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Les ignobles du bordelais
8/10 Parce qu'un journaliste vient de se faire tuer avec une batte de base-ball et qu'un vieux copain l'appelle à l'aide, Gabriel Lecouvreur – alias le Poulpe – file vers Bordeaux. Sur sa route vers la justice, il va croiser des journalistes mal intentionnés, des royalistes de tous bords, des agents des Renseignements Généraux en butte avec le céphalopode, et bien d'autres périls.
C'est déjà la deux-cent-soixante-douzième enquête de Gabriel. Le temps passe mais le personnage demeure: le Poulpe est toujours aussi sympathique et continue de régaler le lecteur avec ses investigations menées dans les milieux interlopes d'une humanité tombée bien bas. François Darnaudet-Malvy situe l'intrigue dans une région qu'il connaît bien et maîtrise les rouages d'un suspense très habilement distillé. Les adversaires de Gabriel sont nombreux et retors, et l'histoire se montre plus complexe que prévue. On découvre des politiciens aux desseins écœurants et prêts aux pires coups bas pour parvenir à leur fin : le complot ourdi n'est pas sans évoquer de sinistres réminiscences historiques comme les affaires Dreyfus, Salengro ou Mandel. Si l'action se suit avec plaisir et réserve des rebondissements – dont quelques-uns n'intervenant que dans les ultimes pages –, il faut également noter que la cabale est assez percutante, car bien conçue et dramatiquement crédible. François Darnaudet-Malvy s'est nettement documenté et prouve la plausibilité d’une sombre histoire imaginée par d’infâmes conjurateurs.
Les ignobles du Bordelais est donc une très bonne cuvée du Poulpe, vraisemblable et prenante, laissant transparaître une nation qui n'en a pas fini avec ses vieux démons antisémites.27/08/2011 à 18:47 1
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Le carré des papillons
8/10 Dans les années 1950, un terrible drame secoue le village de Saint-Saulve, situé dans le département du Nord : une fillette est tuée et son corps jeté dans un puits. À l'époque, Jacques Larive, alors enfant, suit la détresse des villageois et leur colère qui les poussera d'ailleurs à lyncher un simple suspect. Il faudra une lettre, une simple lettre, reçue par Larive devenu commissaire de police des décennies plus tard, pour comprendre toute l'histoire.
Après Une bombe sur la Grand-Place, Guy Goutierre signe son second roman policier chez l'éditeur Ravet-Anceau. Ce qui frappe d'entrée de jeu dans ce récit poignant, c'est sa structure : la première moitié décrit au travers des yeux de Jacques Larive la disparition puis la découverte du corps de la victime, la seconde est une missive apportant l'ultime éclairage quant aux tenants et aboutissants de l'affaire. Ce choix narratif est très ingénieux, en plus d'être singulier, et offre de bien belles pages de pure émotion, puisque Jacques Larive offre un témoignage particulièrement poignant. Guy Goutierre a une plume élégante et touchante, permettant de décrire avec une rare humanité une large palette de sentiments. De cette narration à la première personne, on bascule ensuite dans un exposé des faits formulé par un autre personnage. C'est de cet entrelacs de points de vue que jaillira la vérité, à la fois douloureuse et inattendue. À cet égard, peut-être pourra-t-on regretter qu'il était impossible de deviner le cœur de l'histoire et qu'elle soit révélée de cette manière, mais le talent de Guy Goutierre et la construction atypique de l'intrigue compensent sans mal cette faiblesse, bien subjective.
Au final, on passe un très agréable moment grâce à ce roman, riche en rebondissements, et surtout déchirant. Une réussite littéraire qui doit tout autant à son aspect policier qu'à la crédibilité de ses protagonistes.13/08/2011 à 20:13
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La Stratégie des ombres
6/10 Un homme qui tire sur la foule puis se suicide. Un visage ensanglanté découvert dans la forêt. Un mystérieux centre d'expérimentations, peuplé de personnages portant des noms sibyllins. Max Carel, un médecin plutôt couard. Ludovic Le Maoût, un policier amputé d'un pied suite à un accident dont il ne se souvient pas plus que de son enfance. Les routes de Carel et Le Maoût vont se croiser pour plonger vers un secret que certains veulent à tout prix protéger, quitte à sacrifier bien des vies.
Le lecteur plonge rapidement dans l'ambiance trépidante de ce roman, avec un prologue violent et visuel. Puis les chapitres – nombreux et très courts – s'enchaînent à toute allure. Indéniablement, Jean-Paul Le Denmat dispose d'une plume racée et efficace, qui sait parfaitement retranscrire les scènes d'action. Le roman, malgré sa taille assez conséquente, se lit plutôt rapidement, notamment grâce à cette écriture bouillonnante, et l'on bascule d'un mystère à un autre avec des questions en tête, toujours plus nombreuses à mesure que l'on progresse dans le récit. Qui sont ces tueurs surentraînés ? Quel secret dissimulent-ils ? Que cache ce terrible foyer ?
Si le style de Jean-Paul Le Denmat emprunte sans conteste à ceux d'illustres pairs comme Jean-Christophe Grangé ou Olivier Descosse, il ne parvient toutefois pas à atteindre le niveau de ces prédécesseurs, notamment en raison d'un double écueil : complexité excessive et vacuité partielle de l'intrigue. Les protagonistes apparaissent souvent très – voire trop – nombreux, parfois sans nécessité, et le lecteur pourra se perdre dans cette galerie de personnages dont certains vont jusqu'à endosser quatre identités différentes que l'on découvre au fur et à mesure. Parallèlement, alors que la structure du récit et sa forme sont particulièrement détonantes – rythmique des chapitres, scènes d'actions très bien chorégraphiées et style impeccable, on ne pourra que regretter que l'intrigue en elle-même soit finalement assez classique. Elle donne lieu à un complot peu innovant, que n'importe quel lecteur aura déjà pu voir ailleurs, avec des rebondissements qui se laissent parfois aisément deviner alors qu'ils auraient dû être de véritables catalyseurs. Du déjà lu, en somme.
Si le titre du roman est ambitieux et l'élocution de Jean-Paul Le Denmat très réussie, l'intrigue ne convainc pas. Une étincelle d'originalité aurait pu enflammer ce matériau prometteur, mais la détonation n'a jamais lieu. Reste que le livre se laisse lire avec intérêt et permet d'espérer d'autres ouvrages plus réussis, si l'écrivain parvient à se démarquer de ses références littéraires et proposer un scénario plus original.07/08/2011 à 17:57
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Les Doigts rouges
7/10 Un bon petit polar, brodant une intrigue intéressante sur des thèmes habituels de la littérature jeunesse : famille, amitié, enfance, ainsi que fausses apparences. Ça se lit en cinq minutes seulement et ne s'adresse qu'aux plus jeunes lecteurs – la plupart des adultes peuvent donc passer leur chemin – mais ça permet de passer un bon moment en plus de proposer un suspense intéressant à des enfants.
30/07/2011 à 18:56 2
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Aladdin et le crime de la bibliothèque
Corinne Bouchard, Pierre Mezinski
5/10 Une histoire assez simple et des personnages sympathiques, mais je regrette un ensemble un peu convenu et une intrigue au final banale. Une petite déception en ce qui me concerne.
30/07/2011 à 18:55
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Crim' Sur la Côte
8/10 Un homme crucifié tête en bas par les carreaux d'une arbalète en plein Nice. Le Président de la République enlevé. La menace terroriste et la guerre entre les religions planent sur la planète quand un prétendu message audiovisuel du kidnappé envahit les télévisions pour annoncer que l'heure n'est plus aux dissuasions contre l'Iran mais à la riposte. Entre allumés de Dieu, barbouzes, militaires et autres partisans de l'hécatombe, il faudra bien de la patience et du panache à Garri Gasiglia pour empêcher la Terre de virer à l'anchoïade.
Troisième enquête du célèbre détective privé niçois après Crim' sur la Prom' et Crim' sous le tram', ce Crim' sur la Côte ravit d'entrée de jeu le lecteur. On retrouve le style si typique de Bernard Deloupy : des chapitres courts et bien cadencés, des lieux très variés qui se succèdent, et une structure intelligemment agencée. Les divers endroits visités, principalement le sud-est de la France mais aussi le Vatican, Paris et même l'Iran, sont dépeints avec bonheur, et les divers cercles du pouvoir – armée, espionnage, religion – semblent crédibles. La plume de Bernard Deloupy est toujours aussi alerte, gorgée d'humour, et le personnage central qu'est Garri Gasiglia est en soi un petit enchantement littéraire. Délicieusement attiré par la ripaille et les festins qu'offre le terroir, amoureux de la terre méditerranéenne, chantre de l'hédonisme et fiévreux partisan des plaisirs terrestres, il offre un contrepoint harmonieux au sérieux des événements décrits dans le livre. L'ensemble est assez court – à peine plus de deux-cents pages – et se lit rapidement, procurant de bien agréables heures d'une lecture détendante et décomplexée. S'il est bien un point qui retient l'attention tout au long du récit, c'est justement cette apparente contradiction entre la gravité de l'intrigue et son traitement. Des ordres religieux en lutte depuis les Croisades, des services secrets sur les dents, des escouades prêtes à en découdre avec l'ennemi, et un monde sur le point d'être désintégré dans un immense champignon atomique... Et au milieu de tout cela, Garri Gasiglia, trublion sagace, distribuant les coups au même rythme que les formules colorées, désamorçant une situation qui semblait dévolue à un énième James Bond. C'est tout le talent de Bernard Deloupy : parvenir à établir un équilibre entre sérieux et gaillardise, suspense et légèreté, vraisemblance et fantaisie.
Crim' sur la Côte est donc un opus à nouveau réussi de la série consacrée à Garri Gasiglia. Tout en visitant des thèmes sensibles – conflit des cultes et danger nucléaire, Bernard Deloupy réussit le pari fou de livrer un ouvrage qui conjugue avec adresse nervosité et verve. Un véritable plaisir que l'on a hâte de retrouver dans la quatrième enquête du détective niçois, Crim' au Cap.26/07/2011 à 18:44
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Le Secret de l'Abbaye
7/10 Quelques longueurs à mon goût, mais un style inimitable avec pas mal d'humour, et une enquête très divertissante !
22/07/2011 à 14:25
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Il va venir
8/10 Un très bon roman pour la jeunesse, court et prenant. Triple unité – de lieu, de temps et d'action – avec ce qu'il faut de tension pour passer un agréable moment. La plume de Marcus Malte est vive, adaptée à la fois au lectorat visé et aux personnages mis en scène, et l'ensemble se lit avec plaisir. Ce fut mon premier livre de l'auteur, qui plus est issu de sa bibliographie destinée à la jeunesse, et je ne doute pas un seul instant que j'en lirai d'autres de lui dans un avenir proche.
13/07/2011 à 18:42 1
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Je mourrai pas gibier
9/10 Une œuvre dure et cruelle, ou comment un jeune homme bascule dans la folie meurtrière au sein d'un village parce qu'on s'en est pris à un pauvre bougre sans défense. Une écriture au cordeau, sèche et noire, pour une histoire crédible et terriblement humaine. Un livre pour les jeunes, certes, mais pas n'importe lesquels : certaines scènes sont très dures. Un roman ayant reçu le prix Sorcières 2007 à juste raison.
13/07/2011 à 18:41 1
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Au seuil de l'abîme
8/10 Un roman percutant, présentant de nombreuses intrigues dans le même récit. Pour les fans de John Dickson Carr et autres spécialistes de l'ésotérisme, une petite perle méconnue à découvrir d'urgence.
13/07/2011 à 18:39
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Périgord noir
9/10 Un homme hanté par les mauvais traitements infligés par son frère et prêt à se porter au secours d'un garçonnet. Un mari qui retombe étrangement amoureux de son épouse. Un enfant qui vient dire qu'il a été témoin d'un meurtre... et s'adresse en fait au meurtrier. Des histoires sombres et terriblement humaines. Bienvenue dans le Périgord de Louis Sanders.
L'auteur a signé des romans remarquables pour les adultes (par exemple, Passe-temps pour les âmes ignobles) comme pour les jeunes (Monsieur Marval est mort ou Victime Delta). Ici, dans cette collection où des écrivains reconnus ont signé des recueils de nouvelles (Brigitte Aubert, Jean-Paul Nozière, Armand Cabasson ou Colin Thibert pour ne citer qu'eux), c'est au tour de Louis Sanders de relever le défi des histoires courtes destinées à un jeune public. Le romancier s'illustre encore une fois en prenant le Périgord comme décor de ses intrigues. On retrouve donc le cadre géographique qu'il affectionne tant, mais aussi son style : peu de dialogues, des descriptions psychologiques léchées et surtout un sens rare de l'observation. Tous les personnages, des principaux aux secondaires, sont particulièrement bien décrits, crédibles, et le lecteur ne pourra qu'être impressionné par la manière si intime et affectueuse qu'a Louis Sanders de les peindre. Au fil de ces six nouvelles, on explore avec plaisir le genre noir, s'ancrant dans un réalisme placide, en suivant le fil rouge que constituent ces existences en apparence anodines et pourtant riches en enseignements. Il n'y a pas d'effusion de sang, d'action spectaculaire, de sempiternel tueur en série tapi dans l'ombre : tout est plausible, comme chuchoté tel un murmure glacé. L'aspect policier des récits s'épaissit à mesure que l'on progresse dans le recueil, jusqu'à livrer de véritables pépites de noirceur.
Louis Sanders ravit une fois de plus ses lecteurs. Une griffe très personnelle, des destins paisibles qui dissimulent sous leurs contours sereins des fêlures et des malheurs. Une peinture naturaliste de microcosmes humains où le drame n'est jamais loin, embusqué à quelques mots de là.04/07/2011 à 16:06
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Noires sont les ailes de mon ange
8/10 Tim est un jeune évadé de prison. Sa route croise celle de Virginia, une femme aussi magnifique qu'énigmatique. Ils s'éprennent l'un de l'autre et décident de braquer un fourgon blindé. Ce sera pour eux l'étincelle qui embrasera leur union et les conduira aux enfers.
Sur le thème classique et néanmoins porteur de la femme fatale, Elliott Chaze a créé un roman noir particulièrement captivant. L'ensemble est court et certains passages sont également concis, conférant au récit une allure soutenue. L'auteur sait parfaitement décrire les failles et les tourments humains, les plongeant dans des ambiances à la fois crédibles et sombres. Chaque personnage a ses zones d'ombre, son passé équivoque, ses sinistres appétits. L'histoire est très bien imaginée, et le lecteur suit l'inévitable déchéance des deux protagonistes. Sans la moindre scène échevelée, avec une retenue qui sied à la crédibilité de l'histoire, Elliott Chaze a bâti un scénario implacable, aussi obscur que la longue nuit qui guette Tim et Virginia. En fait, Noires sont les ailes de mon ange est un classique, écrit en 1953 et adapté au cinéma par Jean-Pierre Mocky sous le titre « Il gèle en enfer ». Le voir ainsi réédité est l'occasion de découvrir un livre méconnu mais très efficace, qui constitue l'un de ces petits joyaux que l'on ne se lasse pas de mirer.29/06/2011 à 17:15 1
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Les Teutons flingueurs
7/10 Quand il apprend en ouvrant son journal qu'un pensionnat destiné à héberger des orphelins est sur le point d'être fermé dans le Lubéron, balançant ses jeunes locataires dans la rue, le sang de Gabriel Lecouvreur, alias le Poulpe, ne fait qu'un tour. Ce qu'il découvre sur place sera encore plus abominable que prévu : des nervis semblent encore accrochés aux terribles rêves du nazisme.
Cent-quarante-neuvième enquête du Poulpe, Les Teutons Flingueurs est placé sous la plume de Stéphane Geffray. Comme à l'accoutumée, le célèbre céphalopode se retrouve aux prises avec des personnages hideux, et il lui faudra toute sa fougue pour mettre à bas les projets de ses adversaires. Le roman s'ouvre sur la scène du suicide forcé d'un trader, histoire qui réapparaîtra par la suite dans l'intrigue. Le ton est alerte, l'humour bien présent, et il est toujours aussi plaisant de suivre Gabriel dans une nouvelle investigation. Ici, les ennemis sont clairement et rapidement identifiés : les nazis ainsi que leurs avatars contemporains. Pire : ces engeances doublent leur idéologie nauséabonde de pratiques criminelles diverses. On l'aura compris, la subtilité n'est pas la préoccupation première de Stéphane Geffray. Néanmoins, au-delà de ce trait un peu forcé, le lecteur voit Gabriel Lecouvreur se montrer particulièrement ému par l'une des femmes qu'il vient secourir, et bien moins leste que d'habitude. Par ailleurs, il en vient à se poser des questions de possible paternité en voyant s'ébattre ces jeunes orphelins. C'est toute la dynamique de cette série : respecter un cahier des charges tout en offrant à l'auteur du moment la possibilité d'imprimer des inflexions au personnage. Et là, dans ce combat contre la descendance spirituelle d'Adolf Hitler, le Poulpe s'en donne à cœur joie : poursuites, castagnes, explosions, fusillades... L'action ne manque pas, au point de permettre au lecteur d'atteindre une certaine catharsis : il est jouissif de voir Gabriel dessouder du brigand, du tortionnaire, du malfaisant.
Même s'il ne constitue pas l'un des meilleurs opus de la série, Les Teutons flingueurs compose un agréable moment de lecture, sans le moindre complexe, au style visuel indéniable. À noter pour l'anecdote que le titre est un jeu de mots sur un film dialogué par Michel Audiard, comme le sont d'autres épisodes de la série du Poulpe tels Ataxie pour Hazebrouck de Serge Turbé ou Un singe en Isère de Marin Ledun.22/06/2011 à 17:09 1
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Les pendus de la forêt de Mormal
8/10 Un cadavre découvert dans un relais de chasse par un enfant, et c'est tout un univers qui implose. Rancœurs, coupables trop évidents, sanctions judiciaires injustifiées, criminels en fuite... Il faudra au commissaire Lesauvage déployer des trésors de sagacité pour découvrir l'épicentre du drame.
Premier roman de Mylène André, Les pendus de la forêt de Mormal constitue une remarquable entrée de la part de son auteur dans les jardins de la littérature policière. L'intrigue est prenante, et les rebondissements s'enchaînent sur la fin à une vitesse soutenue. Les chapitres courts alternent avec bonheur, offrant de multiples points de vue sur l'enquête, et l'on découvre une intéressante palette de protagonistes. Le commissaire Lesauvage est, à cet égard, un personnage attachant que l'on aimerait recroiser dans d'autres ouvrages de Mylène André : séducteur en diable grâce à un physique irrésistible, grand fumeur de joints, il détonne dans un domaine où beaucoup d'écrivains se plaisent à imaginer des personnages parfaits et lisses jusqu'à l'écœurement. Les lieux sont intelligemment décrits, et la plume de l'auteur rend honneur à la région de son enfance. D'ailleurs, s'il y a bien une qualité, parmi tant d'autres, qui mérite d'être célébrée, c'est la langue de Mylène André. Les dialogues sont assez rares, et ce fait est admirablement compensé par des descriptions géographiques et psychologiques de grande qualité. À chaque paragraphe, le lecteur gourmand de belles lettres découvrira des formules pertinentes, des expressions qui font mouche et des mots touchants.
Les pendus de la forêt de Mormal est donc une réussite indéniable qui doit tout autant à l'histoire qu'au verbe qui la porte. Il n'y a plus qu'à espérer d'autres livres de cette tenue de la part de Mylène André.15/06/2011 à 17:42
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Panique aux urgences
Brigitte Aubert, Gisèle Cavali
7/10 Un roman à l'intrigue simple mais efficace, avec Brigitte Aubert et Gisèle Cavali qui se mettent à la perfection dans la peau d'un adolescent, avec suspense et humour à la clef. Un bon moment de lecture distrayante.
06/06/2011 à 17:38
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Colère du présent
6/10 À Arras, chaque premier mai a lieu un salon qui regroupe tout ce que la région compte d'anarchistes, gauchistes, libertaires, écologistes, etc. Sauf que cette fois-ci, quand les tréteaux commencent à être rangés, des barrières se dressent et la ville devient un fortin imprenable. Il semblerait que les agitateurs veulent en faire une cité libre, autogérée. Mais les autorités ne l'entendent pas de cette oreille et c'est bientôt l'armée qui s'apprête à entrer dans la danse pour briser la rébellion.
Auteur culte de romans policiers engagés, Jean-Bernard Pouy est un écrivain illustre, et l'on retrouve dans cet ouvrage ce qui a fait l'arôme de ses précédents opus : de fortes revendications sociales et politiques, un humour qui ne peut laisser de glace, et une imagination débordante. Le récit est très court, le rythme échevelé, et l'action ne manque pas, notamment grâce à une belle alternance des points de vue. Néanmoins, on a connu Jean-Bernard Pouy plus inspiré ; si la situation de départ est certes originale et alléchante, le déroulement de l'histoire est un peu décevant, et les motivations des séditieux ne sont que survolées. On a parfois l'impression tenace que la concision du roman lui empêche de prendre un éventuel envol lyrique et narratif. Par ailleurs, même si les protagonistes sont croustillants, ils sont un peu convenus et demeurent caricaturaux. En fait, tout dépend de la manière dont on appréhende cette histoire : si l'on veut passer un bon moment et rire des saillies humoristiques du créateur de la série consacrée au Poulpe, le service est assuré. Cependant, si le lecteur s'attendait à une forte charge politique, un ouvrage qui remue les sangs en proposant une véritable offensive contre l'ordre établi, il risque d'être déçu.
En résumé, si Colère du présent est très agréable à lire, il constitue toutefois une petite déception. Ce livre de Jean-Bernard Pouy aurait probablement gagné à être plus profond ou noir. Il est certes amusant et atypique, mais n'atteint pas le niveau de Nous avons brûlé une sainte, Train perdu wagon mort ou Les compagnons du veau d'or.06/06/2011 à 17:38 1
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Le chat de Tigali
6/10 Un roman idéal pour les très jeunes lecteurs, joliment écrit et avec une très forte résonance symbolique. Néanmoins, pour les lecteurs plus âgés, ça ne se lit qu'en un petit quart d'heure à tout casser, et risque d'être bien moins approprié.
02/06/2011 à 08:19
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La dernière danse des Maoris
7/10 Une bien jolie enquête, morale et intelligemment bâtie, qui enchantera les jeunes. Pour les plus âgés, cela peut constituer un agréable divertissement, dans lequel on ne retrouve cependant pas la patte si noire de Caryl Férey.
02/06/2011 à 08:18
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Le Seigneur sans visage
7/10 Un polar bien mené, à l'intrigue judicieusement posée en plein Moyen Âge, et à l'écriture fine et intelligente. Certes, l'ensemble se destine davantage à de jeunes lecteurs, mais certaines descriptions ainsi qu'un épilogue assez cruel permettent, selon moi, de s'adresser à un lectorat plus « adulte ».
02/06/2011 à 08:17 1
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Le Jardin du Bossu
9/10 Dans un village anonyme, le narrateur croise dans un bistrot un homme qui fait étalage de son argent. Aussitôt, sa décision est prise : il va suivre l'imprudent jusque chez lui et le délester d'une partie de son butin. Oui, mais voilà, le plan était trop beau pour se réaliser aussi facilement : le chasseur devient la proie. Pire : le narrateur est séquestré dans la maison de sa cible. Et c'est le début d'un longue détention...
Dès les premières pages, le style de Franz Bartelt éclate : ce sera vif, loquace et verbalement endiablé. L'auteur traduit en une langue épicée et imagée les pensées, impressions et descriptions du protagoniste, véritable phénomène humain. Poète à ses heures perdues quand l'éthylisme l'enhardit, tenaillé par Karine, sa compagne, qui est bien vénale, il observe ses congénères, les détaille, les juge, et ne perd jamais une occasion de jouer de sa verve. La rencontre avec cet homme visiblement fortuné – Jacques – semble être ce clin d'œil du destin qu'il attendait tant. Mais puisque les contes de fées n'existent pas, la situation va très vite lui échapper et le rêve se révèlera vite contrefait. Le récit est assez court – environ deux-cent-vingt pages – et les nombreuses digressions du locuteur laissaient présager des temps morts, voire des instants d'ennui. Il n'en est rien. Franz Bartelt a un incroyable talent de conteur, avec une langue à la fois lyrique et paillarde, qui n'est pas sans rappeler celle de Michel Audiard ou de Frédéric Dard. Les réflexions hilarantes foisonnent, les aphorismes regorgent, et les multiples parenthèses ouvertes sont autant de francs éclats de rire. On se prend vite de sympathie pour le narrateur, cocasse dans ses répliques et pensées, antihéros au possible, qui se débat au beau milieu de circonstances franchement farfelues.
Et puisqu'il s'agit d'un polar, il y a l'intrigue. Certaines scènes, inattendues, insufflent un vent de folie et de fraîcheur dans ce huis clos où l'ultime rebondissement, détonant, achève de parfaire ce roman singulier.
Quelque part entre La bête et la belle de Thierry Jonquet et Mainmorte de Michel Steiner, c'est jubilatoire et attrayant, atypique et désaltérant. Maintes formules de Franz Bartelt restent à l'esprit une fois le livre terminé. Frôlant parfois la parodie sans jamais tomber dans le facile ou le grotesque, voilà le récit d'une captivante captivité.02/06/2011 à 08:16