de jeu, le décor est planté. Première page : l’ancien avocat Hector Loursat appelle le procureur de la république, de sa famille par alliance, pour l’informer qu’un inconnu a été tué dans sa maison et son corps découvert. Pour Loursat, tombé dans le vin et une forme de repli sur soi, c’est le début d’une forme de rédemption puisqu’il va œuvrer afin de comprendre le drame jusqu’à aller plaider pour le suspect qu’il pense être innocent et renouer des liens distendus avec sa fille Nicole. Grâce à Georges Simenon et sa plume acide, vertigineuse de simplicité et de mordant, c’est un portrait saisissant et croustillant de la bourgeoisie d’une ville de province (ici Moulins) qui est passée au vitriol. De jeunes gens qui s’ennuient, et puisque l’oisiveté est nécessairement mère de tous les vices, ils en viennent à tomber dans le piège des actes rebelles, des liaisons inappropriées, des relations avec des personnes interlopes, jusqu’à la tragédie. C’est également des accointances entre les membres de la famille de Loursat où domine le qu’en-dira-t-on, avec la crainte de l’humiliation et de l’opprobre jeté sur la frange autoproclamée haute et vertueuse. Des mots simples et diablement efficaces de la part du célébrissime auteur belge, qui n’empêchent nullement de belles envolées lyriques sur la solitude, l’abandon, le désespoir et le rachat des âmes. Un beau portrait également de Loursat, animal, velu et devenu un ours se nourrissant de vin, de littérature et de sa propre claustration psychologique depuis le départ de sa femme avec Bernard, qui va retrouver une forme de dignité en se privant d’alcool le temps du procès. Pour quiconque aura vu le film de Georges Lautner de 1992 avec Jean-Paul Belmondo, même s’il s’agit d’une adaptation relativement fidèle, on sera agréablement surpris d’y découvrir des différences, notamment dans les accointances entre les jeunes, entre Loursat et sa domestique (qualifiée de « naine » dans le livre), mais surtout dans le traitement psychologique : là où le cinéma privilégie la fin heureuse, Simenon préfère l’accablement, le refus de la candeur et une vision austère de son personnage principal avec notamment les deux dernières lignes. Est-il encore utile de répéter que Georges Simenon est un auteur plus que majeur et que cet opus le démontre avec un talent inouï ?
24/02/2019 à 17:52 7
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Le Chien de Frankenstein
6/10 … ou comment Kat Parker, afin de réaliser un reportage à l’aide de son smartphone sur son oncle Victor Frankenstein, va découvrir que ce dernier mène de bien étranges (et inquiétantes) expériences avec des robots et des clones. Pour les connaisseurs de R. L. Stine, on est en terrain bien connu : du mystère, des rebondissements nombreux (même si beaucoup d’entre eux sont factices, juste là pour constituer des cliffhangers débouchant sur un artifice scénaristique), un style simple accessible au jeune lectorat auquel se destine l’ouvrage… Dès lors que l’on évoque Frankenstein, jouant sur le mythe de cette œuvre intemporelle et connue de presque tout le monde, on s’attend à un hommage, ou au moins à un clin d’œil très appuyé : c’est ici la seconde option qui a été choisie. Expérimentations, machines bizarroïdes, tentatives de dépasser la condition d’être humain, le pack est complet, ficelé, et l’écrin bourré à en casser les coutures. Quelques scènes sympathiques où l’on se demande qui est qui, avec cette coexistence d’androïdes, et des retournements de situation prenants, à défaut de ne pas être téléphonés et attendus. Une fois n’est pas coutume, l’épilogue (ou plus exactement, les derniers paragraphes voire les dernières lignes) ne débouche pas sur un ultime rebondissement, et ceci constitue, paradoxalement, une surprise, lorsque l’on est habitué un tant soit peu à l’œuvre de l’écrivain. En revanche, je suis très dubitatif quant au choix du titre, au final fort éloigné de la teneur du roman, même si effectivement ce brave toutou va jouer un rôle dans les péripéties de Kat et Robby. Pour conclure, rien de bien nouveau sous le soleil, ni en littérature de frissons pour les mômes ni dans la bibliographie de R. L. Stine, mais un moment de lecture sympathique, agréable, permettant de passer un moment de lecture gentillet, dans les eaux un peu tiédasses entre le mémorable et le parfaitement anodin.
24/02/2019 à 17:50 3
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La Fille du canal
9/10 … ou la vie terriblement poignante de Sarah, onze ans, qui a vécu ou vit des choses si terribles qu’elle n’ose s’en ouvrir à personne, surtout pas à sa famille. Il n’y a que son institutrice qui va se rendre compte que quelque chose cloche. Des mots simples, adroits, choisi et travaillés avec une justesse prodigieuse, sans le moindre terme en trop. Une sécheresse purement formelle qui ne détourne absolument pas le flot de ces émotions puissantes qui coulent au gré des pages. Des signes, presque des symptômes, retranscrits avec une humanité une véracité remarquables par Thierry Lenain : des résultats en baisse pour la gamine, un appétit en berne, une poupée maltraitée et au ventre délibérément brûlé, des cheveux qu’elle a subitement fait couper courts, et un mutisme croissant qui n’a vraiment rien de bon. L’institutrice, victime vingt ans plus tôt d’un acte ignoble dans le cercle familial, constituera la planche de salut de Sarah tout en lui permettant d’affronter les démons de son propre passé et d’entamer, si c’est encore possible, sa rédemption. Un texte court, rédigé avec un talent inouï, tout en retenue et en tact, sans que les termes nécessaires – « viol », « inceste », « attouchements » ou « pédophilie » – ne soient jamais écrits, car inutiles, au vu de la qualité et de la force évocatrice de l’écrivain. Un ouvrage riche, fulgurant, à la fois glaçant et brûlant, et qui en devient presque indispensable par l’intelligence des mots employés et des maux décrits.
24/02/2019 à 17:49 5
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Assassination Classroom tome 1
7/10 Un pitch intéressant, tonitruant, quoique déstabilisant : un alien aux allures de poulpe et à la tête de smiley, capable de se déplacer à Mach 20, et puissant au point d’avoir pu détruire une bonne partie de la lune, s’installe ouvertement comme professeur auprès de la classe japonaise de la 3E. Devant ce péril, les autorités mondiales demandent aux élèves de la classe de le tuer, en échange d’une récompense de dix milliards de yens. Sauf que, bien évidemment, cet enseignant pas comme les autres n’est pas facile à tuer… Une histoire qui désarçonne, et pourtant, tout se lit facilement, avec des petites touches d’humour bienvenues, avec ce professeur qui se prend au jeu de l’assassinat et qui va dispenser des conseils à ses élèves. Dès ce premier tome, une première tentative de meurtre habile et surprenante. Je ne suis pas certain d’être totalement fan de cette série ni d’avoir envie de voir comment elle va évoluer, mais je le concède volontiers, à défaut d’avoir été subjugué, j’ai été agréablement surpris et vais peut-être encore continuer quelques tomes, histoire de voir les suites et enchaînements impulsés par Yusei Matsui.
24/02/2019 à 17:48 2
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Parodie à la mort
8/10 Charles Daivremont ne se sent pas bien, mais alors pas du tout. Marié à Irma, il ressent depuis quelque temps des difficultés à se mouvoir. Chaque mouvement devient alors un effort herculéen. Serait-ce son épouse qui serait en train de l’empoisonner, avec la complicité du docteur Chervoux, afin de mettre la main sur sa fortune ? Et si la paralysie se poursuit, ne finira-t-il pas prisonnier de son propre corps, soumis à la férocité de ses bourreaux ?
Ce très court roman, proche de la novella, est une petite pépite. Peter Randa a imaginé une intrigue efficace, machiavélique, et d’un réalisme saisissant. Plantant rapidement le décor, l’auteur fait monter le suspense et la paranoïa avec des mots simples, habilement choisis et prenants, jusqu’à ce que le piège se referme à la fin du quatrième chapitre. Le traquenard est en presque ahurissant de simplicité, fauchant littéralement le lecteur. Par la suite, on est pris d’une immense empathie pour Charles, incapable de se déplacer, pour ainsi dire mort, mais voyant et entendant tout, gardant ses facultés intellectuelles intactes, désormais la proie immobile de ses tortionnaires qui pourraient bien l’enterrer vivant. Peter Randa à qui l’on doit plus de trois cents ouvrages, maîtrise avec brio la mécanique de la tension, multiplie les rebondissements, et l’on ne peut être que médusé devant tant de maîtrise et de talent dans ce condensé d’intelligence.
Même si la fin est un peu attendue, voilà un ouvrage remarquable de modestie et d’efficience, puisqu’une centaine de pages seulement suffisent à embarquer le lecteur dans une excitation grandissante, là où nombre d’autres auteurs se seraient évertués à étirer inutilement le scénario. Et l’on ne peut que remercier les éditions French Pulp de ressortir ce texte datant de 1960 : comme quoi l’exhumation et la ressuscitation sont parfois salutaires.13/02/2019 à 23:01 3
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Peur bleue aux Fontinettes
8/10 Une maison située à Arques porte une singulière réputation : son ancien propriétaire s’y serait pendu. Dans ce cas, pourquoi semble-t-elle habitée ? Une énigme que Martin et sa bande, les autoproclamés « Zodos », sont bien décidés à éclaircir.
Cet ouvrage destiné à la jeunesse et signé Claudie Becques est pétillant et rafraîchissant. Un petit régal, du début à la fin. Les gamins sont espiègles comme ce n’est guère permis, attachants et obstinés, et c’est avec un plaisir entier qu’on suit leur périple et les rebondissements de leur investigation. C’est une ambiance sombre, liée aux divers mystères liés à cette maison prétendument hantée, mâtinée des facéties de ces jeunes enquêteurs en herbe, qui vient nimber l’histoire, de la première à la dernière page. Il y sera question, en vrac, d’un voisin inquiétant et fort entreprenant avec la mère d’un môme, de SDF qui disparaissent et réapparaissent comme par enchantement, et d’un trafic siégeant non loin du célèbre ascenseur à bateaux des Fontinettes, là où se résoudra tout le mystère de ce roman.
Inutile de faire plus long, là où Claudie Becques parvient à séduire avec seulement quatre-vingt-dix pages : c’est vif, réussi et détendant. Une délicieuse réussite littéraire.13/02/2019 à 22:56 3
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Les Cauchemars de Cassandre
8/10 … ou la poignante existence de Cassandre, condamnée à voir l’avenir (et ses plus dramatiques événements) sans jamais être crue. Au gré de ce court ouvrage (environ 90 p.), c’est une habile lecture de son mythe à laquelle nous convie Béatrice Nicodème. Toute son histoire y est présente : ses premières visions et les doutes souvent sarcastiques de sa famille, la crainte d’être un enfant adopté alors qu’il s’agit en fait de Pâris qu’elle va rencontrer, ses frères si combattifs, la guerre entre Troie et les Grecs, les épisodes illustres du Cheval ou de la vengeance d’Achille sur Hector en raison de la mort de Patrocle, etc. C’est également une longue succession de tragédies, avec les conflits, les morts des frères de Cassandre, et ce long désespoir, comme un fil rouge, d’être capable de deviner le futur sans parvenir à convaincre les siens. L’écriture de Béatrice Nicodème, élégante et joliment surannée pour coller à l’époque, est délicieuse à suivre. Au-delà du « divertissement » que ce livre m’a procuré, cela a également constitué l’occasion pour moi de replonger dans l’univers sombre et densément noué de la mythologie grecque, avec ses dynasties aux sorts saisissants et aux connexions riches. Le dossier final permet également de se rafraîchir la mémoire, voire d’apprendre, des éléments intéressants sur le mythe de Cassandre, sa généalogie ainsi que quelques mots et patronymes utiles à la compréhension globale de cette fiction. Bref, un très bon moment de lecture savante, avec juste ce qu’il faut de concision et de synthèse pour convaincre les jeunes lecteurs auxquels se destine ce livre. Voilà qui me donne sérieusement envie de me ruer sur les autres opus de cette collection.
13/02/2019 à 08:46 3
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La Planète des nains de jardin
6/10 … ou les déboires du jeune Jay Gardener, enfant habitué à réaliser de sales farces, que ses parents ont de plus en plus de mal à supporter (surtout ses incartades) au point de devoir déménager, et qui se retrouve aux prises avec une ville qui semble contrôlée par des nains de jardin. Ouch… Dit comme ça, cela ressemble à un immonde navet poisseux. Même si je ne suis pas vraiment un aficionado de R. L. Stine, je lui reconnais volontiers le talent d’imaginer des histoires assez folles, bien montées pour la plupart, avec un sens de la rythmique consommé, et ponctuées de rebondissements prenants pour les jeunes lecteurs auxquels il s’adresse. Là, je me suis surtout embarqué dans ce livre pour me rendre compte de la façon dont l’auteur se dépatouillerait avec ce récit gentiment foutraque, au point de départ difficilement soutenable, et je dois dire que j’ai été agréablement surpris. On retrouve l’archétype des personnages qui peuplent communément les livres de l’écrivain, quelques cliffhangers en fin de chapitres plutôt bien sentis (ou du moins efficaces), et un dénouement final presque impossible à trouver (où le titre prend une saveur particulière). A côté de ça, R. L. Stine multiplie les effets et saynètes pas toujours nécessaires, comme les accidents causés par le labrador qui tiennent plus du scalp que du simple ressort capillotracté, ou encore l’apparition des buses n’apportant pas grand-chose à mes yeux à l’histoire. Quant au final, même s’il est assez imprévisible, il est sacrément culoté, et pourra décevoir une part du lectorat en raison de ce choix scénaristique. Je ne l’approuve pas vraiment, j’avais imaginé d’autres solutions alternatives qui correspondaient selon moi mieux au tracé du récit, mais qu’importe : si l’écrivain continue à avoir tant de succès, c’est qu’il a opéré (et continue de le faire) de bons choix quant à ses ouvrages. Bref, pas un de mes romans préférés de sa bibliographie, c’est certain, mais j’ai apprécié l’aplomb de monsieur Stine à choisir une histoire de ce type, à l’assumer et à proposer une fiction sur ce fil directeur sans jamais mettre les pieds dans le vide du grand ridicule, même s’il faut bien évidemment apprécier les romans sacrément excentriques pour comprendre et goûter ce type de littérature.
13/02/2019 à 08:45 2
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Détective Conan Tome 12
7/10 Un bon petit Détective Conan, avec trois histoires. La première est un jeu de pistes, avec un hypothétique trésor à la clef, dans une maison esseulée. De jolies références à Sherlock Holmes et à diverses de ses œuvres, et une conclusion intéressante et crédible. Mais l’emploi de la langue japonaise (ce qui est bien évidemment très logique) pour décrypter les messages codés rend assez hermétique les réflexions et déductions de Conan, ce qui fait que l’on ne peut être que spectateur et non acteur de la résolution de l’énigme. Le deuxième récit est sympathique, dans le décor d’un grand hôtel où se mêlent jeux vidéo, d’étranges mallettes, le retour des Hommes en noir (les responsables mystérieux de la transformation de Shinichi en gamin), et une vengeance assez classique à la clef. C’est pas mal, sans pour autant rien recéler de mémorable ou de transcendant. Disons qu’elle se laisse lire sans déplaisir. Quant à la troisième, elle s’amorce bien : une maison isolée où sont réunis des fans de Sherlock Holmes pour un jeu où le gagnant obtiendra l’édition originale de « Une Etude en rouge ». Au programme, deux morts bien obscures, avec une voiture terminant au bas d’un ravin, une explosion dans le garage, et une tentative de meurtre. Les éléments du puzzle sont habilement amenés, le suspense prenant, et l’opus se clôt sur Conan ayant la réponse quant à l’identité de l’assassin. On le saura dans le tome 13 sur lequel je vais me ruer. Encore une fois, un manga habile et efficace de la part de Gosho Aoyama, où le format en courtes histoires séduit par sa concision et sa vivacité, même je ne me souviendrais probablement que peu de temps de la deuxième.
13/02/2019 à 08:45 1
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T comme Tombeau
Lincoln Child, Douglas Preston
7/10 Gideon Crew se sait condamné à court terme, en raison d’une « malformation de l’ampoule de Galien », un problème cardiaque incurable. L’entreprise EEC qui l’employait ferme, aussi ne lui reste-t-il plus grand-chose à attendre. En rencontrant son ami Manuel Garza, les deux hommes ont à peine le temps d’être mis au courant d’un secret : un ordinateur aurait trouvé la solution à l’énigme posée par le disque de Phaistos. Ils ne tarderont pas à partir dans le désert d’Hala’ib, entre Egypte et Soudan, à la rencontre d’un secret qui pourrait bouleverser le monde.
On ne présente plus le duo d’écrivains Douglas Preston et Lincoln Child, les auteurs de la géniale série consacrée à Pendergast. Ici, il s’agit de la dernière aventure de celle dédiée à Gideon Crew. D’entrée de jeu, le rythme est trépidant. Les chapitres alternent avec vélocité, au gré d’épisodes échevelés, tandis que naît progressivement la perspective pour Gideon d’un ultime voyage qui rime avec chasse au trésor. Bientôt rejoint par une inconnue, Imogen, nos deux compères auront fort à faire : tempête de sable, bédouins sauvages, léopard borgne qui terrorise la population, une épreuve de vérité avec un caillou incandescent placé dans la bouche ou encore un affrontement renouant avec l’épisode mythique de David contre Goliath. Des épreuves fortes, parfois insensées, qui ne sont pas sans rappeler les belles heures de la littérature d’aventure ou encore les films mettant en scène Indiana Jones. Bien évidemment, peu d’éléments tiennent debout, certains rebondissements sont tellement téléphonés qu’ils tiennent du cliché scénaristique, et ce n’est certainement pas la crédibilité qu’il faut chercher dans cet ouvrage. Néanmoins, si l’on apprécie les livres qui décoiffent sans pour autant trop remuer la matière grise qui se niche en dessous, version littéraire du blockbuster, voilà de quoi divertir ; au-delà des nombreuses références scientifiques et historiques qui jalonnent ce roman, il ne faut donc pas s’attendre à découvrir un opus qui mobilisera les neurones, mais là n’était certainement pas le but recherché par Douglas Preston et Lincoln Child.
Un pur bouquin de gare, dans tout ce que cette expression exprime de positif, à savoir un bon moment de lecture décontractée et distrayante, sans la moindre prise de tête, et ce jusqu’au triple épilogue. En revanche, carton rouge pour le résumé de la quatrième de couverture qui dévoile des éléments importants de l’intrigue n’apparaissant qu’au trente-cinquième chapitre !04/02/2019 à 17:12 6
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Big Fan
8/10 Bill Madlock n’a pas eu de chance dans la vie. Non désiré, avec une jeunesse chaotique, obèse, il n’aura trouvé comme seule bouée de secours que la vénération de Radiohead. Une trajectoire brisée, faite d’ombres et de rares moments de lumière, qui va s’achever par un tir sur un fan lors d’un concert du groupe. Ce ne sera que sa confession qui permettra d’en comprendre les motivations.
Fabrice Colin livre ici un roman destructuré et disparate, comme l’aura été l’existence de Bill Madlock. Un malheureux Anglais, né sans avoir rien demandé à personne, victime d’un physique ingrat et des remontrances de ses camarades, et dont le géniteur, alcoolique et dysfonctionnel, n’aura été capable, pour tout acte chaleureux envers lui, que de lui offrir un iguane. Ce n’est que dans l’écoute de Radiohead, la connaissance livresque de l’histoire du groupe, et l’écoute attentionnée des messages délivrés par ses chansons, qu’il saura trouver un goût à la vie. L’auteur nous explique sa destinée, les grandes étapes de son infortune, sa lente déchéance, ses amours contrariées, et sa paranoïa grandissante. Des divagations inspirées par les textes de Radiohead dont on connaît, au fur et à mesure du livre, la lente construction, les errances, les doutes et les succès. Il est indéniable que cette partie ne ralliera probablement pas l’attention de tous les lecteurs, à moins d’être fans, mais dans la mesure où Fabrice Colin s’y connaît pour bien écrire, on pourra néanmoins suivre ces diverses parties avec un certain appétit. Comme de nombreux ouvrages expliquant la genèse des tueurs en série, on se plait à comprendre la (dé)construction de la psyché de Bill, la manière dont il comprend et interprète les avertissements de Radiohead, et comment ces derniers le font définitivement basculer dans l’aliénation. Aucune moralisation de la part de l’écrivain, mais plutôt l’étude d’un sujet lambda, comme celle d’un sociologue, voire un psychanalyste, en faisant en sorte de concevoir les logiques, raisonnements et déductions de celui qui va balancer deux balles dans la tête d’un spectateur, le 25 juin 2008, le laissant gravement handicapé. Un panachage de lettres écrites par Bill, de moments marquants de sa vie et de tranches de l’histoire du groupe british. Et le gong final retentit lorsque Fabrice Colin révèle que William Madlock existe réellement (mais est-ce vrai ?), qu’il a noué une certaine relation avec lui, et que c’est ce rapport si particulier qui a permis de comprendre les desseins de ce monstre si humain.
Un récit à la fois glaçant et enflammé, où l’on suit avec un ravissement sidéré et un peu honteux un être bousculé par l’égarement, chassé du paradis terrestre, et devenu le reclus volontaire d’une folie écrite en notes majeures.04/02/2019 à 17:05 5
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Simone Weber, l'impossible innocente
8/10 Une affaire judiciaire hors-norme, que celle de Simone Weber, si puissante médiatiquement qu’elle en est venue à éclipser en France d’autres événements plus importants, comme la Guerre du Golfe. Malgré les années, ce nom évoque aussitôt des images, des mots-clefs, tous deux parfois flous. C’est ici Christian Gonzalez qui revient sur ce cas. L’auteur, ancien journaliste, reprend pas à pas les divers éléments du dossier, les décortiquent, les expriment comme le ferait un entomologiste d’insectes qu’il souhaite exposer. Des témoignages, également, nombreux, remplis d’anecdotes, de détails croustillants, de faits dérangeants. En finalement assez peu de pages, tout est dit : les faits – la disparition suspecte de Bernard Hettier avant la découverte d’un tronc humain dans l’un des bras de la Marne, réveillant le décès trouble du précédent conjoint de Simone Weber, Marcel Fixard. Des doutes qui apparaissent, des preuves qui manquent, des déclarations qui entretiennent l’incertitude, des manœuvres étranges pour masquer la vérité. Et, bien évidemment, au centre de l’énigme, un personnage singulier : Simone Weber. Un physique de brave dame, bien comme il faut, aux allures de Mamie Nova, mais dissimulant une personnalité détonante. Capable de grands élans de passion comme de singulières envolées de grossièretés. Des trésors d’intelligence côtoyant des bourdes impensables, maintenant la défiance à l’égard de sa possible innocence. Christian Gonzalez énonce les minutes du procès, retranscrivant quelques-unes des déclarations de maîtres du barreau, comme Jacques Vergès ou Paul Lombard, allant jusqu’à interviewer la vieille dame en exclusivité dans son appartement cannois. Et à l’arrivée, le mystère demeure. Si la justice s’est prononcée, il n’en demeure pas moins qu’une certaine fascination, voire une fascination certaine, subsiste, proportionnelle à l’arcane de ce fait divers. Christian Gonzalez ne prend que rarement parti, et ce sera à chaque lecteur, d’abord, de s’approprier l’affaire, puis, dans un second temps, de faire la part des choses et de se forger un avis, son intime conviction.
Malgré sa concision, un ouvrage riche et complet, permettant de mieux appréhender cette histoire, au-delà des poncifs et idées toutes faites véhiculées à son propos.04/02/2019 à 16:56 3
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Enquête et pickpocket
8/10 Lors d’une soirée où se produit un illusionniste, Sam, Agathe et Nina sont confrontés à une histoire singulière : il semble qu’un pickpocket vole des objets durant le spectacle. Passionnés de magie, les jeunes limiers vont mener l’enquête…
Après Juju a disparu, Agnès Laroche signe ce deuxième opus des apprentis détectives. C’est avec un réel plaisir que l’on retrouve donc ce trio d’investigateurs, malicieux et entêtés, alors qu’ils doivent faire face à une intrigue inaccoutumée. Comme dans leur précédente aventure, il n’y a pas de sang ni de violence, et l’on a une intrigue atypique, plaisante comme ça n’est guère permis, à mettre donc entre toutes les mains. Et quand survient l’ultime rebondissement, on ne peut être que séduit, encore plus qu’avec la lecture de Juju a disparu, par son originalité et son caractère particulièrement imprévu.
Un récit court et pétillant, astucieux et prenant, pour un bon moment de lecture distractive. On en redemande !04/02/2019 à 16:53 3
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Le Président
9/10 J’avais adoré le film de 1961 avec Jean Gabin, et c’est avec appétit que je me suis rué sur cet ouvrage. On y retrouve Augustin, vieillissant ancien Président du Conseil, vivant en reclus dans sa demeure normande, entouré de quelques domestiques. Quelques habiles flash-backs nous renseignent sur son ancienne existence politique, les coups bas, les moments où il s’est illustré, et les renseignements qu’il a conservés sur quelques personnages politiques, dissimulés dans sa bibliothèque personnelle. C’est justement à l’occasion d’une crise gouvernementale que la silhouette de Chalamont, l’un de ses anciens collaborateurs, réapparait, puisqu’il pourrait constituer une solution de rassemblement autour de sa ligne de centre-gauche. Sauf que Chalamont a, par le passé, commis une grave faute alors qu’il était sous les ordres d’Augustin et que ce dernier ne lui a rien pardonné… J’ai retrouvé dans cet ouvrage de nombreux passages réexploités dans le long-métrage, mais également des scènes dues à Henri Verneuil et Michel Audiard, comme le monologue devant les parlementaires, et une fin très différente. Quoi qu’il en soit, ce roman demeure à mes yeux l’un des meilleurs de Georges Simenon, où s’illustre, une fois de plus, la plume remarquable de l’auteur, sèche et habile, distillant en quelques adroits coups de plume une ambiance, un physique, une attitude. C’est surtout la morosité, la déception face à la société, et un pessimisme acide qui dominent ces pages, avec ces livres déplacés qui indiquent que ses proches sont à la recherche des fameux papiers, ou cette vieillesse, accompagnés de ses maux physiques, qui nous guette tous. A cet égard, l’épilogue est la parfaite illustration de cette forte mélancolie, où le Président va réaliser un acte dicté par une logique que j’analyse comme étant celle d’une forme d’abdication. Lui, le vieux lion, capable d’emportements légendaires, viendra donc se comporter à l’encontre de ce que tout le monde, le lecteur en premier, aurait parié. Un acte qui résonne comme la fin d’un monde, même si les deux derniers mots du roman, l’un de ses rares dialogues, démontre que l’animal politique qu’il était n’est pas tout à fait mort. Un de mes ouvrages préférés de Simenon, qui n’a strictement rien perdu de sa fougue et de sa finesse dans l’examen du monde politique, veule et retors, de l’abandon et du déclin humains.
03/02/2019 à 18:24 4
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Hector
7/10 … ou la tragique destinée d’Hector, le célèbre héros de la mythologie. De sa vie, on en connaît bien les grandes lignes, et Hector Hugo (son prénom a-t-il joué un rôle dans le choix d’écrire quant à ce personnage ?) nous plonge dans la complexité du mythe : les rêves de Cassandre, les percussions psychologiques entre les Troyens et les Achéens (le nom des Grecs assaillant Troie), Hector en être sans reproche (à part peut-être un léger péché d’orgueil), Hélène, Patrocle, et bien évidemment le terrible Achille, sans compter le rôle des Dieux. Une aventure humaine passionnante, forte, d’une densité remarquable, que l’écrivain retranscrit à sa façon de manière studieuse et palpitante, avec un vocabulaire très soutenu, un récit très circonstancié des divers protagonistes et leurs interrelations, dans un format pourtant très lapidaire (90 pages). En tant qu’adulte, j’ai beaucoup aimé cet ouvrage, mais je suis plus dubitatif quant à son accessibilité par de plus jeunes lecteurs : cette collection « Histoires noires de la mythologie » dit s’adresser à des lecteurs dès 12 ans, et là, ça me semble assez ambitieux eu égard à la complexité des rapports entre les personnages et au niveau très recherché du vocable exploité.
03/02/2019 à 18:22 3