El Marco Modérateur

3494 votes

  • My Home Hero tome 4

    Masashi Asaki, Naoki Yamakawa

    8/10 Le quatrième tome d’une série qui ne cesse de me surprendre en raison du paradoxe suivant : un graphisme simple et épuré, et une intrigue d’une rare plausibilité, et en même temps, je me prends au jeu comme ça n’est guère permis. Ici, l’épouse de Tetsuo prend davantage d’envergure. J’avais un peu perdu le fil de l’intrigue, mais là encore, sa simplicité la rend rapidement familière. Un découpage pertinent en chapitres courts, et même si une petite partie de l’effet de surprise s’est éclipsé, la magie demeure.

    20/02/2020 à 08:20 2

  • Perfect Crime tome 8

    Yuya Kanzaki, Arata Miyatsuki

    8/10 Cet opus revient sur les derniers événements ayant eu cours lors du tome précédent (le 7), avec notamment le sort de Yuika Yame. Puis une fraude dans une entreprise alimentaire, un trouble familial à propos des liens du sang, une confrontation machiavélique où il faut peut-être tuer pour tout simplement survivre, et une vieille connaissance d’Usobuki qui réapparaît, laissant le suspense planer à la toute fin de cet ouvrage. Vivement la suite !

    20/02/2020 à 08:19 1

  • L'Homme à l'oreille croquée

    Jean-Bernard Pouy

    8/10 Un simple accident ferroviaire. Voilà ce qui fait se rencontrer Marcel Bonnefond, quinze ans, et Marie-Claude. Ils vont vivre quelques heures l’un accolé à l’autre, dans un huis clos de corps charcutés par le déraillement, et au terme duquel Marie-Claude va manger l’oreille de Marcel, sous l’effet de la douleur. Mais une jonction des corps aussi brutale et atypique ne peut s’achever avec l’intervention des secours : sans le savoir, ces deux-là vont se retrouver et vivre encore bien des péripéties.

    Jean-Bernard Pouy n’est pas un auteur comme les autres, et ce roman, datant de 1987, le prouvait sans mal. Un postulat de départ complètement foutraque, mémorable et hilarant, servi par une plume remarquable, où le lyrisme côtoie l’argot et les jeux de mots complètement foufous. Un pur moment de délire, entre l’acide et l’absurde, qui chasse le cafard et épuise les zygomatiques. Mais cette fusion de chairs et de fer se poursuit quand Marcel se décide à retrouver la trace de sa belle et plantureuse gobeuse d’oreille, avec une question lancinante : l’a-t-elle ou non avalée, au point de transformer la vie de ce candide adolescent en Van Gogh des temps modernes ? La suite du récit glisse sur ces mêmes rails de la dérision, plaçant nos deux protagonistes face à des hommes méchants, retors et déterminés. Des épisodes échevelés, trempés dans l’encre du saugrenu et du cocasse, qui n’empêchent pas certains passages plus anxiogènes voire sombres, comme cette traque dans le train ou cette main armée tranchée à la machette. Et il ne faut pas non plus passer sous silence cette scène – ou plus exactement cette tirade – finale, où Marie-Claude – à moins qu’il ne s’agisse d’Arlette ? – certifie sans doute possible sa profession.

    Un roman de cent cinquante pages, court et très enlevé, où Jean-Bernard Pouy démontre toute l’étendue de son talent ainsi que la large palette de ses capacités, tant scénaristiques que littéraires. Un grand – et court – moment de lecture distractive.

    17/02/2020 à 08:18 7

  • Killer T

    Robert Muchamore

    8/10 Dans un futur très proche, la jeune Charlie est condamnée, à tort, pour avoir posé une bombe dans son lycée. C’est Harry, jeune émigré aux Etats-Unis et apprenti journaliste du même âge, qui a couvert l’événement. A sa sortie de prison, Charlie découvre un monde changé : il est possible de pratiquer des améliorations génétiques, mais cette démocratisation de la science va également engendrer la création par des malintentionnés d’un virus monstrueux, le Killer T, et qui va permettre à Harry et à Charlie de se retrouver.

    Robert Muchamore, le cultissime auteur des séries CHERUB, Henderson’s Boys et Rock War, nous revient avec ce roman, toujours destiné à la jeunesse. On y retrouve la plume expérimentée de l’écrivain, qui sait si habilement tisser une intrigue solide tout en décrivant des protagonistes dans lesquels le lectorat saura se reconnaître. Comme dans ses autres ouvrages, Robert Muchamore bat en brèche l’idée selon laquelle les livres destinés aux jeunes doit être aseptisée : ici, il y a de la violence, du sexe, des préoccupations typiquement adolescentes, et des morts, même si tout cela est bien évidemment décrit avec retenue. Harry, en jeune reporter cherchant à marcher dans les pas de sa défunte mère journaliste, est immédiatement sympathique, mais il n’est pas le seul personnage marquant. Charlie, experte en chimie et en création de bombes artisanales, brisée par une justice devant laquelle elle doit céder pour protéger les siens, et recrutée dans un laboratoire de modifications génétiques, l’est tout autant. Le reste du livre est d’ailleurs émaillé de nombreux autres individus forts, depuis ce terrible tueur au chignon jusqu’à Ed, le frère de Charlie, handicapé en raison d’un accouchement compliqué pratiqué avec des forceps. De multiples notions, faisant réfléchir sans jamais devenir moralisatrices, viennent émailler cet ouvrage, comme la justice, la famille, les progrès effrénés de la médecine, l’engagement individuel, le consumérisme, etc. Au gré des quelques cinq cents quarante pages de ce roman qui décrit un futur très proche, ni dystopique, ni onirique, Robert Muchamore sait alterner les moments de passion au cours desquels nos deux héros ne vont cesser de se chercher, les descriptions peu rassurantes quant à cet avenir où les gènes sont altérés pour être plus esthétiques (quitte à créer des chiens, des guêpes ou des araignées monstrueuses), ou encore les passages d’action. D’ailleurs, que les aficionados de l’auteur n’espèrent pas retrouver le rythme échevelé de ses précédents opus : s’il y a certainement des temps morts, c'est parce que ce n'est pas un pur roman d’action ou d’espionnage. C’est avant tout une évocation, tout à fait crédible, d’un avenir proche, alertant sur les périls qu’entraînent l’argent roi et la science sans musèlement, tout autant, à sa façon, qu’un livre d’amour.

    Reconnaissons sans mal à Robert Muchamore l’effort de s’être écarté de sa zone littéraire de confort en proposant un roman très différent de ce qu’il nous a déjà offert, d’autant que cet essai, même s’il souffre de quelques longueurs parfois inutiles, est amplement transformé.

    17/02/2020 à 07:57 3

  • Clémence sénile

    Jean-Charles Fauque

    8/10 Un ex professeur âgé noue une amitié inattendue avec Delphine, une jeune femme qui fréquente la même kinésithérapeute que lui. Les deux êtres en viennent rapidement à habiter ensemble et à vivre une promiscuité platonique avant que la chair, nécessairement faible, ne se mette à parler. Mais lorsque Delphine meurt accidentellement en heurtant de la tête un coin de table, est-ce vraiment un accident ?

    Cet ouvrage de Jean-Charles Fauque séduit dès les premières lignes. Une écriture à la première personne simple et efficiente, avec une grande part dévolue aux dialogues. On est aussitôt intrigué par ce personnage de vieillard, ancien enseignant d’université, dont le quotidien tranquille, voire lénitif, est brusqué par la gouaille, la vivacité, la fausse candeur de sa nouvelle colocataire, et, il faut bien le reconnaître, le trouble érotique que suscite Delphine. L’auteur sème des petits cailloux qui attirent rapidement l’attention : le protagoniste confond les mots, a des moments d’absence, est persuadé que des petites bêtes sont en train d’envahir son appartement : est-ce le début d’une démence ? Dans le même temps, on éprouve un grand plaisir à côtoyer les deux amis de l’homme. Madeleine, ancienne prostituée, ayant noué une relation purement intéressée avec un homme politique, et persuadée que le loto est une vaste manipulation. P’tit Lu, guère moins âgé que le héros, qui l’a connu du temps de la fac, ancien soldat de la Guerre d’Algérie, encore vierge et souvent saoul. Là où Jean-Charles Fauque fait vraiment fort, c’est en induisant le lecteur, en insérant de courts paragraphes décrivant un monsieur très âgé et presque invalide dans un EHPAD, et surtout en faisant de ce récit la description de la déchéance d’un être humain, liée à sa décrépitude mentale.

    Une œuvre à mi-chemin entre la littérature noire et la blanche, savamment construite, et d’autant plus troublante qu’elle nous renvoie, tous autant que nous sommes, à notre simple condition d’individu lambda qui pourra, à son tour, connaître les affres de la dégénérescence.

    15/02/2020 à 07:54 2

  • Féroce

    Danielle Thiéry

    8/10 Des ossements sans tête sont retrouvés au zoo de Vincennes, dans l’enclos des lions. Il s’agit d’enfants. Alix de Clavery, criminologue, ainsi que toute l’équipe de l’OCRVP, pense aussitôt à Swan Blixen, enlevée six années plus tôt. Dans le même temps, le policier Zénard est retrouvé dans l’habitacle de son véhicule, les mains en sang et amnésique, et une brigadière vient de disparaître. Et c’est ensuite une autre gamine qui est enlevée.

    Ce roman de Danielle Thiéry, extrait de la série consacrée à la commissaire Edwige Marion, percute d’entrée de jeu. Forte de son expérience au sein de la police – l’écrivaine a d’ailleurs été la première femme commissaire divisionnaire de l’histoire de la police française, le lecteur est rapidement frappé par la qualité des détails fournis quant aux techniques d’investigation, leur précision, et tout ce qui constitue le vécu de ces hommes et femmes de terrain. Dans le même temps, c’est aussi cette réalité qui va heurter, dans la mesure où ils sont confrontés à un sujet particulièrement sordide : la pédopornographie. Des images lourdes de perversité, mais que Danielle Thiéry ne lâche jamais qu’avec une forme de retenue, sans voyeurisme. L’enquête proposée dans ce tome est assez complexe et dédaléenne, d’autant qu’elle est multiple, et c’est avec plaisir que l’on retrouve les divers enquêteurs de l’Office, avec ici Alix de Clavery en première ligne, et qui va devoir approcher de près l’étrange famille de la Perrière, les propriétaires du zoo. Edwige Marion est encore sous le coup du traumatisme crânien qui lui laisse de sévères séquelles, et c’est peut-être l’une des raisons pour lesquelles Danielle Thiéry la laisse ici en arrière-plan, pour la ménager ou alors préparer un passage de témoin à d’autres limiers. L’intrigue est très réussie, dense et intelligemment bâtie, même si l’on pourra reprocher certaines longueurs ou passages inutiles, comme cette histoire autour de Zénard : elle se montre en effet bien moins percutante que la principale, même si elle contribue à nourrir l’univers des personnages créées par l’auteur. Et il y a des moments forts et marquants, comme ceux où apparaissent de dangereuses fourmis magnans, ou encore les toutes dernières lignes du roman, où les paroles d’une enfant claquent avec dureté et invitent à réfléchir sur leur sens réel, très inquiétant.

    Un roman policier très réussi, même s’il aurait probablement gagné à être raccourci et condensé. Où des êtres humains peuvent se montrer encore plus dangereux et brutaux que des animaux. Même si cette leçon est connue, il est parfois nécessaire de la relire pour se la remémorer.

    12/02/2020 à 17:36 3

  • Je tire ma révérence

    Day Keene

    7/10 … ou comment Hi Shannon, avocat de Los Angeles et récemment nommé procureur par l’attorney général, en vient à totalement dévisser par amour pour sa femme, une jeune actrice. Il faut dire que cette dernière, Sally, revenait du lac Tahoe avec Sonny Blair, un sinistre personnage qui traficote dans le milieu du cinéma, tous deux complètement bourrés, et qu’elle a percuté un enfant mort sur le coup. Alors, pour trouver l’argent nécessaire au silence des parents affligés, Hi accepte de laisser tomber les preuves qu’il a contre Joe Connors, un banquier mafieux, et ce dernier lui offre en retour les dollars nécessaires au silence salvateur des endeuillés. Sauf que, bien entendu, tout n’est pas aussi simple que prévu. De Day Keen, j’avais plutôt aimé « Graine de cimetière », mais sans plus. Là, j’ai trouvé cet opus nettement supérieur. Une plume alerte, qui va à l’essentiel, faisant souvent mouche dans les réparties, avec ce qu’il faut d’humour de temps en temps pour divertir. L’intrigue est un canevas on ne peut plus classique : le magistrat, éperdument amoureux, qui tombe dans un piège aux multiples ressorts, avec pas mal de rebondissements, notamment dans le final. De jolies pépées, une machination certes convenue voire parfois prévisible mais prenante, des personnages qui tiennent bien la route, et un rythme qui ne faiblit pas. J’ai, par exemple, beaucoup aimé ces passages où l’auteur décrit la haine croissante des habitants du patelin d’Elfers pour Hi, croyant que celui-ci a tué, comme une sourde rumeur ou une vague scélérate ne cessant de croître. Au final, même si ce roman, très typique, n’apporte qu’une pierre anecdotique à la littérature noire en général et à mes lectures de cette dernière en particulier, il remplit amplement sa part du contrat, à savoir offrir un agréable moment de décontraction tout en mobilisant ce qu’il faut de dynamisme et de suspense.

    09/02/2020 à 18:52 3

  • Old Boy 5

    Tsuchiya Garon, Minegishi Nobuaki

    8/10 Notre héros Gotô doit désormais faire appel à ses souvenirs s’il veut l’emporter sur l’homme qui l’a fait séquestrer pendant dix années et engendrer sa mort, à savoir Dôjima, et voit arriver une sorte d’arbitre censé l’aider puis son ancienne maîtresse d’école, aujourd’hui écrivaine. Moins d’action que dans les tomes précédents, mais le mystère et le suspense sont à leur comble au gré de ce rendez-vous, avec manipulations et tours de passe-passe, et s’achève avec un sacré rebondissement. De quoi rester ferré à la série !

    09/02/2020 à 18:46 1

  • Détective Conan Tome 64

    Gosho Aoyama

    6/10 Cela commence avec une partie de pêche et ça débouche sur la découverte du cadavre d’une plongeuse sur un rocher isolé : un cadre original pour ce huis clos, et une intrigue sympathique, même si les références à la langue japonaise font que je suis resté un peu « étranger » à la résolution de l’énigme. Puis une histoire ancienne ressurgit, avec cette histoire de cicatrice, rebondissant sur un cold case où il est question d’un homme sifflotant le mythique « Let It Be » des Beatles. L’ensemble m’a paru un brin longuet. Enfin, le Kid réapparaît à propos d’un coffre-fort historique, « Le Blaireau de fer » : saura-t-il éviter le piège qui lui est tendu ? Réponse dans l’opus suivant. En résumé, un ouvrage certes agréable, mais pas assez dynamique à mon goût.

    09/02/2020 à 18:44 1

  • Genocidal Organ tome 1

    Gatô Asô, Itoh Project

    6/10 Un manga qui saisit d’entrée de jeu avec cette découverte, silencieuse et poignante, de charniers. J’ai suivi avec beaucoup d’intérêt Clavis Shepherd, dans cet univers futuriste pourtant assez proche, où quatre soldats américains doivent aller liquider un salopard de criminel de guerre derrière les lignes ennemies, en Géorgie. Un graphisme à la fois léché et minimaliste, avec pas mal de violences (notamment dans les combats et les exécution sommaires), mais qui, dans le même temps, charrie pas mal de clichés : j’ai souvent eu l’impression d’avoir déjà vu ou lu ça ailleurs, au cinéma principalement. Un opus assez court, pas mal de raccourcis et de facilités scénaristiques, voire des invraisemblances, mais le rebondissement dans l’équipe à la fin de ce tome me porte à espérer quelque chose de moins attendu dans les deux prochains.

    09/02/2020 à 18:43 1

  • Les Eaux mortes

    Hugues Pagan

    8/10 Jacques Cavallier voit les événements se déchaîner contre lui en très peu de temps. Un inconnu dépose cent mille francs sur son compte en banque. Son ex-femme vient l’informer qu’une vieille connaissance, Chess, est de retour. Pour cet ancien policier devenu pigiste, les coïncidences ne sauraient ainsi se multiplier sans qu’il n’y ait anguille sous roche. A moins qu’il ne s’agisse carrément de requins.

    Hugues Pagan fait partie de ces auteurs trop rares, et dont on ne saurait rater le moindre rendez-vous offert par la sortie de l’un de ses ouvrages. Ces Eaux troubles était d’ailleurs le premier d’entre eux, paru en 1986, et Payot Rivages a d’ailleurs eu l’excellente idée de le rééditer. On y retrouve un ton très particulier, nécessairement noir, certes, mais sachant se différencier de ses prestigieux confrères américains. Le ton y est sombre, et cette nuance déteint avec bonheur sur les personnages. Jacques Cavallier, désabusé, élimé par trop d’années au service de la police, et ayant dû quitter cette dernière suite à une exécution que la morale réprouve. Il vivote avec ce job purement alimentaire de journaliste dans un journal d’ixième catégorie, tombe sous le charme d’Anita, une jeune beauté qui œuvre elle aussi dans le canard, et voue une passion dévorante, presque addictive, à Dizzie Mae, une Ford dont les galbes et l’habitacle l’apaisent. Dans le même temps, comme dans tout bon roman noir, notre protagoniste va être submergé par des événements tous très crédibles mais dont la superposition va venir contrarier la trajectoire molle et attendue de son existence. Hugues Pagan sait alors se faire le chantre d’une langue surannée, presque morte, oscillant du côté des aphorismes détonants et des dialogues fleuris de Michel Audiard. Les répliques claquent, les situations sont décrites avec un détachement mêlé d’humour noir, et certains personnages (dont l’inénarrable Achille) valent leur pesant de croquignolesque. De petits bijoux d’une cocasserie toujours maîtrisée, jamais graveleuse ni gratuite. A côté de ces nombreuses qualités, l’intrigue ne constitue pas la plus flagrante qualité du récit : à mesure que les pages défilent, on a parfois l’impression que l’auteur délaisse certains aspects, en a oublié d’autres, voire n’y attache qu’une importance secondaire. Et quand arrivent les ultimes pages, il y a comme un goût d’inachevé, avec encore des questions qui restent en suspens, orphelines de réponses. Mais au final, on en finit par s’en contreficher éperdument : ici, la colonne vertébrale, le fil rouge, bref, ce qui compose la saveur de l’ouvrage, c’est la langue de l’auteur, sa verve, et sa façon, si particulière, de dépeindre la société et les individus qui la composent.

    Probablement pas le roman le plus abouti d’Hugues Pagan, mais il serait déplacé, surtout a posteriori, de le lui reprocher puisqu’il s’agissait, rappelons-le, de son premier. Il n’en demeure pas moins que le charme opère malgré son âge. Voilà un trentenaire sacrément séduisant, et encore paré à rayonner pendant d’autres décennies.

    27/01/2020 à 17:48 5

  • Esprit es-tu là ?

    Christophe Miraucourt

    8/10 Maxence appartient à une famille assez étrange. Sa mère se prétend médium et affirme que dans son sang coule la possibilité de dialoguer avec les esprits des défunts. Son fils Maxence ne semble pas avoir bénéficié de ce talent… jusqu’à ce qu’une dénommé Marie, décédée en 1956, lui apparaisse pour lui signaler que l’on va bientôt voler un violon, et pas des moindres : un stradivarius. Avec l’aide de ses deux amis, Andrew et Serena, le voilà lancé sur la piste des futurs voleurs.

    Ce premier tome d’une série consacrée à Maxence et les fantômes constitue un très bon début. Le style de Christophe Miraucourt, à qui l’on doit déjà de nombreux et réussis ouvrages pour la jeunesse, est très agréable et prenant. Les personnages sont bien croqués, même avec concision, et l’on se régale de voir Maxence, Adward et Serena aux prises avec deux voleurs au physique patibulaire et aux intentions criminelles. Marie, en fantôme déluré et facétieux, est également un point positif du livre. Si l’auteur aligne quelques clichés (les châteaux écossais qui ne peuvent être que hantés de spectres, ou les apparitions de la revenante), il faut plutôt voir ces poncifs comme des éléments attendus de la part du lectorat avec que cela fasse écho à leurs propres représentations de ces phénomènes paranormaux. Dans le même temps, Christophe Miraucourt ménage quelques rebondissements habiles (notamment sur la fin, avec la survenue inattendue d’un complice pour les deux malfrats), ou encore des touches d’humour et d’originalité, comme le fait que le père de Maxence, expert en domotique, orchestre les soi-disant séances de spiritisme de son épouse, pour lui permettre de continuer à croire qu’elle dispose d’un don.

    Un polar dynamique et enjoué, sachant tout autant jouer sur les codes de l’univers des fantômes que se jouer d’eux. Une nouvelle réussite littéraire à porter au crédit, déjà fourni, de Christophe Miraucourt.

    27/01/2020 à 17:43 1

  • L'Ecrivain public

    Dan Fesperman

    9/10 Février 1942. Le policier Woodrow Cain, fraîchement muté à New York, se voit confier une affaire criminelle : le cadavre d’un Allemand vient d’être découvert sur les docks. Le limier noue rapidement contact avec Danziger, écrivain public, qui avait eu la victime comme client. Rapidement, les deux hommes en viennent à collaborer alors que les fantômes nazis sont de plus en plus présents de ce côté de l’Atlantique.

    Ce roman de Dan Fesperman est une pépite. Sa plume est un pur régal, sachant aussi bien décrire la ville new-yorkaise que les enjeux géopolitiques de l’époque, sans compter les âmes humaines. Cain, en policier usé, est en soi un modèle du genre : il a dû quitter son précédent poste suite à une arrestation qui a mal tourné, l’a laissé boiteux, et a engendré la mort de son collègue, Robert Vance, qui n’était autre que l’amant de son épouse. Il doit à présent, en plus de son métier, s’occuper de sa fille Olivia, et sans cesse se méfier de son beau-père, Harris Euston, un être qui a le bras long et cherche à lui nuire. Parallèlement, Danziger est également un protagoniste mémorable et mystérieux : érudit, au passé et à l’identité troubles, son physique, prématurément vieilli, n’en recèle pas moins des trésors d’énergie et de perspicacité. L’intrigue est également remarquable, et l’on comprend, avec les notes finales de l’auteur, que la plus grande partie des événements cités sont réels. Un entrelacs d’histoires où se mêlent gangsters, militants pronazis, mafieux prêts à conclure n’importe quelle alliance, et hommes politiques. Et l’on tourne la dernière page, rassasié de tant de connaissances de la part de Dan Fesperman, et repu d’un récit aussi dédaléen que brillant.

    Un petit bijou de roman, quelque part entre le noir, le thriller et l’espionnage.

    27/01/2020 à 17:40 5

  • Trop tôt

    Jo Witek

    8/10 Pia, à peine âgée de quinze ans, se donne à un autre ado à peine moins jeune qu’elle, Nathan. Ce dernier ne vit cette expérience que comme « un coup d’un soir », ce qui plonge la jeune fille dans le désespoir… qui ne fera que s’amplifier lorsqu’elle se rendra compte qu’elle est enceinte. Très peu de pages et de personnages dans ce court texte : Pia, sa cousine Marthe, Nathan, Baptiste, un adolescent qui devient le grand ami de notre si jeune héroïne, et les parents de Pia. La thématique de Jo Witek est de montrer un cas concret de grossesse non désirée, et intervenant presque accidentellement dans le parcours d’un individu qui n’est pas préparée à cela, ni même adulte. Le sujet est on ne peut plus simple, mais les mots de l’écrivaine sont choisis avec tact, élégance, sans jamais être moralisateurs, sauvagement lyriques ni aveuglément engagés. Des attitudes on ne peut guère plus crédibles et saisissantes de réalisme, des comportements hautement humains et bienveillants, et des questions à la fois cruelles et cruciales quant au devenir de Pia. Une œuvre certes féministe et engagée, et qui se paie le luxe de le faire sans tomber dans le moindre excès. Un ouvrage hautement recommandable sur les affres d’une jeunesse qui, parfois, peut faire les mauvais choix et se retrouve donc confrontée à la nécessité de prendre, à défaut d’être la meilleure, la moins mauvaise des solutions.

    19/01/2020 à 08:55 2

  • Old Boy 4

    Tsuchiya Garon, Minegishi Nobuaki

    9/10 Je suis toujours aussi fan de la série, et ce tome 4 ne vient pas démentir ce sentiment. Gotô fait une longue introspection, cherche à se souvenir de l’époque où il était au lycée pour tenter de savoir qui peut lui en vouloir au point de dépenser 300 millions de yens et le faire ainsi séquestrer pendant dix ans. Il rencontre enfin Dôjima dans une longue scène de huis clos dans un bar, et la scène finale, une pêche sur le yacht de Dôjima, n’apporte que quelques réponses tout en prolongeant le suspense et l’immense intérêt de cette série. J’adore !

    19/01/2020 à 08:53 1

  • Ichi The Killer tome 4

    Hideo Yamamoto

    9/10 Ce tome reprend pile là où le précédent s’achève. Pour une fois, Ichi apparaît dès le début (mais disparaît provisoirement presque aussitôt) tandis que les tractations entre malfrats, avec les enjeux de pouvoir, le contrat engagé par l’homme gravement brûlé, connexions et « excommunions » battent son plein. Toujours ce déluge de scènes sexuelles, pratiques SM et violentes (ici, très marquante, ce caïd exécuté par cet inénarrable Kakihara d’une balle tirée… dans l’anus, puis jeté du haut du balcon). On en apprend un peu plus sur le passé et la psyché d’Ichi, notamment avec cet épisode ancien de cette fille violée sous ses yeux, ce qui n’était qu’évoqué jusqu’à présent, ou insuffisamment développé, au gré de son entrevue avec son mentor. Bref, toujours ce mélange incroyablement détonant, déployé avec une maîtrise rare.

    19/01/2020 à 08:51 1

  • Population : 48

    Adam Sternbergh

    9/10 Caesura, au Texas. Des alignements de cabanons où sont réunis quarante-huit personnes sous la surveillance d’un shérif – ou plus exactement, d’un agent de sécurité – et de ses deux adjoints. La particularité de ce bled surnommé « Blind Town » est que ses occupants ne se souviennent plus qui ils ont été. Un programme expérimental, où chacun doit « s’épanouir », délesté de ses mauvais souvenirs, sans contact avec l’extérieur ni possibilité de revenir en arrière. Une terre promise ? Peut-être. Jusqu’à ce que l’on commence à compter des morts…

    Cet ouvrage d’Adam Sternbergh, encensé par Dennis Lehane, saisit d’entrée de jeu par ce postulat si atypique et alléchant. Une expérimentation grandeur nature, sur une petite cinquantaine d’individus qui peuvent tout autant être des anges que des démons, et dont le premier acte est de choisir une nouvelle identité, panachant prénoms et noms d’acteurs et de vice-présidents américains. Mais quand un suicide puis des meurtres surviennent, pour le shérif Calvin Cooper et ses deux équipiers, Robinson et Dawes, l’Eden paraît se transformer en cauchemar. L’Institut, ce groupuscule qui gère ce territoire où règne l’amnésie, dépêche des agents afin d’enquêter voire réguler la situation, mais il n’est pas exclu que les maux ne fassent qu’empirer. Une écriture remarquable, que celle d’Adam Sternbergh, parfois truculente dans ses dialogues et ses descriptions morales, et qui ne cesse d’entretenir le suspense sur les tenants et aboutissants de ce minuscule bout du Texas, régi par des règles si étranges. Même si l’on peut regretter que l’auteur déflore un peu trop tôt l’identité du premier meurtrier, la suite n’en est pas moins incroyablement savoureuse. Des pièces du puzzle, patiemment disséminées dans les pages de ce roman surprenant, viennent s’assembler devant les yeux médusés du lecteur, permettant de comprendre les raisons profondes du déchaînement de violence. Une explication remarquable, indéniablement la marque des grands écrivains : ceux qui savent proposer une entame de récit spectaculaire et mémorable, des rebondissements grandioses et un final tout aussi réussi et concluant.

    Un roman d’une extraordinaire tenue, qui se paie le luxe de mettre en avant des questions élémentaires quant à l’identité, la culpabilité, le pardon et la rédemption, tout en enchâssant ces notions au canevas d’une intrigue dense et inoubliable. Un coup de maître.

    08/01/2020 à 17:20 4

  • L'Affaire Galton

    Ross MacDonald

    8/10 Le détective privé Lew Archer est contacté par un avocat afin de résoudre une affaire épineuse. Il s’agit de travailler pour une dame âgée et richissime, Mme Galton, dont le fils a disparu il y a vingt-deux ans de cela. D’abord dubitatif quant à ses chances de pouvoir retrouver Anthony Galton, Archer va vitre être confronté à un meurtre… puis à une machination ourdie par des lascars prêts à tout pour réussir.

    Encensé par des auteurs comme Pierre Lemaître, Michael Connelly, James Ellroy et James Crumley, Ross MacDonald signait cet opus en 1959. Disons-le d’entrée de jeu : il s’agit là d’un petit joyau de littérature noire. Une écriture sèche et musculeuse, assez avare en détails sur les descriptions visuelles et géographiques, soudainement nerveuse dès qu’il y a de l’action, avec quelques magnifiques moments poétiques, à lire et à relire tant ils sont exquis, et des réparties qui claquent. L’intrigue est un modèle du genre : noueuse, riche en rebondissements, faisant intervenir des personnages interlopes, et mettant à jour une histoire très amorale. Notre détective, Lew Archer, fait preuve d’une opiniâtreté remarquable et d’une sagacité singulière, même si, passage obligé, il perdra physiquement quelques plumes en compagnie des malfrats qui ont ourdi leur plan.

    Un scénario alléchant, pas le moindre temps mort, une écriture experte : Ross MacDonald nous gâtait avec cet ouvrage dont on a encore du mal à se rendre compte qu’il a soixante ans. On a rarement vu un sexagénaire disposer d’une telle tenue.

    08/01/2020 à 17:15 3

  • Le Colis

    Sebastian Fitzek

    8/10 Emma Stein, psychiatre, a bien des raisons de croire qu’elle sombre dans la démence. Elle a vécu auprès d’un père dysfonctionnel, s’est inventé un ami imaginaire, Arthur, plus vrai que nature, puis a été la victime d'une terrible agression due au tueur en série surnommé « Le Coiffeur ». Depuis, elle vit recluse chez elle, jusqu’à ce qu’elle accepte de rendre service au facteur en prenant en charge un colis qui ne lui est pas destiné. Et le chaos éclate de nouveau.

    On doit à Sebastian Fitzek de nombreux thrillers, comme Thérapie, Le Briseur d’âmes, Le Somnambule ou Passager 23. Cet écrivain a toujours su secouer son lectorat grâce à des romans tonitruants, à la cadence échevelée, où les rebondissements abondent jusqu’au vertige, et celui-ci ne déroge pas à la règle. Ces trois cents pages sont un condensé de ce qui se fait de mieux dans le genre : style sec, personnages ambigus, chapitres courts et denses, twists multiples. On se plait à lire la déchéance psychique et morale d’Emma, qui va suivre un véritable chemin de croix mental : est-elle la proie d’une sinistre persécution, ou devient-elle tout simplement folle à lier ? Des situations explosives, des scènes fortes et marquantes (comme la première apparition d’Arthur, ou la découverte du contenu peu ragoûtant de la benne chez l’un des suspects), et un fil scénaristique parfois distendu par la surabondance de révélations et autres fausses pistes, mais jamais rompu.

    Et c’est le souffle saccadé, époumoné, avec un rythme cardiaque à tout rompre, que l’on arrive à l’épilogue. Sebastian Fitzek fait décidément partie des virtuoses du genre, même si le foisonnement des effets peut nuire, aux yeux de certains, à la crédibilité de l’ouvrage. Mais l’auteur est en soi une signature, presque la promesse d’étourdissements : il est peut-être alors inutile de vouloir fouler ses terres littéraires, en toute connaissance de cause, qui serait comme pour un diabétique de pénétrer dans une pâtisserie.

    08/01/2020 à 17:11 7

  • Si les petits cochons te mangent pas

    Luc Fori

    7/10 Une drôle d’histoire, que celle à laquelle est confronté William Carvault. Agent immobilier dans le Berry après avoir renoncé à sa carrière de détective privé, voilà qu’il apprend la disparition du docteur Zircantec, lié à une maison de retraite. Il faut dire que la compagne de William, Heike, est policière. Mais comme les choses simples semblent rarement se présenter sur la route de notre brave héros, voilà que d’autres éléments troublants viennent complexifier l’affaire.

    Après Choc Berry Blues et Connexions tragiques, voici le troisième opus de Luc Fori consacré à William Carvault. Un brave type, d’ailleurs. Plein de bonnes intentions, gentiment gaffeur, affublé d’une compagne capable de sacrés coups de sang et d’un beau-fils sévèrement ancré dans l’âge bête, amateurs de chanteurs classiques du rock et du folk, il a le don de se mettre dans des situations pas possibles tout en étant capable d’éclairs de lucidité. Le titre de l’ouvrage est en soi un avertissement : on est dans le cocasse, le décontracté, l’aimablement gaillard. Il y a en effet dans ce livre de l’humour à tous les étages, aussi bien dans les dialogues que les descriptions de personnages et les situations. C’est un régal de bonhommie que de le voir s’adresser à Suzanne, sa secrétaire qui aurait pu être si désirable si elle n’avait pas été aussi ingrate, ou à Thomas, son beau-fils, apte à tomber entre les griffes de caïds de la cité finalement pas aussi venimeux que ça. Enquêtant sur la disparition de ce toubib dont le nom sonne comme celui d’un médicament, William va connaître, en vrac, la joie de la baignade dans le lisier, tenter d’aider un copain ayant reçu une improbable contredanse au volant de sa deux-chevaux, essuyer des coups de feu, affronter le poison, etc. Une version bien berrichonne et burlesque des Douze Travaux d’Hercule, qui n’engendre vraiment pas la mélancolie, et qui a en plus le tact de préserver une intrigue policière de bon aloi qui, sans être mémorable, se tient très bien.

    Luc Fori nous gratifie d’un opus très divertissant, nous rappelant que le polar peut également avoir une vocation distractive. Une agréable tranche de rigolade, histoire de rompre avec le régime des thrillers nerveux et des livres trop saignants voire présomptueux. Et des tranches comme ça, on en redemande.

    08/01/2020 à 17:06 1