El Marco Modérateur

3227 votes

  • Cavaliers de l’orage

    Chris Anthem

    7/10 Dans une voiture, un étrange trio rejoint le Sud de la France. Vincent, Agnès et Clara. Trois psychopathes meurtriers, égrenant dans leur sillage toute une série de cadavres anéantis. Leur route finira par rejoindre celle de Malone, ancien douanier, désormais tenancier d’une auberge au bord d’un lac, et qui est également un tueur.

    Chris Anthem signe ici un roman qui ne pourra que plaire à celles et ceux qui avaient apprécié Terreur terminus. On y retrouve la plume si particulière de l’auteur, délicieusement trempée dans le sang, et d’où vont jaillir de nombreuses scènes de violence. Le prologue met immédiatement dans l’ambiance : Malone va torturer puis tuer une automobiliste qui a eu le malheur de conduire avec le portable à l’oreille. Parallèlement, Vincent, Agnès et Clara constituent une très inquiétante meute. Vincent et Agnès sont jumeaux et partagent ce goût pour la destruction calculée d’autrui, en plus d’apprécier faire des photographies de leurs victimes. Le frère ne crache pas non plus sur quelques amours nécrophiles. Et la rencontre entre ces entités sera… originale. Car Chris Anthem, s’il joue sur les codes du genre, est également capable de se jouer d’eux. En effet, aussi monstrueux que soient ses personnages, l’auteur leur fait vivre une aventure et des péripéties différentes, notamment lors de la rencontre finale. Des passages intéressants et inattendus, toujours autant surchargés en hémoglobine, et qui font écho à la curieuse relation qui va naître entre le trinôme de jeunes assassins et Catherine, rousse quadragénaire abandonnée sur une aire d’autoroute par son époux. Un choix scénaristique hautement louable, qui permet à cet opus ensanglanté de gagner sa propre identité tout en faisant immensément plaisir aux amateurs de lecture gore et décomplexée !

    07/02/2018 à 16:42 4

  • Le Train fantôme

    Agnès Laroche

    7/10 Alors qu’il pénètre dans Wonderland, une grande fête foraine, avec cinq de ses amis, Mortimer doit museler ses peurs et affronter diverses attractions. Mais il se pourrait que Wonderland soit plus dangereuse que prévu, avec la disparition de l’un de ses camarades.

    Cet opus issu des livres consacrés à Mortimer Mort-de-peur et écrit par Agnès Laroche continue d’alimenter intelligemment le feu de cette série. Le récit est rapide et espiègle, au même titre que son héros. Environ quatre-vingts pages, vite avalées, où défilent les animations typiques d’une fête foraine. C’est avec un plaisir évident et total que le lecteur, assurément jeune, va partager les émotions mêlées vécues par les gamins, depuis un train fantôme jusqu’à une inquiétante voyante en passant par un élévateur ultrarapide. Des moments qui ne pourront que parler au lectorat, et l’entraîner dans des frayeurs légitimes. L’aspect policier n’arrive qu’assez tard dans le récit, et l’écrivaine emploie cette carte avec beaucoup de retenue et de crédibilité, avec la disparition inexpliquée de l’un des mômes.

    Un agréable roman pour la jeunesse, vif et entraînant, avec de justes illustrations signées par Julien Castanié. Autant de bonhommie et d’une louable candeur ne peuvent que réveiller en nous notre esprit d’enfant.

    07/02/2018 à 16:37 1

  • Rêver

    Franck Thilliez

    9/10 J’ai été transporté du début à la fin par cet opus. Une intrigue – ou plus exactement, deux intrigues – qui se côtoient, se superposent puis s’enchevêtrent dans les ultimes chapitres. Une histoire sacrément étudiée par Franck Thilliez (les rêves, les troubles du sommeil, etc.), servie par une langue certes simple, mais qui sert la cadence du récit plutôt que le desservir par des formulations ampoulées de mauvais aloi. Ce qui me sidère, c’est que ce livre est constituée d’une pléiade de moments, d’événements ou de personnages, dont chacun est en soi une graine, une piste pour un ouvrage indépendant : depuis l’histoire de l’écrivain jusqu’à cette vengeance terrifiante, de ce Freddy à l’accident de voiture, de la narcolepsie d’Abigaël à cet étrange livre « La quatrième porte » … Finalement, le seul reproche que je pourrais trouver à ce roman, c’est presque cet excès d’histoires et de complexités : l’auteur, brillantissime, conserve sa ligne directrice, son point d’arrivée et son cheminement littéraire comme chronologique, mais l’accumulation de situations incroyables, de protagonistes atypiques et de procédés parfois vus ailleurs (il y a du Harlan Coben dans le chapitre 83, je trouve, sans parler du film « Memento ») m’a parfois fait tiquer. Néanmoins, pour résumer mon sentiment au sortir de ce bouquin, je reprendrai volontiers deux titres de Franck Thilliez, juste pour leur valeur et leur sens : « Puzzle » et « Vertige ».

    04/02/2018 à 18:24 9

  • Les grandes fêtes

    Craig Johnson

    8/10 Une nouvelle prenante, efficace et très amusante, qui me fait penser à une bonne blague, ou plus exactement à la manière idoine de la raconter : un décor et des personnages bien plantés, on se demande au départ où veut nous emmener l’écrivain, une histoire très habilement menée avec ce qu’il faut de doutes et d’incertitudes dans notre petite tête, et une chute bien amenée et inattendue, en plus d’être drôle. Un nouveau régal de malice, d’humanité et d’humour, en plus de donner envie d’en savoir plus sur la religion juive.

    04/02/2018 à 18:22 6

  • Death's Choice tome 1

    G. O., Tatsuhiko

    7/10 Un bon petit manga, qui conjugue suspense et humour, avec de justes remarques quant à la popularité factice, l’impact des réseaux sociaux, le harcèlement et les relations si particulières entre des élèves. Un petit jeu de massacre intéressant, sans jamais pour autant renouveler le genre, mais qui tient habilement la route et s’achève sur une nouvelle série de votes, cette fois-ci via une urne.

    04/02/2018 à 18:21

  • Sombre vallée

    Thomas Willmann

    9/10 Dix-neuvième siècle, dans un village isolé des Alpes, tenu sous la coupe du vieux Brenner et de ses fils. Un homme arrive. Il s'appelle Greider. Un peintre. Un inconnu. Il s’installe chez une veuve et sa fille, et souhaite passer l’hiver qui se présente à croquer les paysages locaux. Ce sont bientôt les enfants de Brenner qui meurent les uns après les autres.

    Avec cette ébauche de résumé, il n’est guère besoin d’être un grand clerc pour reconnaître les ambiances et scénarios propres à certains westerns. De L’Homme des hautes plaines à Pale Rider en passant par nombre d’autres films, notamment de Sergio Leone, tout le monde voit déjà venir les passages obligés, voire les clichés : la communauté retirée, le magnat et sa famille autocratique, le horsain venu appliquer avec ardeur une vengeance, etc. Lorsque l’on lit ce Sombre vallée de Thomas Willmann, c’est indéniable, ces poncifs se produisent. Mais avec quel régal. Ce livre est en soi un paradoxe : le fond est connu, mais c’est ici la forme qui l’emporte. Un véritable festin de mots et de maux. Une écriture remarquable pour décrire ces paysages esseulés et enneigés. Le village recroquevillé sur lui-même, ses croyances ancestrales et ses propres couardises, assumées comme un élément de son ADN. La mainmise d’une dynastie cruelle et impitoyable, ayant élevé le droit de cuissage et des grossesses forcées au rang de dogme. Il faut attendre le quatorzième chapitre de ce récit et sa soixantaine de pages pour comprendre les origines exactes de l’immense rancœur de Greider à l’encontre des Brenner, avec un magnifique et terrifiant télescopage de deux époques pour un mal commun. Des scènes d’une violence brute surgissent de ce passage, mettant en exergue la bestialité des hommes, avec notamment ce gamin capable de trouver l’idée de briser physiquement un de ses congénères à coups de fléau, un prêtre se prêter à la terrible redite de la crucifixion, et des conseils zélés de cette meute de psychopathes quant à l’emplacement exact des clous à enfoncer dans une chair humaine pour s’assurer une correcte stabilité.

    Un récit glacé et glaçant, qui joue sur les codes traditionnels du western pour mieux les faire exploser par le truchement d’une langue marmoréenne. Une histoire quasiment privée de tout dialogue, uniquement fondée sur des descriptions remarquables de ces panoramas hiémaux et de ces personnages atypiques, où serpente, au milieu de la lâcheté des uns, la fureur des survivants. Un roman dont on n’a pas fini de mesurer l’insondable noirceur.

    24/01/2018 à 20:03 4

  • Jumelles en détresse

    Christian Grenier

    7/10 Hercule, sympathique chat policier, apprend la disparition de deux siamoises jumelles. Accompagné de Siam, sœur des matous, il décide de mener l’enquête.

    En grand connaisseur de la littérature policière pour les jeunes, Christian Grenier sait bâtir une intrigue et la mener jusqu’à son épilogue. Ici, au même titre qu’avec les autres opus de cette série, ce roman séduit de bout en bout. Le langage est simple mais efficace, et l’on ne peut qu’être séduit par la personnalité de Hercule, félidé espiègle et têtu. Hercule va rencontrer d’autres chats assez patibulaires, au moins de prime abord, et découvrir un inquiétant trafic d’animaux. Les pages défilent rapidement et aisément, et l’on ne perd pas une miette des rebondissements de ce livre malicieux et vif, comme l’est le héros. Un bouquin agréable, facile à lire, distrayant en diable, et qui permet de passer quelques délicieuses dizaines de minutes de distraction.

    24/01/2018 à 19:59 2

  • Les Secrets de la pierre d’Égypte

    Dan Metcalf

    8/10 Terreur ! Quelqu’un s’est introduit dans le British Museum. Rapidement, Lottie Lipton, aidée de son grand-oncle Bert et de George, factotum, se lancent dans une enquête afin de retrouver un mystérieux trident.

    Au même titre que La Malédiction du chat du Caire, Dan Metcalf réjouit avec ce livre-jeu très prenant. L’intrigue reste assez simple mais efficace, et les diverses énigmes mises en travers du chemin du trio de limiers sont attachantes. D’ailleurs, l’ensemble se situe un cran au-dessus de ce que l’on a pu trouver dans l’autre opus des aventures de l’espiègle Lottie. En effet, les devinettes sont un peu plus originales et excitantes, avec des codes secrets à décrypter. D’autre part, on prend plaisir à voir cette fine équipe affronter Bloomsbury Bill, un redoutable malfaiteur. Et c’est ainsi une bien fière Lottie qui, inspirée par l’inspecteur Blade, un officier qui signe des histoires policières dans le magazine Enquêtes et Mystères, saura venir à bout de cette intrigue.

    Un concept toujours aussi intéressant, avec cet écrin constitué non seulement du roman, mais aussi d’un carnet de notes et d’un crayon, permettant ainsi aux jeunes lecteurs de prendre part à la résolution des différents problèmes. Un délicieux petit régal.

    24/01/2018 à 19:54 2

  • Photos de malheur

    R. L. Stine

    6/10 Une suite intéressante à « Dangereuses photos », même si cet opus tient plus, à mes yeux, de la redite ou de la réinterprétation que de la réelle suite. Toujours un ton et une écriture efficaces, mais, comme pour Mamboo, l’effet de surprise n’existait plus véritablement pour moi. Néanmoins, cela se laisse lire avec plaisir, jusqu’à la chute, qui n’en est pas vraiment une, ou alors qui appelle un troisième roman quant à cet appareil photo maudit.

    21/01/2018 à 18:18 1

  • Une Etude en rose

    Mark Gatiss, Jay, Steven Moffat

    7/10 Une relecture sympathique et enlevée de l’œuvre d’Arthur Conan Doyle, qui correspond ici, plan pour plan, au téléfilm de la récente série télévisée. Pas mal d’humour, un Sherlock Holmes toujours aussi brillant, asocial et délirant, et la liaison amicale naissante entre lui et le docteur Watson. Une sombre et impénétrable histoire de suicides par empoisonnement qui ne résistera pas à la sagacité du célèbre locataire de Baker Street. Un régal pour les fans de la série, peut-être un peu moins pour les autres, tandis qu’à la fin de cet opus naît l’ombre inquiétante du terrible ennemi de Sherlock, à savoir Moriarty.

    21/01/2018 à 18:17 1

  • Détective Conan Tome 31

    Gosho Aoyama

    7/10 Encore un bon opus pour Gosho Aoyama, avec des histoires prenantes et bien construites. Au programme : la résolution de l’intrigue clôturant le tome 30 ; une histoire de trésor avec, en toile de fond, des paris sportifs, une forêt maudite et le monde des sumotoris ; un pêcheur retrouvé mort dans un filet sur la plage ; une étrange disparition d’un cadavre de pratiquant de kendo ; enfin, le début d’une histoire de voyage organisé et de jeu de rôles qui se termine par la découverte d’un grand brûlé encore vivant. Toujours aussi efficaces et intelligentes, ces saynètes sont parfois un peu tirées par les cheveux dans leur résolution, mais la concision de chacune d’entre elle empêche toute lassitude ou ennui, et l’ensemble se lit toujours avec entrain.

    21/01/2018 à 18:16

  • La Tour, prends garde !

    Paul Kinnet

    5/10 Je suis très rapidement rentré dans le livre, emporté par une écriture efficace, un style simple et une intrigue qui promettait beaucoup. Mais j’ai assez vite déchanté. C’est certain, dans l’ensemble, ça se lit facilement, sans le moindre déplaisir, mais on reste un peu le derrière entre deux chaises. De la noirceur ? Non, pas vraiment. Du suspense ? A part quelques épisodes – comme la révolte des Iraniens ou l’anecdote finale quant au visage de Lorena, tout est téléphoné. De l’originalité ? Oui, un peu, mais ça reste souvent caricatural : les réactions des hommes politiques cités, le préfet, le chef du GIGN – un peu trop cowboy, les policiers dépassés, etc. J’aurais bien aimé plus d’action, ou de noirceur, ou de finesse psychologique – Lorena, la « patronne », aurait pu constituer un personnage redoutable, finement analysé, et donc très marquant – mais il n’en est rien. Assez désenchanté, au final, comme si Paul Kinnet, même s’il signe un bouquin qui se laisse lire, avait refusé de cocher les cases qui se présentaient à lui et de choisir parmi les différents styles possibles.

    21/01/2018 à 18:13 3

  • Blood Father

    Peter Craig

    9/10 par El Marco aujourd'hui

    Lydia a dix-sept ans et elle est en cavale. Son amant et pygmalion, Jonah, est mort. Elle vient de lui tirer dans la gorge. Jonah était un escroc, spécialiste de la drogue, sa création et son transport. Mais quand il lui a demandé d’abattre un homme, Lydia a refusé et tourné le canon de l’arme contre ce caïd. Désormais, elle doit fuir les anciens compagnons du défunt. Elle ne peut trouver de l’aide qu’auprès d’une personne : John Link, son père. Pour ce dernier, ce sera peut-être la dernière occasion de renouer avec sa fille.

    Peter Craig n’a pas une bibliographie très riche, avec trois ouvrages parus, dont seulement deux parus en français. Et le moins que l’on puisse dire, après avoir lu ce Blood Father, c’est que la qualité vient pallier la piètre quantité. Ces presque quatre-cents pages tiennent de la virtuosité littéraire. Le lecteur est placé, dès le premier chapitre, dans l’épicentre du meurtre qui bouleversera à jamais la vie de Lydia puis de John. Les mots sont fabuleux, choisis avec un goût rare, oscillant entre poésie et réalisme cru. Peter Craig a opté pour le choix judicieux des flashbacks, nous permettant de mieux connaître les divers protagonistes. John, biker, mouillé dans de nombreuses histoires de drogue, mis en prison pour le meurtre de l’un des siens qui l’a trahi, capable d’ouvrir des flots entiers pour protéger sa gamine, tenter de rattraper le temps perdu, lui inculquer quelques fragments d’éducation, et bien évidemment la sauver. Un personnage remarquable, loin des clichés inhérents du genre. Lydia, dont la naissance fut déjà compliquée, devenue ensuite une enfant colérique, autodestructrice et mal dans sa peau, au point de fréquenter les pires engeances de la terre. Ursula, mère de Lydia, ayant succombé au charme viril et atypique de John, et ayant rapidement abandonné sa charge de tutrice face aux frasques de sa descendance. Et Jonah, terrible manipulateur, à la fois chargé de colères brûlantes et animal à sang froid, et à propos duquel le dix-septième chapitre livre un rebondissement enthousiasmant. Des individus forts, denses, aux trajectoires faites d’angles torturés et de lignes brisées. Peter Craig n’en oublie pas quelques salutaires touches d’humour, notamment dans les dialogues père – fille. Au fil de ces pages d’une immense justesse ponctuées de scènes mémorables – l’arrivée des copains de Jonah devant la caravane de tatouage de John, le proto-État que le Prêcheur a voulu instaurer pour les Hell’s Angels, ou l’épisode final dans le désert –, l’auteur déploie un rare talent de conteur, trouvant toujours les mots justes pour décrire l’être humain dans ce qu’il a de plus profond, entier et complexe. Une littérature de haute volée, entre le blanc et le noir, qui nous grise. A noter, une anecdote amusante : dès la deuxième page, Lydia repère une publicité pour un film qui dit : Il a le pouvoir d’entendre les pensées des femmes…. Il s’agit du film Ce que veulent les femmes avec Mel Gibson, le même acteur qui va incarner, onze ans après la sortie du roman, le rôle de John Link dans son adaptation cinématographique.

    09/01/2018 à 20:32 5

  • Bloc 11

    Pierro Degli Antoni

    8/10 Au milieu des années 1990, par un étrange hasard, Moshe entend sur un bateau une formule, Mützen ab, à savoir Enlève ton chapeau en allemand. Une phrase qui le renvoie une cinquantaine d’années plus tôt, au camp d’Auschwitz. Alors emprisonné dans ce camp de concentration et d’extermination, trois prisonniers avaient trouvé le moyen de s’échapper. Le commandant du camp, Karl Breitner, ordonna alors que dix détenus seraient placés dans une sorte de buanderie, le bloc 11, afin qu’ils décident qui d’entre eux serait fusillé au petit matin. Dans la même nuit, Breitner va jouer une étrange partie d’échecs avec son jeune fils Felix.

    Très difficile, voire impossible de ne pas frémir en lisant ce roman de Piero Deglia Antoni. Un livre sombre et glacial, plongeant le lecteur dans l’enfer concentrationnaire d’Auschwitz. Des mots secs et acérés, rendant palpable les horreurs du génocide des Juifs. Des conditions de vie atroces, décuplées par la cruauté des geôliers et autres kapos responsables de l’encadrement. Dans ce huis clos terrifiant, les individus, relégués au rang de bétail à qui l’on prête un minimum de libre arbitre devront donc décider qui des leurs sera sacrifié afin de sauver la vie des neuf autres codétenus. Des pourparlers, des atermoiements, de saines réflexions, et de très pertinentes pensées quant à la rédemption et la culpabilité. Dix êtres vivants très différents, depuis l’homosexuel à la brute criminelle en passant par le rabbin, le fils de SS ou un riche homme d’affaires. Piero Deglia Antoni a su apposer sur ces âmes et ces situations des termes humains, crédibles, avec une réelle légitimité morale et historique, remerciant à la fin de son ouvrage Nedo Fiano, écrivain ayant survécu à Auschwitz. La partie d’échecs entre le Sturmbannführer et son fils unique est aussi très intelligente, puisque, dans un souci pédagogique, il va tenter d’inculquer à son enfant des principes et des conseils quant à la manière de mener une guerre psychologique, briser un moral, jouer sur les altérités d’un groupe hétérogène, etc.

    Un ouvrage dense et poignant, tenant à la fois de la littérature noire et blanche, qui grise le lecteur de bout en bout.

    09/01/2018 à 20:30 9

  • Projet Sin

    Lincoln Child

    7/10 A l’institut de recherche Lux, un think tank regroupant de nombreux scientifiques, l’un d’entre eux, Willard Strachey, bascule dans la folie : il se suicide en plongeant sa tête sous une fenêtre et en se décapitant. L’énigmologue Jeremy Logan est engagé pour enquêter sur ce décès fort mystérieux, ce qui le mène vers l’aile ouest du bâtiment et une étrange machine…

    Après Deep Storm et La troisième porte, Lincoln Child met une nouvelle fois en scène Jeremy Logan, qui est un personnage suffisamment attachant et original pour entraîner l’adhésion du lectorat. Brillant, physiquement séduisant, doué d’une empathie presque surnaturelle, s’adressant parfois à haute voix à son épouse récemment décédée, il est expert dans les résolutions des problèmes en apparence impossibles à démêler. D’ailleurs, sa scène d’introduction, ou comment il mystifie son public à propos du monstre du Loch Ness, est un petit régal. Et ce qu’il va découvrir et affronter dans ce manoir de Rhode Island est rapidement alléchant : des individus qui se mettent à entendre des voix, persistantes et insoutenables, au point de les pousser à attenter à leur vie. L’écriture est à la fois simple et efficace, et les quelque quatre cents pages défilent à toute allure. Les ambiances alternent avec intelligence, passant du classique mais jouissif whodunit au roman d’aventures, avec un soupçon de surnaturel et de techno-thriller, sans oublier une dose d’espionnage. Un panachage des genres que Lincoln Child maîtrise parfaitement, là où l’on aurait décemment pu craindre un embrouillamini indigeste ou un brouet dans lequel toutes les saveurs se seraient annihilées. En revanche, le récit souffre de quelques longueurs un peu inutiles, d’incursions pas assez vulgarisées dans certains domaines trop techniques et pointus, et principalement d’un manque de suspense réel quant à la nature et les effets de cet étrange appareil confiné dans la pièce dérobée. Les indices sont trop nombreux et les cas de folies chez les scientifiques suffisamment abondants pour que le lecteur, même distrait, ne comprenne pas rapidement les risques qu’il engendre.

    Ce Projet Sin n’en demeure pas moins un roman sacrément distrayant, prenant du début à la fin. L’archétype du bon bouquin de plage pour bronzer tout en se délassant, ou apte à devenir un blockbuster hollywoodien.

    09/01/2018 à 20:27 5

  • Overdrive

    Gérard Lecas

    6/10 … ou comment j’ai cru, presque jusqu’au bout, que le titre et le résumé de la quatrième de couverture n’avaient aucun rapport avec le roman. Un vrai millefeuille littéraire, que ce livre, ou plus exactement une succession d’histoires qui ne semblent avoir aucun lien les unes avec les autres. Cela commence par un trafic de drogue venant de Chine, un responsable assassiné, puis la disparition de vingt kilos de d’héroïne. Par la suite, apparaît le Premier Ministre de la France, puis des attentats, des collusions interlopes entre tous ces milieux, et des grenouillages multiples. On ne sait que plus tard le lien entre Serge – le premier maillon responsable de la perte de la drogue – et l’homme politique, et tout commence à prendre sens. Pas du tout inintéressant, cette intrigue, même si pas mal d’éléments et autres ressorts me semblent un peu trop capillotractés, ou alors pas assez développés (le livre ne faisant qu’environ deux cents pages). C’est finalement le lien et l’histoire entre Serge et le Premier Ministre que je vais garder en tête, avec ce final, où l’overdrive de cette Volvo 123 GT va enfin venir jouer son rôle, faire écho à un passé douloureux, et clore la boucle scénaristique de ce livre. Peut-être rien de transcendant ni de très novateur, mais je l’ai globalement bien apprécié.

    07/01/2018 à 00:11 3

  • Prophecy - The Copycat tome 1

    Fumio Obata, Tetsuya Tsutsui

    7/10 Une ouverture de série intéressante, avec cette amitié entre Takeru, Sota et Kyoko, qui sera métamorphosée suite au viol de Kyoko et la lente volonté de vengeance de ce trio, qui va copier les actes et méthodes du Paperboy. Un spin-off intéressant, comme assez souvent avec Tetsuya Tsutsui, avec également les graphismes sombres et efficaces de Fumio Obata. Il est bien évidemment un peu trop tôt pour se prononcer avec un seul opus, mais voilà une série engageante qui je vais tâcher de suivre de plus près.

    07/01/2018 à 00:09

  • No Guns Life tome 2

    Tasuku Karasuma

    9/10 Encore une fois, je me suis laissé happer par le rythme et l’inventivité de cette série. Un graphisme remarquable allié à un scénario très réussi, et les pages ont défiler d’elles-mêmes entre mes mains jusqu’à la fin. L’apparition et les exactions de ce robot, Gondry, qui s’en prend à d’anciens membres de sa section, sont les éléments marquants de cet opus qui s’intègre avec maestria dans le cours de la saga. Du panache, de l’originalité tout en exploitant les codes du genre, de l’action, et une âme réelle pour ce manga plus que réussi. Un exemple marquant à mes yeux de cette réussite : la dernière enquête, présente en fin d’ouvrage, qui est plus un bonus qu’autre chose, vaut à elle seule le déplacement, avec cette histoire qui mêle un contrat octroyé par une gamine à Jûzô pour tuer un homme qui prostitue de force des enfants et… qui amène à de multiples rebondissements d’une extrême qualité. Une véritable pépite !

    07/01/2018 à 00:08 1

  • Ninja Slayer tome 1

    Bradley Bond, Yûki Yogo

    7/10 Un mélange détonnant de baston, de suspense et d’humour. Des scènes d’action à revendre, avec des clones-yakuzas, des zeppelins en forme de poissons dirigés par des super méchants, un tueur capable d’enflammer ses victimes avec ses poings, un ninja robot, etc. En plus de cette multiplicité de bagarres, un ton sacrément décalé, avec un humour inattendu, presque parodique, pour un manga qui, au final, parvient à trouver justement l’équilibre entre les attendus d’un tel récit et cette malice.

    07/01/2018 à 00:07

  • Les Enfants du labyrinthe

    Claude Carré

    7/10 … ou comment Jenny, Yann et Michka se retrouvent, suite à un souci lors d’un voyage en immersion linguistique en Angleterre, aux prises avec une étrange vieille dame en la personne de Mme Gilbraith. Une maison, labyrinthique, dont les murs pivotent pour en faire un dédale mouvant, et deux puis les trois malheureux gavroches qui doivent affronter cette terrible harpie, et dans le même temps libérer deux gamins de leur âge. Une écriture simple et efficace, des illustrations très jolies et appropriées, et un suspense bien mené pour cet ouvrage destiné à la jeunesse qui se lit vite et facilement. Seul regret : les motivations psychologiques de la kidnappeuse ne sont pas du tout abordées.

    07/01/2018 à 00:07 2