El Marco Modérateur

3583 votes

  • Dragon Head tome 8

    Minetaro Mochizuki

    6/10 Les catastrophes naturelles n’ont pas cessé, et nos expéditeurs s’en rendent notamment compte à l’intérieur de ce centre commercial déserté. Une colonne de feu et de lave semble jaillir de Tokyo et une énorme tornade est en approche. Le graphisme est toujours aussi réussi et angoissant, mettant bien en relief l’ambiance apocalyptique tandis que Teru parvient enfin à rejoindre Tokyo. Cependant, je préférais les premiers épisodes dans le tunnel.

    04/07/2021 à 17:57 1

  • Emerging tome 2

    Masaya Hokazono

    6/10 Le virus inconnu semble se propager de manière fulgurante et la population se met – légitimement – à paniquer. Cette saleté s’en prend également au collagène humain, en rendant la chair des patients molle et déchirable, et il se pourrait qu’elle se propage via les voies aériennes et non avec les explosions de sang. Une esthétique toujours aussi réussie pour un dynamisme qui ne se dément pas, mais je reste un peu sur ma faim concernant l’épilogue : mis à part l’image forte du corbeau – qui est juste une supposition parmi tant d’autres – et que l’on pourrait remplacer, de nos jours, par une chauve-souris ou un pangolin, l’auteur fusionne la fin heureuse un peu déplacée et le traitement trop miraculeusement découvert à une fin plus ouverte et en apparence sombre. Bref, il m’a semblé qu’il ne parvenait pas à choisir l’épilogue afin d’essayer de satisfaire tous ses lecteurs sans pour autant décider entièrement. Dommage.

    27/06/2021 à 09:16 1

  • Emerging tome 1

    Masaya Hokazono

    7/10 Un individu qui grossit subitement après ce qui ressemble à un simple rhume, un visage qui se congestionne, des yeux injectés de rouge, des crachats sanglants, des bulles sur tout le corps… et la mort. Même le médecin légiste ne comprend pas ce qui a atteint le malheureux. Le virus semble se propager via les effusions de sang, s’apparente à une fièvre hémorragique, et il ne ressemble à rien de déjà connu. Un canevas certes classique mais qui, alors que ce manga date de 2004, prend une consistance toute particulière en ces temps d’épidémie de coronavirus. Un dessin habile et efficace, pas le moindre temps mort, une ambiance lourde et anxiogène, des scènes assez marquantes (les geysers ensanglantés par la bouche et lorsque les veines éclatent).

    27/06/2021 à 09:16 1

  • La Foudre de Thor

    Maza, Richard D. Nolane

    8/10 Le puits de forage intrigue tellement les ingénieurs que quelques-uns y descendent à leur tour, se demandant comment il est possible de vitrifier de la glace en observant les parois de la cavité… avant que l’un des hommes soit littéralement happé par une forme tubulaire. L’hypothèse extraterrestre apparaît clairement tandis que Himmler prend la main sur Hitler (façon de parler, puisque l’on voit le Führer avec sa prothèse). Encore un opus très efficace qui se conclut par une démonstration du « Visiteur » tout juste sorti du gouffre du pouvoir de ce phénomène attribué à Thor.

    27/06/2021 à 09:14 1

  • La Cité du dieu perdu

    Grzegorz Rosinski, Jean Van Hamme

    7/10 Toujours dans la continuité des deux précédents opus, où les événements antérieurs sont brièvement résumés, et où Ogotaï s’illustre comme un dictateur brutal et cruel régnant sur les Xinjins. Pas mal d’action dans cet opus, dommage que la couverture dévoile si vite un événement qui n’apparaît qu’à la 33ème page. Une série de règlements de comptes finaux percutants et dévoilés à vive allure, qui panachent SF, fantasy et presque du western, pour un tome encore une fois réussi, réjouissant et fort distractif.

    27/06/2021 à 09:14 2

  • Les Yeux de Tanatloc

    Grzegorz Rosinski, Jean Van Hamme

    7/10 Suite immédiate du dixième et précédent opus, où l’on retrouve nos héros à la recherche de Jolan et de Pied-d’Arbre dans les marécages. Au-delà des pérégrinations de Thorgal et consorts dans cette épaisse forêt, c’est le jeune Jolan qui s’impose comme protagoniste principal de cet opus à mes yeux, avec son caractère déjà bien affûté et ses pouvoirs magiques naissants, proches de la télékinésie, au point qu’il va être intronisé par le peuple qui l’a enlevé sous le nom Hurukan, « celui qui voit ». Une bande dessinée réjouissante et efficace à l’image des tomes précédents, et je me rue d’ores et déjà sur le suivant.

    25/06/2021 à 18:29 2

  • La Meurtrière innocente

    Charles Richebourg

    6/10 « — V’là l’gentil monsieur ! ... » s’écrit Victor, dit Toto, le fils de la concierge. Il parle de Séraphin Pervenche, aussi anodin physiquement qu’unanimement apprécié. En réalité, l’homme est un escroc de la pire espèce, et avec un cynisme consommé. Et quand on le retrouve mort au petit matin, empoisonné au gaz, la thèse du suicide ne tient guère longtemps. L’inspecteur principal Odilon Quentin. Dégarni, gros, endimanché, le policier n’en est pas moins habile, mais tout dans cette affaire pose problème, et ça n’est qu’avec l’acharnement qu’il la résoudra.
    Une nouvelle intéressante et très agréable à lire, où la figure d’Odilon Quentin s’impose dans ce meurtre aux allures de fait divers. Ce qui est étonnant et marquant – plus que la question du mobile et de l’identité de l’assassin, tous deux assez facilement devinables, c’est donc la personnalité du limier qui l’emporte, ainsi que cette intrigue autour du gaz utilisé dans l’immeuble et de l’obstination des policiers, puisque ce n’est qu’au terme d’un interrogatoire où ils vont lessiver et briser le suspect que ce dernier va craquer. En soi, rien d’extraordinaire, mais un bon moment de lecture distractive, ce qui est déjà bien.

    24/06/2021 à 18:36 1

  • Sans lendemain

    Jake Hinkson

    9/10 Dans la seconde moitié des années 1940, la jeune Billie Dixon est chargée de vendre des films – fort mauvais de son propre aveu – à des cinémas qu’elle passe son temps à démarcher. A Stock’s Settlement, bourgade de l’Arkansas, elle fait la connaissance d’Obadiah Henshaw, pasteur de « l’Eglise du Tabernacle racheté », mais surtout de sa femme, Amberly. Entre elles deux, c’est le coup de foudre. Mais l’amour homosexuel n’est guère toléré à cette époque, encore moins lorsqu’il s’agit de l’épouse d’un homme de religion. Et les drames approchent déjà à grands pas.

    De Jake Hinkson, on connaît déjà son surpuissant Au Nom du Bien ainsi que L’Enfer de Church Street et L’Homme posthume. Ici, le roman est très court (à peine plus de deux-cent-dix pages), et la concision est encore relevée par l’écriture si typique de l’auteur : sèche, rognée jusqu’à l’os, et acide comme cela n’est guère permis. En très peu de mots, avec une immense économie de moyens, Jake Hinkson nous glisse, au gré d’un récit à la première personne, dans la peau de Billie Dixon. Elle s’y révèle exceptionnelle de crédibilité et d’humanité, en femme libérée bien avant l’heure, lesbienne ayant collectionné les aventures sans le moindre lendemain, et qui voit en Amberly plus qu’une énième passade, sa possible âme sœur. Les mœurs de cette période sont dépeintes avec une vérité criante, où la religion, le prêt-à-penser et le politiquement correct l’emportent sur tout le reste, les passions y compris. On y découvre des personnages d’une incroyable richesse, comme ce pasteur revenu aveugle de la guerre dans le Pacifique et disposé à toutes les contradictions – même les plus violentes – pour que soit conservée la rectitude morale, Eustace Harington, policier aussi physiquement monumental que mutique et benêt, ou sa sœur, Lucy, son « assistante administrative », en réalité tête pensante de la maréchaussée du comté. Jake Hinkson met en place les rouages classiques du roman noir qu’il serait déplacé de présenter ici, mais ils s’avèrent remarquables de vraisemblance, croquant un à un quelques protagonistes de cette histoire fort sombre, jusqu’au final, aussi sec que poignant.

    Un petit bijou de mécanique que ce Sans lendemain, où jamais Jake Hinkson ne s’épanche en mots inutiles ou surnuméraires. Un style racé, une intrigue forte et mémorable, pour un drame marquant, qui est également une peinture particulièrement féroce des conduites individuelles et collectives, quand la dévotion confine à la plus sinistre des hypocrisies et à la plus dévastatrice des boules de démolition.

    23/06/2021 à 07:04 7

  • Le Verdict

    Nick Stone

    9/10 Elle s’appelait Evelyn Bates. On a retrouvé son cadavre dans la chambre d’hôtel occupée par Vernon James, homme d’affaires riche à millions et récemment élu « personnalité éthique de l’année ». Tout l’accuse. Sa défense sera assurée par le cabinet KPR (entendez Kopf-Randall-Purdom). Dans l’équipe, Terry Flynt, greffier et ami d’enfance, vingt ans plus tôt, de Vernon, jusqu’à ce qu’une histoire de vol de journal intime brise définitivement leur attachement réciproque. Terry va alors être pris dans une série de sentiments contradictoires : doit-il aider Vernon, comme n’importe quel client ? Doit-il tout faire pour se venger de lui ? Et, finalement, ce magnat est-il coupable ou innocent ?

    De Nick Stone, on connaît sa trilogie consacrée à Max Mingus, une remarquable série, et c’est avec autant de surprise que d’appétit que l’on retrouve cet auteur dans un genre très différent, le thriller procédural, où le décor londonien se substitue à l’haïtien. Sept-cent-vingt pages en grand format, près de sept-cent-quatre-vingts en poche, doux euphémisme que de dire que l’ouvrage est consistant. Néanmoins, la plume de l’écrivain parvient sans le moindre mal à sabrer ces longueurs avec un style impeccable où viennent éclater à la surface de ce récit tendu quelques salutaires bulles d’humour. Nick Stone s’est particulièrement documenté sur les rouages de la justice anglaise, les techniques employées par les avocats, l’univers carcéral et la psychologie des jurés, sans jamais que ces fondements instructifs ne deviennent lourds ou inutiles. Avec ses mots, et grâce à la structure parfaite du roman, il réussit à tout rendre passionnant, même les plus infimes détails, comme l’usage et la détection du Rohypnol, ou encore cette histoire de montre Rolex soi-disant rarissime. Terry Flynt constitue un héros très agréable à suivre, jeune époux et père de deux enfants, ancien alcoolique dont les démons vont cependant vite le rattraper, simple greffier, et dont la trajectoire a été brisée net à l’université à cause de Vernon James. Ce dernier est également marquant en nabab, s’étant fait tout seul après l’assassinat particulièrement barbare de son père, et que le mariage avec la belle Melissa n’a pas éloigné des pratiques sexuelles brutales. Il y a d’autres protagonistes tout aussi mémorables, comme Andy Swayne, détective privé anciennement alcoolique, ayant purgé de la prison, parlant plusieurs langues et d’une redoutable sagacité, ou encore Christine Devereaux, avocate atteinte d’un cancer en phase terminale, et brillante dans son discernement et sa clairvoyance quant à la manière de mener les débats. L’intrigue est dense, forte, et, pour résumer, formidable d’un bout à l’autre, où jamais Nick Stone ne s’essouffle.

    Un thriller palpitant, rythmé et de très haute volée, qui, au-delà de sa force et de sa singularité sur un thème pourtant usé jusqu’à la corde, énonce à haute et intelligible voix le talent pluriel de son auteur.

    21/06/2021 à 07:09 7

  • Higanjima tome 5

    Koji Matsumoto

    6/10 Cet opus commence par une belle baston, et le combat continue, notamment autour de ce pont suspendu. Un épisode de la série presque entièrement dédié à l’action, mis à part un flashback qui nous en apprend un peu plus sur ce passé et sur ce qui est arrivé notamment à Kyôko, avec un final « interrompu » avec une scène décisive, mais est-elle réelle ou va-t-elle partir dans le tome suivant sur un rebondissement ? Comme pour les précédents épisodes, je regrette le manque d’originalité, mais le souffle et le dynamisme corrigent un peu ce tir.

    20/06/2021 à 18:59 1

  • Barré

    François Clapeau

    8/10 A Limoges, les policiers Aurélie Laurencin et Donat Vigier sont sur le point d’appréhender un braqueur de bijouteries quand l’improbable se produit : Donat a un malaise. Plus exactement, il se sent dépossédé de son propre corps, incapable du moindre mouvement. Lorsqu’il se réveille à l’hôpital, le verdict des médecins lui tombe dessus comme un couperet : syndrome de Guillain-Barré, une maladie extrêmement rare qui l'immobilise presque entièrement et qui va le clouer dans la paralysie pendant un temps indéterminé. Mais quand une infirmière est assassinée, il comprend qu’il est à la merci d’un tueur bien mystérieux.

    François Clapeau livre ici un roman à suspense court (environ deux-cent-dix pages) et très prenant. S’appuyant sur un pitch original, il plonge rapidement dans le vif du sujet avec un lieutenant de police atteint d’un mal subit et étrange, que l’on pourrait qualifier de saugrenu s’il n’était malheureusement pas si authentique, qui va devoir surveiller sa propre personne, punaisée à l’hôpital, tandis qu’un assassin est peut-être en train de roder autour de lui. Parce que, si Donat est statufié et ne peut plus s’exprimer que par de vagues mouvements de la tête et en écrivant avec un feutre et une ardoise, bourré de médicaments, soumis à diverses machines médicales, il n’en demeure pas moins un policier aux sens éveillés, en alerte, et toujours doué d’au moins une bonne partie de son intellect. Il va observer les médecins, les infirmières, les écouter, analyser leurs propos et attitudes, et faire quelques belles déductions. Un tatouage, un emploi du temps, des interconnexions humaines, et la vérité va lentement apparaître. Mais Donat a-t-il pour autant raison ? Lui qui voit des korrigans dans sa chambre peut-il encore être certain de ce qu’il perçoit et raisonne ? François Clapeau livre un récit sans le moindre temps mort, vif et délicieusement anxiogène, alors qu’Aurélie et d’autres coéquipiers sont toujours en train de traquer ce braqueur qui vient de se rendre coupable d’un meurtre lors d’un hold-up. Néanmoins, là où l’auteur tire son épingle du jeu, c’est dans le final. Un épilogue fort et ouvert, rebattant les cartes jusqu’alors étalées sur la table de cette histoire qui aurait peut-être mérité, çà et là, davantage de noirceur ou de tempérament. Mais cette chute, sacrément intéressante et qui va obliger le lecteur à se poser beaucoup de questions, quitte à lui-même fournir des réponses très personnelles et intimes, constitue cet exquis bouquet final que l’on n’attendait pas.

    Un ouvrage concis et très réussi, où les ultimes chapitres viennent apporter une explication quant au choix du titre en plus de constituer un habile jeu de mots avec le syndrome qui a fauché le héros.

    17/06/2021 à 07:11 6

  • Museum tome 3

    Ryosuke Tomoe

    8/10 Troisième et dernier tome de la série. Sawamura commence à résoudre les énigmes laissées par le tueur à même le sol, sous la forme d’un puzzle, et peut ainsi pénétrer dans le domicile. Piégé, le policier tombe dans un piège digne du film « Seven ». La confrontation avec le tueur en série est davantage psychologique que purement matérielle qui tient plutôt ses promesses, même si je regrette qu’elle soit finalement assez attendue, et donc pas aussi sombre et hallucinée que les deux précédents tomes.
    L’histoire bonus, en trois chapitres, où des amis en viennent à commettre l’irréparable après avoir renversé un inconnu avec leur voiture, est très réussie, avec des ressorts psychologiques et moraux de premier ordre, et une fin percutante. Bref, cette histoire est tellement forte à mes yeux qu’elle en vient à remonter la note globale de ce manga.

    16/06/2021 à 16:19 1

  • Le Mystère des Oghams

    Jean-Luc Istin, Jacques Lamontagne

    8/10 Île de Bréhat, fin du Ve siècle. Un moine est retrouvé dans l’eau, décapité, un pieu planté dans le torse. Ce n’est pas le premier des crimes ainsi perpétrés, mais le troisième, et l’on accuse alors les druides. Gwenc’hlan est un homme respecté, le dernier des druides de la contrée, a comme disciple le jeune Taran, et il a gardé pour le frère Budog une solide amitié, aussi se décide-t-il à enquêter sur ces meurtres, alors que plane l’ombre de plusieurs cavaliers encagoulés.
    Il flotte indéniablement sur cet opus l’ombre, mais c’est assurément plus une référence, un clin d’œil, qu’un siphonage caractérisé, du « Nom de la rose » d’Umberto Eco (la relation élève – maître, le frère aveugle, l’ambiance lourde, le monastère, un mystérieux manuscrit, etc.) pour une BD de bien belle qualité, tant esthétique que scénaristique. Pris par le suspense, je serai assurément au rendez-vous d’autres BD de cette série.

    14/06/2021 à 17:35 1

  • Dragon Head tome 7

    Minetaro Mochizuki

    6/10 La bagarre se poursuit tandis que la ville est grignotée par un immense brouillard/nuage de cendres mais j’en finis par regretter sérieusement les tomes mettant en scène les huis clos dans le tunnel accidenté : ce virage action/apocalyptique est beaucoup moins original. Néanmoins, à ce point de la série, je ne peux plus faire autrement que me la terminer, d’autant que ces vues sur le Mont Fuji, les éruptions, et ce trou gigantesque qui semble plonger au cœur de la planète m’intriguent.

    13/06/2021 à 06:43 1

  • Et si la mer était bleue ?

    Mikaël Ollivier

    8/10 Un garçon s’approche de la mer et joue à faire des ricochets avec un galet, mais il ne s’agit que du rêve d’Alex, une enfant en vacances qui vient de se casser la jambe… dont a rêvé le garçonnet. L’un des deux ne serait-il finalement que le produit de l’imagination de l’autre ? Et si oui, lequel ?
    Très agréablement surpris par cet opus parce qu’il sort du cadre des traditionnelles histoires servies aux jeunes, indépendamment de leurs qualités. Ici, une mise en abyme littéraire de toute beauté, à la fois simple dans la formulation et riche dans le fond, offrant plusieurs niveaux de lecture et proposant un texte qui tire sa force à la fois de l’originalité du pitch, de l’intelligence du final et de la justesse du ton employé par Mikaël Ollivier.

    11/06/2021 à 17:55

  • L'Homme de l'atoll

    José Moselli

    5/10 A bord du bateau « L’Arii » mené par les Larsen père et fils et un mécanicien surnommé « Touloupe », le détective Jack Cavendish cherche depuis quatre jours à atteindre un atoll, quelque part dans les mers du Sud, sur l’archipel des Ellice, à la recherche d’un mystérieux docteur Dan Richardson accusé d’avoir empoisonné un nabab chinois. Une nouvelle sympathique qui tourne autour de l’identité de ce docteur, qui a peut-être pris celle d’une autre personne sur cet îlot. Pas mal de vocabulaire issu du monde du nautisme, une fin qui reste ouverte (le lecteur pourra se forger sa propre réponse à la question du « Et si c’était… ? »), sans rien de bien sensationnel au sein de ce récit très court, mis à part la chute que nul ne peut voir venir et qui clôt, selon moi, de façon insatisfaisante cette nouvelle qui se laisse lire sans pour autant soulever un réel enthousiasme.

    08/06/2021 à 20:00

  • Bletchley Park

    Mark Zellweger

    8/10 Août 1941. Les espionnes regroupées sous le titre d’Espionnes du Salève et basées en Suisse sont devenues les fers de lance de l’activisme antinazi. Ces femmes, mues par des raisons diverses, sont unies dans la lutte contre l’ennemi allemand et prêtes à tout donner pour détruire cette hydre. Et certaines d’entre elles seront d’autant plus zélées que l’on vient de s’en prendre à leurs proches.

    Après le très bon L’Envers du miroir, Mark Zellweger signe ici son deuxième roman de la série consacrée aux espionnes du Salève. On y retrouve le style si particulier de l’écrivain : des phrases courtes et sèches, pour un style simple et direct, et surtout, une documentation et une maîtrise impressionnantes des sujets abordés. D’ailleurs, à cet égard, les pages finales, comptabilisant les « personnages ayant existé, par ordre d’entrée en scène », sont au nombre de cinq. Il faut ainsi souligner l’ampleur de la préparation de l’auteur qui se livre à une reconstitution remarquable du panorama des forces en présence : les divers protagonistes, les services de renseignements, les officines de dénonciateurs et autres agitateurs, les réseaux naissants ou avortés de résistance dans tous les pays concernés, les dates et événements-clefs, etc. Mark Zellweger se fait le scribe adroit d’une époque particulièrement trouble, puisant dans de solides connaissances pour nous rendre l’époque comme les jeux de pouvoir aussitôt accessibles. Dans le même temps, l’intrigue nous fait voyager : du Maghreb à la Libye, de la Norvège à l’Angleterre, de la France à la Suisse, nos héroïnes, femmes au caractère affirmé et d’une rare efficacité, vont déployer des trésors de courage et d’abnégation pour lutter contre les Allemands et leurs séides. Elles vont ainsi guerroyer pour dénoncer les camps d’extermination, mettre à terre une usine utilisant de l’eau lourde, aider à la lutte contre le Generalfeldmarschall Rommel, ou encore aider à empêcher l’infiltration de contre-espions au QG de Bletchley Park. En trois cents pages, Mark Zellweger convainc du début à la fin, même si on peut, à la marge, lui reprocher quelques détails, dans la forme (la surabondance souvent injustifiée de points d’exclamation, ou le recours à l’expression « des plus » qui tourne au tic verbal) comme dans le fond (des protagonistes toujours sauvées de situations inextricables, capables de prouesses physiques qui défient l’entendement, ou dont les succès dans le contrespionnage sont un peu trop énormes pour être crédibles).

    L’auteur, en habile acrobate des mots et intrigues, maintient avec conviction l’équilibre entre l’historicité de certains événements et la fantaisie littéraire qu’il y introduit. Un ouvrage prenant et efficace, et qui donne d’autant plus envie de lire le troisième et dernier opus de la série, Le Pacte Allen Dulles.

    08/06/2021 à 07:05 1

  • L'Affaire des « petits papiers »

    Léo Frachet

    8/10 Désiré Lebœuf ne fait plus partie de la grande maison de la police, et quand un tueur en série étrangle avec un fil de laiton cinq personnes en laissant, punaisés sur leurs vêtements, des bouts de papiers où figurent des additions fausses – d’où le nom d’affaire des « petits papiers », on l’invite presque naturellement pour essayer d’aider les enquêteurs.
    Notre limier, Lebœuf, cumule toutes les qualités psychologiques et professionnelles attendues : jovial, philosophe, observateur, patient, il est également instruit en science criminelle, jovial, et donne parfois l’impression d’être un dilettante, puisqu’il n’hésite pas à quitter la scène pour aller pêcher ou tailler ses rosiers, certain d’avoir fait les bonnes observations et tenu les justes déductions. Bien évidemment, son intelligence ainsi que ses certitudes vont s’avérer pertinentes et mener à la capture du tueur, avec une bonhommie amusante puisque, du portrait général, lors de l’épisode, il ne concèdera ne s’être trompé… que d’un centimètre quant à la taille de l’individu. Un récit efficace, bref et très prenant, en plus d’avoir proposé, bien longtemps avant tant d’autres, une ingéniosité scénaristique, un ressort quant au mobile que reprendra par la suite, parmi tant d’autres, l’immense Georges Simenon. Bref, du tout bon !

    07/06/2021 à 18:12

  • La Genèse d'un poème

    Edgar Allan Poe

    7/10 Une sorte de nouvelle dans laquelle l’immense écrivain revient sur la naissance et la composition de son poème le plus connu, « Le Corbeau ». Trois courts chapitres où il explique son amour pour la poésie en général, comment lui est venue cette idée – avec quelques passages fantasmagoriques avec la rencontre avec l’oiseau, sa « méthode de composition », les rouages de son procédé, les buts auxquels il souhaitait parvenir, la structure de cette œuvre, etc. Un texte riche et dense – surtout lorsqu’il décline l’organisation de cette œuvre, que seuls les spécialistes, je pense, pourront véritablement suivre dans la mesure où ce passage est vraiment consistant et destiné aux techniciens du genre, à réserver certes en priorité aux aficionados de l’auteur, mais qui constitue dans le même temps une lecture enrichissante et indéniablement intéressante.

    06/06/2021 à 18:01

  • Tu me dois un meurtre

    Eileen Cook

    8/10 Kim, adolescente, participe à un voyage culturel avec quelques-uns de ses camarades, direction l’Angleterre. Dans l’avion qui la mène à l’aéroport d’Heathrow, elle se lie avec une fille de son âge, Nicki. Kim n’a alors à la bouche qu’une seule obsession : Connor, son ex, qui est en train de s’amuser avec sa nouvelle copine, Miriam. De fil en aiguille, sur le ton de la plaisanterie, Nicki propose à Kim de se débarrasser de Connor, en échange de quoi Kim tuera la mère de Nicki. Une boutade ? Vraiment ? Quand Connor meurt dans le métro, bousculé du quai et happé par la rame, le doute est permis…

    Si ce pitch vous rappelle furieusement quelque chose, c’est normal : Patricia Highsmith avait déjà imaginé ce troc de meurtres dans son roman L’Inconnu du Nord-Express, adapté au cinéma par Alfred Hitchcock. Mais Eileen Cook ne se contente pas d’une simple relecture, scolaire, et propose une œuvre à part entière, rajeunie et réinventée. Immédiatement, on est séduit par le style de l’écrivaine, très à l’aise dans les descriptions, les portraits moraux et les dialogues. Kim, en ado un peu perdue, fragilisée par la rupture récente avec Connor – qui s’avèrera être un véritable goujat – et ayant eu le tort de prendre la proposition de cette Nicki pour une plaisanterie, séduit. Les autres personnages sont également très naturels et bien sentis, notamment Alex, gentil geek à l’humour irrésistible, solide et au cœur tendre, dont Kim ne va pas tarder à s’éprendre. La structure du roman est une réussite totale, les engrenages apparaissant progressivement et s’emboîtant à merveille, plongeant notre héroïne dans l’incertitude, la paranoïa, une certaine folie, et même à deux doigts de la violence. Succombera-t-elle à cette tentatrice ténébreuse qu’est Nicki ? Saura-t-elle éviter les pièges – nombreux et machiavéliques – qu’elle va lui tendre ? D’ailleurs, jusqu’où va être capable d’aller cette inconnue si malintentionnée ? Le final, en plusieurs temps, éblouit, d’autant que certains éléments, absolument inattendus, ne manqueront pas de séduire. D’ailleurs, il est à noter que, même si Eileen Cook s’adresse en priorité à de jeunes lecteurs, le ton est suffisamment mature, l’intrigue dense et tendue, et l’écriture aiguisée pour passionner des adultes.

    Un livre fort et efficace, toujours crédible, ne cédant jamais aux sirènes des effets faciles, et qui se suit de bout en bout le souffle court. Une structure littéraire implacable pour une réussite totale.

    04/06/2021 à 07:18 1