El Marco Modérateur

3405 votes

  • Les Affamés tome 1

    Kunitaro Tomoyasu

    8/10 Wataru n’est pas un zombi comme les autres. Contrairement à ses congénères qu’il surnomme « les cadavres ambulants » qui ne se nourrissent que d’humains vivants, il n’est pas totalement un mort-vivant, plutôt un homme seulement à moitié contaminé. Il a même une autre particularité : il élève un être humain. Pour le bouffer ? Même pas. Il souhaite faire s’accoupler deux individus normaux afin de faire progresser son élevage d’humains et ainsi museler la crise alimentaire qui guette pour ses semblables zombis. Pour cela, il doit encore mettre la main sur une femme, et à force de traquer, il finit par trouver Tachibana, son amour d’enfance désormais privée de l’une de ses jambes…
    Un pitch délirant, loufoque et original à souhait, qui évite la violence et le gore au profit d’un récit prenant renouvelant un peu le genre, se permettant même des flashbacks intéressants et poignants quant au protagoniste, et avec en plus un graphisme très agréable. On ressent même de belles émotions à propos de Wataru dont les sentiments pour Tachibana ne se sont pas entièrement taris. C’est vraiment bon et efficace, avec de sacrés rebondissements à la fin. Je serai assurément au rendez-vous du tome suivant !

    25/01/2023 à 20:20 2

  • La Vallée fantôme

    Rolland Auda

    8/10 Laurine est en vacances avec ses parents dans le village de Tourneille, dans les Alpes. Solitaire, amoureuse de littérature, elle se lie à trois autres adolescents : Léo, Sacha et Chloé. C’est d’ailleurs ensemble qu’ils découvrent des ruines que nul ne connaît, et au fond desquelles se trouve une créature enfermée dans une cave. Un enfant, semble-t-il, oublié de tous, et prêt à tout pour que l’on s’occupe de lui.

    Après L'Amie du sous-sol, Rolland Auda nous revient dans la collection « Hanté » de chez Casterman avec ce nouvel ouvrage destiné à la jeunesse. Un autre très bon livre. L’auteur n’a pas son pareil pour restituer, avec des mots qui ne sont simples qu’en apparence et une écriture prenante, les décors matraqués de pluie, les psychologies de ses personnages, et une ambiance admirablement anxiogène. On découvre ainsi le village de Tourneille où rôde une vieille dame, Mariette, qui parle d’un mystérieux « enfant maudit ». Dès lors, notre quatuor d’aventuriers en herbe va comprendre que ce dernier est plus qu’inquiétant : capable de leur parler dans leurs têtes, de s’immiscer dans leurs cauchemars, de leur provoquer des hallucinations et même de les contraindre à accomplir des actes dangereux. Qui est-il ? Que souhaite-t-il réellement ? Il faudra attendre le final de ce roman bien mené et aussi menaçant que le panorama montagneux qui ceint nos héros pour le découvrir. On ne voit pas défiler la centaine de pages au gré desquelles le rythme ne faiblit jamais.

    Un très bon livre d’angoisse, où Rolland Auda nous régale de son imagination et de sa maîtrise littéraire.

    25/01/2023 à 07:07 2

  • Ananké

    Jean Bastide, Robin Recht

    8/10 Lu à sa sortie, je garde néanmoins un très bon souvenir d'une BD, avec notamment le trait remarquable de Jean Bastide. Même s'il serait illusoire de parler d'adaptation fidèle en raison de la brièveté de cet ouvrage par rapport à la longueur du roman dont il est issu, le squelette littéraire en a été conservé avec soin, et les deux auteurs ont ainsi rendu un poignant hommage à un non moins poignant livre qui demeure intemporel.

    25/01/2023 à 07:06 2

  • Le Jour des fous

    Jean Bastide, Robin Recht

    8/10 Lu à sa sortie, j'en garde le magnifique souvenir d'une BD esthétiquement ravissante autant que celui d'une histoire intemporelle magnifiquement adaptée par Robin Recht. Le format du roman originel et sa longueur ont certes été écornés par la concision de cet ouvrage mais la magie demeure, et cette redécouverte de l'oeuvre de Victor Hugo a été un véritable moment de délice littéraire.

    25/01/2023 à 07:02 2

  • Neokóra

    Fred Vignaux, Yann

    8/10 Des navigateurs avec Thorgal et Jolan voient une embarcation quand une créature monstrueuse les attaque. Mais au retour à leur village, les habitants, dont Aaricia, sont muets et comme zombifiés, travaillant comme des forçats dans une carrière de pierres. Un opus original, mettant en scène le retour de Kriss de Valnor, et qui mènera notre héros jusqu’en Arctique auprès d’un mystérieux « vaisseau de fer », avec une forte teinte SF qui va crescendo jusqu’au final, inachevé.

    24/01/2023 à 18:50 1

  • Sang-Désir

    Jean Dufaux, Viviane Nicaise

    6/10 Nouvelle variation sur la thématique des « Sang-de-lune », cette fois-ci commençant dans le domaine de l’élevage des chevaux. Malgré l’âge de ce tome, j’ai plutôt accroché au graphisme, avec notamment des trognes habilement ciselées. Une ambiance ésotérique un peu datée vient baigner ce tome où les courses de chevaux s’entremêlent à cette étrange malédiction des « Sang-de-lune » avec, pour la première fois, un peu d’érotisme. Encore une fois, ça se laisse lire, agréablement, sans pour autant que ça ait provoqué chez moi une forte attraction ni des sueurs froides.

    23/01/2023 à 18:19 1

  • Neun tome 5

    Tsutomu Takahashi

    9/10 Un épisode qui commence de façon très étrange, avec Eva Braun et de la physique quantique. On retrouve ensuite nos deux adolescents ayant quitté le four crématoire. Au programme de ce cinquième tome : synchronisation, un traître abattu par un nazi au prétexte qu’un traître peut trahir deux fois, une forme d’immortalité dont Neun serait le noyau, l’origine des 13 enfants conçus avec la semence d’Adolf Hitler et dont Sechs était l’exemplaire le plus réussi, etc. Un graphisme tout bonnement envoûtant et un scénario remarquable de maturité et de profondeur. En d’autres mains, ce manga aurait tourné à l’accumulation de poncifs, au risible ou à l’écœurant : ici, c’est prodigieux de maîtrise et de noirceur.

    22/01/2023 à 08:43 2

  • Tomié tome 1

    Junji Ito

    7/10 On croyait la jeune Tomié morte, avec son corps disloqué en tellement de morceaux (quarante-deux) que certains d’entre eux n’ont pas été retrouvés. Un sombre accident que son professeur et ses camarades de classe ont cherché à étouffer. Jusqu’à ce qu’elle revienne dans la classe (probablement un lycée) comme si de rien n’était. Est-ce réellement Tomié ? Un récit horrifique à l’ambiance lourde et aux effets inattendus (le coup du rein qui transmute) mais qui pousse parfois le bouchon un peu trop loin à mon goût en ce qui concerne l’imagination (par exemple, les ultimes planches avec le type en armure et le monstre aux allures de vers avec les têtes multiples). Ce n’est pas du tout mauvais, loin de là, mais je pense plus simplement que ça n’est pas ma came, voilà tout.

    19/01/2023 à 20:53 2

  • Black-Box tome 4

    Tsutomu Takahashi

    8/10 Reprise des hostilités, à la fois hors et sur le ring. Ryoga en vient à éviter le combat avant le dernier round tandis que Shidoh, exaspéré par ce match où son adversaire s’avère très en deçà de ses attentes, demande sa compagne en mariage au beau milieu de l’affrontement. Mais la suite du combat réserve bien des surprises dans la stratégie suivie par Ryoga (impossible d’en parler sans tout dévoiler), et c’est bien la suite de ce combat qui s’avère presque la plus intéressante (avec une promesse faite entre les deux lutteurs dont on ne sait encore rien, une proposition qu’on ne peut pas refuser… mais que Ryoga va tout de même décliner, la rencontre avec son père au parloir de la prison, etc.). Encore un très bon opus de cette très bonne série, à l’esthétique comme à la psychologie magnifiques et prenantes.

    19/01/2023 à 20:52 2

  • La Selkie

    Fred Vignaux, Yann

    8/10 La petite Louve a été kidnappée et on la retrouve dans une cage aux prises avec une mystérieuse créature, la Selkie, tandis que d’étranges bestioles mais aussi des gamins (les beaux-enfants de la Selkie). Thorgal part donc à la recherche de sa fille, allant à la rencontre de cette curieuse femme. Un tome moins axé sur l’action (même s’il y a pas mal de bastons avec les guerriers autochtones), mais avec davantage de mystérieux, avec les malédictions, la statue érigée à cette femme, etc. Finalement, un peu plus de suspense et d’occultisme, ça offre une sorte d’entracte bienvenue dans cette série qui demeure très chouette à lire et à poursuivre.

    19/01/2023 à 19:54 2

  • Auschwitz

    Pascal Croci

    9/10 Lu peu de temps après sa sortie, mais j'en conserve un souvenir assez précis d'une lecture particulièrement émouvante. Un sujet archiconnu mais une thématique malheureusement impérissable, un graphisme en noir et blanc qui fait parfaitement écho à la douleur vécue par les protagonistes. Un petit bijou à la fois littéraire et historique, probablement l'une des plus belles BD sur ce thème si ma mémoire est bonne.

    19/01/2023 à 07:11 3

  • The Fable tome 6

    Katsuhisa Minami

    6/10 On offre désormais 900 yens de l’heure à notre tueur pour ses dessins. Kojima mûrit son projet d’exploiter des escort-girls tandis que son frère, toujours alité à l’hôpital, contacte Misaki et l’engage pour le sauver de ses activités qui risquent de basculer dans la criminalité et un retour à la case prison dont il sort à peine. Ça tombe même rudement à point : un second sicaire est engagé par un concurrent pour qu’on se débarrasse de Kojima. Un début assez mou et un rythme global aussi peu cadencé que celui du précédent opus. Mais sur le final, Fable semble sur le sentier de la guerre tandis que Misaki apparaît prise au piège d’un contrat de prostitution : est-ce que ça sera enfin le coup de caféine que j’appelle de mes vœux depuis déjà quelques tomes ?

    18/01/2023 à 18:50 2

  • Shinotori tome 1

    Dr. Imu

    8/10 Kurô Akeboshi est transféré par avion de la prison de Fukuoka à celle de Tokyo alors que l’on apprend aux nouvelles que des masses d’oiseux viennent de plus en plus souvent perturber le trafic aérien. Une prise d’otages explose dans l’appareil. Quand Kurô intervient, armé, et fonce dans le cockpit, c’est pour découvrir un véritable massacre… ainsi qu’une monstrueuse créature mi-homme mi-oiseau. Un pitch qui intrigue, une esthétique très réussie, et une chouette imbrication du thriller fantastique, du genre catastrophe et du merveilleux (cf. cette espèce de chimère dans le cockpit ou la jeune fille, Toki, qui s’avère… ailée). La présence de ces mystérieux oiseaux est bien exploitée, depuis ces corneilles/corbeaux aux pies-grièches et leurs sinistres lardoirs, et l’ensemble anxiogène/horrifique (sans pour autant tomber dans le gore), vraiment original et prenant, me convie à passer au deuxième tome.

    17/01/2023 à 19:36 2

  • Manchuria Opium Squad tome 3

    Tsukasa Monma, Shikako

    8/10 Une esthétique toujours aussi admirable tandis que notre équipe menée par Higata Isamu s’infiltre dans le milieu du cinéma. Typiquement le genre de manga qui est si beau que je pourrais le suivre même si le scénario était nul, or il se trouve que l’histoire est au moins aussi réussie que celle des deux précédents tomes. Une entame prenante avec ce personnage (qui ressemble au masque moustachu de « V pour Vendetta ») sait se montrer persuasif avec une simple aiguille. A noter que la séance de torture qu’il mène, sans être gore, est difficilement soutenable davantage par l’implicite que par l’explicite qu’elle charrie. Toujours aussi fort, entraînant, singulier et magnifique.

    17/01/2023 à 18:57 2

  • Mission pôle nord

    Sophie Blitman

    7/10 Avec six personnes expertes dans des domaines divers, tu (la deuxième personne du singulier puisque le livre s’adresse à un lectorat jeune) dois découvrir l’Arctique à travers plusieurs propositions selon les codes classiques du livre-jeu. Au gré de la centaine de passages, cela permettra d’en savoir plus sur ce lieu, sa faune, le dérèglement climatique, les techniques de survie, les sciences. Un ouvrage fort sympathique, plutôt bien mené et avec des réflexions intéressantes sur l’écologie, sans oublier une petite touche d’humour (non, nourrir un ours avec une simple barre chocolatée ne le détournera pas de vous…). Rien de vraiment renversant, reconnaissons-le, mais amplement de quoi faire plaisir à des lecteurs en herbe amateurs de découverte et férus de géographie. Petit bémol très personnel (puisqu’il s’agit là d’une volonté de Sophie Blitman) : impossibilité totale d’échouer, même en choisissant les propositions les plus nulles ou inadéquates, et aussi une forme de linéarité avec une arborescence que je trouve trop réduite, ce que je trouve un peu frustrant, et du coup, peut-être peu d’allant de la part des lecteurs pour reprendre l’ouvrage et tenter des bifurcations différentes.

    17/01/2023 à 18:55 2

  • Manchuria Opium Squad tome 2

    Tsukasa Monma, Shikako

    8/10 Je replonge avec plaisir dans cette série dont j’avais beaucoup apprécié le premier tome, avec un graphisme léché, une histoire originale et un rythme prenant. On découvre Rin, une gamine japonaise qui refourgue de l’opium et que ses parents ont bradé contre cent yuans. Sa relation avec Higata Isamu, le héros, est remarquablement traitée. Un tome toujours aussi magnifique et intelligemment mené, savant également, sachant préserver émotions et force de percussion scénaristique, avec une belle incursion dans le mode de vie des Mongols.

    16/01/2023 à 18:26 2

  • Le Visiteur du Futur - La Brigade temporelle tome 1

    François Descraques, Guillaume Lapeyre

    6/10 Alors que le général de Gaulle est sur le point d’enregistrer son appel du 18 juin 1940, un inconnu le « vaporise » dans les toilettes du bâtiment, prend sa place et dépose une bombe qui explose. De nos jours, Louise a un accident de voiture mais elle en ressort vivante pour se découvrir enrôlée de force dans la brigade temporelle. Elle tombe un peu par hasard dans la trappe temporelle qui l’envoie au moment précis où de Gaulle a été agressé et remplacé. Une esthétique typiquement manga signé d’auteurs français (chose assez rare pour être signalée), avec un ton décontracté sur le thème ultra classique des voyages temporels et des modifications que cela peut générer. Ça n’est donc ni mémorable ni très novateur, mais ça demeure suffisamment distractif et bon enfant. Bémol : le graphisme manga est si appuyé que de Gaulle et Louis XVI ne ressemblent pas du tout à leurs modèles.

    15/01/2023 à 20:41 2

  • Le Chef de Nobunaga, vol.01

    Takuro Kajikawa, Nishimura Mitsuru

    8/10 Un homme au crâne bandé, Ken, cuisinier, se rend compte qu’il a été catapulté au XVIe siècle (une prise de conscience notamment après s’être jeté dans une rivière dont il ressort avec une anguille – une « ujimaru » entre les mains). Vraiment rien à rajouter à la très bonne critique de Polarbear : une très agréable immersion dans cette époque, avec force détails sur divers sujets (historiques, géographiques, gastronomiques, sociétales, médicinales (je ne connaissais pas les vertus apaisantes du bambou, par exemple), etc. L’une des immenses forces de ce manga, à mon avis, c’est également de subtilement rendre palpables les divers sens mobilisés en cuisine : les recettes de l’anguille, de la soupe de canard ou du canard rôti, de la boulette de riz frit avec de la face ainsi que toutes les autres sont alléchantes. Au-delà de cet aspect, les scènes de batailles sont très réussies, avec une violence bien mise en scène, montrant à notre héros ce qu’est « l’ère Sengoku ». Vraiment très surprenant, efficace et prenant.

    15/01/2023 à 18:44 2

  • La Guérison de Rose Gold

    Stephanie Wrobel

    8/10 Patty Watts sort à peine de prison après y avoir purgé une peine de cinq années pour maltraitance aggravée sur mineur, en l’occurrence son enfant. Sa fille, Rose Gold, l’attend avec son bébé, Adam, dans l’espoir qu’elles puissent se réconcilier. Mais peut-on ainsi réparer tant de dégâts psychologiques ? D’ailleurs, Patty comme Rose Gold se sont toujours mutuellement accusées de mensonges, mais laquelle dit vrai ? Il se pourrait que la libération de la mère soit l’occasion d’un règlement de comptes ainsi que de l’apparition de la vérité.

    Pour son premier roman, Stephanie Wrobel fait fort. Très fort. Bâti sur des chapitres écrits à la première personne alternant les points de vue entre Patty et Rose Gold, ce livre construit patiemment son ambiance, ses personnages ainsi que les interactions entre eux. Rose Gold n’a pas eu une existence facile : prématurée née avec dix semaines d’avance, elle a connu la jaunisse puis la pneumonie avant que son état de santé ne se dégrade. Vomissements, migraines, vertiges, perte des cheveux, intubations, sondes alimentaires, elle était si affaiblie qu’elle a longtemps dû se mouvoir sur un fauteuil roulant. Après avoir éliminé les causes habituelles, le personnel médical s’est rangé à l’idée qu’elle était empoisonnée par sa mère, elle-même ayant vécu une jeunesse chaotique (un père violent, un frère qui s’est pendu), et c’est ce qui a fini par envoyer Patty en prison. Rose Gold, très jeune maman, a retrouvé entre-temps son géniteur qu’elle croyait décédé d’une overdose (un autre mensonge de sa mère), aujourd’hui marié et père d’une famille à laquelle Rose Gold aimerait bien s’intégrer. Stephanie Wrobel excelle dans l’analyse psychologique de ses protagonistes, leur donne une belle profondeur humaine, et sait restituer l’ambiance délétère de la bourgade de Deadwick où les habitants n’ont pas oublié le calvaire qu’a fait vivre Patty à sa fille. Dans le même temps, les apparences ne sont-elles pas trop évidentes ? N’y a-t-il pas des parts d’ombre dans l’authenticité des faits, avérée par le jugement du tribunal ? On s’en doute, certains événements n’ont pas encore été racontés, et c’est au gré de ce livre que l’écrivaine va nous les concéder. Certains lecteurs auront peut-être assez tôt compris le dénouement de cette histoire, mais l’intelligence de l’écriture de Stephanie Wrobel ainsi que quelques rebondissements inattendus lors du final achèvent d’éclairer ce récit, aux allures de sinistre fait divers, d’une lumière bien sombre.

    Un roman très réussi et prenant d’un bout à l’autre. Une belle mélodie noire savamment orchestrée.

    13/01/2023 à 07:07 4

  • La Nuit du hibou

    Hye-Young Pyun

    8/10 Dans un village anonyme, Lee Ha-in, avocat, vient à la recherche de son frère aîné, disparu. La dernière fois que leur mère l’a eu au téléphone, Kyeong-in était en larmes et a prononcé une phrase incompréhensible à propos d’un hibou et d’arbres agressifs. Sur place, Ha-in affronte un mur de silence dans ce patelin qui ne vivote plus que grâce à l’abattage des arbres. C’est à peine s’il parvient à alerter le garde forestier In-su, qui a pris la relève de Kyeong-in à ce poste, que quelque chose ne tourne pas rond. Peu de temps après, Ha-in est mortellement renversé par un véhicule…

    Amateurs de page-turners, passez votre chemin. L’univers de Hye-Young Pyun est à des années-lumière de l’action, de la volonté d’être visuel, et des effets faciles parfois rivés au genre des thrillers. Au gré d’un récit indolent, parfois lent, l’écrivaine nous donne à voir une bourgade lovée sur elle-même, presque en état de somnolence, dont les rares commerçants (libraire, barman et blanchisseur) sont accablés de dettes qu’ils ne pensent même pas être en mesure de rembourser. Dans ce contexte anémié, In-su, le nouveau garde forestier, compose un personnage fort et atypique. Cet ancien alcoolique qui n’a plus touché à la bouteille depuis soixante-treize jours et dont les penchants éthyliques parfois furieux l’avaient poussé à projeter violemment son fils contre le mur, tâche de conserver depuis l’équilibre de son couple et de sa famille en restant loin de la gnôle. Progressivement, il va se rendre compte qu’il n’est qu’un jouet bien naïf entre les mains de trafiquants qui ont vu chez les frères Lee des menaces potentielles et en lui un parfait benêt qui ne leur posera pas le moindre problème. Hye-Young Pyun restitue avec une écriture magnifique de poésie et de lyrisme ces moments décrivant la plénitude autant que les intimidations de la forêt ainsi que les instants de débauche d’In-su ou lorsqu’il lutte contre les appâts de l’alcool. Dans le même temps, l’intrigue passe parfois à l’arrière-plan du récit, devenant presque anecdotique, au point que cela donnera probablement l’impression d’être floué d’une partie de l’intérêt de l’ouvrage. Parallèlement, le style et la plume si originaux de Hye-Young Pyun tranchent avec tant de talent avec ce qui est actuellement proposé en littérature policière qu’il serait dommage de se priver d’un entracte si délicieux.

    Un roman davantage porté sur la méditation que sur l’action et les frissons, qui panache le genre noir et le blanc, et au terme duquel vous n’entendrez jamais plus le hululement d’un hibou de la même manière.

    12/01/2023 à 07:10 3